M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Elle ne résout pas la question de la vétusté des valeurs locatives. Or j’estime qu’il est nécessaire de mener la révision des valeurs locatives. Il aurait également été préférable d’aller plus loin et d’étendre, même progressivement, en procédant à une expérimentation, le plafonnement de la taxe d’habitation en fonction des revenus.

N’oublions jamais que les contribuables à la taxe d’habitation n’ont, en général, pas la possibilité de la déduire de leur impôt sur le revenu, contrairement aux entreprises, qui peuvent déduire la contribution économique territoriale qu’elles acquittent de la base de calcul de leur impôt sur les sociétés ou sur le revenu.

L’avis de la commission des finances doit évidemment dominer mon propos.

La commission vous propose d’adopter les crédits de cette mission, en les minorant de 3,2 milliards d’euros, par cohérence avec les amendements adoptés au titre de la première partie.

Mes chers collègues, permettez-moi un petit mot personnel, avec, en débouché, une question et un constat.

La question est la suivante : dans leur ensemble, à qui les dispositifs dont nous parlons sont-ils favorables ?

Le constat, c’est que, depuis cinq ans, on accentue des mécanismes qui n’ont pas fait leurs preuves et qui avantagent, sans contrepartie aucune, la financiarisation de l’économie, c’est-à-dire les actionnaires et pas les salariés. Ces dispositifs avantagent la minorité qui accapare les richesses de notre pays, mais pas l’immense majorité qui les crée. Voilà pourquoi, à titre personnel, je vous proposerai de ne pas adopter ces crédits. (Mme Laurence Cohen et M. le président de la commission applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de lÉtat ». Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes propos seront ceux d’Alain Chatillon. Ils rejoindront ceux que Victorin Lurel vient de prononcer au sujet des participations de l’État.

Il nous paraît indispensable et urgent d’ouvrir avec le Gouvernement une discussion visant à redéfinir les modalités du contrôle parlementaire sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », sans s’interdire, le cas échéant, de modifier sur ce point la loi organique relative aux lois de finances.

Je constate que les modalités de ce contrôle ne sont pas satisfaisantes sous leur forme actuelle. Chaque année, il est demandé au Parlement de se prononcer sur des crédits dont on sait qu’ils sont très largement hypothétiques. De fait, les sommes inscrites en dépenses et en recettes sur ce compte dans la loi de finances initiale sont toujours très éloignées des sommes constatées dans la loi de règlement.

L’incertitude porte également sur la nature des opérations qui seront réalisées dans l’année, puisqu’on ne sait évidemment pas à l’avance quels titres vont être achetés ou vendus par l’Agence des participations de l’État.

L’embarras du Parlement face à la présentation des crédits du compte d’affectation spéciale est encore plus marqué cette année, dans la mesure où le Gouvernement a fait deux annonces qui vont fortement peser sur le fonctionnement de ce compte. Il s’agit, d’une part, de la redéfinition de la doctrine de l’État actionnaire, dont M. Lurel a parlé, et, d’autre part, de la création d’un fonds de financement de l’innovation de rupture doté de 10 milliards d’euros grâce à des cessions du portefeuille géré par l’Agence des participations de l’État. Il s’agit d’un projet encore très flou, dont nous ne saisissons pas la logique financière et dont la réalisation risque d’obérer fortement les capacités d’intervention futures de l’État dans le capital d’entreprises stratégiques.

Demander au Parlement de voter les crédits de ce compte en sachant que le montant des enveloppes est purement conventionnel, que les décisions opérationnelles de cession et d’achat sont couvertes par un principe de confidentialité et que les grands principes qui guident ces décisions vont être redéfinis en cours d’année nous paraît assez curieux. Je le souligne à mon tour : on ne demande pas au Parlement d’exercer son contrôle, mais d’accorder un blanc-seing. La commission des affaires économiques a donc décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

En outre, madame la secrétaire d’État, Alain Chatillon souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur le dossier de l’aéroport de Toulouse. L’État conserve à ce titre une participation de 10 % du capital, qu’il aura la possibilité de céder à partir du 18 avril 2018. Or l’actionnaire chinois qui détient déjà 49,9 % des parts s’est montré jusqu’à présent plus intéressé par la recherche de dividendes que par le développement du territoire, où il n’a peut-être bien jamais mis les pieds…

Mme Annick Billon. C’est bien possible !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission. Cette situation explique l’inquiétude qu’éprouvent les chambres de commerce, la région et le département. L’État devra en tenir compte et préciser ses intentions. Alain Chatillon précise qu’il est totalement défavorable à une cession à CASIL Europe. Il demande que des solutions de substitution soient trouvées. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un esprit constructif…

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Ça, c’est beau !

