M. Jean-Louis Tourenne. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Dominique Watrin, l'amendement n° 105 est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. Oui, je le maintiens également, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié et 105.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204 rectifié. (Il est procédé à la mise aux voix à main levée.)

Mes chers collègues, je considère qu’il y a doute. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mais peut-être Mme Lamure retire-t-elle l’amendement ?

Mme Élisabeth Lamure. Je le maintiens !

M. le président. Nous allons donc procéder par assis et levé. (Protestations sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mmes Éliane Assassi et Laurence Cohen. Mais on a déjà voté !

Mme Nicole Bricq. La confusion règne !

M. le président. Madame Assassi, madame Cohen, je vous en prie, laissez le président présider et reprenez votre calme ! Il n’y a qu’une voix d’écart, et il y a doute.

Je poursuis donc la mise aux voix de cet amendement.

(Après l’épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l'amendement n° 61 rectifié quater.

Mme Catherine Génisson. J’espère que nous voterons tous ensemble cet amendement, parce qu’il est important.

Il tend à autonomiser et identifier le CHSCT, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, pour lequel nous nous sommes toutes et tous largement exprimés. L’existence propre de cette commission au sein de la nouvelle instance est très importante.

On parle beaucoup aujourd'hui d’ergonomie, d’organisation des postes de travail, mais également de qualité des relations managériales, de surveillance des maladies professionnelles ou, à l’inverse, de la nécessité de bonnes conditions de travail : l’objet du CHSCT est donc tout à fait fondamental.

Madame la ministre, même si ce n’est pas l’objet de ce texte, permettez-moi d’évoquer un instant – nombre de mes collègues, notamment Évelyne Yonnet, en seront d’accord – la question de la médecine du travail, car c’est un sujet que l’on a sacrifié. Il faut absolument revenir sur les conditions d’exercice de la médecine du travail, étant entendu que cela relève non pas de la seule responsabilité du médecin du travail, mais de celle de toute l’équipe qui l’entoure.

Il faudrait également solliciter la ministre de la santé et la ministre de l’enseignement supérieur sur ce volet : il est en effet de la responsabilité des facultés de médecine d’inciter les étudiants à exercer la médecine du travail. L’organisation de la médecine du travail, la visite d’embauche, qui est maintenant une simple visite d’information, et la surveillance des salariés à l’intérieur de l’entreprise, constituent des enjeux tout à fait fondamentaux.

Madame la ministre, en émettant l’avis du Gouvernement, vous êtes allée pratiquement plus loin que le dispositif de cet amendement. Vous avez en effet pris position pour que l’obligation de créer cette commission spécifique sous certaines conditions se substitue à une simple possibilité.

Adopter cet amendement permettrait par la suite d’améliorer la rédaction du texte. Sans pour autant revenir sur le débat plus général de la fusion, l’objectif est de reconnaître la spécificité de fonctionnement du CHSCT à l’intérieur de la nouvelle instance qui regroupe les trois structures actuelles. (Mme Évelyne Yonnet et M. Yves Daudigny applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Comme notre collègue Catherine Génisson vient de le préciser, cet amendement vise à introduire la possibilité de créer une commission qui serait chargée des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de la nouvelle instance unique.

Depuis la loi Rebsamen, une telle faculté était déjà prévue en cas de regroupement des instances représentatives du personnel, les IRP, par accord majoritaire. À un moment donné, j’ai moi-même songé à proposer un amendement de ce type, mais je pensais qu’une telle liberté était déjà offerte dans le texte du projet de loi d’habilitation.

Dès lors qu’il ne s’agit pas d’une obligation et que la création de cette commission relève d’un choix des partenaires sociaux de l’entreprise, il peut être intéressant de le préciser, d’autant que cela est de nature à rassurer les personnes qui craignent que les compétences du CHSCT ne soient réduites en cas de fusion.

