M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après ce tour de France des routes et des autoroutes, j’évoquerai, au risque de vous surprendre, le transport aérien, en particulier dans la région Grand Ouest.

En effet, vous avez annoncé, madame la ministre, à l’issue de la décision concernant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, que des réflexions seraient lancées sur les modalités de desserte de cette région dans les domaines tant ferroviaire que routier, et ce par le biais d’une mission confiée à M. Rol-Tanguy.

Je vous rappelle simplement que le projet de création de l’autoroute A 831 pour relier la Vendée et la Charente-Maritime a été abandonné par Ségolène Royal, dont vous étiez la directrice de cabinet à l’époque. Ce projet prévoyait la création d’une autoroute de 64 kilomètres entre Fontenay-le-Comte et Rochefort, afin de désengorger les routes entre la Vendée et la Charente-Maritime, notamment pendant la période estivale.

L’État s’était engagé à soutenir une alternative à cette autoroute. À ce jour, et malgré de nombreux échanges avec les collectivités locales, aucune hypothèse, notamment sur le volet financier, ne recueille l’assentiment des parties.

Au regard de l’abandon de ces différents projets pour le Grand Ouest, je souhaiterais tout d’abord connaître les pistes de réflexion sur lesquelles le Gouvernement travaille, afin de proposer une offre de mobilité adaptée à nos territoires et à leur attractivité touristique. Je précise d’ailleurs devant vous que j’ai demandé à plusieurs reprises à M. Rol-Tanguy qu’il puisse me recevoir et réitère aujourd’hui cette demande, qui n’a pu aboutir pour le moment.

Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures met en avant la possibilité, pour une collectivité locale, de concéder l’une de ses infrastructures routières dans le cadre d’un projet de développement ou de modernisation lourde.

En effet, cette possibilité n’est actuellement pas ouverte dans la loi. Le COI considère que la mise en œuvre d’une telle proposition serait un moyen pertinent de portage pour certains projets. Je partage cet avis, qui pourrait trouver une application avec le projet abandonné que je viens d’évoquer.

Le Conseil d’orientation propose également d’ouvrir la possibilité de conclure des conventions de concession non plus exclusivement pour les infrastructures ayant un statut d’autoroute, mais également pour celles qui ont un statut de voie express.

Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ces propositions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, l’autoroute A 831 est en effet un projet que je connais bien et auquel, je le sais, l’ensemble des élus vendéens et de Charente-Maritime sont particulièrement attachés. Depuis que la déclaration d’utilité publique a été rendue publique en 2015, un important travail a été engagé sous l’égide du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine pour dessiner des scénarios alternatifs respectant les enjeux environnementaux, qui sont de taille dans ce secteur.

Ces scénarios s’appuient sur le réaménagement du réseau départemental existant. Un protocole avait été préparé sur cette base, mais nous n’avons pas reçu l’aval des élus, qui s’interrogeaient sur le niveau de participation de l’État et souhaitaient conserver un projet de mise à deux fois deux voies sous statut autoroutier.

Pour autant, je vous confirme que le projet d’amélioration de la desserte de ce territoire n’est pas abandonné. Le Gouvernement est naturellement prêt à rouvrir les discussions avec les élus pour trouver un aménagement permettant de faciliter les déplacements entre Nantes et La Rochelle, en complément de la réhabilitation ou de la modernisation de la ligne ferroviaire Nantes-Bordeaux.

J’ai eu l’occasion d’avoir des échanges sur ce sujet avec M. Retailleau et de nombreux élus, ainsi qu’avec la présidente du conseil régional sur le terrain, le 4 mai dernier. Je vous le confirme, le Gouvernement travaille avec les régions Bretagne et Pays de la Loire pour élaborer un pacte visant à améliorer les mobilités dans ces deux régions, et à ce titre les liaisons entre la Vendée et la Charente-Maritime ne seront pas oubliées.

À la suite de la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, nous travaillons aux nouveaux outils de financement qui pourraient être mis à disposition des collectivités.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le maillage routier est un levier d’attractivité important pour nos territoires, notamment pour ceux qui sont situés en zone rurale.

