M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de dix minutes à un porte-parole par groupe, de trois minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe et de dix minutes pour chaque président de commission.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette non-discussion budgétaire décidée par la majorité sénatoriale est paradoxale, mais non surprenante.

Bien entendu, nous acceptons le principe de l’utilisation de moyens de procédure – en l’occurrence, celui de la motion tendant à opposer la question préalable – pour étayer un positionnement politique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et vous savez de quoi vous parlez !

Mme Éliane Assassi. Mais combien de fois, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, nous avez-vous rétorqué, lorsque nous étions les auteurs de telles motions, qu’il fallait laisser vivre le débat, ne pas nuire au Sénat ou encore ouvrir le débat à l’ensemble des parlementaires en séance publique et non aux seuls membres des commissions concernées afin de donner tout son sens au bicamérisme, auquel vous vous dites très attachés ?

Votre attitude fut pourtant plus conciliante lors de l’examen de textes aussi importants que les projets de loi Macron ou El Khomri. Là, point de motion de procédure sur des projets de loi pourtant rejetés par une majorité de nos concitoyens ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)

Pourquoi ce raidissement soudain ? Ce budget serait-il si différent des autres ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui !

Mme Éliane Assassi. Marque-t-il une rupture ? Certainement pas.

En dehors de la création du prélèvement à la source, ce budget est dans l’exact prolongement de ceux qui ont été élaborés depuis 2012 : dogme de la réduction des dépenses, maintien et progression du CICE, réduction de l’impôt sur les sociétés ne peuvent être occultés par la réduction de l’impôt d’une partie de la classe moyenne, matraquée durant les premières années du quinquennat, alors que les plus riches échappent toujours, par moult détours, à une imposition justement proportionnée.

L’un des arguments avancés pour justifier ce rejet serait la certitude de pouvoir tout réécrire dans le cadre d’une loi de finances rectificatives en juillet 2017. Il me semble pour le moins osé de justifier le recours à une motion par une hypothèse que seul le suffrage universel peut valider.

Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, la vérité est sans doute ailleurs, en l’occurrence du côté des primaires de la droite et du centre. Nous y voyons la volonté manifeste de masquer vos débats internes.

Je le dis d’emblée, nous réprouvons cette démarche, en raison non pas de l’utilisation d’une procédure à la disposition de tout parlementaire, mais de l’absence totale de motivation cohérente, crédible, à l’appui du recours à cette procédure.

Nous désapprouvons une posture politicienne qui permet d’éluder une absence de désaccord frontal avec les choix budgétaires du président Hollande et de ses gouvernements depuis 2012.

En effet, ce projet de loi de finances, le dernier du quinquennat, conclut cinq années d’un changement qui n’a pas eu lieu – ou plutôt qui a eu lieu, mais certainement pas dans le sens voulu par les électeurs du 6 mai 2012…

Mme Éliane Assassi. La ratification du traité budgétaire « Merkel-Sarkozy » par un président qui avait pourtant promis de le renégocier a, dès le départ, étouffé les espoirs.

Avec les nouvelles règles ainsi instaurées, c’est la Commission européenne qui valide en amont les choix budgétaires de la France. Cette année, comme les précédentes, elle ne s’est pas opposée au projet soumis à ce contrôle antidémocratique. Mieux encore, elle n’a même pas sourcillé.

Il est assez intéressant de constater que la majorité sénatoriale dépose une question préalable sur un projet validé par la très libérale Commission européenne. Nous sommes donc bien dans une posture, qui masque mal les accords de fond avec l’orientation générale.

Examinons ensemble quelques chiffres pour comprendre la mansuétude de l’institution présidée par M. Juncker.

Le produit de l’impôt sur le revenu a bondi de 59,5 milliards d’euros à 73,4 milliards d’euros entre 2012 et 2015. Chacun sait que les plus riches – ces 500 familles qui ont vu leur patrimoine augmenter de 25 % en cinq ans – n’ont souffert qu’à la marge de cette augmentation qui a visé, en premier lieu, les classes moyennes.