M. Jean-Marc Gabouty. … que je vais aborder les trois missions « Engagements financiers de l’État », « Investissements d’avenir » et « Remboursements et dégrèvements », ainsi que le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », dont le contenu est pour l’essentiel la conséquence de la politique menée au cours des dernières années, voire des dernières décennies.

Ces missions ne suscitent pas de critiques majeures de la part du groupe du RDSE. Nous approuverons donc les crédits dont il s’agit, à moins qu’ils ne soient profondément modifiés par certains amendements. Cela étant, ils méritent quelques remarques et inspirent un certain nombre d’interrogations.

Les engagements financiers de l’État relèvent essentiellement de la charge de la dette, qui représente la quasi-totalité des crédits. Celle-ci peut être considérée comme stabilisée, à 41,593 milliards d’euros. Elle enregistre même une légère baisse de 0,76 %. Cette stabilisation a bien entendu pour origine des taux d’intérêt excessivement bas.

Toutefois, l’encours de la dette continue de progresser. Il devrait atteindre 96,8 % du PIB en 2018, alors que la zone euro et en particulier l’Allemagne connaissent une trajectoire inverse, à la baisse.

Le besoin de financement progresse également en raison de cette majoration et de l’arrivée à échéance d’un certain nombre de titres émis lors de la crise financière de 2008-2009. Cette situation fait peser sur nos finances publiques un certain nombre de risques, dont le plus alarmant, véritable épée de Damoclès, est une possible et sans doute probable remontée des taux d’intérêt dans les années à venir. Il est donc nécessaire, madame la secrétaire d’État, de poursuivre et d’accentuer les efforts pour engager un réel désendettement.

Il est vrai que ce dernier mot est curieusement utilisé dans les documents budgétaires : certaines sommes sont affectées au désendettement de l’État, alors qu’en réalité celui-ci n’existe pas. Il serait préférable de parler de contribution au remboursement de la dette ou, éventuellement, de décélération de l’augmentation de l’endettement. Mais il ne s’agit certainement pas de désendettement : lorsque la dette augmente, cette notion ne correspond pas à la réalité !

La présentation choisie est donc pour le moins trompeuse : le terme est a minima impropre.

La mission « Investissements d’avenir », qui trouve ses origines dans les travaux d’une commission présidée, il y a une décennie, par Alain Juppé et Michel Rocard, illustre la volonté des gouvernements successifs de soutenir de manière dynamique et sélective les actions porteuses d’avenir pour notre économie. Elle souligne en même temps la difficulté de mettre en œuvre rapidement les mesures d’incitation ou d’accompagnement sélectionnées dans différents programmes.

Les trois programmes d’investissements d’avenir ont été réunis au sein d’un grand plan d’investissement de 57 milliards d’euros. Ce dernier, dans le budget pour 2018, se traduira par l’inscription de 1,08 milliard d’euros de crédits de paiements avec une prévision, pour la période 2018-2020, de 4 milliards d’euros de crédits de paiement. Ces montants sont relativement modestes et ne paraissent pas à la hauteur de l’ambition affichée de doter notre pays d’une économie performante. On ne peut pas réduire une logique de projet à une stricte logique budgétaire : cette réflexion vient compléter l’analyse, plus détaillée, fournie par notre rapporteur spécial.

La mission « Remboursements et dégrèvements », qui recouvre 115 milliards d’euros de crédits, est en forte hausse : elle augmente de 12 milliards d’euros par rapport à 2017. C’est notamment la conséquence de la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et de la mise en place du dégrèvement sur la taxe d’habitation.

Je ne reviendrai pas sur le dispositif concernant la taxe d’habitation, qui a fait l’objet de nombreux débats et échanges au cours des dernières semaines. Apparemment, il sera encore débattu dans quelques instants, au titre d’un des amendements déposés.