Or, dans mon département, le Cher, comme dans d’autres départements, nous subissons la double peine en matière de mobilité.

Tout d’abord, même si nous en avons déjà discuté ensemble, madame la ministre, nous sommes confrontés à un abandon du réseau ferroviaire avec des dessertes de moins en moins nombreuses, à la fois sur les lignes principales comme la ligne POLT, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, et sur les lignes secondaires telles que celle reliant Bourges à Montluçon, sans parler du report de la LGV POCL, Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon. Nous aurons bien entendu l’occasion d’en débattre à nouveau.

Ensuite, nous observons un abandon des infrastructures routières. En effet, on ne compte plus les projets routiers repoussés ou abandonnés, lesquels sont pourtant nécessaires au désenclavement du Cher et des départements voisins tels que l’Allier, la Nièvre ou l’Indre, qui sont dépourvus de routes transversales. Je pense notamment au projet qu’a longtemps défendu l’ancien ministre Jean-Pierre Soisson, à savoir la liaison Bourges-Auxerre-Troyes, qui a été abandonnée, ou au projet de liaison entre Bourges, Châteauroux et Poitiers via la RN 151, dont l’État est propriétaire, je tiens à le préciser.

Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures partage ce constat d’un abandon routier, en précisant que « le réseau routier n’a pas évolué ces dernières années ».

Lors de son audition au Sénat, M. Duron a insisté sur le fait que les infrastructures devaient être phasées, car le temps n’était plus aux promesses, mais à la mise en œuvre. Je souscris à ces propos. Cela étant, celui-ci a tout de même confessé que son rapport n’avait pas arrêté la liste des routes nationales qui bénéficieraient de ce programme.

Ma question est simple, madame la ministre : avez-vous arrêté une liste ? Si oui, le département du Cher y figure-t-il et pour quel projet ?

Je souhaitais également poser une question au nom de mon collègue Bernard Bonne…

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue !

La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, ne vous inquiétez pas, vous pourrez me faire part de cette question à l’issue du débat. (Sourires.)

Je vous le confirme, les enjeux de désenclavement des territoires seront au cœur de la future loi d’orientation sur les mobilités et de son volet relatif à la programmation des infrastructures. Comme je l’ai déjà dit, et les échanges que nous avons eus cet après-midi le confirment, nombre de territoires souffrent de la lenteur que l’on observe dans la mise à niveau des projets prévus dans les contrats de plan.

On a évoqué tout à l’heure la RN 141 et la RN 88, la situation de Castres, mais on pourrait aussi parler de la RN 2. Cela montre l’importance qu’il y a à donner un coup d’accélérateur à la mise à niveau de notre réseau routier national.

On le sait, il s’agit vraiment d’un enjeu de développement. En effet, si l’on n’offre pas aux entreprises des possibilités satisfaisantes de rallier les métropoles et les grands axes, on menace leur maintien dans nos territoires et nos villes moyennes. Je vous confirme que ce volet sera présenté dans le cadre de la future loi de programmation des infrastructures.

Pour revenir à la RN 151, je suis bien consciente que cette route joue un rôle majeur dans la desserte de l’agglomération de Bourges et des zones rurales du département du Cher. Plusieurs aménagements destinés à améliorer la sécurité routière et à fluidifier la circulation sont actuellement prévus dans le cadre du contrat de plan, et doivent se poursuivre. L’enjeu est de fixer une échéance sur laquelle s’engager de façon crédible en vue de traiter ces questions de désenclavement, échéance qui doit constituer un horizon acceptable pour les habitants et les élus de ces territoires. Tel est l’objet de la future loi de programmation des infrastructures.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

Vous disposez de trente secondes, mais pas pour poser une nouvelle question…

M. Rémy Pointereau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si elle ne me satisfait pas totalement. Il faut attendre les décisions qui seront prises sur les différents projets que j’ai évoqués, dont on espère beaucoup et depuis très longtemps.

