Mme Laurence Cohen. Plus d’ONDAM, donc !

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Georges Patient. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie nos collègues du groupe CRC d’avoir proposé ce débat bienvenu. Il me permet en effet de vous alerter sur l’état très alarmant du secteur de la santé en Guyane et sur l’extrême tension qui existe au sein de ses établissements hospitaliers.

Sans exagération aucune, je puis dire que le service public hospitalier de Guyane est un grand corps malade, voire agonisant, qu’il est urgent de réanimer.

Madame la secrétaire d’État, je ne vous apprends rien. Mme la ministre de la santé s’est en effet rendue l’année dernière en Guyane, où elle a pu constater sur place l’ampleur du problème et a pris quelques dispositions en urgence : elle a fait venir des inspecteurs de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, pour faire le point sur les dysfonctionnements des hôpitaux publics, et a débloqué des fonds pour répondre aux besoins estimés les plus urgents de ces établissements.

Ces fonds étaient néanmoins nettement insuffisants au regard de l’ampleur des besoins. Les hôpitaux de Guyane sont en effet tous dans une logique de rattrapage structurel.

Le centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne, qui est l’hôpital principal de la Guyane, assure la prise en charge de patients non seulement à Cayenne, mais aussi dans les centres délocalisés de prévention et de soins situés sur plusieurs communes : environ 150 000 habitants, soit 60 % de la population. Il présente un déficit structurel de 40,5 millions d’euros et accuse plus de 25 millions d’euros de retards de paiements à ses fournisseurs, lesquels sont de plus en plus réticents à assurer les livraisons.

Pour qu’il puisse assurer ses missions, un triple rattrapage est nécessaire : un rattrapage sous forme de réajustement du financement des missions d’intérêt général ; un rattrapage des insuffisances de financement de ces trois dernières années ; la poursuite de sa politique d’investissements de remise à niveau pour garantir la sécurité des personnes et des bâtiments.

Le centre hospitalier de l’Ouest guyanais, à Saint-Laurent-du-Maroni, est l’unique structure de prise en charge sanitaire sur un territoire de plus de 50 000 kilomètres carrés, qui représente 60 % du territoire guyanais. Il couvre un bassin de santé de plus de 100 000 habitants, si l’on comptabilise le nombre d’étrangers en situation illégale venant du Suriname.

Comme le centre hospitalier Andrée-Rosemon, il est déficitaire. Il manque à ce jour 49 millions d’euros pour financer le nouvel hôpital, dont le coût est estimé à 147 millions. Il accuse un retard structurel pour 2016 de moins 10 millions, soit l’équivalent de 15 % de ses recettes. Cet établissement a lancé un plan de retour à l’équilibre qui devrait permettre d’améliorer le résultat de 5 millions d’euros entre 2017 et 2020.

Le centre médico-chirurgical de Kourou fait face aux mêmes problèmes : une situation financière très tendue, avec un déficit chronique ; une offre de soins de santé défaillante ; des problèmes de gouvernance et de ressources humaines.

Madame la secrétaire d’État, vous connaissez le diagnostic, puisque vous avez reçu le rapport de mission des inspecteurs de l’IGAS, un document que j’ai demandé à l’agence régionale de santé, mais que je n’ai jamais pu obtenir, à l’instar de bon nombre de professionnels de santé. Il faut croire qu’il s’agit du secret le mieux gardé du ministère, car il est également introuvable sur le site de l’IGAS.

Pourquoi tant de silence autour de ce rapport ? Pourquoi si peu d’empressement de la part de votre ministère pour répondre aux demandes des professionnels du secteur de santé ?

Je fais référence à leur courrier du 7 décembre 2016, qui met l’accent sur la demande récurrente de révision de la tarification à l’activité, la fameuse T2A. Cette révision, demandée unanimement, est nécessaire et légitime pour être en phase avec la réalité des surcoûts locaux induits, entre autres, par la taille de notre territoire, la faiblesse des infrastructures, l’isolement, la précarité et la morbidité de la population prise en charge.

Que faut-il faire pour être entendus puisque même les graves accidents récents qui y sont survenus ne semblent pas changer la donne ?