J’ai indiqué précédemment que la commission s’en remettrait à la sagesse de notre assemblée ; finalement, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement, dans la mesure où la CMP nous donnera l’occasion d’en retravailler la rédaction et de choisir les termes qui conviennent le mieux à une loi d’habilitation.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je ne suis pas inquiète par la fusion des IRP, car je ne pense pas que l’on va laisser de côté les questions traitées par les CHSCT. En effet, il s’agit aujourd'hui d’un enjeu primordial dans les entreprises. Il ne faut pas croire que ces questions soient négligées, bien au contraire !

Les salariés doivent être bien traités dans leurs entreprises et rester en bonne santé pour bien travailler. C’est même un enjeu de compétitivité. Je ne dis pas que certains chefs d’entreprise ne négligent pas ces sujets, mais ils se mettent ainsi gravement en danger, y compris pour eux-mêmes, dans la mesure où leur comportement est pénalement répréhensible en cas d’accident. Il faudrait être fou pour ne pas se préoccuper de ces questions.

En cas d’accident du travail, il faut établir ce que l’on appelle un « arbre des causes ». Cet arbre ne se fait pas dans un bureau : on doit faire appel aux membres du CHSCT et à leur expertise pour déterminer les causes de l’accident et envisager une solution qui permette d’éviter de nouveaux accidents. Les accidents du travail coûtent cher en raison du nombre de jours perdus, mais ils peuvent coûter plus cher encore quand on en arrive à devoir licencier certains salariés pour inaptitude.

Je voulais à la fois rassurer et vous remercier, madame la ministre, parce que je suis convaincue qu’il s’agit d’un enjeu qui vous préoccupe également.

Je terminerai mon propos en abordant la question de la médecine du travail.

Les dispositions adoptées dans la loi El Khomri sont tout simplement inacceptables pour l’entreprise. La médecine du travail est un vrai partenaire de l’entreprise. Or le médecin du travail a été éloigné de l’entreprise et de ses salariés. Les visites médicales des salariés n’auront plus lieu que tous les cinq ans : cela n’est pas possible pour la sécurité dans les entreprises ! C’est un vrai sujet qu’il faudra revoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud et M. Jean Desessard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je partage les propos que viennent de tenir nos collègues Catherine Génisson et Pascale Gruny.

En effet, on peut comprendre les inquiétudes de beaucoup de nos collègues en matière de santé au travail. On peut regretter le fait qu’il y ait de moins en moins de médecins du travail, même si je n’ai pas tout à fait les chiffres en tête. Il faut le dire, il y a malheureusement encore trop d’accidents du travail aujourd'hui.

Cela étant, la réglementation actuelle doit être simplifiée. Notre président-rapporteur a bien cerné cette question, car il sait qu’il s’agit d’un enjeu primordial.

Tout ce qui figure dans ce texte en particulier est important. Même si on a pu constater une amélioration des conditions de travail, puisque beaucoup de personnes travaillent maintenant sur des ordinateurs, devant des écrans, il faut reconnaître que de nombreux métiers restent encore très difficiles. Comme l’a dit Mme la ministre hier, il faut faire confiance pour que les choses évoluent dans un sens positif. Je défendrai donc la position de la commission.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je souhaite revenir sur l’intervention de Bruno Retailleau. Je tiens encore une fois à dire que la fusion des IRP n’a rien à voir avec la politique de l’emploi. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Quand notre collègue nous dit qu’il faut tout faire pour faire baisser le chômage, j’aimerais citer deux exemples.

L’usine Peugeot de Sochaux, malgré ses trois IRP, embauche actuellement. Par ailleurs, l’entreprise Flex-N-Gate, qui est implantée dans la ville où je suis maire, employait 600 salariés autrefois, contre 1 400 aujourd'hui. Pourquoi cette entreprise a-t-elle autant embauché ? Parce que c’est le carnet de commandes qui crée de l’emploi, et non pas la fusion des IRP ! Comment peut-on dire de telles bêtises ?

Qui peut accréditer l’idée que, en fusionnant les IRP, on créerait de l’emploi ? Ce n’est pas possible ! En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’on révisera à la baisse les libertés syndicales.

