M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Pour la première fois de ma vie, grâce à vous, monsieur le sénateur, j’ai l’occasion de faire un clin d’œil à Anne Hidalgo. Il y a bien une première fois à tout ! (Sourires.)

Nous avons souhaité mettre en place le groupe de travail sur l’éolien au cours de la Conférence nationale des territoires. Cette question concerne en effet, au premier chef, les maires et les élus locaux de France, dont je crois savoir qu’un certain nombre d’entre eux est présent dans les tribunes du Sénat ; j’en profite pour les saluer.

L’idée est de lever certains obstacles, existant pour de bonnes ou de mauvaises raisons, au développement de l’éolien.

Tout d’abord, il convient de mener une réflexion sur le cadre réglementaire. Simplifier et adapter, ce n’est pas assouplir pour le plaisir. Le débat doit avoir lieu, car, on le voit bien, dans ce domaine, c’est souvent le juge administratif qui tranche les litiges. Or, dans un État qui fonctionne, il me paraîtrait préférable que les élus locaux et les représentants de l’État, notamment le corps préfectoral, gèrent ces questions plutôt que de les laisser entre les mains du juge.

Il convient ensuite, monsieur le sénateur, de traiter des retombées fiscales et du modèle économique de financement des énergies renouvelables. Là aussi, on doit pouvoir être moderne et mener une politique de libérer-protéger. L’intéressement, par exemple, ou la participation peuvent améliorer l’acceptabilité locale des projets.

Il est nécessaire, en outre, de mener une politique de protection des paysages et de la nature. La transition énergétique ne peut se faire à tout prix. Il s’agit plus ici de protéger que de libérer.

La question se pose, enfin, du repowering, c’est-à-dire du renouvellement des parcs existants.

Quant au point spécifique que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, et relatif aux éoliennes offshore, les Normands veulent bien produire pour les Parisiens, même s’ils ont quelques difficultés en ce moment pour le faire. Je préfère néanmoins ne pas m’étendre sur le sujet.

Le groupe de travail en question associe les parlementaires – députés et sénateurs – les associations d’élus locaux, les représentants de la filière, mais aussi des ONG, le ministère de la culture, le ministère des armées. Bref, il travaille de manière transversale, avec des résultats que nous pourrons sûrement annoncer au début de l’année 2018.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d’État, en France, l’hydroélectricité représente plus de 15 % de la production électrique nationale. C’est de loin la seconde source de production électrique derrière le nucléaire, la première source d’énergie renouvelable, ainsi que la seule source d’électricité renouvelable et stockable, en l’état actuel de la recherche.

Dans le monde, en 2017, la puissance hydroélectrique est légèrement supérieure à 1 000 gigawatts, pour un potentiel estimé par l’Agence internationale de l’énergie à 3 700 gigawatts. C’est donc moins du tiers du potentiel hydraulique mondial qui est utilisé aujourd’hui.

De fait, le développement de l’hydroélectricité dans le monde est en croissance constante pour des raisons objectives. C’est aujourd’hui le mode de production électrique le plus compétitif et le plus durable.

Les barrages de type STEP – stations de transfert d’énergie par pompage – permettent à la Suisse de subvenir à nos besoins aberrants d’électricité de chauffage, lors des pics de consommation, les soirs de grand froid à dix-neuf heures.

Ces dispositifs, qui seront en 2030, selon l’ADEME, les seuls à permettre de stocker l’électricité de manière rentable, sont la fierté de l’entreprise GE Hydro de Grenoble. Cette entreprise, pourtant rentable, fait aujourd’hui l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui prévoit le licenciement de 345 des 800 salariés, menaçant la survie même du site.

La filière hydroélectrique possède une histoire riche à Grenoble et dans les Alpes. L’entreprise a toujours été en pointe dans ce domaine, et ce depuis de nombreuses décennies. Ce savoir-faire industriel centenaire a notamment contribué à la construction du barrage des Trois Gorges en Chine, le plus grand au monde.

Pourtant, le Gouvernement n’a, pour l’instant, pas souhaité intervenir dans ce dossier, en refusant notamment d’entrer au capital d’Alstom, ou en rachetant les actions louées par Bouygues.