J’ajoute que ma question ne concernait pas seulement le Cher : il nous manque en effet une transversale entre les autoroutes A 10, A 71 et A 6. Nous l’attendons depuis très longtemps !

M. le président. Pour conclure ce débat, la parole est à M. Michel Raison, pour le groupe auteur de la demande.

Vous disposez de cinq minutes, mon cher collègue.

M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord me réjouir que ce débat sur les conclusions du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures ait pu avoir lieu grâce à notre groupe, qui l’a demandé.

Je ferai quelques remarques générales sur l’ensemble des interventions. La conclusion est relativement facile à tirer.

Depuis un certain nombre d’années, trop nombreuses, certes – mais vous n’en êtes pas la cause, madame la ministre ; nous vous demandons simplement de ne pas continuer dans ce sens –, beaucoup de promesses et de communications ont été faites, sans aboutir. Je ne reviendrai pas sur les axes qui concernent mon département, puisque je suis chargé de conclure et que vous connaissez tous ces dossiers.

La situation s’aggrave, parce qu’on a de moins en moins d’argent. L’échec de l’écotaxe, qui devait nous permettre d’alimenter en partie le budget de l’AFITF, contribue d’ailleurs à cette aggravation.

Nos routes constituent aussi un patrimoine national. Et ce patrimoine national, comme tout patrimoine, doit être entretenu. Hélas, on peut remarquer, çà et là, qu’il est moins entretenu qu’avant. Prenons-y garde !

L’exemple du chemin de fer doit nous rendre plus vigilants : une fois le retard pris, il devient difficile non seulement de construire tous les tronçons que vous venez de demander, mes chers collègues, les uns après les autres, mais aussi de rattraper le retard accumulé en matière d’entretien des routes, qu’il s’agisse des chaussées, des bordures, des panneaux de signalisation, ne serait-ce que pour quelques bandes à repeindre.

Mais ce patrimoine a également besoin d’être amélioré, parce que la question de nos infrastructures routières relève également de l’aménagement du territoire.

Selon moi, un ministère de l’aménagement du territoire ne devrait même pas avoir besoin de fonds : le ministre chargé de cette question devrait être un délégué interministériel de l’aménagement du territoire, doté d’un poids réel, et devrait même, peut-être, se situer au-dessus de la ministre des transports.

Pour la construction de tronçons routiers, trop de décisions ont été prises en fonction du nombre de véhicules circulant par jour et non au regard des exigences de l’aménagement du territoire. On aggrave ainsi les problèmes de répartition de la population dans notre pays en favorisant la concentration dans les métropoles. On ne sait même plus comment faire pour « quadrupler » les autoroutes dans ces zones-là, alors que, ailleurs, les territoires se meurent.

Ce dossier ne touche pas seulement à l’aménagement du territoire, il a également trait aux questions de mobilité et, donc, très directement, aux questions de sécurité. Venons-en, par conséquent, à la sécurité routière.

Évidemment, plus nombreuses seront les routes à deux fois deux voies et meilleur sera l’entretien de nos infrastructures routières, plus grande sera la sécurité routière.

Sans même parler du lien avec les métropoles – certains se contenteraient d’être reliés à des capitales régionales modestes, de moins de 100 000 habitants –, ces fameux territoires qui souffrent d’un manque de deux fois deux voies et de la faiblesse de leurs liens avec les autres viennent de se voir infliger une obligation de limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure, censée régler les problèmes de sécurité.

Cette obligation doit s’appliquer de manière uniforme, sauf si le Premier ministre prend le temps de nous écouter début juin, lorsqu’il recevra les trois parlementaires et les deux présidents de commission qui ont travaillé sur cette question : après tout, il est encore temps d’espérer !

Certes, on règle les problèmes de sécurité en faisant respecter la réglementation, mais aussi en entretenant nos infrastructures routières et en investissant en la matière – il serait notamment nécessaire de construire un certain nombre de deux fois deux voies. On aurait dû commencer par là !

