compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Agnès Canayer,

Mme Mireille Jouve.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable – 16 voix pour, aucune voix contre – à la nomination de M. Antoine Petit à la présidence du Centre national de la recherche scientifique.

3

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, créée sur l’initiative du groupe Les Républicains, en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

5

Candidatures à un groupe de travail

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 10 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

Il appartiendra au Sénat de transformer ce groupe de travail en commission spéciale, après la transmission du projet de loi, conformément à l’article 16 de notre règlement.

6

« Une crise en quête de fin – quand l’histoire bégaie »

Débat sur les conclusions d’un rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur les conclusions de son rapport d’information Une crise en quête de fin – Quand lhistoire bégaie (rapport d’information n° 393, 2016-2017).

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Vont tout d’abord s’exprimer les orateurs de la délégation qui a demandé ce débat.

Dans le débat, la parole est à M. le président de la délégation sénatoriale à la prospective. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Marie Janssens applaudissent également.)

M. Roger Karoutchi, président de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne fais que passer, c’est Pierre-Yves Collombat qui va faire le travail… En 2017, il a en effet présenté, devant la délégation, un excellent rapport sur la crise financière et les institutions bancaires. Ce rapport présente à la fois les crises du passé, avec leurs explications économiques et sociologiques et les garanties qui peuvent exister aujourd’hui, mais aussi les risques à venir.

Je le dis parce que Pierre-Yves Collombat ne le fera pas lui-même, ce rapport a fait beaucoup de bruit, tant médiatiquement que politiquement.

C’est, il est vrai, un rapport iconoclaste, comme je souhaite que la délégation sénatoriale à la prospective en fasse sur d’autres sujets comme le pacte intergénérationnel ou l’urbain.

J’estime que le Sénat ne doit pas seulement être l’assemblée des sages – il l’est, bien évidemment –, mais qu’il doit aussi interpeller, imaginer, innover. C’est pourquoi je souhaite que la délégation sénatoriale à la prospective réalise, à l’avenir, des rapports aussi explosifs et qu’en tout état de cause ces rapports imposent le débat.

Je vais naturellement laisser la parole à Pierre-Yves Collombat, dont le rapport présente un certain nombre d’aspects révolutionnaires – je reprends ainsi un élément évoqué hier lors de nos débats… En effet, il interpelle nos concitoyens beaucoup plus que ne le font les institutions classiques. Celles-ci ont certes la charge de rassurer, mais elles devraient aussi envisager l’avenir et le préparer.

Je remercie donc Pierre-Yves Collombat d’avoir préparé les esprits à des réformes en matière d’institutions financières, et peut-être à une révolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Jean-Marie Janssens, Jean-Pierre Sueur, Pierre-Yves Collombat et Didier Rambaud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective.

M. Pierre-Yves Collombat, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, disposer de huit minutes pour restituer les attendus et les conclusions d’un rapport de plus de 270 pages est une plaisanterie. Les plus courtes étant les meilleures, on me pardonnera les nombreuses impasses que je vais devoir faire.

M. Jean-Pierre Sueur. Et que dire de ceux qui n’ont que deux minutes !

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agissait, avec ce rapport, d’évaluer les probabilités de réédition d’une crise systémique de l’ampleur de celle de 2007–2008, dont le coût global a été évalué, en 2009, à 55 800 milliards de dollars par l’INSEE, soit 103 % du PIB mondial, et à 16 634 milliards de dollars par le FMI, en ne comptabilisant que les interventions publiques des membres du G20.

Pourquoi des crises ? Leur moteur, c’est l’abondance de liquidités, de monnaie, qui stimule bulles financières et prolifération de créances douteuses. Lorsque ces bulles crèvent, les circuits financiers coagulent. Et quand domine, comme aujourd’hui, un oligopole de banques géantes à vocation mondiale interconnectées à la vitesse de la lumière, c’est le fonctionnement du système tout entier, et de l’économie avec lui, qui est bloqué.

À l’origine de la liquidité, on trouve la création monétaire des banques, centrales et, surtout, commerciales. Dans les économies financiarisées comme la nôtre, le crédit et l’endettement deviennent le carburant du système et la spéculation l’activité principale des établissements financiers.