Dans le même temps, le ministre de la transition écologique et solidaire annonce le report des objectifs d’évolution du mix énergétique fixés par la récente loi relative à la transition écologique pour la croissance verte, objectifs qui devaient être atteints en 2025, faute de solutions suffisantes en matière d’énergies renouvelables.

Nous peinons à comprendre la stratégie industrielle du Gouvernement en matière de transition énergétique. Cette transition est pourtant urgente et indispensable pour respecter nos engagements de l’accord de Paris.

Monsieur le secrétaire d’État, en l’absence de grand débat national sur la transition énergétique qui semble pourtant indispensable, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la stratégie du Gouvernement concernant le développement des énergies renouvelables en général et de l’hydraulique en particulier ?

M. le président. Veillez, mes chers collègues, à bien respecter votre temps de parole.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Il y a plusieurs questions dans votre question, monsieur le sénateur.

La situation de l’entreprise GE Hydro est suivie de près par les services de Bercy. Vous avez insinué que le Gouvernement ne s’occupait pas de ce dossier : je préfère donc vous faire cette précision.

Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la stratégie globale du Gouvernement en matière d’énergies renouvelables et de transition énergétique lors de mon intervention liminaire, et il y a quelques jours encore devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. S’il faut le refaire, je le referai, mais pas en deux minutes : je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole, monsieur le président…

Vous m’avez également interrogé sur l’accompagnement industriel en matière d’énergies renouvelables et sur la stratégie relative à l’hydroélectricité. Vous le savez, monsieur le sénateur, la France est particulièrement bien dotée en gros équipements hydroélectriques. Cela est dû à sa géographie, à sa topographie : des régions ont ainsi pu devenir pionnières en la matière. Le recours à l’énergie hydroélectrique est donc important : on ne peut pas dire le contraire.

La question se pose en revanche pour la petite hydroélectricité. Le Gouvernement continue par conséquent d’accompagner son développement par la voie des appels d’offres. Nous réaffirmerons cet engagement lors de la confection de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, qui sera l’occasion de tenir le grand débat sur la transition énergétique que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince, pour le groupe Union Centriste.

M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la stratégie nucléaire française est à la croisée des chemins ; c’est pourquoi elle manque de lisibilité. Voulons-nous sortir du nucléaire ou promouvoir un autre nucléaire ? Telle est la question fondamentale à laquelle nous devrons clairement répondre dans les années à venir.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte semble aller dans le sens d’une sortie du nucléaire, en fixant l’objectif de réduire sa part dans le mix électrique français à 50 % à l’horizon 2025.

Mais même cet objectif intermédiaire va réclamer des efforts monstrueux. Je suis bien placé pour le savoir : un de mes proches est responsable du démantèlement de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. Ce démantèlement dure depuis 25 ans et devrait prendre fin en 2100. Sur le site, 2 000 tonnes de graphite sont confinées dans des silos en attendant d’être enfouies, et 4 500 tonnes restent encore à extraire du réacteur.

L’arrêt des centrales les plus anciennes va représenter un coût pharaonique. Dans ces conditions, envisager une sortie totale du nucléaire est sans doute utopique. C’est pourquoi la stratégie consistant à faire évoluer le nucléaire est plus que jamais d’actualité. C’est tout l’enjeu de l’EPR, mais c’est aussi l’enjeu de technologies révolutionnaires, comme la fusion, avec le projet ITER, ou les réacteurs au thorium et sels liquides.

Monsieur le secrétaire d’État, où en est ITER ? La France peut-elle renouveler son parc nucléaire grâce au thorium ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Répondre en deux minutes à votre question ne sera pas facile, monsieur le sénateur. Vous m’interpellez en effet sur la stratégie et la programmation en matière nucléaire, sur leur sincérité et leur faisabilité, ce qui nous amène, une fois de plus, à la part des énergies renouvelables que nous sommes en mesure d’atteindre.