Je rappelle, car cela a été passé sous silence, que cinq bébés grands prématurés sont décédés des suites d’une infection nosocomiale en l’espace de deux mois, entre la fin juillet et la fin août 2016, dans le service de réanimation néonatale du centre hospitalier de Cayenne. Un mois auparavant, un patient brûlait vif dans sa chambre d’EHPAD. L’hôpital de Cayenne a même été qualifié de « mouroir » après ces événements tragiques.

Les hôpitaux de Guyane sont indignes d’un pays moderne. Pourtant, les enjeux sont de taille, puisque la Guyane est confrontée à la forte prévalence de maladies infectieuses et parasitaires – paludisme, tuberculose, VIH, etc. – et de maladies chroniques – obésité, diabète, hypertension artérielle, accidents vasculaires cérébraux. Devons-nous faire appel à Médecins sans frontières pour intervenir afin de pallier les défaillances de notre système de santé ?

Madame la secrétaire d’État, il serait bon que vous annonciez les mesures attendues avant les premières assises de la santé en Guyane, organisées par l’ARS, qui se tiendront le 19 janvier prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Milon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français l’ont rappelé au travers de divers sondages récents, ils restent attachés à l’hôpital public, mais partagent avec les personnels hospitaliers le sentiment de fragilité de nos hôpitaux.

Fragilisées par un hypercentralisme de la gestion de la santé, les communautés hospitalières subissent, sur le terrain, des politiques publiques descendantes et bureaucratiques, sans véritable marge de manœuvre et d’adaptabilité régionale pour les acteurs de santé.

La création des ARS, voulue par les hospitaliers, déçoit par leur déploiement effectif. Au lieu de remplir le rôle de planificateur et de régulateur de l’offre de soins, l’État les incite à intervenir dans un rôle de tutelle bureaucratique, dans trop de compartiments de la gestion hospitalière.

La double tutelle nationale, du ministère des affaires sociales et de la santé et de la CNAM, est une source de complexification sur le terrain, et l’assurance maladie a tendance à vouloir s’immiscer toujours plus dans la gestion hospitalière.

Les agences régionales de santé demandent des plans de suppression d’effectifs, sans pour autant s’engager suffisamment dans des réformes courageuses d’évolution de l’organisation de l’offre de soins. Or rien n’est pire qu’une politique alourdissant les charges des établissements, souvent pour acheter la paix sociale, au détriment des réformes structurelles, le tout en prônant la poursuite des efforts d’efficience.

Il est indispensable que les réorganisations structurelles ne soient pas imposées, mais pensées par les équipes médico-soignantes sur le terrain, dans le respect du dialogue social et dans un esprit de coconstruction. Plusieurs mesures sont, à mon sens, prioritaires.

Il faut, premièrement, rendre attractifs les métiers hospitaliers. L’hôpital doit se donner les moyens d’être attrayant. Cela signifie améliorer les conditions de travail des jeunes médecins, donner de la visibilité sur leur carrière, avec la création de véritables parcours professionnels évolutifs, et revaloriser leur rémunération en début de carrière.

Le dialogue social mené aujourd’hui dans les établissements souffre, à la fois, d’un excès de formalisme et d’un manque d’autonomie qui ne permet pas d’adapter des décisions prises au niveau national à l’échelle locale ou d’innover.

Il convient d’ouvrir de nouveaux espaces d’autonomie pour le dialogue social au niveau territorial et au niveau des établissements, afin d’aborder les thématiques prioritaires pour l’avenir de métiers en évolution significative dans le cadre de la nouvelle territorialité et de la révolution numérique. Les prises en charge spécifiques auxquelles répondent seuls les hôpitaux publics doivent être reconnues et justement financées : urgences, personnes en perte d’autonomie ou de handicap, santé mentale, précarité.

Il faut, deuxièmement, faire évoluer le mode de financement de l’hôpital. Dans le cadre du rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, voté, je le rappelle, à l’unanimité, j’avais formulé, avec Jacky Le Menn, des propositions en ce sens.

La T2A, avec ses imperfections, a permis une structuration de la politique hospitalière. Cependant, il faut trouver un autre mode de régulation que celle du prix/volume, qui conduit à la baisse des tarifs et à la déconnexion des tarifs et des coûts, rendant le modèle économique non viable à terme.

