M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur le plan de réduction des effectifs lancé l’an dernier par EDF et qui s’étale jusqu’en 2019.

Permettez-moi en préambule de saluer le travail remarquable accompli par les agents d’EDF, notamment lors des situations difficiles.

Le plan de réduction est gouverné par des règles que je tiens à rappeler ici.

Premièrement, ce sont des mesures d’incitation au départ sur la base du volontariat. Il ne s’agit donc pas de licenciements ; je tiens à souligner ce point essentiel pour les salariés de l’entreprise.

Mme Annie David. Je n’ai pas parlé de licenciements !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. EDF ne peut pas licencier !

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Deuxièmement, sont prévus des non-remplacements de départs en retraite, qui correspondent à environ 6 % des effectifs d’ici à 2019. Ces non-remplacements font également suite à des recrutements ayant eu lieu entre 2011 et 2016 – ils ont été de l’ordre de 20 000 –, conduisant à un accroissement des effectifs du groupe.

Troisièmement, EDF continuera à recruter pendant cette période, avec 1 500 salariés en 2017 et 1 000 en 2018. Ces recrutements sont évidemment importants pour la réalisation des projets dans lesquels le groupe est engagé.

Dans ce contexte, le Gouvernement soutient l’effort réalisé par l’entreprise. En effet, le 22 avril dernier, le Gouvernement a indiqué qu’il soutenait le plan stratégique d’EDF dans la production d’électricité décarbonée, le programme CAP 2030, dans le cadre d’efforts partagés entre l’État et l’entreprise. Ainsi, un programme d’investissements particulièrement important a été décidé, financé notamment par une augmentation du capital de 4 milliards d’euros, dont 3 milliards apportés par l’État, qui accepte également de percevoir ses dividendes en actions pour deux années supplémentaires.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État !

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. EDF s’est, de son côté, engagée, dans le cadre de ce plan, à faire des efforts concernant ses charges, à maîtriser ses investissements et à céder des actifs. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d'État, je ne vous ai pas parlé de licenciements, car je sais bien qu’EDF ne peut pas licencier. J’ai évoqué 5 000 suppressions de postes. On vient de dire – Mme Ségolène Royal l’a confirmé – qu’EDF avait un rôle important à jouer dans la transition énergétique. Aussi, comment comptez-vous y parvenir si vous commencez par supprimer 5 000 postes d’agents ? Je ne vois pas comment cette entreprise pourra aller au terme de ce plan. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

situation dans les banlieues (I)

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Dominique Bailly. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs jours, à la suite de l’ « affaire Théo », qui a suscité une émotion légitime, des violences urbaines ont éclaté en région parisienne. Ce phénomène n’est pas nouveau, malheureusement, puisque nous le connaissons depuis plus de dix ans. Mais, mes chers collègues, la répétition ne doit pas forcer l’acceptation : ces violences sont inacceptables, comme l’a redit le Président de la République ce matin. Au nom de mon groupe, je tiens ici à les condamner. L’ordre républicain doit être rétabli dans les banlieues, comme partout en France.

M. Henri de Raincourt. C’est sûr !

M. Dominique Bailly. La République doit assurer la sécurité de tous nos concitoyens. À cet égard, je salue ici l’action de votre gouvernement.

Ces violences impardonnables sont aussi un symptôme grave de notre époque : celui de la perte de confiance entre la police et les citoyens. Rétablir cette confiance sera indispensable au moment où certains ont l’esprit qui s’embrase : ne rien céder aux casseurs, mais aussi ne rien céder à l’extrême droite, qui souffle sur les braises par ses déclarations de divisions.

Dans ce contexte, les polémiques doivent être évitées, mes chers collègues. Seules la justice et la sécurité comptent !

La réponse de l’État doit être ferme, à la hauteur des mots du jeune Théo, qui avait appelé avec sang-froid et courage à l’apaisement la semaine dernière. Il a montré une grande responsabilité, dont quelques-uns devraient s’inspirer avant de créer des polémiques à des fins bassement électorales.

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit ce matin, la reconstruction de la police est et sera longue. La reconstruction du lien entre les citoyens et ceux qui les protègent sera aussi longue, nous le constatons tous les jours. Mais il est une chose urgente : le rétablissement de la sécurité dans les banlieues, où les populations n’en peuvent plus.

Mes questions sont donc les suivantes : quelle est l’action de l’État face aux événements actuels pour rétablir l’ordre dans toutes les banlieues ? Comment rétablir demain la confiance entre citoyens et police ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, lorsqu’il y a des événements graves, il faut poser des principes simples, clairs et fermes. Ces principes, je veux les énoncer devant le Sénat cet après-midi.

