M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Frédéric Marchand. Ma question s’adresse à Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Du 9 au 18 juillet prochains se tiendra, à l’ONU, le Forum politique de haut niveau sur le thème de la transformation vers des sociétés durables et résilientes : quarante-sept pays, dont la France, participeront à cet événement, qui rassemble société civile et politiques pour évoquer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable.

Notre pays est aujourd’hui moteur dans ce domaine, qu’il s’agisse de la transition énergétique et des annonces faites récemment dans le domaine des énergies renouvelables, de la préservation de la biodiversité ou encore de l’économie circulaire. À cet égard, madame la secrétaire d’État, une question cruciale se pose à l’humanité entière, celle de la réduction et du recyclage des déchets plastiques. Vous en avez d’ailleurs fait un axe majeur de la stratégie pour une économie circulaire, présentée le 23 avril dernier. Au niveau mondial, de 5 millions à 13 millions de tonnes de plastique rejoignent chaque année l’environnement marin. Si rien n’est fait, il pourrait y avoir plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050…

Pour remédier à la situation actuelle, la première mesure figurant sur la feuille de route pour l’économie circulaire consiste à demander aux industriels d’entrer dans la boucle et d’incorporer dans les produits davantage de matières premières issues du recyclage, tout en assurant leur qualité et leur traçabilité, ainsi qu’une réelle sécurité pour les citoyens. Cinquante-cinq industriels et fédérations viennent de s’engager dans le but de tenir cet objectif essentiel en matière non seulement de développement durable, mais aussi d’emploi.

Au-delà de ces premiers signataires, nombre d’acteurs sont déjà présents sur ce champ vertueux. Ainsi, dans le Nord, dans le Cambrésis tout particulièrement – je salue les élus et responsables d’entreprises de ce territoire ici présents –, l’entreprise Hainaut Plast Industry est pionnière en matière de recyclage du polyvinyl butyral, film plastique que l’on trouve dans les pare-brise et vitrages feuilletés. Cette pépite est sans conteste une illustration de cette french tech que vous aurez à cœur, madame la secrétaire d’État, j’en suis persuadé, de mettre en avant et qui a été au centre de la restitution, ce matin, des ateliers citoyens « Votre Europe durable en 2030 ».

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Frédéric Marchand. Au-delà, pouvez-vous nous indiquer quel sera le principal message que délivrera la France pour assumer pleinement son rôle de premier de cordée du développement durable ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Marchand, vous avez raison, la France a la responsabilité particulière de tirer le reste du monde vers le haut en matière environnementale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Président de la République en a fait une priorité de sa politique internationale et que j’ai lancé une initiative ambitieuse en termes d’objectifs de développement durable. À ce titre, j’ai d’ailleurs mobilisé l’ensemble de mes collègues du Gouvernement.

Dans ce cadre, je me rendrai au Forum politique de haut niveau qui aura lieu au milieu ce mois-ci aux États-Unis. L’Agenda 2030 pour le développement durable, c’est la boussole des Nations unies pour guider et accélérer les actions concrètes en faveur du développement durable dans tous les pays du monde.

Si nous voulons être au rendez-vous, il faut que chacun se mobilise, notamment les entreprises, petites ou grandes. Dans le domaine de l’économie circulaire, leur rôle est d’une importance est vitale, car ce sont elles qui sont sources d’innovation. Pour cette raison, sous l’égide du Premier ministre, nous avons lancé, dans le cadre du plan Biodiversité, une initiative ambitieuse en la matière. Il s’agit de mettre en œuvre une véritable politique industrielle en faveur du recyclage, pour que nos entreprises, nos territoires soient en avance et se montrent plus compétitifs.

L’économie circulaire, c’est pour nos territoires un potentiel de 300 000 emplois non délocalisables. Vous l’avez souligné, nous avons reçu lundi, avec Delphine Gény-Stephann, les cinquante-cinq premiers engagements d’industriels et de fédérations, qui vont permettre de doubler les volumes d’incorporation de plastique recyclé. Ce n’est qu’un début, de nombreuses entreprises sont impliquées, comme celle que vous avez citée, monsieur le sénateur. Je sais que vous vous attachez particulièrement à identifier et à soutenir les meilleures pépites que nous avons en France, notamment sur votre territoire, en matière de recyclage. C’est ce genre d’entreprises que nous devons aider par tous les moyens, parce que ce sont elles qui créent des emplois et qui jouent un rôle moteur pour la compétitivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Nassimah Dindar et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également.)

situation des hôpitaux et ehpad en période estivale

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, la facilité aurait été de vous interroger sur le report du plan Pauvreté. Mais, comme chacun ici le sait, en juillet-août, les pauvres dépensent un fric fou sur les plages… Aussi ma question portera-t-elle sur ce grand malade qu’est l’hôpital public.