Dix ans après la grande crise de 2007–2008, après treize G20, l’intervention financière massive des États et des banques centrales, un entassement de projets de réformes, force est de constater que le système financier est toujours aussi dangereux.

Premièrement, loin de diminuer, le volume des liquidités en circulation a explosé. Stimulé par une politique de taux bas, voire négatifs, l’endettement public et privé n’a cessé d’augmenter. Alimenté par les politiques de quantitative easing des banques centrales, le stock de liquidités a fait de même.

Ainsi, en zone euro, si l’endettement public est repassé sous la barre des 90 % du PIB – 96 % pour la France –, l’endettement privé en représente 170 % – 135 % en France. Entre 2010 et 2016, le bilan de la Banque centrale européenne – BCE – est passé de 2 600 milliards d’euros à 4 560 milliards, dépassant la Réserve fédérale américaine – FED – et la Banque du Japon.

L’endettement public atteint désormais 100 % du PIB aux États-Unis et l’endettement privé, 105 %. En Chine, l’endettement total, public et privé, représente 250 % du PIB.

D’où la formation de bulles spéculatives sur les obligations, les actions des entreprises américaines, sur l’immobilier dans la plupart des grandes villes.

Deuxièmement, l’oligopole bancaire – plus de 50 000 milliards de dollars d’actifs en 2012, soit 70 % du PIB mondial – est toujours « trop gros pour faire faillite ». La France y tient son rang : le bilan de BNP Paribas – 2 077 milliards d’euros en 2016 – tangente le PIB national. Avec ceux de la Société générale, du Crédit agricole et de BPCE, on atteint trois fois le PIB français.

En Europe, les graves difficultés d’établissement systémiques, comme HSBC, Crédit Suisse et, surtout, Deutsche Bank, la plus grande banque d’Allemagne, inquiètent.

Quant aux banques européennes plus modestes, le total des créances douteuses plombant leurs bilans se situerait entre 1 000 milliards et 1 200 milliards d’euros, dont 300 milliards pour l’Italie.

Troisièmement, la régulation est toujours « ni faite ni à faire ». Faute de temps, je me limiterai à la question de la séparation entre banques de dépôt et banques d’affaires et à la question des ratios de fonds propres exigibles.

« Les idées qui ont été mises sur la table par Michel Barnier sont des idées […] irresponsables et contraires aux intérêts de l’Union européenne » : cette charge de Christian Noyer, alors gouverneur de la Banque de France contre le commissaire européen français est révélatrice de l’enthousiasme des banquiers européens pour la séparation bancaire…

On en resta donc là, la France rendant obligatoire, dans un sublime effort, la filialisation de 1 % à 2 % des activités bancaires. Bel effort !

Le renforcement des fonds propres des banques se résumera, quant à lui, au tour de passe-passe de Bâle III. À un ratio capitaux propres sur actifs, appelé « indice de levier », trop voyant, on aura préféré un ratio CET1, beaucoup moins inquiétant.

Exemple : en 2016, le ratio CET1 de BNP Paribas était de 11,5 % pour un ratio de levier de 4,4 %. Ces 4,4 % étaient certes plus élevés que les 2,6 % affichés par la banque en 2008, mais ils se situaient très loin des 10 % recommandés par Alan Greenspan, qui n’est pourtant pas vraiment un ennemi de la finance…

Conclusion de ce trop rapide survol de dix années de crise financière et de stagnation économique : la probabilité de réédition d’un nouveau krach n’a pas diminué. Tous les ingrédients – certains sous une forme nouvelle – sont toujours là.

Certes, les hérauts du château claironnent périodiquement la sortie de crise ; tous les clignotants seraient passés au vert. En 2007, ils l’étaient aussi, à tel point qu’aucun expert n’a vu venir la crise.

Ces clignotants étaient aussi repassés au vert en 2011, au point que la BCE a relevé son taux directeur. Vous connaissez la suite.

À ce jour, le monde de la finance retient son souffle, attendant l’arrêt de la perfusion de liquidités des banques centrales et la remontée des taux.

Ce qui adviendra, on le sait d’autant moins que, selon la formule d’Henri Sterdyniak, nous connaissons, depuis 2010, « une instabilité stable qui n’a aucune rationalité. Elle est insoutenable et, paradoxalement, le système tient bon ».