Le modèle actuel de T2A est un frein aux coopérations et aux mutualisations de services médicaux et médico-techniques. Il convient de mettre en œuvre un choc de simplification et de soutien aux expérimentations en faveur des hôpitaux et des établissements médico-sociaux publics.

L’expérimentation d’un modèle de financement au parcours devrait permettre de tester comment, sur un territoire et sur un périmètre de soins modeste, il est possible d’inventer un financement alternatif.

Le décloisonnement est également un enjeu de réussite pour la réalisation de parcours de soins – décloisonnement du sanitaire, du médico-social et de la médecine de ville. Leur réussite sur les territoires ne peut reposer que sur la volonté des acteurs de soins dans des coopérations partagées et non imposées.

Il faut, troisièmement, remettre l’investissement au cœur des enjeux. Depuis plusieurs années, celui-ci se réduit comme peau de chagrin, alors que le parc immobilier est vétuste. Les besoins de mise aux normes de sécurité et de réhabilitation, en région PACA par exemple, sont estimés par l’ARS à 800 millions d’euros, alors que l’enveloppe régionale annuelle, hors opérations nationales, est de 10 millions.

Il en va de même pour l’investissement médical. À force de repousser les renouvellements d’équipements médicaux, à l’exception des renouvellements d’équipement lourds, le parc de biens médicaux est vieillissant.

Ce fort ralentissement de l’investissement hospitalier, y compris en CHRU, est préjudiciable au développement technologique de la médecine française et prive les patients des techniques de pointe.

À titre personnel, je suis favorable à la conservation des équipements de biens médicaux dans le giron de l’assurance maladie. Toutefois, pour ce qui est de l’investissement immobilier, je suis favorable – je le dis depuis longtemps – à la création d’un établissement financier dédié à l’investissement immobilier national.

Les établissements qui rencontrent les plus grandes difficultés face aux contraintes d’investissement sont les CHU. De manière plus large, il convient d’avoir une réflexion sur la pertinence du modèle hospitalo-universitaire français.

Près de soixante ans se sont écoulés depuis les ordonnances Debré, qui ont forgé la spécificité du modèle hospitalo-universitaire français et ses succès au niveau international. Les changements sociétaux, les progrès médicaux, scientifiques et technologiques, l’essor du numérique, les cadres statutaires et financiers recèlent autant de défis que d’opportunités pour les CHU.

Il faut agir pour promouvoir les CHU sur la recherche, l’innovation et l’enseignement, cette spécificité française contribue au rayonnement de notre médecine.

Toutefois, il convient aussi de repenser les enjeux, notamment territoriaux. J’ai demandé au président Migaud, au nom de la commission des affaires sociales, que la Cour des comptes produise un rapport sur les missions de soins des CHU, entre activités de recours et activités de référence. La refonte territoriale de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, et la création des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, mettent la notion de territorialité au centre de la stratégie des CHRU.

La territorialité des GHT met au centre de la stratégie des CHU l’organisation des missions entre activités de recours et activités de référence, en véritable complémentarité avec les autres CH du territoire et au sein des CHRU. Pour ne prendre que l’exemple des maternités, les CHRU disposent d’une maternité de niveau 3, mais, bien souvent, ces lits hyperspécialisés sont occupés par des parturientes relevant d’une maternité de niveau 1.

Le territoire est au centre de la réorganisation de l’offre de soins. Nous étions favorables à la définition des projets médicaux partagés comme fondement des périmètres des GHT, seule garantie de faire prévaloir une stratégie médicale. Pourtant, les GHT sont constitués sur les territoires et s’organisent autour des activités de médecine, chirurgie, obstétrique, dites « MCO ».

Il ne faut pas oublier deux pans essentiels de l’offre de soins : la psychiatrie et le secteur médico-social.

Les enjeux de la santé mentale sont importants. Outre la participation de la psychiatrie aux GHT, la constitution des territoires de santé mentale et la création des communautés psychiatriques de territoire, les CPT, constituent le socle des liens avec les citoyens et les collectivités locales.

