M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons la discussion de l’article 7, qui simplifie les conditions d’exécution du contrat d’apprentissage, je souhaite saluer l’esprit du projet de loi qui est, dès son intitulé, enthousiasmant : projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, voilà un objectif que nous appelons tous de nos vœux, mais qui nécessite une réforme en profondeur de l’orientation.

En réalité, de quoi parlons-nous ? De combattre les inégalités, en permettant à chaque élève de se réaliser vraiment dans la voie qui correspond à ses goûts, ce qui suppose de ne pas le conduire obstinément vers l’échec, souvent dans la voie que ses parents ont choisie pour lui, avec la complicité du chef d’établissement.

Je rappelle que la France compte plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l’école, ni à l’université, ni en apprentissage, ni dans la vie active. C’est un gâchis à la fois pour les jeunes, pour notre pays et pour l’économie.

Parallèlement, de nombreuses entreprises artisanales peinent à recruter du personnel qualifié. Pourtant, nous le savons, l’apprentissage est l’un des meilleurs tremplins vers l’emploi.

Alors, aborder la question de l’apprentissage dans un texte consacré plus largement à l’avenir professionnel peut paraître soit comme un premier pas vers une réforme plus profonde, soit comme bien trop réducteur, parce que le problème est avant tout un problème d’orientation dès le collège.

Ce que je regrette également, c’est que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication n’ait pas été saisie au fond, au même titre que la commission des affaires sociales, car le texte comporte plusieurs dispositions relatives à l’orientation scolaire, sujet sur lequel elle a beaucoup travaillé.

L’apprentissage est un enjeu fort pour l’avenir de la jeunesse, parce qu’il est une voie d’excellence de formation aux métiers de l’artisanat et d’intégration dans l’entreprise, grâce à la magnifique mobilisation des chambres de métiers et de l’artisanat et des chambres consulaires. Nous devons en faire l’un des fleurons de la formation en France.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. Avec l’article 7, nous entamons la discussion sur un sujet qui soulève nombre d’interrogations : la réforme de l’apprentissage.

Ces dernières semaines, le Gouvernement n’a cessé de dénoncer l’organisation actuelle et les chiffres de l’apprentissage, alors même que la dernière campagne fait état d’une hausse d’au moins 4,5 % du nombre de contrats, un record.

Si nous partageons votre souhait de développer la voie de l’apprentissage, madame la ministre, nous ne pouvons vous suivre dans la voie de l’ouverture à la concurrence du marché de l’apprentissage. Cet article ajoute précisément l’insertion professionnelle parmi les objectifs assignés à l’apprentissage, et il remplace le dispositif d’enregistrement du contrat d’apprentissage, qui implique un contrôle préalable à son exécution, par une procédure de dépôt du contrat d’apprentissage auprès des futurs opérateurs de compétences, ou OPCO.

Là aussi, si nous sommes favorables aux mesures de simplification, nous craignons que la suppression du contrôle du contrat d’apprentissage ne soit un mauvais signal envoyé aux apprentis quant à l’application de leurs droits – rémunération ou temps de travail, notamment.

De même, nous ne partageons pas votre volonté d’éloigner l’apprentissage de la formation initiale pour l’orienter vers la formation continue. L’idée serait-elle de transformer, à terme, le contrat d’apprentissage en un contrat de professionnalisation ?

La suppression de la référence à la jeunesse dans les objectifs et dans la définition de l’apprentissage fixés par la loi est symptomatique d’une volonté de diluer la spécificité de la filière. C’est la porte ouverte à l’augmentation de l’âge légal requis pour entrer en apprentissage, à laquelle nous nous opposons. Cela risque de déstabiliser le système et d’aboutir notamment à des contournements d’embauches en CDI, par le recours à des apprentis adultes à moindre coût. Il n’est pas inutile de rappeler que l’apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la Nation et qu’il est, avant tout, une voie de formation pour les jeunes.