J’évoquerai, en revanche, le CICE. Certes, le comité de suivi a du mal à se prononcer sur les effets réels de ce dispositif, faute de pouvoir les mesurer. Toutefois, le CICE renforce incontestablement la capacité de nos entreprises à se développer. Il faut le considérer comme une condition nécessaire, mais pas suffisante pour que les entreprises puissent investir et créer des emplois.

Lors de sa mise en place, le CICE a été fortement critiqué, voire caricaturé, pour des raisons différentes à droite et à gauche. En janvier 2019, il va laisser la place à un dispositif de baisse des charges sociales : on passera ainsi d’une mesure au caractère conjoncturel et fragile à un statut structurel et permanent. Le monde économique bénéficiera dès lors d’une meilleure visibilité.

Contrairement à ce que disent certains détracteurs, cette mutation ne va pas se traduire par une augmentation du coût du travail. Pour soutenir une telle interprétation, il faudrait faire preuve d’une méconnaissance totale de la comptabilité et de l’analyse des coûts. La base de l’impôt sur les sociétés s’en trouvera effectivement majorée, mais cette conséquence d’autant moins pénalisante pour les entreprises que, en parallèle, conformément aux engagements du Gouvernement, le taux de l’impôt sur les sociétés devrait être abaissé progressivement de 33 % à 25 %.

Enfin, j’évoquerai le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». C’est le support budgétaire de l’État actionnaire. Sa particularité est de présenter une programmation conventionnellement à l’équilibre afin de préserver la confidentialité des opérations de cession ou d’acquisition à venir.

Afin d’améliorer la sincérité de la démarche, j’adhérerai à la proposition du rapporteur spécial d’inscrire dans le bilan du compte un chiffre correspondant à la moyenne des cessions des trois derniers exercices. Ainsi, on disposerait au moins d’un repère.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Jean-Marc Gabouty. Je conclus.

Mais, à ce titre, la vraie question est la suivante : quelles sont la ligne directrice du Gouvernement en matière de participation de l’État au capital de certaines grandes entreprises et son implication, ou non, dans les filières stratégiques ? Il faut bien reconnaître que des signes contradictoires nous ont été donnés au cours des derniers mois dans deux dossiers sensibles, ceux de STX et d’Alstom.

M. Jean-Marc Gabouty. Quant au fléchage du produit des cessions, 10 milliards d’euros sont annoncés en direction d’un fonds pour l’innovation de rupture, ainsi que pour l’industrie et même pour le désendettement de l’État à hauteur de 1 milliard d’euros. À cet égard, permettez-moi de renouveler mon scepticisme. J’avoue même mon opposition à ce type d’affichage, qui peut être présenté comme une démarche de clarté, mais qui, comme je l’ai dit précédemment, devient plutôt un facteur de confusion.

En conclusion, au-delà de notre approbation et de la confiance que j’accorde dans ce domaine au Gouvernement, je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez répondre dans les mois à venir aux interrogations que je viens d’exprimer. (M. Franck Menonville applaudit.)

M. le président. Mon cher collègue, je me dois de vous dire que vous avez dépassé votre temps de parole de manière assez significative…

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. En effet !

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Madame la secrétaire d’État, même si vos débuts au Sénat vous paraissent peut-être un peu rudes – j’éprouve moi-même un peu de l’énervement exprimé par mes collègues –, je vous adresse néanmoins tous mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions.

Nous devons examiner ce matin trois missions et douze programmes. Tous ont été présentés, peut-être rapidement, mais avec un esprit de synthèse et avec brio par les rapporteurs successifs.

Je m’arrêterai tout d’abord sur le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État ».

Le niveau d’endettement public, c’est-à-dire le montant de dette publique rapporté au produit intérieur brut, a augmenté jusqu’à s’approcher du seuil de 100 %. D’après la programmation pluriannuelle, il est de 96,8 % en 2017.

Alors que notre pays s’était engagé à maintenir un ratio de dette inférieur à 60 % du PIB et un déficit inférieur à 3 points de PIB, la France a laissé filer son déficit et sa dette, en contradiction avec les règles élémentaires de politique économique contracyclique. Ainsi s’est-elle privée de marges de manœuvre, notamment lors de la crise de 2007. Je rappelle que, avant la crise, donc en haut de cycle, l’endettement public était d’un peu plus de 64 %.

