M. Jean-François Rapin. Qu’ils sont riches !

M. Roger Karoutchi. Je ne comprends même pas ce que cela veut dire. Beaucoup de Français, vous le savez, veulent acquérir leur logement pour leur retraite ; c’est un acte de confiance, c’est quelque chose qui les rassure. Il ne s’agit pas de capital dormant : c’est tout simplement de la prévision. Autrefois, on recommandait d’économiser pendant les périodes d’activité pour assurer ses vieux jours, et là, vous êtes en train de leur dire : on va vous matraquer fiscalement ! Pourquoi ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. On ne change rien sur l’immobilier !

M. Roger Karoutchi. Si, parce que vous donnez le sentiment, direct ou indirect, que c’est l’immobilier qui doit payer l’impôt, et pas le reste. Passons sur ce que l’on a écarté précédemment, à savoir l’or, les diamants et je ne sais quels yachts, mais pourquoi vous en prendre à l’immobilier ? Trouvons des solutions plus équilibrées, qui jouent à la fois sur la réduction des dépenses de l’État et la fiscalité sur l’activité, mais, par pitié, n’assommez pas l’immobilier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout a été dit par notre groupe : nous considérons que l’ISF est un impôt qui ne paralyse pas l’économie nationale et qui contribue à une certaine justice sociale. (M. Gérard Longuet s’exclame.) Non, il ne paralyse pas l’économie nationale ! Quand vous regardez sur une longue durée, vous constatez que le nombre de gens qui paient l’ISF, le nombre de millionnaires et même de multimillionnaires augmente en France.

M. Emmanuel Capus. Tant mieux !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous n’assistons pas à une fuite des très riches. Il n’y a pas un effet repoussant de l’ISF tel que, soudainement, le pays serait privé de ses plus riches.

Par ailleurs, du point de vue purement économique, ce n’est pas parce qu’il y a l’ISF que les gens fuient dans les paradis fiscaux. Il est de nombreux pays qui ne connaissent pas d’ISF, comme les États-Unis, et dont les contribuables vont quand même massivement placer leur argent dans les paradis fiscaux. Avec cette thèse, tant que l’on n’a pas zéro de fiscalité, on ne peut pas concurrencer les paradis fiscaux.

M. Claude Raynal. C’est vrai !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces arguments ne tiennent pas dans le raisonnement économique. Pour notre part, nous défendons l’idée que cet impôt contribue à une certaine justice sociale, ou en tout cas à rectifier notre système d’imposition, notamment d’impôt sur le revenu, qui, de mon point de vue, n’est toujours pas suffisamment progressif et juste.

Le Gouvernement affirme qu’il veut favoriser l’économie réelle de ce pays.

D’abord, M. Raynal, tout comme M. de Montgolfier, a bien dit que nous n’avons aucune certitude que les gens qui ne paieront plus l’ISF vont placer leur argent au profit de l’économie nationale. Aucune preuve ! Je ne stigmatiserai pas l’absence de patriotisme d’une partie du capitalisme français, mais l’histoire, hélas, ne plaide pas toujours en sa faveur.

Comment va-t-on payer cette réduction de l’ISF ? On va faire des économies, et dans des secteurs clés. Je prends l’exemple des 1,7 milliard d’euros demandés au secteur du logement social : c’est la moitié de l’ISF !

M. Raynal l’a bien expliqué, on espère que ce nouvel impôt va contribuer à créer 0,5 point de PIB dans la durée et 50 000 emplois, peut-être dans la durée. Sachez que 1,7 milliard d’euros supprimés aux HLM, c’est a minima 15 000 logements construits en moins ; si l’on retient 2,5 emplois par logement, on arrive à 37 000 postes dans le bâtiment qui sont menacés.

En somme, 50 000 emplois créés, peut-être, demain, contre 37 000 emplois tout de suite menacés. Est-ce ce que vous appelez soutenir l’économie réelle ? Non ! Vous avez une vision dogmatique, selon laquelle plus on allégera les riches, quelles que soient les formes de leur richesse, plus l’économie se portera bien. Cela n’a jamais été prouvé !