Les 2 milliards d’euros de procès-verbaux pour infractions routières peuvent-ils suffire à régler complètement les problèmes de sécurité routière et d’investissement dans le domaine routier ? Je l’ignore. En tout cas, à ceux qui proposent de mettre cet argent dans les hôpitaux, je réponds qu’il est trop tard une fois que l’accident a eu lieu, que l’on a une fracture du crâne ou une jambe coupée. Il faut mettre l’argent dans la prévention, dans la sécurité, en amont, et non dans la réparation, en aval.

Voilà les quelques mots de conclusion que je souhaitais prononcer, tout en vous souhaitant, madame la ministre, de pouvoir trouver des fonds pour tenir vos promesses avant 2025 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les infrastructures routières à la suite de la présentation du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

3

Hommage aux victimes d’un attentat

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, samedi dernier, notre pays a été frappé par un nouvel acte de barbarie de l’islamisme radical, au cœur de Paris. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)

Le bilan, encore une fois, est lourd : une personne est décédée, quatre autres ont été blessées.

Au nom du Sénat tout entier, j’adresse mes plus sincères condoléances à la famille du disparu. J’exprime également notre solidarité et nos pensées émues aux blessés et à leurs familles.

Au nom du Sénat, je souhaite une fois de plus rendre hommage et exprimer notre gratitude à nos forces de sécurité, qui ont neutralisé très rapidement le terroriste.

Ce nouvel attentat nous rappelle le haut degré de menace qui continue de peser sur notre pays. Face à cette menace et à l’heure où la violence se déchaîne à travers le monde, comme nous l’avons encore constaté ces jours derniers, je veux dire, au nom du Sénat tout entier, que nous ferons face, que nous resterons unis et déterminés à poursuivre le combat et à défendre nos valeurs.

Il y a un instant, dans le jardin du Sénat, je rendais hommage aux étudiants et aux lycéens qui se dressèrent contre le totalitarisme le 11 novembre 1940.

Je pense, en cet instant, à nos soldats, à nos forces de sécurité, qui sont aux avant-postes de la liberté. Ce sont les mêmes valeurs qui nous rassemblent.

Monsieur le Premier ministre, vous souhaitez prendre la parole.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, je m’associe pleinement, au nom de l’ensemble des membres du Gouvernement, aux propos que vous venez de tenir, aux pensées que vous adressez, au nom du Sénat, aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’à vos remerciements et à votre hommage aux forces de l’ordre, lesquelles, une fois de plus, samedi dernier, ont fait preuve d’une réactivité, d’une maîtrise de la force et d’un sang-froid exceptionnels ; elles font véritablement honneur à notre pays.

Monsieur le président, je vous rejoins entièrement sur la nécessité d’être forts, fermes et unis face à cette menace qui ne baisse pas d’intensité et qui ne baissera pas d’intensité dans les semaines et les mois à venir.

M. le président. Je vous invite à observer un moment de recueillement en hommage aux victimes de cet attentat. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, observent un temps de silence.)

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect des uns et des autres, ainsi que les temps de parole, pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

crise au proche-orient

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il y a soixante-dix ans, David Ben Gourion proclamait la création de l’État d’Israël.

Pour celles et ceux qui avaient entendu Theodor Herzl théoriser l’« État des Juifs », cinquante ans auparavant, pour celles et ceux, peu nombreux, qui avaient échappé à la Shoah, ce fut ce jour-là un immense espoir, une délivrance et un accomplissement.

Nous aurions aimé retrouver cette atmosphère. Au lieu de cela, depuis hier, nous avons en mémoire des images difficiles de morts par dizaines et de blessés par milliers, au moment même où était inaugurée à Jérusalem l’ambassade des États-Unis.

Ces images succèdent à celles d’échanges de tirs de missiles et de contremissiles dans le ciel syrien, visant des cibles iraniennes ou des avions de Tsahal.

Après avoir reçu Benyamin Netanyahou en décembre dernier et le prince héritier saoudien il y a un mois, le Président de la République a rencontré Donald Trump, président des États-Unis, voilà quinze jours.