En ce qui concerne la santé au travail, on prend d’énormes risques, car les CHSCT sont indispensables à la vie d’une entreprise. Aujourd'hui, il est essentiel de prendre en considération les risques psychosociaux, l’ensemble des maladies professionnelles, la médecine du travail. Toutes ces questions relèvent des représentants du personnel qui siègent dans les CHSCT : ce sont des personnes formées et aguerries. Or la fusion risque singulièrement de diluer cette expertise. Voilà où est la véritable question.

Ne mélangeons pas tout : quand on n’est pas favorable à la fusion des IRP, on n’est pas pour autant contre une politique de l’emploi. Non !

Au demeurant, il faudra aussi parler du travail et moins confondre travail et emploi. Aujourd'hui, la question du travail est primordiale, c’est un sujet sur lequel on doit plancher, y compris en passant par la loi. Pour la productivité et la santé des entreprises, il faut que les salariés soient en bonne santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je souscris aux propos de Mme Gruny concernant l’entreprise. Mais on a oublié de souligner que, avec la disparition des CHSCT, on se prive d’un travail extrêmement important, en tout cas pour les membres de la commission des affaires sociales, sur tout ce qui a trait à la prévention.

Mme Nicole Bricq. Mais non, la prévention sera gérée au niveau des branches !

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, vous abandonnez tout ce qui touche à la prévention dans les entreprises.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Mais non !

Mme Laurence Cohen. C’est extrêmement grave !

M. Martial Bourquin. Bien sûr !

Mme Laurence Cohen. Et ne nous dites pas qu’avec la fusion tout ira mieux et que l’on accomplira les mêmes choses qu’avant ! En réduisant le nombre d’instances, vous allez obligatoirement réduire les missions ! Assumez ce choix-là ! Il est mauvais, on vous le dit. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Mais assumez-le ! Ne nous faites pas croire le contraire avec des envolées langagières, cela ne tient pas la route ! (Mme Nicole Bricq proteste.) Même si cela ne vous plaît pas, madame Bricq, fusionner les instances représentatives du personnel, c’est obligatoirement tirer les choses vers le bas. Cela ne va pas les améliorer.

D’ailleurs, aucune argumentation n’a été opposée à celles et ceux qui ont soulevé les questions relatives à la prévention, des questions qui proviennent de sénateurs siégeant sur des travées différentes de l’hémicycle et qui défendent pourtant de manière générale des positions divergentes sur votre projet de loi. Vous restez droite dans vos bottes, en nous disant de vous faire confiance, parce qu’il s’agit d’un très bon projet de loi. Eh bien non, on ne vous fait pas confiance, madame la ministre !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je veux réfuter trois contre-vérités.

Tout d’abord, en ce qui concerne la prévention, si vous avez bien écouté les discussions qui se sont déroulées avec les organisations représentatives du personnel ou lu les textes de l’ordonnance et du projet de loi d’habilitation, vous devez savoir qu’un volet « prévention de la pénibilité » a été confié aux branches. Cela a été dit, écrit et répercuté. Peut-être ne l’avez-vous pas entendu, ma chère collègue, mais il ne faut pas affirmer des choses qui ne sont pas justes !

Mme Laurence Cohen. Nous l’avons entendu, mais il n’y a pas de moyens !

Mme Nicole Bricq. S’agissant, ensuite, de la fusion des instances dans un organisme unique, laquelle contourne d’une certaine manière le problème des seuils – c’est ce que je voulais signaler tout à l’heure au président Retailleau –, qui devient quelque part caduc, je voudrais citer l’exemple de l’Allemagne. Chez notre voisin, de nombreuses entreprises disposent d’un comité d’entreprise unique, qui peut être présidé par un salarié. Cette configuration remet en cause un système comme le nôtre dans lequel le comité d’entreprise est présidé par l’employeur. Il faut savoir mettre les choses en perspective.

Enfin, M. Bourquin a cité l’exemple de l’entreprise Peugeot. Il faut se souvenir que les salariés de Peugeot ont signé un accord défensif quand les choses allaient mal en échange du maintien de sureffectifs. Ils ont alors accepté la mise en œuvre d’une modération salariale, en clair, le gel de leurs salaires pendant trois ans.