Le système financier peut-être, mais pas forcément les nerfs de ceux qui, pâtissant toujours de ses dégâts et de l’attentisme politique général, ont transformé les élections en « émeutes électorales » : forte poussée de l’extrême droite partout en Europe, séparatismes nord-italien et catalan, Brexit, élection de Donald Trump aux États-Unis, explosion de l’abstention en France.

Ainsi, au second tour de la dernière élection présidentielle, le candidat élu contre celui de l’extrême droite n’a rassemblé que 43,6 % des inscrits, l’abstention et les votes blancs ou nuls, 34 %.

Au second tour des élections législatives qui ont suivi, la dissidence civique atteindra 62,3 %, seuls 32,8 % des électeurs inscrits choisissant effectivement leur candidat, soit un score moyen de l’ordre de 20 % pour les heureux élus… Du jamais vu pour une consultation de cette importance !

Comment ne pas voir dans cette dissidence et ces « émeutes électorales » un désaveu du système tel qu’il fonctionne ?

Or, comme l’histoire l’a montré, un système démocratique ne saurait survivre à la perte de sa légitimité. Les financiers, dans leur patois, appellent cela le « risque politique ». Mais qui a bien pu dire que gouverner, c’était prévoir ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mle président de la délégation sénatoriale à la prospective applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Collombat de son intérêt pour les crises financières systémiques, qui restent un sujet d’attention et de vigilance.

M. Pierre-Yves Collombat. Vous nous rassurez…

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat. Analyser le passé est toujours utile ; c’est l’occasion de nous interroger sur notre action, mais aussi de l’éclairer, en répondant aux questions qu’elle peut soulever. En ce sens, même si nous ne partageons pas toujours les conclusions de votre rapport, monsieur le sénateur, le travail important que vous avez réalisé est très apprécié.

Votre rapport évoque beaucoup de sujets, mais je souhaiterais revenir sur trois points qui me semblent mériter un éclairage particulier : les actions mises en place pour renforcer le système bancaire ; la nécessité de renforcer la zone euro pour éviter qu’une crise comme celle des dettes souveraines ne se reproduise ; enfin, les questions d’inégalité, qui sont au cœur de votre rapport et de vos préoccupations.

Vous vous interrogez, dans ce rapport, sur la solidité de notre système bancaire. C’est une question essentielle, qui a toute notre attention.

Depuis la crise, nous avons œuvré, en lien avec nos partenaires étrangers, pour que les banques aient les ressources nécessaires pour absorber les pertes éventuelles, pour être en capacité de se recapitaliser sans exposer les finances publiques et pour faire face à des aléas de marché.

Ainsi, concernant le renforcement de la solvabilité des banques, les exigences de Bâle ont, par exemple, doublé les niveaux de fonds propres minimum requis depuis 2011. Les six plus grandes banques françaises ont désormais un ratio de solvabilité agrégé de 13,2 % fin 2016, contre 5,8 % en 2008.

Ce mouvement de renforcement des fonds propres, et donc d’accroissement de la résilience, se retrouve dans les autres systèmes bancaires européens et mondiaux. (M. Pierre-Yves Collombat sesclaffe.) Il se double d’un renforcement de la qualité de ces fonds propres, ainsi que d’un accroissement des exigences afin de tenir compte de l’ensemble des risques identifiés au bilan, mais aussi des risques potentiels.

Au niveau européen, la mise en place de l’union bancaire constitue une étape essentielle permettant une meilleure supervision des banques. L’ensemble du secteur bancaire a par ailleurs fait l’objet d’un examen de la qualité des bilans et a été soumis à des tests de résistance.

Enfin, l’Union européenne s’est dotée d’un instrument très ambitieux de résolution des crises bancaires, dont la philosophie est de disposer d’outils permettant de garantir qu’en cas de pertes celles-ci seront portées par les actionnaires, voire les créanciers, tout en protégeant les déposants et les finances publiques.

La France joue un rôle moteur dans l’achèvement de l’Union bancaire, qui appelle encore des décisions faisant l’objet de discussions en cours.

Vous vous interrogez également sur la capacité de la zone euro à résister aux crises et sur sa pérennité. Je tiens à rappeler que l’euro est un projet économique et politique inédit, qui a doté l’Europe d’une monnaie stable et crédible. Cette monnaie est utilisée quotidiennement par près de 340 millions de personnes dans 19 États membres. C’est la deuxième devise la plus importante dans le monde, avec le quart des réserves de change.