Par ailleurs, j’insiste sur la question de la rente immobilière. C’est un vrai débat à mener en France. Le rapport de M. de Montgolfier est intéressant, car il montre que tout ne peut pas être mis dans le même paquet. Entre la rente foncière et la pseudo-rente immobilière de tous les secteurs de l’immobilier, on ne peut pas faire un tout homogène.

Nous n’avons pas besoin d’un impôt qui ne porterait que sur l’immobilier ; nous avons besoin de régulation dans le secteur de l’immobilier, car elle manque singulièrement dans notre pays. Mais c’est un autre sujet, que j’aurai l’occasion d’aborder tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Monsieur le secrétaire d’État, très sincèrement, on sent bien que vous venez de l’Assemblée nationale : votre propos était on ne peut plus caricatural. (Rires sur plusieurs travées.)

M. Philippe Dallier. Voilà un compliment !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Ce n’est pas sympa pour l’Assemblée nationale ! (Même mouvement.)

M. Claude Raynal. Au Sénat, on aime bien échanger des arguments, et on recourt un peu moins à la caricature.

Dire que l’ISF serait pour certains une réponse à la pauvreté, mais que cela n’a pas été prouvé… Sincèrement, on n’est pas à la hauteur d’une discussion dans cette maison.

Nous sommes d’accord, l’ISF ne représente que 5 milliards d’euros sur 150 milliards d’euros de recettes, mais cela n’en fait pas un totem en tant que tel. C’est un vrai sujet.

Voilà quelques instants, j’ai titillé nos amis de la majorité sénatoriale sur le courage dont ils avaient manqué, mais ils pourraient me répondre aussi qu’à l’époque de Sarkozy il y a eu une crise économique,…

M. Philippe Dallier. C’est vrai ! Pour une fois que vous le reconnaissez !

M. Dominique de Legge. C’est à marquer d’une pierre blanche ! Bravo !

M. Claude Raynal. … avec un déficit public monté à 8 %. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’essaie de vous aider, chers collègues, parce que vous ne répondez pas. Je fais la question et la réponse. (Rires ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Évidemment, à cette époque, vous ne pouviez pas vous priver de 5 milliards d’euros. C’est aussi simple que cela !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Ce n’est pas à l’Assemblée nationale que l’on aurait entendu cela ! (Sourires.)

M. Claude Raynal. La majorité sénatoriale a beaucoup de mal ! (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

Aujourd’hui, le sujet est exactement le même. On est toujours dans une période difficile, même si elle a été améliorée grâce à ce qui s’est passé sous Hollande…

M. Roger Karoutchi. Monsieur Raynal, là, vous allez trop loin !

M. Claude Raynal. Vous avez d’ailleurs largement participé à cette période, monsieur le secrétaire d’État, donc vous êtes aussi un acteur de ce redressement.

Je ne crois pas que donner plus aux riches va permettre de résoudre les problèmes, car, je l’ai dit alors que vous n’étiez pas encore arrivé, la demande sera permanente : aujourd’hui 30 % de PFU, demain 25 %, puis 20 %, etc. Il faudra toujours se comparer aux autres, et tant que l’on ne sera pas à zéro, il y aura une pression à la baisse. C’est comme ça ! (M. Philippe Dallier s’exclame.)

Encore cette année, on demande des efforts à beaucoup dans le PLF ; on demande des efforts sur le travail, sur les emplois aidés, sur les contrats aidés ; on demande des efforts sur le logement et on sait l’impact que cela aura ; on demande des efforts aux collectivités. En même temps, on enlève ces 5 milliards d’euros des recettes de l’État : c’est ça qui ne va pas.

Mme la présidente. Merci, mon cher collègue !

M. Claude Raynal. Certes, si tout allait bien, on pourrait éventuellement réfléchir à cette question, mais pas aujourd’hui, dans la période que nous traversons. C’est anormal ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est au nom des Indépendants que je vais développer cette explication de vote.

Je partage en très grande partie l’analyse faite par le rapporteur général sur le caractère particulièrement anti-économique de l’ISF, qui est un impôt confiscatoire, totalement inutile, stupide, qui frappe particulièrement les millionnaires, qui a fait fuir les milliardaires. Madame Lienemann, tant mieux s’il y a de plus en plus de millionnaires en France. À mon sens, il ne s’agit pas d’une difficulté. J’espère que vous considérez, vous aussi, que c’est plutôt un bon signe pour notre pays. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Sur le principe de la suppression de l’ISF, les Indépendants sont très clairement favorables. Madame Lienemann, je ne sais pas si l’effet bénéfique de l’allégement de l’imposition sur les plus riches a été démontré, mais, ce qui est certain, c’est que l’effet négatif sur l’économie du matraquage des riches a été démontré de façon désastreuse par les précédents gouvernements socialistes.