Je regrette à mon tour que le ministre de l’éducation nationale n’ait pas été davantage associé à ce projet de loi, voire qu’il n’en ait pas été également rédacteur, dans la mesure où il a évoqué une réforme de l’enseignement professionnel, puisque l’on parle de jeunes, de formation et d’apprentissage, une voie de formation au même titre que l’école. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. J’ai cru comprendre que l’heure était au « en même temps »…

M. Max Brisson. Vous aviez là une belle occasion, madame la ministre, de mettre du contenu dans cette formule.

Lors de la discussion générale, j’ai indiqué que penser l’apprentissage dans le seul cadre du ministère du travail était une erreur, et que l’absence du ministère de l’éducation nationale limitait l’ampleur de la réforme. Or tout le monde en est d’accord, la rénovation de l’enseignement professionnel est une urgente nécessité. Développer d’abord l’apprentissage sans, en même temps, rénover la voie professionnelle, c’est mettre en danger les lycées professionnels, et mettre en place une loi visant à relancer l’apprentissage sans, en même temps, rénover la voie professionnelle, c’est s’inscrire dans un calendrier qui se déroulera aux dépens des lycées professionnels et de l’éducation nationale.

C’est donc en même temps, madame la ministre, qu’il fallait construire une puissante rénovation de la voie professionnelle et de l’apprentissage et qu’il fallait, bien entendu, appuyer la rénovation de la voie professionnelle de l’éducation nationale sur une large utilisation de l’apprentissage et de l’alternance. C’est là que le « en même temps », aurait eu tout son sens.

En lieu et place de tout cela, nous risquons au contraire d’avoir une relance partielle et cloisonnée de l’apprentissage, et une rénovation de la voie professionnelle qui se fera, à tout le moins, sans passer par l’apprentissage ni par l’alternance. Malheureusement, la voie professionnelle et les lycées professionnels resteront donc les parents pauvres du ministère de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je pensais m’être clairement exprimée sur ce sujet dans mon propos liminaire ; apparemment, pas suffisamment pour que mes explications soient entendues.

Je vous l’ai dit hier, mon collègue Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, ma collègue Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et moi-même avons travaillé main dans la main sur ce texte. Je pense que c’est quelque chose de nouveau ; jamais le ministère du travail et le ministère de l’éducation nationale n’ont, me semble-t-il, travaillé ensemble et porté en même temps, c’est le cas de le dire, un texte unique sur l’apprentissage.

En parallèle, le ministre de l’éducation nationale a annoncé, voilà quelques semaines, une réforme des lycées professionnels qui va dans le même sens. Elle permettra une meilleure articulation entre l’apprentissage et le statut scolaire. Je pense qu’il est temps, en 2018, dans l’intérêt des jeunes de notre pays, de sortir de la querelle entre statut scolaire et apprentissage. Nous avons 1,3 million de jeunes qui cherchent leur voie ; il faut au contraire faire coopérer les deux voies.

Qu’est-ce que cela signifie ? Que les lycées professionnels pourront tous ouvrir des sections d’apprentissage, je l’ai dit hier, et que, dans les campus des métiers, on favorisera aussi les passerelles entre statut scolaire et apprentissage, dans les deux sens – on pourra faire une partie de parcours sous une forme et une autre partie sous une autre. Ce sont deux voies pédagogiques : l’apprentissage, c’est « faire pour apprendre » et le statut scolaire, c’est « apprendre d’abord puis appliquer, faire ». Cela peut correspondre à des jeunes différents ou à des moments différents de la motivation des jeunes. Il faut les deux et nous travaillons main dans la main, vous le verrez d’ici à la fin de la journée. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Nous rejoignons bon nombre des arguments qui viennent d’être exposés sur cet article 7. Vous prétendez, madame la ministre, vouloir développer et même revaloriser l’apprentissage, mais je crains que ce ne soit exactement le contraire qui se produise.

Vous avez peut-être en tête, comme moi, cette phrase extrêmement malheureuse du PDG d’une grande entreprise française sur une radio publique qui, en réponse à la question « vos enfants ont-ils étudié en apprentissage ? », avait eu le culot, si vous me permettez l’expression, de dire que ses enfants avaient réussi à l’école. (Oh ! sur les travées du groupe Union Centriste.) Eh bien, c’est précisément cela qu’il faut changer pour revaloriser l’apprentissage.

Or, dans l’article 7, sont ouvertes des portes extrêmement inquiétantes ; cet article risque de faire de la voie de l’apprentissage non plus une voie de formation initiale, cela a été dit, mais une voie de formation professionnelle. Il risque de précariser encore un peu plus l’ensemble des droits des salariés, avec, d’ailleurs, un certain nombre de mesures qui ne sont pas sans nous rappeler les ordonnances relatives au code du travail. En effet, sous couvert de simplification, ce sont de nouvelles attaques contre le droit du travail qui sont en l’espèce proposées.

De même, le retrait de la référence à la jeunesse, qui pourrait paraître symbolique, en dit long sur le fait que l’apprentissage risque de devenir une nouvelle forme de salariat. Cela serait évidemment une nouvelle régression sociale.