En réalité, les gouvernements successifs ont fait le choix de laisser se dégrader le niveau d’endettement, pour des raisons diverses, mais qui n’échappent pas au citoyen, notamment quand il constate le sort réservé, par le Sénat, au projet de loi de financement de la sécurité sociale – je rappelle, à ce titre, le creusement de 7 milliards d’euros de déficit ! – ou quand il observe la longue liste d’intérêts particuliers dont beaucoup ici se sont fait rapporteurs.

Toutefois – la rapporteur spécial l’a indiqué –, les crédits alloués à la charge de la dette sont, malgré la progression de l’endettement public, relativement stables. Pour être précis, ils sont même en légère baisse et s’élèvent à 41,593 milliards d’euros.

Si la charge de la dette est stable, c’est bien parce que les taux auxquels la France emprunte sont à un niveau historiquement faible.

En commission des finances, le rapporteur général a pointé le risque que ferait courir la hausse des taux sur la soutenabilité de la dette publique. Ce risque mérite néanmoins d’être tempéré.

Tout d’abord, la France a profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour allonger l’échéance de sa dette : la dette publique présente aujourd’hui une maturité assez longue, et une hausse des taux d’intérêt ne devrait donc pas se traduire immédiatement par une hausse des intérêts à verser.

Mon propos repose sur une étude menée par Olivier Blanchard, ex-chef économiste au FMI, et Jeromin Zettelmeyer, au nom du Peterson Institute. Les auteurs de cette étude publiée en juillet dernier s’appuient sur l’exemple du Japon. Ce pays affiche un déficit primaire de 4 %, une dette publique dépassant les 200 % du PIB, et pourtant les taux d’intérêt des obligations publiques japonaises continuent d’être parmi les plus bas au monde.

Blanchard et Zettelmeyer montrent que seul l’équivalent de moins de 30 % du PIB viendra à échéance en 2017. Dans ces conditions, « une hausse de 200 points de base des taux d’intérêt se traduit par une hausse des paiements d’intérêts de 0,6 % de PIB la première année et de 1 % sur les deux premières années. »

Ensuite, vous le savez, les taux d’intérêt augmentent si la croissance et l’inflation augmentent. En pareil cas, l’accroissement du PIB nominal réduira mécaniquement les ratios d’endettement. Non seulement la politique monétaire de la Banque centrale européenne continue d’être accommodante, mais les prévisions de la croissance française nous conduisent à rejeter l’hypothèse d’un écart entre la croissance française et les taux d’intérêt.

Quoi qu’il en soit, les pistes évoquées dans le rapport spécial sur la mission « Engagements financiers de l’État » sont toujours d’actualité. Je pense notamment à la mutualisation d’une partie de la dette des États membres de la zone euro pour éviter tout écart entre les taux de croissance et les taux d’intérêt de la BCE.

C’est par ailleurs au sein de cette mission que le programme 336 assure la dotation en capital du mécanisme européen de stabilité, pour un total de 16,3 milliards d’euros répartis en trois versements. Ce mécanisme permanent, qui a pris la suite du Fonds européen de stabilité financière, s’appuie sur le capital fourni par les États membres pour emprunter sur les marchés financiers, avec une capacité d’intervention portée à 700 milliards d’euros. S’il a prouvé son utilité comme mécanisme de gestion de crise, il faut désormais évoquer sa transformation en un fonds monétaire européen. C’est en tout cas le souhait du Président de la République, qui, à cet égard, est en ligne avec les recommandations de Jean-Claude Juncker et de la Commission européenne.

Il s’agirait de sortir de la logique assurantielle du mécanisme européen de stabilité pour assurer enfin une coordination macroéconomique à l’échelle de la zone euro. Une telle proposition part d’un constat simple : une politique insoutenable dans un État membre déstabilise l’ensemble de la zone.

Ce fonds monétaire européen permettrait également de clarifier l’architecture actuelle des organes qui interviennent dans la politique économique de la zone euro.

Enfin, il s’agirait d’aligner les politiques économiques sur les exigences contemporaines d’économies à la frontière technologique.

Sans transition, tel est aussi l’objectif de la mission « Investissements d’avenir », que nous examinons aujourd’hui. Créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, cette mission traduit budgétairement le troisième programme d’investissements d’avenir et ses trois priorités. C’est l’objet des programmes de la mission. Contrairement à l’an passé, cette dernière se voit dotée de crédits de paiements : il ne s’agit plus d’affichage politique, mais d’action.