J’ai été surpris que, en répondant au député Alain Bruneel, avant-hier, vous ayez eu des mots forts, très forts, qualifiant de « mercenaires » les médecins qui se tournent délibérément vers l’intérim et sont payés jusqu’à 2 000 euros pour une garde.

Si, sur le plan éthique et moral, cette situation est des plus choquante, nous en convenons, n’en faites pas l’arbre qui cache la forêt, car elle ne saurait, à elle seule, expliquer le mal profond dont souffre notre système de santé, plus particulièrement l’hôpital public.

Je n’insisterai pas non plus sur l’état de tension qui y règne, si ce n’est pour saluer l’ensemble des professionnels qui œuvrent au quotidien, y compris à l’heure où nous parlons, et qui s’apprêtent à vivre un été dont on peut craindre qu’il ne soit celui de tous les dangers.

Vous voulant rassurante, docteur, vous avez dit que l’hôpital public était « monitoré ». Quand on commence à mettre un patient sous moniteur, c’est qu’on redoute l’arrêt cardiaque… Vous êtes loin de rassurer les acteurs de l’hôpital public, notamment celles et ceux qui auront à gérer l’afflux de patients cet été, alors même que des services seront fermés, faute de médecins.

Madame la ministre, sur quels dispositifs comptez-vous vous appuyer si l’alarme du monitoring vient à se déclencher dans nos centres hospitaliers comme dans nos hôpitaux de proximité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, il est important de rappeler l’engagement de la puissance publique, du Gouvernement, pour nos hôpitaux. Ainsi, le budget de nos hôpitaux publics augmente cette année de 1 milliard d’euros, afin de développer, partout où c’est nécessaire, les moyens d’apporter soins et assistance à celles et ceux qui en ont besoin.

Cela n’empêche pas l’apparition de situations de tension dans un grand nombre d’hôpitaux, notamment à certains moments de l’année, en particulier l’été.

Il y a d’abord la question de la gestion du risque chaleur. La météo des derniers jours montre bien toute l’importance de pouvoir mobiliser et impliquer l’ensemble des acteurs du secteur hospitalier, mais aussi les collectivités locales, dans le cadre du plan national Canicule, que la ministre anime. Il s’agit de mener des actions de sensibilisation et d’accompagnement des personnes les plus vulnérables, qu’elles se trouvent dans un EHPAD, à l’hôpital ou à leur domicile – d’où l’importance que les maires se mobilisent. La ministre s’est rendue, le 29 mai dernier, au centre hospitalier de Versailles, afin de vérifier le fonctionnement des dispositifs mis en place pour anticiper et gérer l’impact sanitaire des périodes de canicule.

Il importe aussi de se pencher sur la question de la ressource humaine, particulièrement pendant la période estivale. La ministre des solidarités et de la santé a pris la situation en main avec les agences régionales de santé. Une enquête a été réalisée fin mai auprès de l’ensemble de l’offre hospitalière française, pour connaître le taux prévisionnel de lits ouverts en juillet et en août dans chaque région. Un tableau de suivi quotidien est établi en vue de garantir une capacité d’offre de soin suffisante.

Nous veillons également veiller à augmenter la capacité d’accueil des services des urgences, notamment dans les zones touristiques. La ministre a confié une mission à cette fin.

Vous le voyez, s’il y a effectivement des tensions, nous avons un service public de qualité, capable de répondre aux besoins dans de bonnes conditions, même si bien sûr tout n’est pas parfait, et l’on sait pouvoir compter sur l’ensemble des acteurs…

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. … du milieu hospitalier pour garantir la meilleure sécurité aux patients.

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour la réplique.