En parallèle, le produit de l’impôt sur les sociétés s’est réduit, au cours de la même période, de 40,8 milliards d’euros à 29,4 milliards d’euros.

Autre comparaison, la TVA, impôt injuste par nature en ce qu’il frappe tout le monde aveuglément, a grimpé de 133,4 milliards d’euros à 149,4 milliards d’euros. Le consommateur pauvre doit payer l’addition de ces budgets d’austérité.

L’évolution du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, qui a symbolisé le tournant libéral du quinquennat, doit être rapportée à cette augmentation de la TVA.

Ce crédit d’impôt, accordé sans aucune obligation d’investissement ou d’embauche, a coûté 60 milliards d’euros au budget de la Nation depuis sa création, et 17 milliards d’euros rien que dans ce projet de loi de finances pour 2017.

Les milliards concédés au MEDEF, sans créations d’emplois, ont trop souvent concouru à enrichir toujours plus les actionnaires des grands groupes. Carrefour, par exemple, a empoché 146 milliards d’euros en 2014, alors que, depuis 2012, les dividendes ont augmenté de 25 %. Auchan recevait 88 millions d’euros alors qu’était augmenté de 12,5 % le salaire de ses dirigeants en 2015.

Est-il normal enfin que La Poste, numéro un du CICE, ait reçu 341 millions d’euros à ce titre en 2015, alors que 6 284 emplois y étaient supprimés la même année et que de nombreux bureaux de poste fermaient, précipitant la désertification des zones rurales et la disparition, dans certaines zones urbaines, des services publics ?

Ainsi 17 milliards d’euros sont-ils consacrés au CICE dans ce projet de budget. Ce n’est pas rien au regard des budgets de la justice, dotée de 6,9 milliards d’euros, ou de l’agriculture, gratifiée de 3,1 milliards d’euros, alors que tout devrait être fait pour aider à l’installation de jeunes agriculteurs.

Comment s’étonner que MM. Juppé et Fillon surenchérissent, ce dernier proposant même d’ajouter 40 milliards d’euros au pactole du CICE existant ? La gourmandise est un vilain défaut, et le patronat n’a jamais su réfréner son appétit en matière de cadeaux fiscaux.

Monsieur le secrétaire d’État, vous annoncez comme une bonne nouvelle la baisse de plus d’un milliard d’euros de l’impôt sur le revenu de contribuables relativement modestes. À cet égard, il convient de rappeler l’explosion des impôts locaux. Selon vos propres chiffres, les produits de la taxe d’habitation et de la taxe foncière ont respectivement progressé entre 2011 et 2015 à une moyenne annuelle de 8 % et de 7 %.

L’évolution de l’impôt en général pose une question grave. L’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est-il encore pleinement respecté dans notre pays ? Permettez-moi d’en rappeler les termes : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Ce principe fondateur de la proportionnalité de l’impôt, principe pleinement reconnu aujourd’hui, toujours et encore, par le Conseil constitutionnel, est de toute évidence profondément remis en cause par la croissance de la TVA et l’inflation de l’impôt local, qui, rappelons-le, hormis certains allégements et réductions, n’est pas progressif.

Monsieur le secrétaire d’État, doit-on considérer que l’article XIII de la Déclaration de 1789 est devenu caduc, sous la pression, en particulier, du dogme de la réduction de la dépense publique ?

Si l’on s’appuie sur les études soulignant un déplacement net de la fiscalité des entreprises vers celle des ménages, on peut considérer que la grande réforme fiscale empreinte de justice annoncée en 2012 n’est vraiment plus de mise.

Ce budget est donc encore un budget d’austérité. Il presse le contribuable, abîme le service public et n’organise pas l’investissement public nécessaire à la relance économique et à la lutte contre le chômage. L’investissement public est ainsi passé de 86 milliards d’euros à 67 milliards d’euros de 2012 à aujourd’hui.

Ce dogme austéritaire, contraire à l’idée de relance, a marqué le quinquennat qui s’achève. Un boulevard a été ouvert à ceux qui souhaitent mettre un terme à ce qui subsiste de notre modèle social français.

