M. Michel Mercier, rapporteur. On peut se rendre aux arguments du Gouvernement s’agissant des termes « actuel et sérieux ».

Après en avoir délibéré ce matin, la commission des lois a donné son accord pour y renoncer, sous réserve que les deux conditions justifiant l’instauration d’un périmètre de protection, la nature et l’ampleur de la fréquentation, soient cumulatives, et non alternatives.

Par ailleurs, s’il est nécessaire que la durée de certaines mesures soit plus longue, la commission ne peut accepter que le texte ne prévoie pas de délai maximal.

C’est pourquoi nous proposons un sous-amendement visant à préciser que la durée maximale d’un périmètre serait fixée à un mois, lequel délai serait renouvelable. Le préfet pourrait en effet constater que les conditions ayant conduit à prendre l’arrêté qui crée le périmètre de protection sont toujours réunies. Ce renouvellement se ferait donc de mois en mois.

Sous réserve de l’adoption du sous-amendement de la commission, l’avis sur l’amendement n° 67 est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 83 ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. L’avis est favorable.

Je souhaite revenir sur le caractère d’abord immédiat. Il faudra une expertise juridique et technique pour déterminer les conséquences que pourrait entraîner l’usage du mot « immédiat ».

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 83.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Esnol et Hue et Mmes Jouve, Laborde et Malherbe, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, au plus tard quarante-huit heures avant son application, sauf éléments nouveaux et circonstanciés

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Comme on l’a souligné précédemment, l’objectif est de maintenir une vie culturelle normale dans tous les territoires, en s’assurant que les événements se déroulent dans les meilleures conditions possible de sécurité.

En l’occurrence, il s’agit de clarifier la modalité de définition des mesures de protection déployées dans le périmètre, et notamment de mieux associer les organisateurs d’événements à leur définition.

L’amendement vise en particulier à ce que les organisateurs de l’événement à protéger soient informés en amont du dispositif mis en œuvre, afin qu’ils puissent éventuellement adapter leur programmation, tout en laissant la marge de manœuvre nécessaire au préfet pour modifier le dispositif, s’il est informé d’éléments nouveaux et circonstanciés susceptibles de représenter un risque terroriste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Il est nécessaire, bien entendu, que l’autorité administrative dialogue avec les organisateurs de manifestations, et que l’arrêté préfectoral instaurant un périmètre de protection soit le résultat de ces échanges.

On ne peut pas instaurer un périmètre de protection à l’occasion d’un match de football sans en parler aux organisateurs du match !

L’information ayant eu lieu, l’amendement semble surabondant. Aussi, la commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.

M. le président. Monsieur Guérini, l’amendement n° 54 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Noël Guérini. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 54 rectifié est retiré.

L’amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et au maire de la commune concernée

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. L’article 1er du projet de loi prévoit que les maires seront informés de la mise en œuvre du périmètre de sécurité au moment où le préfet sollicitera leur contribution, via la demande d’appui de la police municipale.

J’en profite pour faire une petite digression. L’association de la police municipale à ces nouveaux dispositifs relève évidemment du bon sens. Si cette force existe, il est normal qu’elle contribue au périmètre de sécurité.

Cette disposition suscite cependant des inquiétudes. La mise en œuvre du périmètre de sécurité risque en effet, selon les arbitrages du préfet, de reposer essentiellement sur la mobilisation de la police municipale. En d’autres termes, nous redoutons que cela ne constitue un transfert de charge caché de l’État vers les collectivités territoriales. Vaste débat, monsieur Mercier ! Je vous vois très étonné.

Nous serons particulièrement vigilants à ce que l’État tienne ses promesses et à ce que le fonds dédié à la protection des événements culturels, effectif jusqu’en 2018, ne soit pas remis en cause.

Pour en revenir à l’amendement, il paraît important de mentionner dans le texte que le maire sera toujours informé de l’instauration du périmètre, au même titre que le procureur de la République, y compris dans les communes ne disposant pas de police nationale ou lorsque le préfet choisira de ne pas la mobiliser.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Il semble de bon sens que le maire soit informé de l’arrêté préfectoral instaurant un périmètre de sécurité sur sa commune.