Voilà pourquoi nous proposons, dans la droite ligne de ce que nos collègues ont exprimé, la suppression de cet article, qui est extrêmement dangereux pour l’apprentissage, que nous voulons favoriser. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le présent article prévoit le passage d’une procédure d’enregistrement à une procédure de dépôt du contrat, de nature à simplifier les conditions de conclusion de celui-ci. Elle facilitera ainsi pour les entreprises le recrutement d’apprentis.

Par ailleurs, les entreprises pourront toujours être accompagnées et conseillées par les chambres consulaires, lors de la conclusion de contrats d’apprentissage.

C’est pour cela que la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 268
Pour l’adoption 15
Contre 253

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 80 rectifié bis est présenté par M. Revet, Mme Eustache-Brinio, M. Bascher, Mme Vullien, MM. Canevet et Pellevat, Mmes Chauvin, Billon et Morhet-Richaud, M. Cambon, Mme Bruguière, M. Louault, Mme Goy-Chavent, M. Danesi, Mme Canayer, MM. Détraigne, B. Fournier et Meurant, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Brisson, Houpert, Perrin, Raison et Laménie, Mme A.M. Bertrand et MM. Cuypers, Magras, Cadic et Daubresse.

L’amendement n° 416 rectifié quater est présenté par M. Babary, Mmes Deromedi et Bonfanti-Dossat, MM. de Nicolaÿ et Pillet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Bonhomme et Mme Raimond-Pavero.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Rétablir le I A dans la rédaction suivante :

I A. – Le code du travail est ainsi modifié :

A. Le premier alinéa de l’article L. 4624-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour un apprenti embauché en contrat d’apprentissage, la visite d’information et de prévention mentionnée au deuxième alinéa du présent article peut être réalisée par un professionnel de santé de la médecine de ville lorsqu’aucun professionnel de santé mentionné à la première phrase du présent alinéa n’est disponible dans un délai de deux mois. » ;

B. L’article L. 4622-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La rémunération des apprentis embauchés en contrat d’apprentissage et dont la visite d’information et de prévention est réalisée par un professionnel de santé de la médecine de ville, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l’article L. 4624-1, ne rentre pas dans le calcul de la masse salariale déterminant la cotisation versée par l’employeur au service de santé au travail. »

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié bis.

Mme Patricia Morhet-Richaud. La commission a supprimé une disposition qui visait à confier la visite médicale d’embauche de l’apprenti à un professionnel de la médecine de ville, dans le respect des dispositions de l’article L. 4624-1 du code du travail, lorsqu’aucun professionnel de santé mentionné à la première phrase du premier alinéa de l’article précité n’est disponible dans un délai de deux mois.

Le motif en est qu’un médecin du travail connaît mieux le monde de l’entreprise qu’un professionnel de santé de la médecine de ville. Nul ne saurait le contester.

Toutefois, il s’agit d’agir face à l’engorgement de la médecine du travail et de prendre en compte le fait que, sur le terrain, actuellement, les délais pour obtenir une visite médicale sont préjudiciables aux jeunes et aux chefs d’entreprise.

Pour tenir compte de cette priorité que les apprentis doivent pouvoir rencontrer un professionnel de santé relativement tôt après leur embauche et afin de sécuriser l’entreprise au regard de ses obligations, le présent amendement tend, d’une part, à réintroduire la possibilité d’un recours à un professionnel de santé de la médecine de ville, dans le cas où un médecin du travail ne serait pas disponible dans les deux mois et, d’autre part, à préciser que, dans le cas où la visite d’information et de prévention est réalisée par un professionnel de santé de la médecine de ville, la rémunération des apprentis concernés n’entre pas dans le calcul de la masse salariale déterminant la cotisation versée par l’employeur au service de santé au travail.

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 416 rectifié quater.

Mme Jacky Deromedi. Cet amendement identique a été parfaitement défendu par ma collègue, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Ces amendements visent à rétablir la possibilité pour l’apprenti d’effectuer sa visite d’information et de prévention chez un médecin de ville si un médecin du travail n’est pas disponible dans les deux mois.

La commission des affaires sociales a supprimé cette faculté. Elle a considéré que les apprentis, qui, bien souvent, découvrent le monde professionnel, ont besoin d’être conseillés par un médecin spécialiste du monde du travail, afin d’être sensibilisés aux risques auxquels ils peuvent être exposés.

Par conséquent, son avis sur les deux amendements identiques est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le débat sur ces amendements porte sur trois points.