En abattant les digues de la résistance sociale, on crée la possibilité d’un retour au pouvoir d’une droite qui espère revenir définitivement sur plus d’un siècle de progrès social, à l’image de M. Fillon, lequel envisage sereinement d’« exploser » la limitation de la durée du travail.

Le projet porté par la droite, qu’elle ne veut pas présenter aujourd’hui,…

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas l’objet !

Mme Éliane Assassi. … est un projet dévastateur sur le plan social, un projet de casse massive du service public. Quand vous annoncez, avec vos candidats, chers collègues de la majorité sénatoriale, 250 000 ou 500 000 suppressions de postes de fonctionnaires, pensez-vous un seul instant aux familles, aux femmes, aux hommes, pour qui ces services publics sont les derniers remparts contre la violence sociale qui sévit dans notre pays ?

M. Vincent Delahaye. Nous pensons d’abord à ceux qui sont au chômage !

Mme Éliane Assassi. En quoi supprimer des postes d’infirmières, de policiers et d’enseignants constituerait-il un progrès pour la France ?

Cette vieille rengaine d’une dépense publique inutile, chère à Margaret Thatcher au Royaume-Uni, a produit le désastre social que l’on connaît dans les banlieues anglaises sinistrées. Je ne peux qu’encourager MM. Fillon et Juppé à se rendre au cinéma, comme je l’ai fait, pour voir le dernier film de Ken Loach. Peut-être en sortiront-ils quelque peu ébranlés dans leurs certitudes ultralibérales !

Pour nous, la France de l’avenir, ce n’est pas l’Angleterre des années 1980, avec ses charges à cheval contre les mineurs. La France de l’avenir, c’est celle de la solidarité, celle du partage des richesses, de la mobilisation générale pour l’emploi, source de reconstruction, de la mobilisation générale en faveur de l’éducation pour tous, de la mobilisation générale pour l’accès aux soins de l’ensemble de nos compatriotes, de la mobilisation générale pour un logement digne pour chacun, de la mobilisation générale, enfin, pour le droit à vieillir dignement.

Nous regrettons que François Hollande et ses gouvernements n’aient pas œuvré en faveur de ces mobilisations, choisissant l’abandon face à un ennemi pourtant dénoncé, à savoir la finance, alors que les moyens existaient pour agir, comme nous le prouvons par nos propositions.

Mais nous sommes inquiets de la brutalité affichée par une droite à l’affût. Nous aurions rejeté sans ambiguïté ce budget de renoncement, mais nous voterons contre la question préalable, qui porte en elle une revanche libérale que nous refusons et combattrons de toutes nos forces. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’examinerons peut-être pas le projet de loi de finances cette année. Je tiens à le dire d’emblée, au nom de tous les membres du groupe du RDSE, c’est un grand regret ! Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, mérite un débat complet et transparent sur ce grand rendez-vous budgétaire annuel, où sont inscrites d’importantes mesures de politique économique et fiscale. Surtout, nous avons, en tant que parlementaires, des propositions à faire et des amendements à défendre.

Le projet de loi de finances pour 2017 est donc le dernier de cette législature et de ce quinquennat. C’est l’occasion d’ébaucher un bilan équilibré, sans complaisance, mais sans critique excessive, des politiques menées et de l’évolution des comptes publics.

Entre 2012 et 2017, les déficits se sont incontestablement réduits. C’est particulièrement visible pour les comptes sociaux, qui sont quasiment revenus à l’équilibre, nous l’avons vu ces derniers jours en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. La branche retraite du régime général est même légèrement excédentaire, ce qui constitue une nouveauté que nous attendions depuis longtemps. Espérons que cela durera !

Le déficit de l’État a également baissé. En 2012, il représentait 4,8 % du PIB. En 2016, il devrait s’établir à 3,3 % et repasser l’an prochain sous le seuil fatidique des 3 %. Toutefois, de nombreuses incertitudes, aussi bien politiques qu’économiques, pèsent aujourd’hui sur ce chiffre. Les prévisions de croissance sont d’ores et déjà revues à la baisse aussi bien par la Commission européenne et le FMI que par l’OCDE, du fait notamment des conséquences incertaines du Brexit et de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Des taux d’intérêt bas ont contribué de façon cruciale à réduire le déficit. Toutefois, cette situation, dont la France a beaucoup profité, pourrait se modifier l’an prochain. Rien n’indique que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, bénéficiera de conditions d’emprunt aussi favorables.