Cela nous oblige également à évoquer un point que j’ai mentionné dans mon intervention liminaire, mais dont nous ne parlons pas assez : la sobriété énergétique. La principale énergie que nous allons produire à l’avenir est celle que nous n’aurons pas consommée. La performance énergétique des bâtiments est indispensable pour réduire la facture énergétique des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales.

Vous m’interrogez également sur les filières industrielles d’avenir dans le secteur du démantèlement de centrales nucléaires. Étant chargé de suivre le dossier de Fessenheim, je me penche évidemment sur le sujet. Mais dans la minute qui me reste, je n’ai pas le temps de l’évoquer plus avant.

Votre question a trait, plus spécifiquement, à la part du nucléaire dans le mix énergétique, mais aussi à la place qu’occupera l’innovation en matière nucléaire.

Je l’ai dit tout à l’heure : la barre des 50 % reste bien l’horizon du Gouvernement. Toute la question est de savoir quand cet horizon sera atteint ; c’est une affaire de sincérité des calendriers exposés. Ce point va nous occuper toute l’année prochaine, avec la rédaction de la PPE.

En tout état de cause, personne n’a dit que l’horizon était d’atteindre un mix énergétique où la part du nucléaire serait de 0 %. Cette part va réduire, de 75 % aujourd’hui à 50 % dans un horizon raisonnable et sincère.

Pour ce qui est de la recherche nucléaire, le Gouvernement alloue 1,2 milliard d’euros de crédits au projet ITER jusqu’à l’année 2020.

Le soutien à l’innovation est important. Quel nucléaire voulons-nous en effet pour sa part restante ? Là encore, la PPE permettra de faire des choix industriels, qu’il ne m’appartient pas de formaliser devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Le chef de l’État le fera certainement, le moment venu.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’énergie la plus propre est celle qu’on ne consomme pas, celle dont on n’a pas besoin. Et nous devons porter une attention particulière aux multiples façons d’économiser l’énergie.

La transition énergétique s’appuiera pour beaucoup, on le constate déjà, sur les initiatives locales. À cet égard, plus de 500 territoires ont montré le chemin à suivre en s’inscrivant dès 2016, et à l’incitation très forte de l’État, dans le dispositif des territoires à énergie positive pour la croissance verte, ou TEPCV.

Aujourd’hui, après s’être engagés auprès de leur population, de très nombreux maires, présidents d’intercommunalité et leurs conseils se voient contraints de renoncer à leurs projets d’économie d’énergie ou de production d’énergie renouvelable.

Monsieur le secrétaire d’État, les maires et présidents d’intercommunalité qui se sont inscrits de manière exemplaire, par ces projets, dans le droit fil des objectifs de la COP21 ne doivent pas être désavoués.

Après une première circulaire envoyée aux préfets de région, très restrictive pour ce qui est de l’éligibilité des projets en cours, une seconde circulaire assouplirait les critères de sélection. Pouvez-vous nous l’exposer et rassurer les très nombreux élus qui montrent l’exemple de la responsabilité en matière de lutte concrète contre le réchauffement climatique ?

La nécessaire évolution du mix énergétique de notre pays, du fait de la multiplication des points de production et d’injection de l’électricité sur les réseaux, transforme profondément notre modèle d’organisation, jusqu’ici centralisé, pour ne pas dire verticalisé.

Ce phénomène nous oblige à penser, pour la partie liée à l’acheminement de l’énergie, l’évolution de notre modèle de tarification, ainsi qu’à prendre en considération la question de la préservation du principe, fondamental dans une perspective d’égalité des territoires, de péréquation tarifaire.

Où en êtes-vous de vos réflexions sur ces deux sujets très importants ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Votre première question porte sur les TEPCV, monsieur le sénateur. Je pense avoir été clair à ce sujet dans mon intervention liminaire. Mais puisque vous me permettez d’y revenir, laissez-moi vous faire part de cette remarque : voilà ce qui arrive lorsqu’un gouvernement se laisse aller à des stratégies d’annonce un peu précipitées…

Je vous prie de croire que je ferai attention à ce que l’on ne mette pas, comme ici, la charrue avant les bœufs pour les contrats de transition écologique. Car vous avez raison de le dire, c’est toujours l’élu local qui en fait finalement les frais, dans ce genre de circonstances. J’ai été maire, élu communautaire, président de conseil départemental : je sais de quoi je parle…

Un élu local attend que la parole de l’État, par la bouche du préfet, soit tenue. Je suis donc heureux, et je suis sûr que vous l’êtes aussi, que le Gouvernement et le Président de la République assument les engagements pris par François Hollande et Ségolène Royal, au nom de la continuité de l’État.