En revanche, après l’intervention de l’État et l’arrivée d’investisseurs chinois dans le capital de l’entreprise, Peugeot s’est mis à aller mieux : les organisations syndicales ont cette fois-ci négocié un accord offensif selon lequel l’entreprise s’engageait à investir, à créer des emplois et à mettre fin à la politique de modération salariale. Preuve est faite qu’il existe des accords d’entreprise difficiles économiquement à certaines périodes et de meilleurs accords d’entreprise à d’autres périodes. Peugeot en est la preuve ! Il ne faut pas se servir de cet exemple pour asséner des contre-vérités ! (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Jean-Louis Tourenne. Je ne vois pas le rapport !

M. Martial Bourquin. C’est vous qui dites des contre-vérités !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. En cohérence avec mon intervention sur l’article 2, je soutiendrai avec beaucoup de force l’amendement présenté par notre collègue Corinne Féret et qui a été défendu avec beaucoup de conviction – nous avons l’habitude ici de la voir s’exprimer ainsi ! – par Catherine Génisson. Je tiens surtout à souligner l’argumentation complète, solide et pertinente qu’elle a développée.

Cet amendement n’apporte pas de réponse à toutes les questions. Toutefois, avec votre appui, madame la ministre, il constitue un élément de réponse important à la crainte exprimée par beaucoup de nos collègues de la disparition de la spécificité des CHSCT dans le cadre de la fusion des IRP. (Mme la ministre opine. – Mme Catherine Tasca applaudit.)

J’apporte donc mon soutien total à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Ah ! On va relancer la machine ! (Sourires.)

M. Olivier Cadic. Il est important de dire que ce n’est pas parce que le texte prévoit la fusion des IRP que les entreprises abandonneront leurs responsabilités. Les problématiques de santé seront bel et bien traitées au sein de cette commission unique.

René-Paul Savary a avancé des données financières qui peuvent expliquer une telle virulence. Je voudrais simplement dire que, si les syndicats sont aussi populaires en Allemagne ou en Europe du Nord, c’est parce qu’ils offrent des services, de vrais services aux salariés. Ils s’occupent des salariés et pas de politique ! (Murmures sur certaines travées de gauche.)

Je vais vous expliquer l’une des raisons pour lesquelles ces syndicats sont populaires : lorsque vous êtes membre d’un syndicat et que vous êtes au chômage, le syndicat abonde une indemnité de chômage. Si nos syndicats développaient ce type de services, ils seraient certainement plus populaires ! Ce n’est pas en prélevant un pourcentage sur les cotisations salariales qu’on les incite à faire des efforts pour avoir des « clients ».

En ce qui concerne la médecine du travail, puisque cette question effectivement fondamentale a été évoquée, il faut tout de même dire que ce n’est pas la même chose d’avoir un poste dans le tertiaire ou un emploi de secrétaire que d’être pilote d’avion.

M. Olivier Cadic. Les besoins en termes de suivi médical sont différents. La médecine du travail relève aussi de la responsabilité de l’entreprise. Après le crash de la Germanwings, on a bien compris qu’il pouvait rester des trous dans la raquette. Cela a conduit les entreprises à se réformer au niveau des procédures. Il s’agit d’un enjeu qui touche toute l’entreprise, parce que la survenue d’un drame concerne non pas seulement les salariés, mais bien toute l’entreprise et ses clients.

On ne peut pas avoir un système uniforme, identique pour tout le monde, et qui fonctionne. Il faut être un peu réaliste et pragmatique, et chercher à obtenir des résultats. C’est ce que nous devons faire tous ensemble.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Arrêtons avec l’Allemagne. Il faut cesser de se jeter des exemples de pays au visage et essayer plutôt de les considérer avec leurs spécificités.

En Allemagne, par exemple, il existe un système de cogestion dans lequel le pouvoir des syndicats de travailleurs n’a rien à voir avec ce que l’on connaît dans notre pays. C’est la conséquence du nombre de leurs adhérents. Quand les syndicats sont en mesure de peser concrètement et d’être utiles à ce point aux travailleurs, ces derniers adhèrent plus massivement.