Face à de si grandes incertitudes, quelles sont les propositions du Gouvernement et, surtout, quelles sont les conséquences concrètes pour nos concitoyens et nos territoires ?

Le Gouvernement a décidé de poursuivre la réduction de l’impôt sur le revenu pour les revenus moyens : une personne seule au revenu inférieur à 20 500 euros par an bénéficiera ainsi d’une réduction de 20 %. Dont acte. La démarche vise à alléger la facture pour une partie des classes moyennes. Malheureusement, elle contribue aussi à réduire toujours plus l’assiette de cet impôt.

Un impôt citoyen et juste doit être supporté par le plus grand nombre, même de façon symbolique. Tel est le sens de l’amendement « Joseph Caillaux » (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) que nous avons déposé à l’article 2, comme chaque année depuis la suppression de la tranche à 5,5 %. Si nous faisons ainsi référence au père de l’impôt sur le revenu progressif, homme politique radical, c’est parce que cet amendement renvoie tout simplement au principe de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, cité tout à l’heure par Éliane Assassi, selon lequel, « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Je salue bien évidemment les mesures de solidarité à l’égard des ayants droit des membres des forces de l’ordre décédés en mission et des victimes du terrorisme. Tout ce qui peut être fait pour soulager la douleur des familles et des proches des victimes doit être soutenu sans condition, au moment où nous apprenons que de nouveaux attentats ont été déjoués et que le danger reste constant.

La réduction par étapes du taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés à partir de l’an prochain jusqu’en 2020 est un facteur d’attractivité du territoire national. Elle n’aura pas d’impact sur l’application du taux réduit de 15 % pour les TPE-PME ; c’est un gage de stabilité.

Parallèlement, la France doit poursuivre ses efforts en faveur d’une harmonisation vertueuse des politiques fiscales dans l’Union européenne et lutter davantage contre le dumping fiscal.

Je souhaite vous faire part de notre inquiétude concernant l’aménagement du régime d’imposition des élus locaux, qui figure à l’article 5 du projet de loi. La mise en œuvre de la réforme du prélèvement à la source entraînera la refonte du régime d’imposition des indemnités des élus locaux – il fonctionne depuis longtemps déjà sur le principe d’une retenue à la source –, qui serait intégré au sein du nouveau régime général, dont l’application débuterait en 2018. Mais la réforme n’est pas neutre fiscalement, car elle accroîtra le prélèvement pour certains élus. Une réforme technique comme celle-ci ne doit pas être utilisée pour dissimuler un durcissement fiscal. Sur ce point, nous souhaitons vous entendre, monsieur le secrétaire d’État.

Concernant l’évolution des dotations aux collectivités locales en 2017, nous pouvons faire deux constats.

Premièrement, pour le bloc communal, le résultat est moins mauvais qu’attendu, avec une moindre baisse de la DGF, promise par le Président de la République, le 2 juin dernier, lors du congrès des maires.

Deuxièmement, les grands perdants de ces arbitrages sont les régions et les départements. Leur contribution au redressement des finances publiques reste inchangée, alors que leur situation s’est considérablement aggravée. Je pense notamment à la baisse des dotations aux départements et à l’ampleur croissante de leur reste à charge du fait de dépenses de solidarité, qui renforce leurs difficultés.

Si nous n’examinons pas la première partie du projet de loi de finances, nous ne discuterons pas non plus de la deuxième partie, relative aux mesures fiscales non rattachées et aux crédits des missions. Cela signifie très précisément que nous ne pourrons nous prononcer ni sur l’instauration du prélèvement à la source, ni sur la réforme de la propagande électorale, ni sur la répartition des différentes dotations aux collectivités, autant de sujets majeurs qui mériteraient pourtant d’être examinés en détail.