Votre seconde question porte sur la péréquation, plus particulièrement sur l’accès au réseau et la distribution des énergies renouvelables.

Ladislas Poniatowski pourrait vous répondre sur le point relatif à la distribution, mais il n’est hélas pas d’usage qu’un sénateur apporte une réponse à la place du Gouvernement.

C’est pour répondre à la question de l’accès au réseau des énergies renouvelables que le Gouvernement a décidé de financer à hauteur de 40 % les coûts de raccordement, via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, ou TURPE. Cela vaut pour tous les producteurs d’énergies renouvelables : les agriculteurs, avec la cogénération et la méthanisation, les entreprises, les commerçants et les collectivités territoriales.

Le financement à hauteur de 40 % des connexions au réseau offre la capacité d’améliorer le modèle économique ou la rentabilité du projet tel qu’initialement imaginé. Dans le milieu rural, point qui vous intéresse particulièrement, cette aide offre tout simplement la possibilité de se rapprocher du réseau.

Les deux minutes qui me sont imparties sont insuffisantes pour répondre complètement à vos interrogations relatives à la péréquation et au tarif de l’électricité. Il faudra que nous y revenions, notamment lors de nos discussions autour de la PPE.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Ma première question relève en réalité d’un choix politique. Je note que la parole de l’État en la matière sera tenue.

La seconde est technique. Comment mêler puissance et énergie en matière de péréquation tarifaire ? Il faudra y revenir.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains.

M. Michel Raison. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Notre-Dame-des-Landes est devenu le symbole des blocages auxquels sont confrontés beaucoup de nos grands projets.

Qu’importe l’enjeu du projet ; qu’importe le processus décisionnel long et souvent minutieux ; qu’importent les procédures et les validations scientifiques ; qu’importe qu’un vote démocratique approuve le projet !

Partant du constat d’une France où les décisions publiques sont de plus en plus contestées, où la défiance des citoyens s’accroît vis-à-vis de leurs représentants, comment parvenir à lever les blocages et susciter l’adhésion ?

D’un rapport sénatorial de grande qualité, intitulé Le temps d’une démocratie coopérative, rédigé par Philippe Bonnecarrère à l’issue des travaux de la mission d’information sur la démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire, présidée par Henri Cabanel, mission à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, on peut tirer un certain nombre d’enseignements.

Prenons l’exemple du développement de l’éolien en mer, qui, selon la loi, doit contribuer à hauteur de 40 % à la production d’électricité renouvelable à l’horizon 2030.

Le premier appel d’offres a été lancé en 2011. Cinq lauréats ont été retenus. Les premières autorisations administratives ont été délivrées et, pourtant, tous les projets font l’objet, encore maintenant, de recours en justice.

Citons aussi Bure et la question cruciale de la gestion des déchets radioactifs ; mais aussi la filière hydraulique française dans son ensemble, notamment le barrage hydraulique de Poutès en Haute-Loire, qui a été renouvelé après vingt ans de négociations et de procédures judiciaires, parce que les écologistes demandaient son démantèlement complet.

Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : comment l’État parviendra-t-il à faire appliquer des décisions publiques prises au terme de procédures d’expertises et de consultations publiques ? Comment, par ailleurs, le Gouvernement entend-il concilier l’évolution envisagée du mix énergétique, pour plus d’énergies renouvelables, avec la difficulté liée à son acceptabilité dans la population ? Comment, enfin, conjuguer simplification et allégement des procédures – ce sont les annonces du Gouvernement – et acceptation des ouvrages ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous sais très investi sur ces questions, monsieur le sénateur. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger à ce sujet lors de l’examen du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à l’évaluation environnementale : les procédures lancées par l’autorité environnementale doivent nécessairement passer par le dialogue.