Premier principe : aucune violence, d’où qu’elle vienne, dans les quartiers et partout ailleurs sur le territoire national, ne saurait être tolérée. Aucune violence n’est jamais tolérée par ceux qui sont chargés de la direction des forces de police et de gendarmerie.

Nous avons été maintes fois interpellés dans cet hémicycle et à l'Assemblée nationale sur les événements survenus sur l’autoroute A1 ou à Moirans. Chaque fois, nous avons eu droit au même discours : l’autorité de l’État ne serait pas respectée sous prétexte que des actes violents auraient été commis de la part d’individus qui n’hésitent pas à enfreindre la loi en convoquant la violence. Chaque fois, le Gouvernement a apporté la même réponse : le droit passera ; la justice passera ; les individus seront interpellés, ils seront jugés, et ils le seront sévèrement.

M. Pierre Charon. Ridicule !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. À Moirans, comme sur l’autoroute A1, par le travail de la police, les personnes à l’origine de ces actes ont été interpellées et jugées. Parce que l’État de droit suppose le respect des procédures : des enquêtes et des investigations. Je veux rendre hommage devant le Sénat au travail réalisé quotidiennement par les forces de police pour élucider, enquêter et procéder à l’interpellation de ceux qui enfreignent la loi.

Quand on est républicain, attaché à l’autorité de l’État et au principe de l’État de droit, on ne fait pas une polémique par jour ; on manifeste son attachement au droit et on rend hommage aux forces de sécurité (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.) qui, quotidiennement, sur le terrain, accomplissent la mission difficile qui est la leur avec courage et dévouement, comme doit remplir sa mission tout service public.

Deuxième principe, sur lequel je veux insister : les relations entre la police et la population – c’est aussi cela l’État de droit ! – doivent être empreintes d’un respect mutuel. Nul ne peut accepter s’il est républicain, attaché à la fermeté et à l’État de droit, qu’il y ait quelque geste déplacé que ce soit qui soit condamnable et qui représente une forme de remise en cause des principes déontologiques auxquels la police doit se conformer. Lorsqu’il y a une remise en cause de ces principes, l’inspection générale de la police nationale est saisie en administratif et en judiciaire : elle permet aux juges de faire leurs enquêtes et de dire le droit.

Concernant l’affaire ayant conduit aux blessures du jeune Théo, à qui nous manifestons notre solidarité, la justice passera parce que nous sommes en République, dans un État de droit : aucun acte qui n’est pas conforme au principe de déontologie ne doit être accepté.

Troisième principe : si l’on est attaché à l’autorité de l’État et à la sécurité des Français, on ne peut pas passer un quinquennat à désarmer les forces de police comme cela a été fait entre 2007 et 2012 (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Pierre Charon. Ce n’est pas vrai ! Il faut arrêter !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … à supprimer 13 000 postes au sein de la police et de la gendarmerie, à diminuer de 20 % les crédits alloués à la police et à la gendarmerie, à désarmer les services de renseignement, comme cela a été fait avec la remise en cause du Renseignement territorial. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est ce gouvernement qui aura créé 9 000 postes dans la police et la gendarmerie (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.), qui aura augmenté de 15 % les crédits accordés aux forces de sécurité, qui aura reconstitué le Renseignement territorial,…

M. Pierre Charon. Ça suffit !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … qui aura bonifié les rémunérations des policiers et des gendarmes.

L’autorité de l’État suppose aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de donner des moyens à ceux qui œuvrent en première ligne contre le terrorisme et l’insécurité, et pour l’État de droit.

Enfin, le dernier point sur lequel je veux insister et qui me paraît, dans le contexte particulier où nous nous trouvons, le plus important : quand l’extrême droite est à ce niveau d’intentions de vote,…

M. Pierre Charon. La faute à qui ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … la responsabilité que nous devons partager, ce n’est pas de souffler sur les braises en étant dans les responsabilités politiques (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), c’est de faire en sorte jour après jour que chaque parole prononcée soit une parole qui apaise,…

M. Pierre Charon. Monsieur le président, faites-le rasseoir ! Il est ridicule !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. … qui rappelle les principes du droit et ceux de la République. Être dignement républicain, c’est aussi être capable de se comporter de la sorte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation dans les banlieues (II)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe de l’UDI-UC.

Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, il y a dix jours se déclenchait l’affaire Théo, du nom d’un jeune homme qui a été victime de violences policières. Disons-le d’emblée, la justice devra faire toute la lumière sur ce qui s’est passé à Aulnay-sous-Bois, et le faire rapidement si nous ne voulons pas que les dérives et les utilisations qui en sont faites perdurent. Faire la clarté sur cette affaire et rendre la justice, voilà ce qu’il faut faire.

Les scènes de violences urbaines des derniers jours inquiètent nos concitoyens à juste titre, car elles viennent s’ajouter à la menace terroriste, qui, de son côté, ne faiblit pas.

La manifestation de dimanche dernier à Bobigny était annoncée, et elle était légitime. Mais les débordements qui ont suivi étaient, eux, inacceptables.

Dans un contexte où le risque d’infiltration de casseurs violents, souvent très jeunes, est avéré, nous nous interrogeons sur le dispositif que vous avez mis en place. Pourquoi autoriser ce rassemblement si les risques de débordement étaient si importants ? Quels moyens étaient-ils mis en œuvre pour en assurer le déroulement pacifique ? Comment se fait-il que ni le palais de justice de Bobigny ni les abords de la manifestation n’aient pu être mieux sécurisés ? Bref, quelle anticipation ?

Les principes que vous avez énoncés, monsieur le Premier ministre, nous les partageons. Mais pourquoi n’avons-nous pas anticipé cette manifestation dont nous connaissions le jour et l’heure ?

M. Roger Karoutchi. Et l’état d’urgence ?

Mme Valérie Létard. C’est pourquoi je vous demande de préciser la réponse que vous venez de formuler. Comment allez-vous faire à l’avenir ? Si, dans les jours qui viennent, d’autres événements de cette nature sont organisés, qu’allez-vous faire pour éviter les débordements ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, vous venez de rappeler l’origine des rassemblements qui ont été organisés par solidarité avec le jeune Théo, victime de violences, avec des conséquences particulièrement graves pour lui. Je comprends les mouvements de solidarité qui s’expriment aujourd'hui dans notre pays, singulièrement dans nos quartiers. Ceux-ci peuvent donner lieu à des manifestations.

Je souhaite le dire ici de la façon la plus claire qui soit : il existe un droit à manifester dans notre pays quand cette manifestation est pacifique. En cas de manifestation, il doit y avoir protection, protection de la manifestation et des biens aux abords.

En Seine-Saint-Denis, depuis le 4 février, ce sont 2 700 personnels qui ont été engagés dans le cadre du dispositif anti-violence.

Permettez-moi de préciser un autre point. Ces derniers jours, on trouve sur internet des appels non pas à des manifestations, mais à des rassemblements qui s’opèrent avec la volonté d’aller « casser » du policier, piller, mettre le feu. Nous n’autoriserons aucun de ces rassemblements.

Depuis le 4 février, date à laquelle se sont passés les faits dont le jeune Théo a été victime, 48 personnes ont été déférées dans un premier temps : 2 d’entre elles ont été condamnées à six mois de prison ferme, 5 à six mois de prison avec sursis, 2 à deux mois de prison avec sursis et trois semaines de travail d’intérêt général.

Au 14 février, sur le territoire national, on enregistre 71 interpellations et 68 gardes à vue : 1 personne écrouée avec un an ferme, 2 comparutions devant des officiers de police judiciaire, 2 compositions pénales, 7 mises en examen, 17 personnes mises en garde à vue.

Je veux dire ma confiance dans les forces de police et de gendarmerie, qui, partout sur notre territoire, font respecter l’ordre. Je n’entends pas enlever à nos concitoyens le droit de manifester, mais aucune manifestation déclenchant la violence et s’en prenant aux forces de l’ordre ne sera autorisée dans nos quartiers, je veux le réaffirmer ici devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.

Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, mettons tout simplement tout en œuvre pour anticiper et rassurer nos concitoyens. Montrons-leur que l’État est au rendez-vous, garant de la protection de chacun d’entre nous. Nous rassembler, c’est le meilleur des facteurs de cohésion sociale et nationale que nous puissions trouver. Mais anticipez, assumez votre rôle ! C’est le rôle du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

sécurité

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Caroline Cayeux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Dans la seule nuit de dimanche à lundi, le ministère de l’intérieur a recensé dans nos banlieues plus de cinquante « incidents », pour reprendre son expression.

Les forces de l’ordre ont été prises à partie, des véhicules incendiés, des bâtiments publics dégradés. Une patrouille a même dû se réfugier en toute hâte dans un commissariat. En effet, ce sont bien les policiers et tous ceux qui représentent l’État qui sont dans le collimateur des voyous. Je tiens d’ailleurs à saluer ici, à mon tour, la compétence et le dévouement des forces de l’ordre.

Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir. Deux ministres de l’intérieur sont devenus Premiers ministres, mais la situation n’a fait qu’empirer dans de nombreuses banlieues. Certaines abritent toujours des voyous qui vous défient, monsieur le ministre, et oscillent entre délinquance, trafic de stupéfiants et radicalisation. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas la jungle !

Mme Caroline Cayeux. Le Gouvernement donne le sentiment d’être perdu, comme si, pour lutter contre les violences, tout avait été essayé. Des milliards d’euros ont été déversés sans que rien ne change : on a tenté d’acheter la paix civile et l’État a renoncé à imposer son autorité.

Votre seule réponse, nous la connaissons : il faut des moyens, toujours plus de moyens, des effectifs, toujours plus d’effectifs !

Mme Éliane Assassi. Et vous, qu’avez-vous fait ?

Mme Caroline Cayeux. Or, des effectifs, vous en avez : plus de 10 000 policiers occupés à des tâches administratives ne demandent qu’à retourner sur le terrain. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Monsieur le ministre, quand vous poserez-vous enfin les vraies questions, au lieu de vous contenter de pleurer sur les moyens perdus ou le manque de moyens à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, je ne pleure pas sur les moyens perdus, puisque cela fait cinq ans que nous avons rendu à la police ceux que vous aviez supprimés au cours des dix années précédentes ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Didier Guillaume applaudit.)

Peut-être avez-vous oublié votre incapacité à prendre la mesure des émeutes, en 2005, et à y répondre ? Elles ont duré plusieurs dizaines de jours sans que vous sachiez comment y mettre fin.

Je n’ai pas l’intention d’être le ministre de l’intérieur qui attise le feu, car personne n’a rien à gagner, dans les circonstances présentes, à de telles mises en cause. (M. Philippe Kaltenbach applaudit.)

On ne peut pas, comme vous le faites, saluer le vendredi le travail réalisé par les policiers chargés du renseignement en matière de lutte contre le terrorisme puis critiquer ces mêmes policiers, le lundi, parce qu’ils n’auraient pas prévu une manifestation ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une question de cohérence !

L’oratrice précédente a appelé à l’anticipation : anticiper, cela a consisté à faire en sorte que le renseignement, que vous aviez totalement désorganisé (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), soit de nouveau implanté au cœur de nos quartiers, et contribue à protéger notre territoire du risque terroriste comme des violences urbaines !

M. Alain Fouché. On voit le résultat !

M. Bruno Le Roux, ministre. J’attends vos propositions, mais reconnaissez que le niveau de la délinquance dans notre pays, quelle que soit la rubrique considérée, est aujourd'hui inférieur à ce qu’il était en 2012 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

MM. Roger Karoutchi et Bruno Retailleau. C’est faux !

M. Bruno Le Roux, ministre. … que la police et la gendarmerie disposent aujourd'hui de davantage de moyens qu’en 2012.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Roux, ministre. La sécurité a changé de camp : vous en étiez les chantres il y a quelques années, vous en avez été malheureusement les fossoyeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour la réplique.

Mme Caroline Cayeux. Monsieur le ministre, votre réponse sonne comme une fuite en avant face à la réalité. Elle témoigne surtout de l’échec de ce quinquennat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) On ne pourra régler la question des banlieues que si l’État change de logiciel, si l’école remplit son rôle, si un suivi judiciaire strict est systématiquement mis en œuvre,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Caroline Cayeux. … si une intégration intransigeante, refusant tout communautarisme, devient la règle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l’UDI-UC.)

relation franco-allemande

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Michel Boutant. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En ce jour de la Saint-Valentin, je souhaiterais vous parler du couple franco-allemand. (Exclamations amusées.)

M. Dominique Bailly. Un peu de douceur dans ce monde de brutes !

M. Michel Boutant. Le monde est aujourd’hui rempli d’incertitudes. Quelle politique entend conduire le nouveau président des États-Unis ? Quelles sont les intentions du président Poutine ? Le terrorisme international influe, notamment, sur les politiques intérieures des pays occidentaux, soit en raison des menaces qu’il fait peser, soit en raison des déplacements de populations qu’il provoque. Et je ne parle pas de la Turquie, de la Corée du Nord ou de l’Iran, du réarmement de la Chine ou de la situation dans la bande sahélo-saharienne.

On se dit que l’Europe devrait, pourrait être un pôle de stabilité, d’influence, mais on la sent quelque peu paralysée par ses peurs et le rejet qu’elle pourrait susciter en son sein. Le Brexit est là pour le rappeler.