Dans ce contexte législatif contraint, notre groupe, s’il approuve les grandes orientations budgétaires du projet de loi de finances, émet de nombreuses réserves sur le détail de son contenu. La trajectoire de redressement des finances publiques définie dans la loi de programmation pluriannuelle, révisée lors de la présentation du programme de stabilité, reste globalement acceptable, même si elle manque manifestement d’ambition.

Il est essentiel de prendre davantage en compte les préoccupations des territoires, en particulier des territoires ruraux. Des mesures fiscales volontaristes en faveur de l’activité agricole et des réseaux des chambres d’agriculture, des infrastructures de transport – nous avons évoqué le réseau ferroviaire hier dans cet hémicycle –, de la communication par téléphone mobile et par internet et des services aux personnes sont indispensables.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes particulièrement attentifs à la préservation du tissu d’entreprises locales, qui sont vitales pour l’activité économique dans nos territoires ruraux.

La crise agricole est particulièrement aiguë – nous en avons également parlé hier. Si les tensions sont un peu retombées à la suite des mesures d’urgence prises par le Gouvernement, la situation demeure préoccupante. Les causes, certes, viennent de plus loin ; les solutions ne dépendent pas seulement de la volonté du Gouvernement. Cette volonté est bien réelle, mais la concurrence joue à l’échelle européenne. J’en profite pour appeler de mes vœux l’adoption définitive, dans les plus brefs délais, des dispositions de la loi Sapin II relatives à l’agriculture, car la vie économique de nombre d’agriculteurs, éleveurs et producteurs de lait en dépend.

Le soutien à l’investissement local est un enjeu majeur. La précédente loi de finances avait créé un fonds de soutien d’un milliard d’euros, dont nous devons d’ores et déjà tirer un premier bilan. L’article 60 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de le renforcer, en majorant de 200 millions d’euros la dotation d’équipement des territoires ruraux. Les 600 millions d’euros attribués au titre de la dotation de soutien à l’investissement doivent contribuer à la réalisation de projets de rénovation thermique, de transition énergétique, de développement des énergies renouvelables, de mise aux normes et de développement de l’accessibilité des infrastructures. Enfin, les 600 millions d’euros destinés aux projets de territoire doivent donner davantage de moyens aux communes et intercommunalités situées en zone rurale.

En conclusion, je redis notre profond regret de ne pouvoir examiner ce projet de loi de finances. L’an dernier, les débats avaient été particulièrement riches et animés ; je pense notamment à la discussion sur la réforme des dotations du bloc communal. La majorité de la Haute Assemblée avait présenté un budget alternatif. Si nous n’avions pas approuvé l’ensemble du texte, nous avions, du moins je l’espère, apporté une contribution positive et fait adopter quelques amendements.

Nous laissons ainsi passer l’occasion d’examiner précisément et de façon constructive la fiscalité et l’économie. Gageons que les questions budgétaires reviendront bientôt à l’ordre du jour avec le projet de loi de finances rectificative.

Après cette intervention générale au sein de cette première discussion générale, plusieurs de mes collègues du RDSE s’exprimeront mardi prochain, au cours du deuxième épisode, sur différents sujets, notamment plusieurs missions de ce projet de loi de finances, avant que M. Mézard n’explique notre vote sur la question préalable souhaitée et déposée par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Daniel Raoul applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe UDI-UC.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez présenté à l’instant un bilan enjolivé du quinquennat, sur le plan financier comme sur le plan budgétaire.

Pour le groupe UDI-UC, ce quinquennat est celui des promesses non tenues. D’abord, le candidat Hollande avait promis un retour à l’équilibre budgétaire en cinq ans. Vous nous présentez aujourd’hui un texte qui fait apparaître un déficit de 70 milliards d’euros, alors que le déficit moyen du quinquennat aura été de 72 milliards d’euros. Le retour à l’équilibre budgétaire paraît donc très lointain !

Ensuite, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait affirmé que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par la hausse des impôts. Vous le savez, c’est tout à fait faux. Aujourd’hui, l’augmentation de l’impôt sur le revenu par rapport à 2012 est de 14 milliards d’euros, alors que le nombre de contribuables a baissé. Par conséquent, les classes moyennes et supérieures payent beaucoup plus qu’en 2012.