Le programme d’investissements connaît par ailleurs une réorientation. Ainsi, il prend place dans le Grand Plan d’investissement présenté le 25 septembre dernier.

M. le président. Il faut songer à conclure !

M. Didier Rambaud. Le but est de créer un choc d’offre et de doper la croissance du PIB. Cet objectif se décline en diverses priorités.

À mon sens, s’il est un point commun aux douze programmes que nous examinons, c’est bien la prise en compte des besoins d’une économie à la frontière comme est celle de la France !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la ligne d’émission autorisée pour 2018 est de 195 milliards d’euros en dette de moyen et long terme, dont 120 milliards d’euros vont être mobilisés pour amortir la dette existante. Je ne parle même pas ici des émissions de bons du Trésor destinés à assurer les dépenses courantes, bons du Trésor dont le taux d’intérêt moyen est d’ailleurs, depuis quelque temps, assez proche de zéro.

Comment expliquer cette dette de moyen et long terme, que je qualifierai de sorte de rente perpétuelle des marchés financiers sur la France ? Qu’est-ce qui fait le déficit cette année ? Ce dernier atteint 27 milliards d’euros, composés de 21 milliards d’euros pour le CICE et de 6 milliards d’euros pour le CIR. La suppression de l’impôt sur la fortune va coûter 4 milliards de mieux, et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique y ajoutera 1,3 milliard à 1,4 milliard d’euros.

Tout laisse à penser, hélas ! que la facture sera plus élevée. Je pense notamment à la bagatelle de 30 milliards d’euros d’allégements de cotisations patronales qui alourdiront encore la charge. Même si ces dépenses sont gagées, pour un tiers environ, par la hausse mécanique de l’impôt sur les sociétés, nous avons, en ajoutant les mesures les unes aux autres, rien moins que 50 milliards à 55 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales.

Le problème est bien là : ce n’est pas pour le développement du patrimoine collectif de la nation que l’État s’endette, c’est pour conforter et renforcer des patrimoines privés. Les impôts de tous sont mis au profit de quelques-uns : c’est un hold-up d’un nouveau style !

Si ces mesures fiscales diverses, destinées à la compétitivité des entreprises et de notre économie, avaient encore un tant soit peu d’efficacité, cela se saurait. Mais je crains que le spectacle accablant des inégalités sociales grandissantes dans notre pays, de la précarisation du travail, du sous-emploi chronique et des bas salaires n’apporte la démonstration éclairante de l’échec des politiques suivies jusqu’à présent.

La dette en soi, cela n’a rien de répréhensible. Qu’on le veuille ou non, il n’y a pas d’économie sans crédit ! Rappelons que, si la dette publique pèse aujourd’hui environ 100 % du PIB, la dette privée, celle des entreprises et des ménages, se situe entre 140 % et 150 %, et elle pose autant de questions !

Tout doit être fait dans notre pays pour que la préemption de la finance sur l’activité économique soit la plus limitée possible, qu’il s’agisse de l’État, des entreprises et même de nos concitoyens. Oui à l’intermédiation financière, mais sans épuiser ou capter toute la valeur ajoutée !

Cela étant posé, quand un pays s’endette pour réaliser telle ou telle infrastructure porteuse d’avenir – ce peut être une ligne ferroviaire à grande vitesse ou un canal fluvial essentiel à la transition écologique et à l’amélioration des flux de transport de marchandises dans notre pays –, il choisit une dette « porteuse » de futures sources de progrès et de développement. Quand il s’endette pour payer la suppression de l’impôt sur la fortune, l’allégement de la fiscalité du capital et, surtout, pour amortir des décisions budgétaires antérieures, nous ne sommes plus dans une logique vertueuse. Qui peut nous dire à quoi serviront demain les 4 milliards d’euros perdus au titre des recettes de l’ISF ?

Il est temps de faire un grand effort pour engager une réflexion citoyenne dans notre pays : un audit citoyen de la dette, en toute transparence, pour séparer le bon grain de l’ivraie et nous libérer de la soumission à la loi des marchés financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est paradoxal et un peu triste que nous examinions conjointement les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et ceux de la mission « Investissements d’avenir ».

Le montant des crédits dédiés à la première révèle le poids du passé qui obère aujourd’hui nos politiques publiques et pèsera, demain, sur les épaules de nos enfants. Le montant des crédits de la seconde témoigne d’un effort salutaire, mais modeste en comparaison, pour préparer l’avenir de notre économie et de notre société.