S’agissant de l’utilisation de la police municipale, je le rappelle à M. Guérini, celle-ci est soumise à l’autorisation du maire.

M. Michel Mercier, rapporteur. Si le maire a accepté d’y recourir, il ne saurait donc y avoir de transfert de charge.

M. Alain Fouché. Le maire est toujours informé !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je ne pense pas que le préfet puisse omettre d’informer le maire de la commune de l’instauration d’un périmètre de sécurité.

S’agissant de l’organisation des grands événements, ce sont d’ailleurs plutôt les maires qui sont demandeurs de ce type de dispositif et qui appellent le préfet à cette fin. Ils font aussi appel, en général, à la police nationale et à la gendarmerie. Ainsi, je le rappelle, lors des 14 et 15 juillet derniers, ce sont 86 000 policiers et gendarmes qui ont été mobilisés.

Je demande le retrait de l’amendement.

M. Jean-Noël Guérini. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié est retiré.

L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Barbier, Castelli, Collin et Collombat, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne y ayant un intérêt peut saisir le tribunal administratif sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative afin d’obtenir la suspension de l’exécution de tout ou partie des mesures manifestement disproportionnées de l’arrêté. L’urgence est alors présumée.

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Cet amendement vise à faciliter le recours au juge administratif, par la voie du référé-liberté, des personnes ayant intérêt à agir contre l’instauration d’un périmètre de sécurité, en prévoyant que l’urgence est présumée.

L’urgence n’aura pas à être démontrée par le requérant, qui pourra se concentrer sur la démonstration des autres moyens de sa requête.

L’objectif de cet amendement est donc de faciliter l’accès au juge administratif en cas d’instauration d’un périmètre de sécurité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de présumer l’urgence dans le cadre d’un référé-liberté.

Je pense, quant à moi, qu’il appartient au demandeur de démontrer qu’il y a urgence, c’est-à-dire que la mesure prise par le préfet va bouleverser ses conditions de vie et d’exercice, et mettre en cause, dans son cas particulier, une liberté fondamentale.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur. L’appréciation de l’urgence relève du juge, au regard des circonstances particulières de chaque situation. Il n’est pas nécessaire de contraindre cette appréciation par la loi.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Jean-Noël Guérini. C’est une sacrée entente !

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Il faut ajouter une nuance aux propos et de M. le rapporteur et de M. le ministre d’État.

Dans le cas où une liberté est en cause, c’est-à-dire si le juge considère qu’il est saisi de la contestation d’une mesure administrative mettant en cause une liberté, et que la procédure du référé-liberté doit donc s’appliquer, alors l’urgence est présumée. Le juge peut par conséquent se prononcer dans un délai de quarante-huit heures.

Selon Jean-Noël Guérini, dès l’instant qu’une décision instaure un périmètre de sécurité, la liberté individuelle d’une personne est forcément mise en jeu.

Je pense, quant à moi, que c’est au requérant de démontrer une telle atteinte à la liberté individuelle. Il ne faut donc pas obliger le juge à considérer dans tous les cas que la liberté individuelle est en cause.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Des événements de ce genre, rassemblant jusqu’à 100 000 personnes, sont organisés dans mon département. Il peut effectivement arriver, à cette occasion, que le préfet prenne des mesures excessives. L’amendement est donc justifié.

Ces mesures sont d’ailleurs plutôt prises par les directeurs de cabinet des préfets, qui ont peur que le ministre ne fasse « sauter » leur préfet en cas de problème. Cela s’est toujours passé ainsi !

M. Jean-Noël Guérini. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.

L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Grand et Cambon, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Huré et Vasselle, Mmes Imbert et Deromedi, MM. Chasseing, P. Leroy, G. Bailly, Bonhomme et J.P. Fournier, Mmes Duchêne et de Rose, MM. Laménie et Dassault, Mme Micouleau, MM. Joyandet, Lefèvre et Cuypers, Mme Giudicelli et MM. Revet, Charon et Chaize, est ainsi libellé :

Alinéa 9, seconde phrase

Remplacer les mots :

1° bis et 1° ter

par les mots :

1° bis, 1° ter et, après accord du maire, 2°

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Les policiers municipaux sont considérés comme la troisième force de sécurité de notre pays. Si l’on peut se féliciter du fait que ce projet de loi sur la sécurité intérieure n’oublie pas la police municipale, il convient d’aller un peu plus loin.