L’histoire du syndicalisme français est différente et, surtout, la manière dont le patronat aborde les choses est différente ! À l’époque des mesures d’austérité très impopulaires de M. Schröder, les patrons s’étaient engagés à ne pas augmenter leurs salaires durant toute cette période. Vous imaginez la même chose en France avec Gattaz et compagnie ? Chez nous, les patrons se sont même assis sur les contreparties au CICE. Il leur faut toujours un résultat immédiat. Ce ne sont pas les mêmes rapports.

En matière de santé, je plaide pour davantage de prévention. Globalement, on a compris qu’il fallait arrêter de consacrer tous nos efforts aux soins et au traitement des maladies et que la prévention avait un rôle très important à jouer, y compris pour réduire le trou de la sécurité sociale, puisqu’elle permet de réaliser des économies substantielles en matière de dépenses sociales.

Il faut mettre le paquet au niveau de l’entreprise, dans le quotidien des salariés. D’ailleurs, c’est la même chose pour les enfants à l’école, d’une certaine façon. C’est pourquoi, alors que je soutenais le précédent gouvernement, j’ai fait partie de ceux qui ont pointé le fait que les dispositions de la loi El Khomri relatives à la médecine du travail posaient problème.

Ne pas comprendre, même symboliquement, que faire disparaître une commission spécifique traitant de ces questions, une commission dont le rôle est d’étudier la question de la prévention, pas de manière générale au travers de rapports, mais concrètement au quotidien, par une connaissance approfondie des salariés, en les suivant, en les alertant, en voyant si le problème peut être collectif et non pas uniquement individuel, grâce au travail réalisé par des représentants formés, nous mènera à la catastrophe est une erreur !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je souhaite revenir sur la question du syndicalisme français, qui aurait évidemment tous les défauts de la terre, tandis que le syndicalisme européen serait, lui, tellement vertueux. L’histoire mérite d’être regardée en détail.

Des raisons objectives expliquent que le nombre de syndiqués diffère entre nos pays. Mon collègue David Assouline a parlé de codétermination…

Mme Nicole Bricq. Non, il a parlé de cogestion !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On parle de codétermination en Allemagne et non de cogestion, ma chère collègue ! La gestion de certaines questions est laissée à la codétermination, mais toute l’entreprise n’est pas cogérée. Cette codétermination donne en tout cas un vrai pouvoir aux organisations syndicales.

Par ailleurs, pour des raisons historiques – je ne suis pas sûre qu’il faille toujours comparer –, le syndicalisme allemand n’est pas pluraliste. Il n’existe souvent qu’un seul syndicat dans l’entreprise. Est-ce vraiment une bonne chose ? Je sais que vous n’aimez pas les Gaulois, mais la diversité gauloise a parfois du bon !

De leur côté, les pays du Nord ont un taux élevé de syndicalisation. Mais cela s’explique très simplement : les conventions collectives ne s’appliquent qu’aux membres des organisations syndicales qui les ont signées. Le principe d’extension des conventions collectives, qui existe en France, n’existe pas là-bas. Pour bénéficier d’un accord collectif, il faut donc être membre d’un syndicat. Je ne doute pas que le nombre des adhérents soit important, mais les motivations syndicales sont peut-être un peu différentes par nature de ce qu’elles sont dans notre pays.

Je ne crois pas que nos concitoyens souhaiteraient que leurs droits dépendent obligatoirement de leur appartenance à une organisation syndicale. En effet, nous aimons la liberté, monsieur Cadic ! Nous considérons que c’est la puissance publique – et c’est pour cela que l’on se bat ! – qui permet à tous de bénéficier librement des droits sociaux que notre République et notre modèle social ont reconnus comme droits fondamentaux.

Les Gaulois ont bien des défauts, mais leur goût de la liberté les pousse à considérer que leurs droits ne sont pas liés à l’obligation d’appartenir à une organisation syndicale, une association ou je ne sais quelle communauté, et que cela constitue un fondement républicain.