M. Emmanuel Capus. En revanche, je ne suis pas l’analyse de mes collègues de droite, et je voudrais saluer le courage de ce gouvernement. Il faut être cohérent et constant dans nos opinions. Un septennat et un quinquennat de Jacques Chirac n’ont pas permis de supprimer l’ISF ; un quinquennat de Nicolas Sarkozy n’a pas permis de supprimer l’ISF ; pour la première fois, un gouvernement se penche sur la question et propose de supprimer les trois quarts de l’ISF. Nous ne pouvons pas ne pas saluer cette initiative.

J’entends dire que ce gouvernement tape sur l’immobilier. Non ! Il ne fait que maintenir une partie de l’ISF, qui existait. J’ai entendu Bruno Le Maire prendre l’engagement qu’il n’y aurait pas de perdants.

M. Roger Karoutchi. On sait ce que cela veut dire !

M. Emmanuel Capus. En fait, ce qu’on lui reproche, c’est ce que la droite avait maintenu.

C’est la raison pour laquelle, face à une difficulté de choix, et voulant saluer la démarche du Gouvernement, les Indépendants, même s’ils sont hostiles à l’ISF, souhaitent plutôt amender le texte tel qu’il est proposé, et s’abstiendront donc sur l’amendement proposé par la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons convenir ici qu’il s’agit d’un point clé, sans doute l’une des mesures majeures de ce projet de loi de finances.

M. le rapporteur général l’a indiqué, cela fait partie des problèmes auxquels, reconnaissons-le, nous, qui sommes issus de la droite et du centre, aurions dû, bien plus tôt, trouver une solution.

Voilà quelques instants, monsieur le secrétaire d’État, vous parliez de totem du débat politique, nous exhortant à dépasser cette logique pour revenir sur le fond, c’est-à-dire sur l’effet économique, l’effet fiscal. On peut vous rejoindre sur ce point, après vous avoir donné acte de votre courage. Je vous le redis : c’est une bonne mesure.

Pour autant, il existe un autre totem, dont vous vous saisissez un peu maladroitement, je pense. En effet, on finit par penser que la rente immobilière est telle qu’il faut la taxer et qu’elle peut justifier le même type de fiscalité que l’on condamne quand on parle du reste de l’ISF et de l’effet que cela peut avoir sur l’économie.

C’est là qu’est le deuxième débat : on a une difficulté sur le substitut.

Comme M. de Montgolfier l’a indiqué dans son rapport, à peu près 8 % des emplois et 18 % de la valeur ajoutée sont concentrés dans le secteur immobilier. Alors, nous nous demandons quel peut être l’effet de cette polarisation de la fiscalité sur ce secteur économique, en ayant bien en tête que Bercy – il faut toujours dire que cela vient de Bercy ; Bercy a bon dos – considère que, l’activité économique étant suffisamment bonne aujourd’hui, il s’agit d’une niche à fiscalité. Notre sentiment est que, ce faisant, on va rapidement gripper la machine.

C’est bien de supprimer l’ISF, mais vous devez évoluer sur ce que vous lui substituez. Sinon, vous produirez un effet contraire tel que vous finirez par noyer la cause que vous prétendez défendre. Je crois donc qu’il y a un sujet, et le Sénat est là pour attirer l’attention sur le besoin de corriger le système nouveau que vous entendez mettre en place, même s’il faut vous donner acte du courage de supprimer l’ISF. (Mme Nassimah Dindar applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

M. Jean-François Rapin. Mon propos est quasiment calé sur celui de Roger Karoutchi. Bis repetita non placent, je préfère être rapide.

Monsieur le ministre, nous comprenons très bien votre volonté d’avancer sur le sujet. Nous la saluons, bien sûr, elle a d’ailleurs été saluée par mon groupe. Néanmoins, je pense que même si votre intention n’est pas de nuire – je crois sincèrement à votre bonne volonté –, le seul message qui restera de ces décisions, c’est : mesdames, messieurs, il ne faut plus investir dans la pierre.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes d’accord, vous voulez favoriser l’économie réelle. Pourriez-vous me donner une définition de l’économie irréelle ? (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Bonne question !