L’article 1er prévoit que le filtrage des accès au périmètre de protection – palpations de sécurité, inspection visuelle, fouille des bagages – est assuré par les policiers et les gendarmes, c’est-à-dire des officiers et agents de police judiciaire. Après accord du maire, ils peuvent être assistés par des agents de police municipale. Néanmoins, ces derniers ne peuvent les assister pour la fouille des véhicules susceptibles de pénétrer au sein du périmètre de protection.

Il est donc proposé d’autoriser les policiers municipaux à effectuer ces fouilles après accord du maire, sous l’autorité de l’officier de police judiciaire compétent et, bien sûr, avec le consentement du propriétaire du véhicule.

Je veux profiter de cette occasion, monsieur le ministre d’État, pour rappeler, au moment où l’on demande à nos collectivités de faire un effort financier extraordinaire, le poids budgétaire des polices municipales. En tant que maire, j’ai aussi pu mesurer, au fil du temps, l’importance du travail en commun entre les polices municipales et les forces de l’ordre de l’État.

Je rappelle que nos collectivités, nos communes, mettent aussi à la disposition de l’État tous les moyens modernes de vidéoprotection. Dans les calculs que nous allons faire ensemble, dans les prochains mois, en vue de faire des économies, il nous faudra réfléchir sur le poids budgétaire d’une mission qui n’est pas la nôtre, mais que nous assumons tout de même pour compléter efficacement celle de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux agents de police municipale la possibilité de procéder à des visites de véhicules au sein des périmètres de protection instaurés par arrêté préfectoral.

Dans notre droit, le véhicule est une sorte de démembrement du domicile. Il y a d’ailleurs une jurisprudence constante en ce sens. Accorder aux agents de police municipale le droit de fouiller un véhicule, avec le consentement du propriétaire, sinon il faut entrer dans une procédure judiciaire, me semble donc attentatoire aux libertés individuelles.

Réserver ce droit aux agents de police et de gendarmerie formés à cet effet me semble une bonne mesure d’équilibre, qui permet de respecter les libertés individuelles.

L’avis est par conséquent défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je ne mésestime pas le rôle des polices municipales, qui concourent de façon très importante à la sécurité de nos collectivités locales.

S’agissant des opérations de visite des véhicules, ces vérifications qui touchent, comme l’a dit Michel Mercier, au droit au respect de la vie privée, sont actuellement réservées, dans le code de procédure pénale, aux policiers nationaux et aux gendarmes, qui peuvent y procéder dans certaines conditions à l’occasion d’un contrôle d’identité.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement n’arrive pas de nulle part. Il m’a été inspiré par la lecture des rapports de police nocturne établis dans nos communes urbaines.

Lorsque deux gendarmes font face à quatre ou cinq personnes dans un véhicule, et que la police municipale est présente, il s’établit une complémentarité d’action sur le terrain. Le problème est en effet de savoir qui tient en respect et qui procède à la fouille : est-ce la gendarmerie qui tient en respect et la police municipale qui procède à la fouille, ou l’inverse ? C’est du vécu, du terrain !

Je vais bien évidemment retirer cet amendement.

M. Alain Fouché. C’est dommage !

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre d’État, il faut modifier cette partie du code de procédure pénale. Le président de la commission des lois et le rapporteur devront se pencher sur ce sujet. Une telle mesure est réclamée par les polices municipales.

M. Alain Fouché. Évidemment !

M. Jean-Pierre Grand. Pour ma part, je pense que tout doit se dérouler dans l’ordre que j’ai décrit.

Je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 19 rectifié est retiré.

L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Guérini, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Hue, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Noël Guérini.

M. Jean-Noël Guérini. Le recours croissant à des agents de sécurité privée pour effectuer des missions habituellement assurées par des agents publics de la police ou la gendarmerie est, pour nous, un autre sujet d’inquiétude.