Le renforcement des liens ville-hôpital, psychiatrie-disciplines somatiques et sanitaire-médico-social, dans le respect de la sectorisation, constitue autant de défis à relever. La révision du mode de tarification de la psychiatrie, souvent repoussée, serait un gage de modernisation du secteur.

Un autre besoin de décloisonnement, unanimement ressenti, est celui du sanitaire et du médico-social. Il est nécessaire de créer de véritable parcours de soins entre le médico-social gériatrique et handicapés et le sanitaire, parcours d’autant plus indispensable avec le développement du maintien à domicile.

De nombreuses initiatives intéressantes se sont, par ailleurs, développées dans le champ médico-social : téléconsultations, équipe mobile de gériatrie, de gérontopsychiatrie ou de soins palliatifs intervenant tant en public qu’en privé, consultations avancées et, bientôt, infirmières de nuit partagées entre plusieurs EPHAD. L’objectif central est d’éviter les hospitalisations inutiles de personnes âgées ou handicapées.

Pour conclure, notre système de santé, au sein duquel l’hôpital public joue un rôle majeur, a été jusqu’à présent incapable de s’adapter aux deux grandes transitions auxquelles font face l’ensemble des sociétés occidentales : la transition démographique et la transition épidémiologique.

Parallèlement, notre système de santé est toujours incapable d’apporter des réponses réelles à des problèmes qui ne sont pourtant pas nouveaux, notamment celui des inégalités de santé : inégalités territoriales, accessibilité aux soins, reste à charge…

Face à ces transitions et malgré les très nombreuses initiatives législatives, le système est resté fondamentalement le même : l’hôpital d’un côté, la ville de l’autre, le médico-social à part, tout comme le secteur associatif et les patients qui peinent à trouver leur repère entre tous les acteurs.

En retour, l’accumulation de réglementations tue complètement la capacité du système à générer de l’innovation, et, surtout, à généraliser les bonnes pratiques.

Il faut réintroduire dans notre système de santé de la déconcentration, de la cohérence, du pragmatisme, de l’autonomie, de l’expérimentation sur les territoires et laisser de l’initiative aux acteurs de terrain. Pour préserver dans l’avenir l’excellence de notre système de santé, les établissements hospitaliers doivent réussir la révolution de l’émergence de la territorialité et de la responsabilité populationnelle en santé. (MM. Cyril Pellevat et Jean Desessard applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains.

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe communiste d’avoir mis à l’ordre du jour ce débat sur la situation de l’hôpital. J’indique mon soutien, comme mes collègues l’ont fait précédemment, aux professionnels de santé qui sont particulièrement débordés en cette période de grippe.

Je vais tout d’abord profiter des quelques minutes qui me sont imparties pour attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur un dossier local.

Je souhaite vous alerter sur la situation des hôpitaux du Léman, à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, déjà mentionnée par ma collègue Annie David. La situation de l’établissement est critique. Il est en baisse d’activité et son déficit atteint désormais 9 millions d’euros. Certes, un plan de redressement est en cours, et l’agence régionale de santé a débloqué une aide exceptionnelle de 3,5 millions d’euros pour cet établissement. Néanmoins, les réorganisations prévues sont peu satisfaisantes pour le personnel, les services et les patients.

Une difficulté importante se pose au sein de la structure psychiatrique des hôpitaux du Léman, comme je l’ai déjà indiqué par courrier à Mme la ministre de la santé.

L’agence régionale de santé envisagerait le transfert des lits d’hospitalisation en psychiatrie de Thonon vers la Roche-sur-Foron, à une heure de Thonon. Or, dans le Chablais, territoire situé autour de Thonon, on estime à 4 200 le nombre de personnes qui souffrent de troubles psychiques sévères.

La proximité favorisant les soins et la réinsertion, cette structure psychiatrique doit nécessairement être maintenue en son lieu actuel. Elle peut être rénovée s’il le faut, et de nouvelles structures d’hébergement alternatives à l’hospitalisation pourraient être créées.

Ce dossier local a donné lieu à de nombreuses manifestations et une pétition de 10 000 signatures a notamment été remise au sous-préfet il y a un an. La situation des hôpitaux du Léman suscite de vives réactions localement ; un collectif citoyen a notamment élaboré un « projet territorial d’accès aux soins pour tous dans le Chablais ». Madame la secrétaire d’État, allez-vous intervenir dans ce dossier ?