En outre, on nous avait promis un grand soir fiscal. MM. Ayrault et Valls avaient repris ce créneau. On n’a rien vu venir, excepté du bricolage et de l’improvisation fiscale, avec 103 hausses et créations de taxes. On a assisté à une inflation fiscale, sans véritable réforme.

Par ailleurs, en 2014, MM. Hollande et Valls avaient annoncé 50 milliards d’euros d’économies. Au fur et à mesure des lois de finances, on a constaté que ces économies, surtout celles qui concernaient l’État, étaient constamment reportées. Cette perspective a donc été abandonnée, comme nous nous y attendions.

Malheureusement, nous avons besoin de réaliser des économies sur les dépenses. Depuis le début, nous avons un désaccord de fond. Vous ne m’écoutez pas, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si, je vous écoute !

M. Vincent Delahaye. Vous avez toujours prôné la maîtrise des dépenses. Pour notre part, nous sommes partisans de leur réduction, indispensable pour revenir à l’équilibre budgétaire. Celle-ci ne pourra se faire qu’avec une réforme de fond, qui n’a pas été mise en œuvre au cours de ce quinquennat.

Pis, vous prônez la maîtrise des dépenses, mais vous ne l’appliquez pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les dépenses de l’État ont baissé en valeur !

M. Vincent Delahaye. Maîtriser les dépenses, c’est faire en sorte que les dépenses de l’État évoluent au même rythme que l’inflation. Or elles ont augmenté deux fois plus !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elles ont baissé en valeur !

M. Vincent Delahaye. J’ai fait le calcul, si ces dépenses avaient évolué au même rythme que l’inflation, le déficit se trouverait allégé de 35 milliards d’euros, c’est-à-dire qu’il serait moitié moindre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les dépenses ont baissé en valeur ! Qu’est-ce que vous racontez ?

M. Vincent Delahaye. Pour 2017, vous ouvrez en grand le robinet : les cadeaux électoraux, qui représentent au total 10 milliards d’euros, bénéficient à tout le monde, notamment aux fonctionnaires, qui récupèrent 4 milliards d’euros, aux jeunes, aux indépendants, aux agriculteurs et aux intermittents. Vous me répondrez que c’est de bonne guerre. Soit, il s’agit d’une situation classique. Je le fais simplement remarquer, plus les caisses sont vides et plus on distribue ! Vous faites des cadeaux électoraux à crédit, d’une ampleur sans précédent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le rapporteur général a évoqué des sous-budgétisations. Certaines sont récurrentes, notamment pour ce qui concerne les opérations extérieures, les contrats aidés et l’hébergement d’urgence. Elles ont été chiffrées entre 1,5 milliard d’euros et 2,5 milliards d’euros par la commission des finances.

Ce budget présente également des artifices comptables : un certain nombre de dépenses, décidées en 2017, ne feront sentir leur plein effet sur les comptes qu’en 2018. Cet effet a été chiffré à 10 milliards d’euros. Il s’agit notamment du programme d’investissements d’avenir et du crédit d’impôt pour la transition énergétique. Je ne citerai pas toutes les mesures concernées, M. le rapporteur général en ayant dressé la liste.

Si j’additionne ces 10 milliards d’euros aux sous-débudgétisations, je constate que les dépenses sont sous-évaluées de 11 milliards d’euros à 13 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Arrêtez !

M. Vincent Delahaye. Quant aux collectivités territoriales, on leur demande de poursuivre l’énorme effort qu’elles ont déjà commencé à mettre en œuvre et qui devait représenter un total de 28 milliards d’euros, que vous avez finalement réduits d’un milliard d’euros, portant ainsi l’effort global à 27 milliards d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas vrai ! C’est bourré de mensonges !

M. Éric Doligé. Laissez parler l’orateur !

M. Vincent Delahaye. Je vous demande de ne pas m’interrompre, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye et à lui seul ! Vous pourrez répondre le moment venu, monsieur le secrétaire d’État.