La crise de la zone euro a toutefois mis en évidence des lacunes dans son fonctionnement, qui ont été pour partie comblées. Ainsi, d’importantes évolutions ont déjà été réalisées, notamment pour promouvoir la stabilité financière au sein de la zone – je pense notamment à la création de mécanismes de gestion de crises des dettes souveraines et bancaires.

Le Président de la République et le Gouvernement restent convaincus que le renforcement de la zone euro est la meilleure façon de prévenir les crises futures.

Parmi nos priorités pour avancer dans ce domaine, nous défendons une plus forte intégration financière par l’achèvement de l’Union bancaire et la mise en place d’une véritable union des marchés de capitaux.

M. Pierre-Yves Collombat. L’orgue de Barbarie fonctionne à plein !

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat. Nous défendons aussi l’amélioration de nos instruments de gestion de crise, en renforçant le mécanisme européen de stabilité, ainsi qu’une plus forte intégration économique et, à plus long terme, la mise en place d’une capacité budgétaire propre à la zone euro permettant aux États de mieux faire face aux chocs économiques.

Je tiens enfin à évoquer la question des inégalités, qui tient une place très importante dans votre rapport et à laquelle nous sommes également très attachés. Comme vous le savez sans doute, le ministère de l’économie et des finances a organisé, il y a quelques semaines, une journée d’échanges et de débats autour de ce thème, les « rendez-vous de Bercy ».

Le rapport souligne, à raison, un fort creusement des inégalités depuis trente ans. Il me semble utile de rappeler que ce constat concerne essentiellement les pays anglo-saxons. La France, en effet, montre une forte résilience à ce phénomène : elle se situe dans une situation plus favorable que la moyenne des pays de l’OCDE et les inégalités de revenus y sont restées stables depuis trente ans.

Aussi encourageant que soit ce constat, la lutte contre les inégalités et la pauvreté n’en demeure pas moins un objectif central de la politique du Gouvernement, qui se traduit par l’adoption de plusieurs mesures phares dans la loi de finances pour 2018 (M. François Bonhomme sexclame.) : exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages (M. François Bonhomme sexclame de nouveau.) ; pour les personnes en emploi, conformément à la volonté de valoriser le travail, réduction des cotisations sociales pour l’ensemble des salariés du secteur privé et des indépendants et, pour les travailleurs modestes, revalorisation de la prime d’activité ; pour les publics les plus fragiles, revalorisation exceptionnelle du RSA et augmentation du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés.

Ces mesures de soutien au pouvoir d’achat, mises en œuvre par le Gouvernement, concourent à réduire les inégalités. Le niveau de vie des ménages situés dans les trois premiers déciles de niveau de vie augmentera significativement plus que la moyenne à l’horizon 2022. À l’inverse, le niveau de vie des deux derniers déciles augmentera moins que la moyenne. (M. Yannick Vaugrenard sexclame.) Je vous invite, sur ces sujets, à vous référer au « livret du pouvoir d’achat » et au « rapport économique, social et financier », qui illustrent l’incidence des mesures décidées par le Gouvernement sur la réduction des inégalités. (Mme Sophie Taillé-Polian sexclame.)

Débat interactif

M. le président. Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, je vous rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.

Vingt et un orateurs sont inscrits et il est important de respecter le temps de parole que je viens de vous rappeler, car un autre débat est prévu à l’issue de celui-ci.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste.

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dix ans après 2008, la crise n’en finirait pas de finir. C’est, en résumé, le constat que pose notre collègue Pierre-Yves Collombat. Une drôle d’impression se dégage de la lecture de son rapport, celle d’un décalage total entre l’analyse qui est faite et la réalité.

La crise de 2008 était d’abord financière, avant de devenir économique. Elle est le résultat de l’éclatement d’une bulle spéculative, comme nous en avons connu d’autres dans l’histoire.

Oui, les fondamentaux liés à la spéculation qui ont conduit à la crise demeurent les mêmes : il y aura évidemment d’autres crises financières dans le futur et nous nous adapterons ! (Protestations sur plusieurs travées.)