Le Président de la République a sans nul doute cherché à convaincre, à faire partager les préoccupations de la France. Il a sûrement été écouté, mais il n’a pas été entendu. Donald Trump a additionné provocation, décision unilatérale et menaces.

Pouvons-nous espérer, monsieur le Premier ministre, une parole européenne audible, alors même que l’Europe, engluée dans ses contradictions, a à peine soutenu notre pays quand il est intervenu en Syrie ?

Quelles initiatives la France peut-elle encore engager pour que cette région tourmentée, qui peut à tout moment s’embraser, retrouve le chemin de la paix ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur Marseille, la journée d’hier à Gaza a été la plus meurtrière depuis 2014, avec près de 60 morts, dont des mineurs, et près de 2 700 blessés, dont beaucoup par balles.

La France condamne évidemment et sans aucune ambiguïté ces violences. En effet, si nous sommes sans aucune ambiguïté attachés à la sécurité d’Israël, nous ne pouvons pas accepter un tel niveau de violence face au droit fondamental des Palestiniens à manifester pacifiquement.

La politique de la France est connue ; elle est ancienne. Elle a pour objectif la coexistence de deux États, Israël et la Palestine, vivant dans la paix et dans la sécurité au sein de frontières reconnues, avec Jérusalem pour capitale commune. C’est ce que dit le droit ; c’est la ligne défendue par la France.

Dès hier, le Président de la République et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères ont rappelé la position de la France et multiplié les contacts avec le roi de Jordanie, avec le président Abbas et, aujourd’hui, avec le Premier ministre israélien.

Plus largement, le Président de la République, dans la continuité de ce qu’il défend constamment depuis son élection, souhaite discuter avec l’ensemble des parties pour essayer de faire prévaloir la ligne que je viens de rappeler, celle du droit, sur laquelle pourra se construire une solution durable. Le Conseil européen qui s’ouvrira ce soir à Sofia permettra de réaffirmer l’attachement non seulement de la France, mais de l’ensemble des pays de l’Union européenne, à cette ligne.

Vous le savez, c’est la décision unilatérale prise par les États-Unis de transférer leur ambassade à Jérusalem qui a déclenché ces événements. Nous sommes en complet désaccord avec cette décision, à la fois sur le fond, sur la méthode et sur l’opportunité. Nous considérons que cette décision n’apporte rien à la recherche de la solution durable que j’évoquais à l’instant.

Dans cette région traversée par des tensions très fortes peut-être plus encore qu’ailleurs, ce sont le respect du droit, la recherche du multilatéralisme, le souci de tenir une ligne politique ferme et prévisible par l’ensemble des parties qui doivent permettre d’avancer dans la direction que je viens de décrire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

heurts en israël

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche.

M. Bernard Cazeau. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens ont manifesté hier dans la bande de Gaza, le long de la frontière avec l’État hébreu, contre le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem. Le bilan publié ce matin par les autorités palestiniennes est terrible : 52 morts et 2 410 blessés après des heurts avec l’armée israélienne.

Nous sommes au bord du gouffre. Il est urgent d’éviter une nouvelle escalade et d’établir enfin une paix durable. En effet, dans cette région déjà soumise à de fortes tensions, il y a tout à craindre d’une radicalisation et d’une contagion du conflit.

Nous le savons, la France est très engagée dans la recherche d’une solution politique et elle soutient la cause du peuple palestinien, dont les aspirations sont légitimes, mais aussi le droit d’Israël à la sécurité.

Hier, le Président de la République a exprimé sa désapprobation de la décision américaine d’ouvrir une ambassade à Jérusalem dans le contexte sensible du soixante-dixième anniversaire de la création d’Israël et de la commémoration de l’exil par de nombreuses familles palestiniennes. Il a appelé tous les responsables à la modération et à l’apaisement et a insisté sur la nécessité que les manifestations des prochains jours demeurent pacifiques.