Malheureusement, ce cas n’a rien d’exceptionnel. De nombreux hôpitaux connaissent une mauvaise situation financière. Nous le savons, le secteur hospitalier français n’est pas en bonne santé.

Au niveau organisationnel, les conditions de travail du personnel soignant sont mauvaises, et les 35 heures y ont certainement contribué. Les professions hospitalières souffrent.

Je tiens à m’attarder sur la situation des infirmières et des aides-soignants. Nous connaissons la pénibilité de leurs conditions de travail, la grande utilité de leur emploi et leur faible rémunération. Si des emplois doivent être revalorisés, ce sont bien ceux-là. Du fait du manque de personnel – les retraités ne sont pas remplacés –, infirmiers et aides-soignants sont débordés et considèrent qu’ils ne peuvent mener à bien leur travail. L’hôpital français manque de moyens pour assurer un service de qualité. Je constate que, dans notre pays, certains hôpitaux recrutent des infirmières étrangères pour faire face à la pénurie qu’ils subissent.

Assurer de bonnes conditions de travail à ces professionnels reviendrait à garantir un meilleur service à l’ensemble des Français.

En Haute-Savoie, nous manquons cruellement d’infirmières. L’hôpital qui souffre le plus du manque d’infirmières est celui de Saint-Julien-en-Genevois. Le voisinage de la Suisse, où les salaires sont deux fois, voire trois fois plus élevés qu’en France, ne nous aide pas. Ce pays étant également confronté à un manque de personnel infirmier, il propose aux professionnels français des rémunérations très attractives.

La rémunération des personnels soignants étant fixée au niveau national, nos hôpitaux hauts savoyards essaient de rivaliser avec nos voisins suisses sur d’autres critères, tels que les plans de carrière ou encore les gardes d’enfants.

Enfin, nous devons veiller au maillage territorial de l’offre de soins.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Cyril Pellevat. Le principe de l’égalité devant le service public de santé doit prévaloir ; il y va de la vitalité de notre territoire.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Cyril Pellevat. Je conclurai mon propos en évoquant quelques-unes des solutions peu coûteuses qui permettraient d’alléger le poids supporté par nos établissements hospitaliers.

Je citerai, par exemple, la télémédecine ou médecine à distance. Il s’agit d’une solution d’avenir. Les professionnels de santé doivent prendre en compte le progrès technologique et informatique pour accomplir leurs missions. Cela permettra, en outre, de lutter contre l’explosion des dépenses de santé.

Sur le plan purement organisationnel, cette pratique permet à la plupart des établissements hospitaliers de remédier au problème des services d’urgences bondés, mais aussi à celui de la désertification médicale. Elle donne ainsi la possibilité aux patients d’accéder à des soins appropriés sans avoir nécessairement besoin de se déplacer physiquement, ni de patienter longuement avant de recevoir la visite du premier praticien disponible. La maîtrise du coût et la maximisation du gain de temps, notamment, sont des avantages directement procurés par cette nouvelle pratique.

Les Français doivent aussi devenir acteurs de leur santé. Les programmes de prévention, de responsabilisation et d’éducation à la santé doivent être encouragés. Sur ce sujet, il reste beaucoup à faire. (M. Jean Desessard applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat ce débat consacré à la situation de l’hôpital public dans notre pays. Je vous en remercie, car c’est un sujet au cœur des préoccupations de nos concitoyens, notamment en cette année marquée par des échéances électorales majeures à l’occasion desquelles chacun devra exprimer des positions politiques claires.

Sur ce point, la position du Gouvernement et de notre majorité à l’égard de l’hôpital public n’a jamais changé depuis 2012. Nous n’avons eu de cesse de montrer notre attachement à cette institution et à ses valeurs, qui sont celles de la République.

Soigner tout le monde sans exclusion, dans l’excellence, y compris ceux qui n’ont rien ou qui sont à la rue, au quotidien comme dans les circonstances exceptionnelles – je pense à l’actuelle épidémie de grippe… Oui, l’hôpital public incarne la République sociale, qui est l’un des fondements de notre identité collective. Ces valeurs nécessitent des choix politiques, qui doivent être régulièrement réaffirmés.