Les dispositions prévues à l’article 1er permettent aux agents de sécurité privée d’assister les forces de l’ordre dans l’exécution du périmètre de sécurité, notamment de pratiquer les palpations de sécurité et les fouilles de bagages. Cela nous paraît acceptable, à condition qu’ils soient bien formés pour le faire.

Sous le regard vigilant du Défenseur des droits notamment, nos forces de l’ordre sont soumises à une déontologie de plus en plus précise. On peut à l’inverse s’interroger sur la qualité de la formation déontologique des agents de sécurité privée, compte tenu de l’importance des recrutements rendus nécessaires par l’instauration des périmètres de sécurité.

Pour en revenir à l’amendement, l’alinéa 14 du projet de loi prévoit de façon un peu « cryptée » la possibilité pour ces agents de participer à la prévention des éventuels « vols, dégradations et effractions » dans le périmètre de protection, qui concernera non seulement le lieu de l’événement mais aussi ses abords. Cette disposition nous semble un peu éloignée du texte, qui vise à renforcer la lutte contre le terrorisme.

C’est pourquoi, sauf explication plus approfondie par le Gouvernement, nous proposons la suppression de cet alinéa.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. L’alinéa 14 opère une coordination avec l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure, afin que les agents de sécurité privée puissent intervenir au sein des périmètres de protection. Il paraît nécessaire de le conserver.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. M. Guérini soulève toujours des questions de fond importantes…

Aujourd’hui, les agents de sécurité privée prennent une place déterminante dans toute une série de manifestations. Il conviendra donc de réfléchir à l’avenir aux moyens de renforcer leur professionnalisation et leur formation, afin d’affermir notre confiance en eux.

Dans les mesures que nous avons prévues, ces agents agissent sous le contrôle d’un policier ou d’un gendarme. Ils ne jouent donc pas un rôle majeur. Je rappelle d’ailleurs que, lorsque quelqu’un est exclu du périmètre de protection, c’est toujours un policier ou un gendarme qui le raccompagne.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'article.

M. David Assouline. Je prends cet exercice parlementaire au sérieux. J’ai posé une question au ministre d’État, mais sa réponse n’est pas factuelle, puisque je lui ai donné lecture de l’alinéa 4 de l’article 1er du projet de loi. Je conçois tout à fait qu’il soit nécessaire d’assurer des périmètres de protection, par exemple à l’occasion du marché de Noël de Strasbourg ou d’autres événements, culturels et sportifs, notamment l’Euro de football, et il n’y a aucune raison que cela donne lieu à des abus de la part des pouvoirs publics.

Dans notre pays, la liberté de manifester existe. Aujourd'hui, le préfet peut interdire une manifestation, s’il considère que la situation le justifie. En revanche, si cette manifestation est autorisée et qu’il s’agit par exemple d’une manifestation de contestation du pouvoir, avec cet article, des abus sont possibles.

À l’inverse de ce qu’a affirmé le ministre d’État, cet article ne concerne pas que les manifestations culturelles et sportives : il est question « d’un lieu ou d’un d’événement soumis à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature ou de l’ampleur de sa fréquentation ». Une manifestation à Paris ou dans n’importe quelle autre grande ville entre pleinement dans cette définition.

J’attends que le ministre d’État réponde à ma question : il peut tout à fait assumer qu’il en sera ainsi.

J’aborde ce débat avec une totale ouverture d’esprit et je comprends qu’il s’agit avant tout de protéger nos concitoyens, mais je pointe quelque chose et on me répond à côté ! J’aimerais vraiment une réponse, sinon, malgré toute ma bienveillance, je ne pourrai pas voter cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme
Article 3

Article 2

Le titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« Chapitre VII

« Fermeture de lieux de culte

« Art. L. 227-1. – Aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut prononcer la fermeture des lieux de culte, dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la violence, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes.

« Cette fermeture, dont la durée doit être proportionnée aux circonstances qui l’ont motivée et qui ne peut excéder six mois, est prononcée par arrêté motivé et précédée d’une procédure contradictoire dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration.

« L’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office. Toutefois, si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d’office avant que le juge des référés n’ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique en application du deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du même code ni, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge n’ait statué sur la demande.