Le programme 117 de la mission « Engagements financiers de l’État », qui représente la quasi-totalité des crédits de la mission, contient la charge d’intérêts de la dette souveraine.

Dans un contexte de taux très faibles, comme cela a déjà été rappelé, ces crédits sont en légère baisse : ils atteindront tout de même 41,6 milliards d’euros en 2018, soit le deuxième poste budgétaire de l’État. Cela correspond à six fois le budget de la justice ou encore à 10 milliards d’euros de plus que le budget de la défense.

Cette diminution conjoncturelle de la charge de la dette ne doit pas masquer un fait inquiétant : la dette française continue de s’accroître inexorablement, alimentée par des déficits qui ne se résorbent que trop lentement.

Les efforts consentis par le Gouvernement vont dans le bon sens, mais ils nous paraissent insuffisants pour combler notre retard sur les autres pays de la zone euro, en particulier sur l’Allemagne.

Notre trajectoire de désendettement, par exemple, est nettement en deçà de celle de nos voisins. En 2016, la dette publique française représentait 96,3 % du produit intérieur brut, contre 68,3 % pour l’Allemagne, soit un écart de 28 points de PIB. En 2022, selon les estimations de la commission des finances du Sénat, l’écart sera de 39 points de PIB avec l’Allemagne, approchant les 50 % d’endettement.

Ce différentiel sera sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe. Il ne doit pas être sous-estimé. Il augure une perte d’influence durable de la France face à des partenaires ayant des marges de manœuvre plus importantes pour agir et, par conséquent, pour décider.

Si nous ne parvenons pas à maîtriser plus sérieusement les dépenses de l’État, qui ont progressé de 20 % entre 2007 et 2016 ; si nous ne parvenons pas à résorber nos déficits effectifs et structurels de façon plus volontaire ; et si, enfin et en conséquence, nous ne parvenons pas à diminuer le stock de notre dette de manière forte, c’est bien notre stature politique en Europe et dans le monde qui en pâtira. Il ne s’agit pas ici que de chiffres, mais il s’agit bel et bien de la capacité du politique à agir encore au service des Français et des valeurs de la République.

Pour conclure sur cette dimension, madame la secrétaire d’État, je tiens à dire que nous ne pouvons vous reprocher le niveau actuel d’endettement de l’État, car il n’est pas de votre fait ; cet endettement est bien une plaie française qui dure depuis trente ans. Nous pouvons seulement vous conseiller d’adopter une démarche plus volontaire, alors qu’une fenêtre d’opportunité existe et risque peut-être de se refermer prochainement. Profitons de la conjoncture favorable pour assainir en profondeur nos finances publiques et relancer notre économie !

Nos voisins européens le font, vous le faites plus timidement ; nous souhaitons vous aider à agir plus fortement encore. Car il y va de l’avenir de notre société et de notre économie ; il y va également de la qualité de vie que nous léguerons à nos enfants. À ce sujet, les crédits de la mission « Investissements d’avenir » nous rendent plus optimistes : ils regroupent les programmes du même nom, que nous devons à l’intelligence de deux hommes, Alain Juppé et Michel Rocard, qui ont œuvré ensemble, dans le rapport qu’ils ont corédigé, pour préparer la France aux défis de demain.

Les programmes d’investissements d’avenir ont précisément pour objet d’augmenter la croissance potentielle de la France, en misant sur l’économie de l’intelligence, l’innovation et la recherche. Ils seront intégrés au Grand Plan d’investissement voulu par le Président de la République. La montée en gamme, tant quantitative que qualitative, des investissements doit être saluée, mais ces derniers gagneraient à être mieux articulés avec les initiatives européennes en la matière, comme le plan Juncker.

Dans un grand nombre de domaines, la masse critique requise d’investissements viendra en effet d’une Europe plus solidaire et plus volontaire, à l’architecture renouvelée. C’est ce que François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, appelle l’« Union de financement et d’investissement », qu’il nous reste à bâtir ensemble.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de ces missions pour saluer l’orientation défendue, tout en espérant, madame la secrétaire d’État, avoir encore plus de raisons de les voter l’année prochaine. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Marc Gabouty et Didier Rambaud applaudissent également.)