M. Yannick Vaugrenard. C’est tout de même extraordinaire !

M. Olivier Cadic. Le rapport explique aussi que, paradoxalement, nous ne devrions pas craindre un nouveau krach financier, mais plutôt un embrasement social et politique, qui serait le contrecoup de la crise de 2008.

Il y a là une sorte de « saut quantique », que l’on ne peut comprendre qu’en exhumant le soubassement idéologique du rapport, qui est fondé sur une grille de lecture marxiste de l’économie : la finance relève de la superstructure ; l’infrastructure, ce sont les rapports de force économiques réels, qui sont entérinés par le système politique. (Exclamations amusées sur différentes travées.)

M. Pierre-Yves Collombat. Il faut brûler les sorcières !

M. Olivier Cadic. Si la crise semble ne pas finir pour certains et que notre croissance n’est pas à la hauteur de nos principaux concurrents, c’est parce que les énergies productives demeurent bridées par toujours plus de carcans réglementaires et normatifs.

Mme Catherine Deroche. C’est vrai !

M. Olivier Cadic. La finance n’est ni un bien ni un mal, c’est une nécessité pour irriguer l’économie. À toutes les phases de son développement, une entreprise a besoin d’investisseurs. Or, depuis dix ans, les Français se sont détournés des marchés en actions, ce qui fait défaut à nos entreprises. Un tel rapport n’incite pas à la confiance, pourtant si importante en économie.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour relancer l’actionnariat populaire et faciliter le retour des Français vers la bourse, qu’ils ont délaissée depuis dix ans ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Claude Kern. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Le Gouvernement est très attaché à ce que les entreprises soient correctement financées. Le système financier doit jouer pleinement son rôle dans la croissance et la prospérité de notre pays.

Actuellement, le financement des entreprises en dette est plutôt satisfaisant, puisque le taux d’obtention des crédits se situe à un très haut niveau historique.

En revanche, sur le front des fonds propres, nous considérons qu’il existe des marges d’amélioration, en particulier pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises. C’est pourquoi le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises porté par le ministère de l’économie et des finances et appelé PACTE entend orienter davantage l’épargne des ménages vers le financement des entreprises.

Je vous invite à regarder plus précisément les propositions du Gouvernement sur le financement des entreprises, en particulier en capital, sur le site pacte-entreprises.gouv.fr. Une consultation publique est ouverte sur ce site depuis avant-hier. Plusieurs des propositions qui y sont présentées tendent à mieux orienter l’assurance vie vers les placements de long terme, à simplifier et développer l’épargne retraite et à faciliter l’actionnariat salarié et la reprise des entreprises par leurs salariés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, j’ai envie d’utiliser la première minute qui m’est impartie pour dire le caractère quelque peu ubuesque de ce que nous vivons cet après-midi.

Notre sujet, c’est la crise mondiale, ce n’est quand même pas rien… Et voilà que nous sommes invités, après les huit minutes de M. le rapporteur et celles de Mme la secrétaire d’État, à parler de ce sujet en deux minutes, le Gouvernement répondant vingt et une fois en deux minutes !

Franchement, quel est le sens d’un tel dispositif ? Est-ce que quelqu’un pense qu’on peut sérieusement parler de la crise mondiale et des remèdes à y apporter dans un débat organisé de la sorte ?

Aussi, monsieur le président, je compte sur votre influence (Sourires et exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) pour faire savoir aux hautes autorités du Sénat que ce système n’a pas beaucoup de sens.

J’en arrive à ma deuxième minute. J’ai lu le rapport de Pierre-Yves Collombat avec beaucoup d’intérêt et il ne correspond pas aux caricatures : vous n’êtes pas du tout un crypto-marxiste primaire, mon cher collègue, vous avez fait un travail d’analyse important.

Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur les trois propositions qui figurent à la page 228.

« La sécurisation du système bancaire passe prioritairement et en urgence par la séparation réelle des banques de dépôt et des banques d’affaires » : quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Ensuite, le rapport évoque « la limitation stricte du levier d’endettement des banques et de l’ensemble des acteurs financiers » : quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Enfin, le rapport préconise « l’assèchement des bilans bancaires de leurs créances douteuses » : quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Monsieur le président, je pense avoir respecté les deux minutes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Vous m’interrogez d’abord sur la séparation de la banque de dépôt et de la banque d’affaires. C’est une voie qui a été choisie par certains pays, mais que la France n’a pas suivie.