M. Michel Dagbert. Rendez-vous est pris, monsieur le ministre, en septembre, en espérant que, d’ici là, la situation aura pu être gérée, car la circulaire du 23 mai a suscité beaucoup d’émoi, y compris chez les directeurs de centre hospitalier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

service national universel

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Voilà quelques jours, le Président de la République a présenté les contours du service national universel. En mars 2017, le candidat Emmanuel Macron annonçait que le service national universel serait encadré par les armées et la gendarmerie nationale, afin de pouvoir disposer d’un réservoir complémentaire de la garde nationale. Aujourd’hui, nous apprenons que ce dispositif n’a plus grand-chose de militaire. Le candidat Emmanuel Macron annonçait une durée de service comprise entre trois et six mois. On parle désormais de deux stages de quinze jours…

Je commence à douter du fait que ce service sera vraiment national et vraiment universel. Alors oui, il y a des points positifs : l’apprentissage des gestes de premier secours, la prévention de l’illettrisme. Mais au regard des nouvelles menaces et des nouveaux enjeux, ce service national universel mérite une plus grande ambition. La cohésion nationale est une valeur que l’on ne peut pas inculquer à notre jeunesse en l’espace d’un mois. Si ce projet de service national universel devait en rester là, alors il vaudrait mieux l’abandonner et renforcer les dispositifs existants, tels que le service civique, la préparation militaire découverte et la préparation militaire supérieure. On ne peut pas imaginer dépenser plus de 1,5 milliard d’euros par an pour un outil dont la portée et l’utilité en termes de sécurité nationale seront plus que limitées.

Monsieur le Premier ministre, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il revoir sa copie concernant le service national universel, afin de créer un dispositif efficient et adapté aux réalités de la France de 2018 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Madame la sénatrice Imbert, vous posez une question difficile. Vous avez parlé des engagements du candidat Emmanuel Macron, mais je crois me souvenir que tous les candidats s’étaient engagés sur un tel projet, sans qu’aucun décrive, d’ailleurs, ce qu’il souhaitait faire ni quels moyens il y consacrerait.

Le Président de la République et le Premier ministre ont eu la sagesse de mener une réflexion approfondie et de mettre en place un groupe de travail, qui a récemment remis ses conclusions et défini un cadre. Le Premier ministre a présenté ces travaux en conseil des ministres. Le cadre ainsi défini permet d’allier l’intérêt de ce service pour une jeunesse que nous avons besoin de mobiliser en vue de renforcer la cohésion nationale, sa faisabilité et son acceptabilité par les jeunes. Il nous faut rester à la fois efficaces et pragmatiques. Tels sont les principes qui ont guidé le groupe de travail et le Gouvernement dans leur réflexion.

Ce mois de service obligatoire sera mis à profit pour mener les actions que vous avez évoquées, sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais aussi pour mettre en place des projets partagés entre jeunes. Il pourra être complété par un engagement volontaire d’au moins trois mois. Les dispositifs existants, le service civique, les réserves opérationnelles, toutes les actions susceptibles d’être labellisées comme des services à autrui, seront renforcés.

Ce service national universel va faire l’objet d’une grande consultation, à laquelle je souhaite que vous participiez, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle nous permettra de remplir le cadre concret et réaliste que nous avons défini. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Le candidat Emmanuel Macron est devenu Président de la République, et il me paraissait légitime d’interroger le Gouvernement sur ce sujet.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Corinne Imbert. Dans le cadre de la loi de programmation militaire, le Sénat a voté des crédits supplémentaires pour permettre la mise en place du service national universel. Je tenais à le rappeler. Cette nouvelle version du service national universel traduit un changement de paradigme. Elle ne répond pas, à mon avis, à la réalité actuelle de notre pays, qui est en proie régulièrement à des menaces d’attentats.

Le récent rapport du Sénat sur l’état de santé, inquiétant, de notre police et de notre gendarmerie l’a rappelé : nos forces armées ont besoin de soutien opérationnel, pas d’apprentis Don Quichotte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

évasion de redoine faïd (ii)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Notre collègue Michèle Vullien l’a souligné avant moi, le détenu qui aurait dû être le plus surveillé de France s’est de nouveau fait la belle, dans des circonstances consternantes pour notre système pénitentiaire et, par là même, pour votre ministère.

Cette prison modèle n’en était pas une, avec sa cour sans protection aérienne, maintes fois signalée comme le point le plus faible de sa sécurisation. Le choix d’y maintenir un tel détenu comportait un risque maximum. Vos services n’ont pas perçu l’urgence de la situation, malgré les demandes répétées de transfert présentées par la direction régionale. Le personnel pénitentiaire a été ainsi mis en situation de grand danger.

Depuis dimanche, vos déclarations, plutôt convenues, ne sont pas rassurantes. La réponse que vous avez faite tout à l’heure ne l’est pas davantage. Avez-vous réellement besoin d’une enquête de quinze jours pour comprendre ce qui s’est passé et, surtout, pour réagir ? Des images tournées par des détenus et circulant sur internet nous renseignent déjà sur le déroulé de cette évasion à la James Bond…

Comment comptez-vous, madame la ministre, faire évoluer le système pénitentiaire et toute la chaîne pénale après cet événement d’une gravité exceptionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Lefèvre, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je tirerai toutes les conséquences du rapport d’inspection qui me sera présenté.