« Art. L. 227-2. – La violation d’une mesure de fermeture d’un lieu de culte prise en application de l’article L. 227-1 est punie d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Benbassa et Bouchoux et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’article 2 permet au préfet de police à Paris ou au représentant de l’État dans le département, aux seules fins de prévenir des actes de terrorisme, d’ordonner « la fermeture d’un lieu de culte dans lequel les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la violence, provoquent à la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tels actes ».

Disons-le clairement : nous sommes ici en présence d’un article se fondant sur l’arbitraire le plus complet ! Comment définir clairement les « idées » ou « théories » qui pourraient entraîner une fermeture ? Ce motif imprécis ouvre en réalité un véritable boulevard aux fermetures abusives de lieux de culte. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il ne conviendra pas de fermer des mosquées quand la radicalité de son imam est attestée.

Le droit de tout individu à exercer paisiblement son culte – ce que, bien sûr, personne dans cet hémicycle n’oserait remettre en question ! – se trouvera profondément bafoué par cette disposition. Que penser d’un pays où la pratique du culte est entravée au moindre soupçon ?

Le commissaire européen aux droits de l’homme ne s’y est pas trompé, lui qui s’est récemment inquiété de la portée de cet article, susceptible de limiter considérablement la liberté de culte garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Enfin, comment ne pas reconnaître le caractère punitif et stigmatisant d’une telle mesure pour les communautés religieuses entières concernées ? Soyons réalistes, cette disposition vise particulièrement les musulmans et l’arbitraire des fermetures ne fera que raviver un sentiment de stigmatisation et de discrimination (M. Philippe Esnol s’exclame.) déjà bien installé – et à juste titre ! – au sein de cette communauté.

Cette disposition, plus étendue que celle qui est contenue dans la loi sur l’état d’urgence, est insuffisamment encadrée et menace lourdement la liberté de culte. Nous en proposons donc la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui institue un pouvoir de police spéciale au profit du préfet en matière de fermeture de lieux de culte. S’il est adopté, nous retomberons dans le droit actuel, qui sera non plus celui de l’état d’urgence, mais celui de la loi de 1905. J’ai relu le compte rendu des débats, Aristide Briand était le rapporteur de ce texte.

M. Alain Fouché. Quelle figure !

M. Michel Mercier, rapporteur. L'article 25 prévoit que la police peut intervenir uniquement pour maintenir l’ordre public. Une telle disposition est tout de même un peu datée ! En 1905, il s’agissait d’abord de régler le problème de la séparation des Églises et de l’État : il fallait maintenir l’ordre public, parce qu’un certain nombre de manifestations avaient lieu.

M. Michel Mercier, rapporteur. Faisons un peu d’histoire locale : le maire de Lyon de l’époque était un pratiquant musclé des interdictions de processions sur le territoire de sa ville ! (M. le ministre d’État sourit. – M. Jean-Noël Guérini s’exclame.) Cela a bien changé maintenant.

Créer un pouvoir de police spéciale au profit du préfet pour fermer des lieux de culte – vous avez raison, madame la sénatrice, il s’agit d’abord de fermer des lieux de culte musulman, c’est-à-dire des mosquées –, comme le propose le Gouvernement, semble donc plus adapté que de s’appuyer sur la loi de 1905. Ce pouvoir est suffisamment encadré ; d’ailleurs, d’autres amendements vont être examinés.

M. Alain Fouché. Très bien, monsieur le rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Selon Mme Benbassa, ces dispositions seraient totalement arbitraires. Or, aux termes de l’alinéa 3 de l'article L. 227–1, « l’arrêté de fermeture est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, à l’expiration duquel la mesure peut faire l’objet d’une exécution d’office. Toutefois, si une personne y ayant un intérêt a saisi le tribunal administratif, dans ce délai, d’une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521–2 du code de justice administrative, la mesure ne peut être exécutée d’office avant que le juge des référés n’ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique en application du deuxième alinéa de l’article L. 522–1 du même code ni, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge n’ait statué sur la demande ». En d’autres termes, il n’y a pas d’arbitraire. Il est même possible, pour celui qui pense la mesure arbitraire, d’en appeler au juge en référé.