M. Dominique de Legge. Je voudrais prendre quelques exemples. Pour vous, l’agriculture est-elle une économie irréelle ? Je ne comprends pas très bien, mais je sais que pour produire, il faut du foncier.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

M. Dominique de Legge. Et il me semble que l’un des maux dont souffre aujourd'hui l’agriculture, c’est l’absence d’investisseurs. Expliquez-moi pourquoi le fait d’investir dans du foncier agricole, ce serait investir dans de l’économie irréelle ou dans de l’économie qui n’existerait pas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

Je voudrais aller plus loin. Voilà un an, nous avons débattu ici d’un projet de loi qui trouvait son origine dans le fait que des investisseurs chinois avaient acheté de la terre. Ce que je constate, c’est que l’immobilier, par définition, ne se délocalise pas.

M. Dominique de Legge. Donc, je ne vois pas pourquoi vous voulez jeter l’anathème sur l’immobilier !

La deuxième réflexion que je voudrais faire est d’ordre purement sémantique. Pourquoi parlez-vous d’une rente quand il s’agit d’un revenu immobilier ? Pour vous, les actions ne sont pas des rentes, ce sont des revenus. Je suis désolé de devoir vous le faire remarquer, mais j’ai cherché dans le code des impôts et je n’y ai pas trouvé un impôt sur la rente immobilière. Il existe, en revanche, un impôt sur le revenu foncier. Je m’interroge donc sur cette sémantique qui ne peut s’expliquer que par une tentative de jeter le discrédit sur un type d’investissement qui mérite, à mon avis, d’être soutenu.

Reprenant les propos de notre collègue Philippe Dallier, je voudrais rebondir sur l’image que ce gouvernement donne de l’immobilier. On a parlé bien évidemment du logement. Vous aurez remarqué qu’en même temps – et j’insiste sur « en même temps » (Sourires.) – vous supprimez la taxe d’habitation.

M. Roger Karoutchi. Et ce n’est pas tout !

M. Dominique de Legge. Et il ne reste plus que deux impôts pour les communes, deux impôts qui frappent l’immobilier,…

M. Dominique de Legge. … le foncier bâti et le foncier non bâti.

Dans ces conditions, je crois qu’il est temps, monsieur le secrétaire d’État, de revoir cette posture très idéologique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas ainsi que Mmes Nathalie Goulet et Nassimah Dindar applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, votre courage a été salué par M. Karoutchi ! Ça, c’est du sérieux !

M. Roger Karoutchi. Ah oui ! C’est déjà pas mal ! C’est du vrai !

M. Pascal Savoldelli. En gros, quand on parle de l’ISF, on parle de quoi ? Cela représente 1 000 milliards d’euros de base et 5 milliards d’euros de rendement. J’attends donc qu’on m’explique où est la confiscation !

M. Karoutchi s’est exprimé, je suis allé faire un petit tour chez vous, monsieur Karoutchi, pour voir si M. le rapporteur général avait raison.

M. Roger Karoutchi. Chez moi ? Cela m’étonnerait ! Je ne vous ai pas donné les clefs ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Attendez, on y va à Neuilly !

M. Roger Karoutchi. Je n’habite pas à Neuilly !

M. Pascal Savoldelli. Dites donc, monsieur Karoutchi, mais c’est catastrophique ce qui s’est passé à Neuilly !

Mme Sophie Primas. Neuilly, ce n’est pas la France !

M. Pascal Savoldelli. À Neuilly, en 2004, ils payaient 16 milliards d’euros d’ISF, et en 2016, 32 milliards d’euros. Ils sont partis où, les riches ?

M. Philippe Dallier. À Levallois !

M. Pascal Savoldelli. Ils se sont exilés ? (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Franchement, le rendement fiscal sur l’immobilier a doublé en peu de temps ! Cela veut dire qu’ils ne sont pas partis, monsieur Karoutchi !