Alors, certes, il y a des problèmes de syndicalisation en France. Se pose aussi la question des moyens. Ce débat peut avoir lieu. Mais assez de ces comparaisons permanentes avec l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Je reviens brièvement sur la question de l’Allemagne, car, selon moi, nous passons à côté de l’essentiel.

Je veux bien que l’on fasse l’apologie de ce pays, où, effectivement, il existe un système de cogestion ou de codétermination – n’ergotons pas sur les mots. Mais l’Allemagne, c’est aussi aujourd'hui un système de « mini-jobs », un salariat à deux vitesses. Il faut le dire et le savoir.

Pour un quart des emplois allemands, la rémunération n’excède pas 650 euros. Si c’est cela le modèle que vous voulez promouvoir, madame la ministre, avec, comme vous le dites vous-même, un principe d’insiders et d’outsiders, nous n’y voyons là rien de souhaitable pour notre pays.

S’agissant de l’amendement n° 61 rectifié quater, qui, je le rappelle, tend à prévoir qu’« une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être créée » au sein de l’instance unique, il entre à 90 % dans la philosophie du Gouvernement, mais apporte une nuance, qui ne devrait pas concerner plus de 10 % des cas, dans le seul but de faire passer la pilule !

Ainsi, il est question de prévoir non pas la création d’une commission spécifique, mais simplement la possibilité d’en créer une. La disposition est très faible au regard du débat que nous avons eu, débat ayant montré la nécessité de maintenir un CHSCT.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais intervenir sur l’amendement n° 236 du Gouvernement, qui va être soumis au vote de la Haute Assemblée et sur lequel la commission a émis un avis défavorable.

Je veux rappeler à mes collègues que la fusion des IRP est l’occasion, pour la commission des affaires sociales du Sénat, de briser enfin la barrière hermétique entre information, consultation et négociation.

La commission a souhaité que cette compétence de négociation soit exercée de plein droit par l’instance ; libres aux partenaires sociaux dans l’entreprise de refuser le transfert de compétence par accord majoritaire. Le Gouvernement veut inverser cette logique et conditionner ce transfert à un accord majoritaire.

C’est pourquoi nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 217
Pour l’adoption 30
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote sur l’amendement n° 33 rectifié.

M. Philippe Mouiller. Je profite de l’examen de cet amendement pour vous transmettre, madame la ministre, un message sur la question particulière de l’emploi des personnes handicapées, en lien avec l’intervention de Mme Gillot sur le sujet.

Généralement, nous traitons de cet enjeu au fur et à mesure des textes relatifs à l’emploi ou au dialogue social que nous examinons. Mais, en réalité, nous attendons un texte spécifique sur la question, qui serait élaboré sous la houlette de votre ministère, notamment, et, bien sûr, en lien avec le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées et les différents comités travaillant sur la question.

Il est primordial de traiter certains thèmes et tout à fait naturel que cela se fasse sous l’égide du ministère du travail.

Au-delà des obligations légales des entreprises, certains points essentiels restent à examiner, que ce soit en matière de formation professionnelle, d’employabilité, d’accompagnement dans la recherche d’emploi, de cadre juridique – je pense notamment aux passerelles pour les personnes exerçant une activité dans les établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, qui souhaiteraient rejoindre le milieu ordinaire. Je citerai aussi l’accompagnement médico-social et le financement de postes.

Enfin, et surtout, il faut mettre en valeur les belles initiatives prises par certaines entreprises en France, comme le groupe Andros, qui a mis en place des plans d’accompagnement spécifique pour les personnes touchées par l’autisme. De cette manière, nous montrerons que l’emploi des personnes handicapées constitue souvent un atout pour les entreprises, pour le développement du dynamisme social et, dans de nombreux cas, pour leur productivité.

Tel est le message important que je souhaitais vous transmettre, madame la ministre, à propos d’un enjeu de société essentiel. (M. Jacques Legendre applaudit.)