Au-delà, lorsque la sérénité sera revenue, comme nous l’espérons, il faudra redonner vie au processus de paix, car il n’y a pas d’autre solution durable que celle d’une paix juste et négociée entre deux États, garantissant une quiétude mutuelle à la Palestine et à Israël.

À la suite de ces événements, et au-delà de la position bien connue de la France, le Gouvernement envisage-t-il de prendre des initiatives qui permettraient de faire avancer la réflexion en vue de la résolution de ce conflit ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Bernard Cazeau, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Jean-Yves Le Drian, qui est en route pour Bruxelles, où se tient une réunion importante avec M. Zarif, le ministre des affaires étrangères iranien, et nos partenaires européens signataires de l’accord de Vienne.

S’agissant des terribles heurts et des drames d’hier, M. le Premier ministre a rappelé quelle était la position de la France.

Notre désaccord avec la décision du président Trump de transférer à Jérusalem l’ambassade des États-Unis porte sur le fond, Jérusalem ayant vocation à devenir la capitale non pas d’un, mais de deux États, sur la méthode, puisque cette décision a été unilatérale, et sur l’opportunité, les crises se multipliant dans cette région du Moyen-Orient.

Devant cette situation, le Président de la République prend des initiatives. Il est en contact permanent avec le roi de Jordanie, qui tient un rôle tout particulier, et le Premier ministre israélien. Il s’entretiendra dans les prochaines heures avec ce dernier pour redire toute notre désapprobation quant à l’usage disproportionné de la force, qui a conduit à des morts et à un nombre considérable de blessés.

Peut-être y a-t-il effectivement des urgences à traiter avant d’engager, enfin, le grand chantier de la paix durable. Je pense notamment à la crise humanitaire qui sévit à Gaza. Il importe à cet égard de se mettre d’accord sur la levée du blocus, tout en garantissant la sécurité d’Israël.

La tâche est ardue, mais il est de notre devoir de tout faire pour éviter que le sang ne coule de nouveau demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Jean-Marc Gabouty et Loïc Hervé applaudissent également.)

samu de strasbourg

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Jean-François Husson applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, vous avez réuni hier les représentants des médecins urgentistes pour lancer une concertation sur les moyens d’améliorer efficacement et humainement la régulation des appels d’urgence et des soins.

Cette initiative fait suite au décès, à la fin du mois de décembre à Strasbourg, de Naomi Musenga, dans les circonstances dramatiques que nous connaissons tous.

Sur les réseaux sociaux, des témoignages relatent des expériences malheureuses avec les services du SAMU. Pour autant, il importe de ne pas généraliser et de rappeler que, dans l’immense majorité des cas, les appels conduisent à une prise en charge rapide et efficace, dans le respect du patient.

Les assistants de régulation et les médecins urgentistes font un travail difficile. Sous tension, ils traitent jusqu’à 700 appels par jour. C’est justement parce qu’il s’agit d’une mission primordiale, avec un nombre d’appels en augmentation auxquels il faut apporter une réponse humanisée, tout cela dans le respect d’une légitime exigence de sécurité, qu’il nous appartient de moderniser ce service pour tendre vers une prise en charge homogène et optimale pour les patients et en toute sécurité pour les professionnels.

D’abord, il faut envisager la mise en place d’une formation diplômante des opérateurs. C’est ce que préconise le rapport que mes collègues Laurence Cohen et René-Paul Savary ont publié au mois de juillet dernier. Trop souvent, les assistants de régulation médicale se retrouvent en première ligne sans formation ni expérience suffisantes.

Ensuite, la création d’un numéro unique pour toutes les urgences a été évoquée. Cela permettrait une meilleure lisibilité pour les patients et une plus grande efficience des services, en réduisant le délai entre l’appel et l’intervention.

Enfin, même si elle est complexe – je sais que le Gouvernement peine pour l’instant à trouver des réponses –, la question de l’optimisation des moyens doit être abordée : 30 millions d’appels sont traités chaque année, et ce chiffre augmente régulièrement.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître votre position sur ces sujets, ainsi que les décisions que vous comptez prendre en vue d’améliorer ce service dédié aux urgences. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)