Je crois en effet qu’il nous faut disposer d’éléments stabilisés. Ce ne sont pas simplement des images, ni même ce que j’ai pu voir de mes propres yeux, qui me permettront de tirer des conclusions, mais un certain nombre d’éléments irréfutables.

Je n’ai toutefois pas attendu cet événement grave pour engager des politiques en faveur de la sécurité de ces établissements, qui sont destinées à prévenir ces évasions.

La direction de l’administration pénitentiaire, à ma demande, travaille selon trois axes : observer la population pénale pour prévenir et déceler des indices – c’est le rôle du renseignement pénitentiaire, qui se déploie de façon très importante ; mettre en place des systèmes d’affectation des détenus dans des établissements correspondant à leur profil – c’est tout le travail de construction d’établissements pénitentiaires adaptés que nous effectuons ; enfin, accomplir des efforts importants pour la sécurité des établissements. Et je vous cite là seulement quelques actions que nous entreprenons.

Nous privilégions la vidéoprotection, les dispositifs anti-projection, les dispositifs de détection, notamment de métaux, la sécurité aux abords des établissements, les équipements de sécurité pour les agents.

Nous travaillons également pour lutter contre le fléau des téléphones portables : nous avons passé un nouveau marché de brouillage des téléphones pour éviter les communications illicites. Son déploiement est en cours et se poursuivra à l’automne.

Toutes ces mesures, qui nécessitent des moyens importants, seront confirmées par la loi de programmation que je vous présenterai. Elles s’accompagnent en outre d’un important effort en termes de recrutement de personnels. Nous nous engageons sur les cinq années qui viennent à recruter 6 500 personnes. Ces éléments témoignent de notre volonté d’assurer à la fois la sécurité des agents et celle des Français. C’est notre seul objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, je suis rapporteur de la mission « Justice » et je connais les difficultés budgétaires de votre ministère. À ce titre, je regrette la récente annulation de crédits de 340 millions d’euros au titre de l’administration pénitentiaire, des sommes qui ne seraient pas reportées pour 2018. (Mme la garde des sceaux le conteste.)

Vous avez certes la volonté de recruter plus de surveillants, mais, si leur sécurité n’est pas assurée, qui va se porter candidat ? Plus que jamais, les revendications des organisations syndicales du début d’année sont d’actualité.

De nouveau, je veux vous interpeller sur la prolifération des portables en prison. Plus de 20 000 ont déjà été saisis depuis le mois de janvier. À Fleury-Mérogis, cinquante-six téléphones et objets connectés ont été trouvés dans une même cellule : une vraie téléboutique ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Dans le même temps, les agents et les surveillants doivent laisser leur portable à l’entrée !

Vous venez d’en toucher un mot, madame la ministre : 14 millions d’euros de crédits ont été votés pour l’équipement en nouveaux brouilleurs, mais, visiblement, les résultats se font attendre. La population carcérale a évolué ; elle est plus violente, plus jeune, pour partie radicalisée et désormais toujours connectée.

Madame la garde des sceaux, il est urgent de proposer dans ce domaine des solutions vraiment efficaces et pérennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

politique industrielle et projet novawood

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Comme beaucoup, j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’économie forte sans industrie forte.

Or l’industrie française n’occupe pas la place qui devrait être celle de la cinquième puissance mondiale. Le déficit commercial de notre industrie s’accroît et nuit à la compétitivité économique et à l’emploi.

La politique industrielle de la France est aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle est trop souvent abordée pour dénoncer ses insuffisances lorsque les projecteurs médiatiques sont braqués sur des dossiers brûlants : Alstom à Belfort, Arcelor Mittal à Florange, les Conti, sans oublier Whirlpool à Amiens et bien d’autres.

Votre gouvernement a, dans ce contexte, une responsabilité importante, monsieur le Premier ministre. Il doit afficher une politique industrielle ambitieuse, toute entière tournée vers la modernisation de notre industrie, s’inscrivant dans les objectifs de transformation et de transition écologique que vous affichez.

Dans mon département, au sein de l’espace métropolitain du Grand Nancy, la vallée du sel compte 5 000 emplois industriels, directs et indirects.