M. Roger Karoutchi. Ils sont allés à Rueil !

M. Pascal Savoldelli. Voilà, ils ne sont pas partis, on est bien d’accord !

Vraiment, finissons-en avec ce discours sur la confiscation ! Ce qui se passe, c’est clair ! Ce que vous voulez, messieurs de la droite et messieurs de la majorité présidentielle, c’est démontrer qu’il faut supprimer l’ISF et être prudent sur l’IFI pour faire en sorte que les choses continuent à tourner comme cela, Neuilly étant un exemple parmi d’autres.

On nous conseille toujours de regarder ce qui se fait ailleurs en Europe. Je constate que c’est toujours pareil, vous allez regarder là où cela vous arrange, vous retenez les exemples européens qui vous conviennent, et vous vous gardez bien d’aller voir là où cela vous dérange ! Par exemple, les Belges ne font pas que des blagues !

M. Pascal Savoldelli. Eh non, monsieur Dallier ! La Belgique, au 1er janvier 2018, va créer un ISF.

M. Gérard Longuet. Rien à voir ! Le seuil est de 500 000 euros !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et le taux de 0,15 % !

M. Pascal Savoldelli. Je comprends que cela provoque une émotion chez M. Longuet ! Je peux vous le dire, la perspective de créer un impôt à partir de 500 000 euros ne provoque ni sourire, ni émotion pour la majeure partie des salariés de notre pays.

Prenons l’Europe dans toutes ses dimensions, pas quand cela nous arrange, les uns ou les autres !

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.

M. Julien Bargeton. Dans ce débat, on se pose la question du coût de l’allégement de l’ISF, mais on ne s’interroge pas sur le coût de son maintien. En effet, nous vivons un choc économique, avec la répartition mondiale des activités et la nouvelle organisation des entreprises. Nous vivons un choc technologique, avec la numérisation. Et la question qu’il faut aussi se poser est celle de savoir si nous pouvons conserver l’ISF, dans les cinq ou dix ans qui viennent. Supposons que la France ait toujours l’ISF dans dix ans. Qu’est-ce que cela donnera ? Tel est le sujet qui est devant nous parce que l’économie, c’est aussi une question de choc de confiance, de psychologie. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

La France souffre aussi, à tort ou à raison, d’un déficit d’image et d’attractivité. Certaines choses sont fondées, d’autres le sont moins, mais l’économie, c’est aussi une affaire de signal, notamment pour renforcer l’attractivité. C’est une affaire de dynamique. Et cette réforme engage une dynamique.

Sur l’immobilier, je dirai que c’est un peu la même chose.

M. Julien Bargeton. Il ne s’agit pas de pénaliser l’immobilier. D’ailleurs, voilà quelques instants, M. Karoutchi lui-même regrettait que les investissements étrangers réalisés en France se portent sur l’achat de foncier, de terrains, de locaux, d’immeubles, mais délaissent l’activité économique. Eh bien, il faut réallouer les ressources pour bâtir une économie de la connaissance, des compétences et de l’innovation.

M. Roger Karoutchi. Les étrangers ne viendront pas investir dans l’activité !

M. Julien Bargeton. S’agissant des brevets, par exemple, la part de la France en Europe est stable depuis dix ans. Telle est aussi la question qui est posée.

Au contraire, le goût pour la pierre, la volonté d’investir dans l’immobilier, que ce soit en France ou à l’étranger, sont encore très puissants dans notre pays. Il faut donc aussi poser la question de ce rééquilibrage pour tendre vers une économie différente et répondre ainsi au double choc économique et technologique auquel nous sommes confrontés. Nous devons nous situer dans cette logique de dynamique. Or, si nous continuons à favoriser l’immobilier (M. Philippe Dallier s’exclame.), nous ne construirons pas une économie de la connaissance, qui est prioritaire dans le monde actuel. (M. Philippe Dallier s’exclame de nouveau.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de dire, d’abord, que je trouve le Gouvernement courageux de supprimer la partie mobilière de l’ISF.