Ce sujet est absolument fondamental. Il mêle plusieurs enjeux : le pragmatisme, l’intérêt à agir de nos concitoyens, la sécurisation des porteurs de projets et l’autorité de l’État, pour laquelle je milite, vous le savez.

Ces questions sont aussi d’ordre philosophique ; elles se rapportent à la culture de notre pays, culture du droit comme culture du peuple. Il est difficile d’y répondre en deux minutes.

Je le ferai donc, si vous me le permettez, au couteau, en vous présentant quelques éléments de réflexion sur l’action du Gouvernement.

Un : il faut assumer de perdre du temps en amont sur certains projets, pour ne pas en perdre en aval. Les blocages affectant certains projets auraient été de toute façon inéluctables. Mais il y a des blocages dont on aurait totalement pu se passer. Une concertation préalable impliquant riverains, élus locaux, tiers ayant intérêt à agir aurait pu estomper les craintes s’étant fait jour à propos de projets d’éoliennes ou de méthaniseurs, par exemple. Il y a des marges de manœuvre sur ce type de projets.

Deux : il faut améliorer les procédures. Elles sont parfois inadaptées. Laisser le juge administratif trancher les différends liés à l’éolien à la place même du préfet, de l’État ou des collectivités territoriales dans les trois quarts des cas n’est pas une bonne chose. Cette situation crée des appels d’air à contentieux, entraînant eux-mêmes des blocages plus violents.

Trois : il faut améliorer l’exemplarité des projets. Le bon sens peut conduire à ce qu’on s’oppose à certains, par exemple ceux qui ne sont pas assez respectueux de l’empreinte environnementale.

Quatre : il faut revenir à l’idée gaulliste d’intéressement et de participation. Les citoyens peuvent avoir intérêt à regarder avec bienveillance certains projets.

La question est large : de Notre-Dame-des-Landes à Bure, en passant par des projets plus locaux, les situations sont à chaque fois différentes.

M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.

Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et les engagements pris lors de la COP21, la France a clairement affirmé son positionnement en faveur d’une énergie durable et diversifiée.

Les collectivités territoriales auront désormais un rôle accru dans l’évolution de notre modèle énergétique. La gouvernance de l’énergie va évoluer en conjuguant les atouts d’un système très centralisé avec ceux des dynamiques territoriales : telle est l’analyse du président de l’ADEME, que je partage entièrement.

La loi NOTRe, en désignant les régions comme chef de file de la transition énergétique à l’échelon local, porte également, en filigrane, cette notion de territorialisation de l’énergie.

Cependant, les acteurs locaux sont de plus en plus souvent à l’initiative de projets de production locale d’énergie, y compris participatifs, donc acceptés socialement. Mais ils se heurtent à des freins institutionnels ou administratifs de la part de l’État. Installer des turbines sur nos cours d’eau, des parcs photovoltaïques ou éoliens, ou valoriser la biomasse ne devrait plus s’apparenter à un parcours semé d’embûches. Ces projets devraient être, au contraire, facilités.

À un moment où les ressources des collectivités territoriales proviennent de moins en moins de l’État, il faut laisser ces dernières réinventer leur équilibre économique à l’échelon local ; la production énergétique en est assurément un facteur déterminant.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer l’approche du Gouvernement pour faire de l’État un facilitateur en la matière ? Il n’y aura pas, en effet, de transition énergétique réussie sans un État volontariste, qui accompagne les collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, il y a plusieurs niveaux de réponse à votre question. J’essaierai de les dévoiler en deux minutes, ce qui n’est pas évident !

Il faut tout d’abord accompagner la commande publique des collectivités territoriales qui rejaillit sur le tissu économique. Cela passe par le Grand Plan d’investissement, dans lequel la Caisse de dépôts et consignations aura un rôle à jouer. Cela passe aussi par la DETR et la DSIL… Je n’en dis pas plus, sauf pour vous signaler que, sur ce plan, l’État est très présent. Il affiche une volonté sans précédent de consacrer de l’argent pour investir et aider à investir en faveur de la transition écologique.