Le Gouvernement a lancé en août 2017 un appel d’offres biomasse, auquel la société Novacarb, forte de 1 300 emplois, a répondu. Il vise à substituer la biomasse au charbon comme énergie pour assurer la pérennité et le développement d’une unité de production de bicarbonate plus que centenaire, avec, à la clé, la création de 100 emplois. Or la réponse se fait toujours attendre, malgré une mobilisation générale unanime en faveur de ce projet.

Monsieur le Premier ministre, quelle est la stratégie de l’État en faveur et au service de l’industrie française ? Quels moyens d’action prévoyez-vous ? Confirmez-vous votre engagement de soutenir le projet Novawood à Laneuveville-devant-Nancy, une solution qui répond aux objectifs écologiques et économiques de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Husson, je vous rejoins volontiers lorsque vous dites qu’il est difficile d’envisager l’avenir d’un pays comme la France, sa force et sa puissance, sans une industrie compétitive. Je le crois profondément. La question qui nous est posée est celle non pas d’un attachement théorique à l’industrie, mais d’une véritable politique industrielle, plus exactement d’une politique permettant de renforcer la compétitivité de nos industries.

C’est la raison pour laquelle je me suis engagé résolument, avec le Gouvernement, à la suite d’un certain nombre d’initiatives qui avaient déjà été prises, et en essayant d’en impulser d’autres, dans une logique de structuration des filières industrielles par elles-mêmes – nous considérons en effet que la logique des filières industrielles est probablement la plus féconde pour développer la compétitivité de notre industrie –, de simplification des normes applicables, de soutien et de financement de l’innovation – je pense notamment au financement de l’innovation de rupture, au travers d’instruments comme les produits de cession de certaines participations de l’État au capital de grandes entreprises – et de réduction de la fiscalité applicable au monde de la production en général et à l’industrie en particulier, avec notamment une perspective de diminution de ce que l’on appelle la fiscalité de production.

Nous sommes donc résolument engagés en ce sens et, comme vous, monsieur le sénateur, nous pensons qu’il faut concilier cette politique industrielle avec l’impératif de transition écologique formulé par ce gouvernement et porté, notamment, par le ministre d’État, Nicolas Hulot.

Le cas que vous évoquez, celui de la vallée du sel et de l’appel d’offres qui a été lancé, s’inscrit dans un certain nombre de programmes envisagés par les gouvernements successifs, dont l’idée est de faire en sorte que nous puissions produire de l’électricité en utilisant la biomasse.

J’ai examiné ces appels d’offres et j’ai constaté qu’ils conduisent le contribuable et le consommateur à payer l’électricité à un prix au moins trois fois supérieur à celui du marché. Je comprends l’argumentation selon laquelle il peut être légitime, pour développer une filière industrielle et sauver des emplois, de faire surpayer le consommateur. Cela peut avoir un impact, et nous l’avons déjà fait.

Toutefois, dans le cas que vous mentionnez, l’appel d’offres conduirait à un engagement d’environ 850 millions d’euros d’argent public, pour une solution qui créerait une centaine d’emplois. C’est très important, mais, compte tenu de notre attachement à l’industrie française, nous pouvons nous poser la question de savoir si ces 850 millions d’euros d’argent public seraient véritablement employés comme ils doivent l’être, et effectivement employés pour servir la compétitivité de l’industrie française. En vérité, monsieur le sénateur, je n’en suis pas sûr.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au préfet de reporter la date d’effet des obligations réglementaires qui s’imposent à l’entreprise, pour laisser à celle-ci le temps de s’adapter.

Il me semble indispensable de ne pas prendre par surprise l’entreprise et ses salariés, mais je crois que nous pouvons aussi nous fixer comme objectif que le soutien à l’industrie française, certes indispensable et légitime, doit prendre la forme la plus efficace.

Très souvent, j’ai rappelé que, lorsque nous engageons de l’argent public, quel que soit le domaine concerné, nous devons nous demander si nous le déployons de façon efficace, c’est-à-dire si nous préparons l’avenir et si nous nous atteignons les objectifs que nous nous sommes fixés. Faire surpayer l’électricité par le consommateur et verser des subventions considérables, qui n’ont d’ailleurs pas été financées et qui ne figurent dans aucune trajectoire de finances publiques, n’est pas, me semble-t-il, le meilleur moyen de soutenir l’industrie française.

C’est la raison pour laquelle je m’engage à travailler avec l’entreprise et les autorités publiques locales pour trouver des solutions efficaces, peut-être moins triviales que cet appel d’offres, pour soutenir cette entreprise et préserver le développement industriel français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)