Premièrement, il est vrai que des jeunes, aujourd’hui, perdent leur contrat d’apprentissage parce qu’ils n’ont pas trouvé de médecin du travail disponible dans les deux mois. C’est un réel problème.

Deuxièmement, comme cela a été rappelé à l’instant, c’est le médecin du travail qui est le mieux et le seul à même d’apprécier l’adéquation entre l’état de santé d’une personne et le poste de travail que celle-ci est susceptible d’occuper.

Troisièmement, nous savons qu’il existe un problème de disponibilité de la médecine du travail, raison pour laquelle des jeunes perdent leur contrat d’apprentissage, je le répète. Cette difficulté doit être résolue. Ma collègue Agnès Buzyn et moi-même avons confié la réalisation d’un rapport sur le sujet à la députée Charlotte Lecocq. Nous aurons l’occasion d’y revenir dès le mois de septembre prochain.

Pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je suis extrêmement défavorable à ces amendements, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, un professionnel de santé de la médecine de ville peut être une obstétricienne, un gynécologue, un dermatologue, un médecin généraliste ou même une infirmière, autant de professionnels qui ne sont pas formés à la médecine du travail, laquelle est une vraie spécialité.

En outre, madame la ministre, vous êtes en train d’envoyer un message extrêmement négatif aux étudiants en médecine, au moment même où se déroulent les examens classants. Déjà aujourd’hui, la médecine du travail n’est pas la spécialité la plus prisée par les étudiants, pour différentes raisons. Si on leur dit, en plus, qu’un médecin de ville non spécialisé pourra faire le travail des médecins du travail, il n’y aura plus de candidats !

Les médecins qui sont présents dans l’hémicycle – j’en fais partie – ne considèrent pas que la médecine du travail puisse être autre chose qu’une vraie spécialité, une spécialité importante.

Même si cela pose des problèmes, il faut que les examens préalables à l’embauche des jeunes apprentis soient réalisés par des médecins spécialistes, et non par des professionnels de santé de la médecine de ville.

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.

Mme Sonia de la Provôté. Ces amendements posent deux très grandes difficultés.

Premièrement, la médecine du travail ou professionnelle n’est pas la médecine de ville. Une visite préalable à l’embauche d’un apprenti n’est pas une simple consultation. Pour caricaturer, on est loin du « pouls-tension-bandelette urinaire » !

Le métier de médecin du travail est spécifique : nous connaissons les pathologies, les risques liés aux expositions professionnelles. Nous savons que, compte tenu de ses pathologies anciennes ou des risques médicaux identifiés, le jeune peut être amené à ne plus pouvoir exercer son métier, parfois dès la période d’apprentissage. Or, pour celui qui a 40 ans et qui vient d’acheter une boulangerie, c’est un vrai problème de ne plus pouvoir exercer le métier de boulanger !

La consultation préalable est donc bien plus complète qu’une consultation médicale. C’est aussi une consultation de prévention, tournée vers les risques professionnels.

Deuxièmement, alors que nous n’avons de cesse de déplorer les problèmes de démographie médicale et les difficultés à accéder aux soins de premier recours, vous voudriez, mes chers collègues, que les médecins de ville, qui, je le rappelle, n’exercent pas tous en ville, utilisent le peu de temps médical qu’ils consacrent aux soins de premier recours à des visites préalables à l’embauche des apprentis. Il ne me paraît pas responsable de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Par conséquent, je considère que ces amendements sont une erreur : ils ne résolvent pas le problème, réel, de manque de médecins du travail.

Il y va d’une question de santé individuelle et de santé publique, raison pour laquelle je m’oppose à ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suivrai l’avis de M. le président de la commission.

Cependant, ces amendements nous alertent sur la grande difficulté qu’il y a aujourd’hui à trouver un médecin du travail.

Pour résoudre le problème très aigu de la démographie de ces médecins, je pense, madame la ministre, qu’il faudrait faire évoluer la formation de ces spécialistes, notamment sa durée, qui est actuellement de quatre ans. Il faut absolument que le Gouvernement essaie d’augmenter le nombre de médecins du travail, comme celui, d’ailleurs, d’autres médecins spécialistes.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour explication de vote.

Mme Patricia Morhet-Richaud. J’ai écouté avec attention les prises de position des uns et des autres. J’ai bien entendu l’engagement pris par Mme la ministre conjointement avec Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Je souscris complètement aux propos que vient de tenir mon collègue Daniel Chasseing.