Or, dans cette Europe, il y a les six pays fondateurs : la France, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Benelux. Monsieur le Premier ministre, vous étiez à Berlin il y a quelques heures encore. J’aimerais que vous nous éclairiez sur les relations franco-allemandes, aussi nombreuses qu’étroites : le traité de l’Élysée et l’intelligence politique n’y sont pas étrangers. Cependant, on peut s’interroger sur la solidité de ce couple franco-allemand quand le contexte est au mieux chaotique, au pire hostile. Qu’en est-il des relations entre nos deux pays ? Qu’en est-il de leurs échanges ? Qu’en est-il de leurs relations économiques, sachant que près de 6 000 entreprises sont présentes dans les deux pays et y emploient 650 000 personnes au total ? Qu’en est-il de la politique migratoire et de l’accueil des réfugiés à l’échelon européen, que ce soit sur le sol européen ou à l’extérieur de l’Europe ?

À la suite des attentats survenus en France, mais aussi en Allemagne, la coopération entre les services de sécurité et de renseignement de nos deux pays a-t-elle évolué ? Comment le pacte de sécurité européen se développe-t-il ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Michel Boutant. En matière de défense, les déclarations du président Trump sur la prise en charge par les Européens de leur propre défense conduisent-elles Allemands et Français à réfléchir à des initiatives communes, incitent-elles nos amis Allemands à s’engager davantage pour jeter les bases d’une Europe de la défense ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je rentre effectivement à l’instant d’un déplacement à Berlin, où j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec la Chancelière, le ministre des affaires étrangères et le président du Bundestag, ainsi qu’avec une délégation de parlementaires.

Ces entretiens ont montré que nous avons tous conscience de la gravité du moment historique que nous vivons : la menace terroriste sème l’effroi sur le sol européen et divise les populations, le président des États-Unis se fixe comme objectif de démanteler le projet européen, ce qui crée un nouveau contexte pour les relations transatlantiques, la situation est très préoccupante dans la bande sahélienne, en raison de la dissémination de groupes terroristes et des difficultés que rencontrent les pays de cette zone pour trouver le chemin du développement, de même qu’en Ukraine, nos relations avec la Russie ou avec la Turquie sont délicates.

Bref, les défis auxquels l’Union européenne est confrontée doivent nous conduire à affirmer une volonté commune d’être plus unis et de faire en sorte que le projet européen apparaisse, aux yeux des peuples européens, comme la réponse pertinente pour mettre en œuvre de véritables protections du continent.

Dans cette perspective, nous avons évoqué, avec la Chancelière, quatre protections dont l’Europe a besoin. Leur mise en place doit conduire l’Europe à prendre des initiatives fortes et l’axe franco-allemand à donner l’impulsion nécessaire.

En premier lieu, en matière de protection contre le terrorisme, il faut renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne grâce à la montée en puissance de FRONTEX, mener à son terme la réforme du système d’information Schengen, veiller à l’alimentation de ce dernier par l’ensemble des services de renseignement, assurer l’interconnexion des fichiers, de manière à être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme. La protection du continent européen contre le terrorisme constitue la priorité.

En deuxième lieu, nous devons protéger notre modèle social et économique : c’est la question du socle des droits européens, promu par le président Juncker sur l’initiative de la France et de la Commission européenne. Dans cette optique, le détachement des travailleurs, lorsqu’il n’est pas convenablement encadré, conduit à une véritable dérégulation. Nous travaillons à la réforme de la directive de 1996, à la mise en place d’un salaire minimum européen et d’une carte d’étudiant européenne, à la reconnaissance de la mobilité des apprentis. Il s’agit, sur ces sujets importants, de donner de la cohésion et de la force au projet social européen.

En troisième lieu, les États-Unis voulant revoir leur relation à l’OTAN, nous devons faire émerger une défense européenne au travers de la mobilisation du fonds européen de défense. Cela signifie mettre en place une capacité de planification de nos opérations, de projection de nos forces et d’équipement de nos armées.

En quatrième et dernier lieu, nous devons augmenter le financement du plan Juncker, afin de redonner à l’Europe la capacité de mener de grands projets dans les filières d’excellence, la recherche et l’innovation, à l’instar de ce que nous avons déjà accompli avec le programme Erasmus ou Airbus. Il s’agit de redonner aux peuples d’Europe envie de l’Union européenne.

Voilà les sujets que nous avons abordés à Berlin.

Je ne pourrai participer à votre séance de questions d’actualité au Gouvernement de la semaine prochaine, car je serai en déplacement en Chine.