J’ajoute que plusieurs documents-cadres permettent d’orienter ces investissements locaux. Je pense notamment aux fiches-action découlant des plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET, chers à Ronan Dantec, qui ont succédé aux agendas 21 locaux. Tout cela va dans le bon sens.

Ensuite, et je reviens un peu à ma réponse au sénateur Bargeton, il faut rechercher l’équilibre entre libérer et protéger du point de vue réglementaire. Je vous souffle un exemple pour donner du concret à ma réponse, mais il vous reviendra, mesdames, messieurs les sénateurs, de trancher cela le moment venu : le groupe de travail sur l’éolien s’est interrogé pour savoir s’il fallait à tout prix repasser par une étude d’impact intégrale pour du repowering, là où une étude au cas par cas pourrait peut-être suffire, dès lors que l’on reste dans les mêmes dimensionnements de projet et que l’acceptabilité locale du repowering est acquise. C’est quelque chose d’évident sur lequel nous devons trouver des réponses plus rapidement.

Enfin, pour ce qui concerne les contrats de transition écologique, l’année prochaine, avant une généralisation, que je souhaite, comme on comptera de quinze à vingt contrats démonstrateurs, il faudra prévoir l’adaptation des normes environnementales en la matière, puisque tous les acteurs locaux se seront mis d’accord, par voie de consensus en « mode Grenelle », sur les fiches-action et sur les projets qu’il convient de mettre en œuvre sur le territoire. Dès lors, on peut très bien imaginer que l’autorité environnementale ait un rôle un peu différent, plus accompagnateur, a posteriori plutôt qu’a priori, sur le sujet. En tout cas c’est la volonté du Président de la République que d’être assez innovant sur la question.

M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Alain Duran. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la programmation pluriannuelle de l’énergie, issue de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, a fixé comme objectif de porter, en 2020, à au moins 23 % la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, contre 12 % en 2006. Parmi ces énergies renouvelables, la consommation de biomasse forestière, qui est la première ressource renouvelable en France, devrait ainsi passer de 9 millions de tonnes équivalent pétrole à plus de 13 millions dans la même période.

Il est d’autant plus pertinent d’encourager les installations de cogénération utilisant la biomasse qu’elles sont riches en emplois locaux et par nature délocalisables. Elles participent ainsi au maillage territorial et à l’entretien des forêts. Par exemple, une centrale de cogénération installée dans mon département, voilà tout juste deux ans, a eu un fort impact local. Au-delà des mégawatts produits, elle a contribué à la création d’une centaine d’emplois directs et indirects en ayant recours à du bois récupéré, environ 100 000 tonnes par an, sur un rayon qui n’excède pas 50 à 100 kilomètres.

Ce projet participe ainsi à l’entretien et à la régénération d’une forêt, qui gagne tous les jours dans nos montagnes des pans entiers de nos territoires, en raison de la déprise agricole.

Pourtant, le rythme de développement de cette filière paraît insuffisant pour atteindre les objectifs. La compétitivité, comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, n’est toujours pas au rendez-vous. La concurrence du gaz naturel est forte et, face à celle des énergies fossiles, des volumes importants de bois ne trouvent actuellement pas de débouchés. Les tarifs d’achat sont insuffisants par rapport aux coûts de revient, en particulier pour les petites installations, qui sont pourtant celles dont l’impact en matière d’emploi et de bilan carbone est le meilleur.

Le doublement du fonds chaleur n’est pas pour maintenant – j’ai d’ailleurs cosigné un amendement en ce sens avec ma collègue Nelly Tocqueville – et l’ADEME voit ses autorisations d’engagement diminuer dans le projet de loi de finances pour 2018.

Dès lors, comment le Gouvernement envisage-t-il la place de la filière bois-énergie dans le programme de développement des énergies renouvelables, une filière qui a toute sa place, comme vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d’État, dans nos territoires ruraux de montagne ?