Le problème est réel. J’espère que nous pourrons aboutir à des solutions qui conviendront aux acteurs du monde du travail, aux apprentis comme aux employeurs.

Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 80 rectifié bis est retiré.

Madame Deromedi, l’amendement n° 416 rectifié quater est-il maintenu ?

Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 416 rectifié quater est retiré.

L’amendement n° 676, présenté par M. M. Bourquin, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, lesquels sont exonérés de toute contribution

La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Cet amendement vise à préciser que l’apprenti et son représentant légal sont exonérés de toute contribution.

En effet, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation est à l’origine du décret n° 2018-564 du 30 juin 2018 instaurant la mise en place d’une contribution de vie étudiante et de campus de 90 euros, redevable chaque année universitaire à partir de cette rentrée par les étudiants et apprentis inscrits dans une formation d’enseignement supérieur.

Cette contribution contrevient au principe même de gratuité de l’apprentissage. Ce n’est pas ainsi que l’on va rendre l’apprentissage attractif !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Je comprends l’intention de l’auteur de cet amendement. Cependant, l’adoption de celui-ci entraînerait un effet pervers important.

En effet, l’article 7 pose le principe de gratuité de la formation pour l’apprenti et son représentant légal. Toutefois, cette gratuité n’exclut pas que les apprentis puissent payer une contribution pour financer des activités annexes à la formation, par exemple des activités culturelles et sportives de leur choix.

C’est le cas de la contribution de vie étudiante et de campus, qui est due par les seuls étudiants, y compris les apprentis, des établissements de l’enseignement supérieur et des écoles de commerce, et qui sert à favoriser l’accueil et l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants.

Par conséquent, l’interdiction de toute contribution des apprentis pourrait limiter les activités associatives et annexes susceptibles de se développer à côté de la formation.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 676.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 659, présenté par M. Lévrier, Mme Schillinger, MM. Rambaud, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 16

1° Première et dernière phrases

Supprimer les mots :

pour l’insertion et la qualification

2° Première phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Cet amendement a pour objet d’élargir le champ de l’expérimentation à l’ensemble des groupements d’employeurs, et pas seulement aux groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, les GEIQ.

Il vise également à porter à trois le nombre d’entreprises accueillant le jeune en formation pratique. Actuellement, l’article R. 6223-10 du code du travail prévoit que l’entreprise employeuse peut faire réaliser une partie de la formation par deux entreprises d’accueil.

Nous estimons qu’un schéma satisfaisant consisterait à associer le groupement d’employeurs avec trois entreprises utilisatrices, dès lors que le groupement d’employeurs n’emploie pas réellement l’apprenti.

Ce système permettra au groupement d’employeurs, donc aux très petites entreprises qui le composent, de faire appel à l’apprentissage, sans pour autant présenter pour eux un risque financier.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 121 est présenté par M. Morisset.

L’amendement n° 137 est présenté par M. Janssens.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16, première phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

plusieurs

La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l’amendement n° 121.

M. Jean-Marie Morisset. Je ne vais pas rappeler le rôle important des GEIQ dans nos territoires.

Les GEIQ sont des structures à but non lucratif qui réunissent plusieurs entreprises dans l’objectif de qualifier et d’insérer des salariés dans la perspective de leur recrutement durable. Pour ce faire, ils mettent à disposition leurs salariés éloignés de l’emploi auprès d’entreprises adhérentes.

Un amendement d’expérimentation, visant à favoriser l’apprentissage dans les GEIQ, a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Néanmoins, l’adoption d’un sous-amendement a restreint sa portée, puisque le nombre d’entreprises au sein desquelles l’apprenti peut être mis à disposition est limité à deux.

D’une part, cette limitation prive l’apprenti de l’enrichissement de son parcours professionnel qu’auraient permis la multiplication des situations de travail auprès de plusieurs entreprises et le recours à des équipements et à des techniques variés. D’autre part, elle ne permet pas une multiplicité d’expériences et, ainsi, restreint ses possibilités de recrutement.

Sur le plan juridique, la mise à disposition dans le cadre des GEIQ est prévue et encadrée par le législateur et ne saurait être assimilée à un prêt de main-d’œuvre illicite, même en cas de mise à disposition auprès de plusieurs entreprises, ce qui est d’ores et déjà le cas pour les embauches sous contrat de professionnalisation.

L’objet de cet amendement est de favoriser l’apprentissage au sein des GEIQ, en permettant aux apprentis de bénéficier d’un cadre juridique ne limitant pas le nombre d’entreprises pouvant les accueillir.