Je vais citer des éléments concrets et précis en vue de répondre aux questions qui ont été posées. Je comprends que les échéances électorales vous incitent dans certains cas, mesdames, messieurs les sénateurs, à afficher vos différences, mais je ne peux pas vous laisser dire des choses inexactes.

Dire que ce gouvernement a « marchandisé » la santé et qu'il a considéré l’hôpital comme une entreprise privée, c’est dire quelque chose qui est faux !

Dire que 57 000 lits ont été supprimés en onze ans, c’est partiellement vrai ; ou plutôt, devrais-je dire, ces chiffres sont exacts, mais vous en oubliez d’autres. Toutefois, peut-être le faites-vous sciemment !

En effet, les chiffres que vous avez cités renvoient en réalité aux suppressions de lits depuis 2004 ; vous auriez dû le préciser. Par ailleurs, il ne s’agit pas de lits de médecine, mais, dans l’immense majorité des cas, de lits de chirurgie et d’unités de soins de longue durée. On peut trouver que cette mesure était bonne ou mauvaise, mais la moindre des choses est de préciser de quoi l’on parle !

La réalité des chiffres est la suivante : depuis 2012, nous avons créé 2 500 lits de médecine et 2 800 lits de soins de suite et de réadaptation, ces fameux lits « d’aval » qui permettent d’éviter l’embolie des services d’urgence et de l’hôpital public.

Mme Laurence Cohen. Tout va bien, donc !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je n’ai pas dit cela, madame la sénatrice ! Je dis seulement qu’il faut donner tous les chiffres et les expliquer.

M. Jean Desessard. On ne comprend rien à vos chiffres !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous avez parlé, je le répète, de marchandisation de l’hôpital. Or c’est tout le contraire : nous avons redonné à l’hôpital public la place qu’il mérite dans notre système de santé.

Nous avons, tout d’abord, réintroduit le service public hospitalier dans la loi, non par idéologie ou par dogmatisme, mais parce que ce service public est une garantie pour l’ensemble des Français, les patients et les professionnels. C’est une garantie d’égalité d’accès aux soins, quels que soient les revenus des personnes, leurs pathologies, les soins nécessaires, une garantie de non-sélection des patients, de permanence des soins, quelles que soient les circonstances, de réponse à l’urgence, de soins de qualité pour tous.

Je dois le rappeler, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, adoptée sous le quinquennat précédent, avait démantelé le service public hospitalier en le divisant en différentes « missions » que les établissements pouvaient choisir « à la carte ».

Avec la loi de modernisation de notre système de santé, le service public hospitalier a été rétabli en un bloc indissociable, qui engage donc pleinement les établissements assurant ce service public. Un principe fondateur a été réaffirmé dans ce texte.

Pour préserver et renforcer le service public, une décision essentielle a été prise dès 2012 : la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé. Cela peut paraître technique, mais chacun ici sait bien de quoi il retourne.

La précédente majorité avait décidé qu’il fallait rémunérer exactement de la même façon, avec les mêmes tarifs, les hôpitaux publics et les hôpitaux privés à but lucratif. Or les premiers assument des missions qui ne font pas partie des prérogatives des seconds. Je pense, en particulier, à l’accueil de tous, sans distinction, y compris des personnes les plus précaires, à des tarifs accessibles.

Dès notre arrivée aux responsabilités, j’y insiste, nous avons pris la décision de supprimer la convergence tarifaire. J’ai l’impression que beaucoup d’entre vous l’ont oublié !

Pour ce qui concerne l’accueil des plus précaires, sujet qui vous préoccupe particulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle qu’il existe des financements fléchés pour les hôpitaux qui assument cette mission d’intérêt général, ou MIG.

Mme Aline Archimbaud a évoqué le problème du non-recours à la CMUC. Je veux lui indiquer que d’ici quelques mois, tous les demandeurs du RSA socle bénéficieront automatiquement de la CMUC, grâce à la modernisation des systèmes informatiques des différentes caisses.

M. Jean Desessard. Très bien !