Je voudrais simplement rappeler à nos collègues de droite que nous avons appartenu, les uns et les autres, à une majorité qui l’avait tout autant supprimée.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

M. Gérard Longuet. En 1986, Jacques Chirac, Édouard Balladur, ministre de l’économie, et la majorité UDF–RPR l’avaient supprimée. Michel Rocard l’a rétablie. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

M. Julien Bargeton. Contre son gré !

M. Gérard Longuet. Ce rétablissement a-t-il soutenu l’industrie française ? Lui a-t-elle permis –  je me retourne vers M. Savoldelli – de trouver des forces pour résister aux crises ? La réponse est non. Voyez, par exemple Alsthom, Alcatel, Péchiney (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), Peugeot, Arcelor, tous ces fleurons de l’industrie française qui ont été obligés de s’effacer devant des investisseurs étrangers ! Car si vous qui siégez sur les travées de gauche n’aimez pas les capitalistes français, sachez-le, il vous faudra supporter les veuves écossaises et les enseignants californiens ! C’est exactement la réalité du monde d’aujourd’hui ! Le Gouvernement en tient compte, et je l’en remercie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Comme il me reste une minute dix-huit secondes, je voudrais dire à M. le secrétaire d’État que la rente immobilière est une idée fausse, comme le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, l’a parfaitement défendu. Mais nous pouvons ensemble lutter contre de vraies rentes immobilières, celles qu’autorise la puissance publique lorsqu’elle donne à des propriétaires fonciers des avantages tels qu’ils interdisent la concurrence.

En effet, ce qui crée des rentes ou détruit des situations, c’est la difficulté d’accéder au permis de construire, ce sont des règles d’urbanisme contraignantes, c’est, d’une certaine façon, la loi Royer, c’est la circulation automobile en ville. Nous pouvons regarder cela, mais si l’on veut faire en sorte que la France, et il est quand même paradoxal d’avoir à la fois le plus grand espace foncier en Europe et le prix du logement le plus élevé, puisse offrir à ses habitants des logements à des prix accessibles, battons-nous sur les normes, battons-nous sur la constructibilité et bien évidemment sur l’apport de capitaux pour construire ces logements dont nous avons besoin !

Vous ne tiendrez pas deux ans avec votre impôt sur la fortune immobilière, parce qu’on a besoin d’argent dans l’immobilier pour répondre aux besoins de nos compatriotes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répondrai pas à toutes les questions, mais je voudrais vous rassurer.

D’abord, il n’y a aucune raison de laisser penser à celles et ceux qui veulent investir dans l’immobilier qu’une fiscalité nouvelle, punitive, changerait la donne. Nous ne changeons rien ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est essentiel de le dire ! Si nous en parlions trop dans cette assemblée, qui est particulièrement écoutée, au moins autant que l’Assemblée nationale, nous finirions par provoquer une inquiétude chez les propriétaires immobiliers.

On m’a demandé la définition de l’économie réelle. J’ai entendu citer l’exemple d’un agriculteur. Vous avez raison, c’est une bonne question ! Pour moi, un agriculteur est partie prenante de l’économie réelle parce qu’il produit des denrées alimentaires et qu’il accompagne l’élevage et non parce qu’il est propriétaire de terres. D’autant que, pour produire, il faut être propriétaire de terres. Or cela tombe bien, la terre est un outil professionnel, ce qui lui vaut d’être totalement exonérée de l’ISF. Si, en plus, le propriétaire n’est pas l’exploitant, il bénéficie d’une détaxe particulière à 75 %, et donc, là encore, il n’est pas impacté par l’ISF. (M. Dominique de Legge et Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclament.)

Je crois donc que l’agriculture n’est pas forcément le meilleur exemple. En effet, dans 98 % des cas, le producteur d’économie réelle, l’agriculteur – et je suis d’accord avec vous, il produit, il est dans l’économie réelle, une salade est une forme d’économie réelle – est exonéré en totalité du fait de la détention de son patrimoine immobilier. Je pense que c’est important.

Monsieur le rapporteur général, vous avez relevé quelques anomalies qui découlent de la mise en œuvre de l’IFI, notamment sur les foncières solidaires. Le Gouvernement, qui a lu attentivement votre rapport et qui vous a bien entendu, va travailler à corriger, dans la mesure du possible, ces anomalies-là.

Dans certaines circonstances – vous en parliez au banc des commissions voilà quelques instants –, aux alentours de 5 millions d’euros de détention de patrimoine, cette réforme pourrait faire perdre un peu, en fonction du taux d’endettement, au propriétaire d’un patrimoine de plus de 5 millions d'euros. Je pense qu’il peut accepter de contribuer à l’effort de redressement national de nos comptes publics.