M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. Je souhaiterais avoir quelques précisions sur le dispositif de votre amendement, monsieur Daubresse.

L’unanimité ou la majorité qualifiée requise pour pouvoir mener une grande opération d’urbanisme en dépit de l’opposition d’une commune concernera-t-elle uniquement les communes sur le territoire desquelles sera réalisée la GOU ou bien l’ensemble des communes membres de l’intercommunalité ? En effet, une grande opération d’urbanisme peut toucher deux ou trois communes d’une intercommunalité qui en compte trente, quarante ou cinquante.

Toutes les communes ne porteront pas le même regard sur l’opération projetée, selon qu’elles sont ou non directement concernées. On peut imaginer que de grandes opérations d’urbanisme ne concernant qu’une petite partie du territoire d’une intercommunalité ne verront que très rarement le jour : il sera dans ce cas difficile de recueillir une majorité qualifiée.

Dans le dispositif tel qu’on l’a défini, une grande opération d’urbanisme se réalisera sur la base du volontariat des collectivités, sans pouvoir de tutelle du préfet : n’est-ce pas préférable à la démarche des opérations d’intérêt national, carrément pilotées par l’État, les collectivités n’ayant absolument rien à dire ? Je n’ai pas la réponse à cette question, je souhaiterais simplement obtenir des précisions.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Pourquoi créer un nouveau dispositif dans un domaine, celui de l’urbanisme, où l’on a tout intérêt à faire preuve de prudence chaque fois que l’on modifie les choses ? On nous annonce que l’on va de simplification en simplification, mais, sur le terrain, on ressent de plus en plus de complexité et d’insécurité juridique.

Dès lors, si l’on nous propose d’instaurer ces nouveaux outils que sont les PPA et les grandes opérations d’urbanisme, c’est, en bonne logique, qu’ils doivent répondre à un manque et non être homothétiques d’un dispositif existant. Au sein de la commission des affaires économiques, nous y avons vu la possibilité de mettre en place au bénéfice des collectivités et des intercommunalités, en partant des besoins du terrain, un dispositif moins lourd et plus adapté que celui de l’opération d’intérêt national, avec ce qu’il implique en termes de dessaisissement. Fort bien, mais, en ce cas, pourquoi créer un tel régime d’exception avec un double cliquet, le préfet se voyant octroyer le pouvoir de passer outre l’éventuel désaccord d’une ou de plusieurs communes concernées ? Ces éléments défigurent, si j’ose dire, l’intention qui a présidé à la conception de ces outils.

Enfin, il importe que la répartition soit négociée, d’où une spatialisation. J’avais présenté un amendement en commission à ce sujet ; celui de Mme la rapporteur intégrant notre préoccupation, nous le voterons.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Nous nous sentons dans un état de sidération après la présentation de ces amendements…

Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que les maires allaient conserver leurs pouvoirs. Or, avec votre amendement, qui vise, comme vous l’avez dit vous-même, à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, vous faites exactement le contraire. S’il devait être adopté, il y aurait de quoi s’inquiéter. Cela signifierait en effet que votre nouveau monde s’inscrirait dans la stricte continuité de l’ancien, avec la dévitalisation des communes, projet de loi après projet de loi, pour aboutir finalement à la disparition de ces cellules de base de la démocratie.

L’amendement de la commission des lois nous plonge lui aussi dans un état de sidération. Je ne vois pas à quoi pourrait mener son adoption. Évidemment, il représente une sorte de moyen terme, et certains diront que c’est un moindre mal, mais rappelons-nous nos débats sur la loi NOTRe au sein de la commission des lois. La majorité sénatoriale a accepté des compromis, dans l’espoir d’obtenir des concessions sur d’autres points et de pouvoir préserver les apports du Sénat lors de la commission mixte paritaire. Finalement, deux ou trois ans plus tard, la même majorité nous soumet proposition de loi sur proposition de loi en expliquant que la loi NOTRe est une catastrophe dans les territoires, qu’il faut redonner le pouvoir aux communes et arrêter d’imposer les regroupements obligatoires et les remontées de compétences…

Nous ne voterons donc pas cet amendement de la commission des lois. Nous voterons celui de la commission des affaires économiques et celui du groupe socialiste et républicain, s’il est maintenu.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. La compétence en matière d’application du droit des sols doit rester au maire, dans tous les cas de figure. Sinon, les communes ne sont plus réellement des communes.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Absolument !

M. Martial Bourquin. Toutes les dérogations en la matière mènent, progressivement, à une mise en cause de l’exercice de cette compétence par les maires et leur conseil municipal. Voilà la première raison pour laquelle il faut voter l’amendement de la commission et celui de Marc Daunis.

La seconde raison est que, aujourd’hui, on assiste à une recentralisation impressionnante.

M. Martial Bourquin. L’adoption du dispositif proposé par le Gouvernement constituerait un pas supplémentaire dans cette direction et infligerait un nouveau coup à cette décentralisation que beaucoup, dans cet hémicycle, ont voulue.

On le sait très bien, d’aucuns considèrent que la France compte trop de communes, que mieux vaudrait avoir 6 000 intercommunalités plutôt que 36 000 communes. L’intercommunalité est certes nécessaire, mais, pour ma part, j’estime qu’il faut aussi, pour la cohésion nationale, pour la cohésion de nos territoires, maintenir des communes avec des pouvoirs.

Dans mon intercommunalité, nous avons évité un très gros problème en ayant pu refuser un très grand projet de zone d’aménagement concerté. On nous dit aujourd’hui que le pouvoir d’opposition du maire pourrait remettre en cause certains grands projets, mais il peut aussi sauver certains territoires – je pense par exemple à l’aménagement de grandes surfaces commerciales. Il est important que toutes les communes puissent continuer à donner leur avis. Je plaide donc pour que l’on conserve aux maires la compétence en matière d’application du droit des sols, et ce sans exception. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Je voudrais rappeler à Mme Cukierman qu’elle n’est pas habilitée à parler au nom de la commission des lois.

Mme Cécile Cukierman. J’ai le droit de donner mon avis, quand même !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Bien sûr.

La commission des lois a voté à une large majorité l’amendement en question.

Mme Éliane Assassi. On a le droit de ne pas être d’accord !

Mme Cécile Cukierman. Quand je ne suis pas d’accord, je le dis !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Et moi, j’ai le droit de dire que je ne suis pas d’accord avec votre manière de vous exprimer ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. J’ai présenté mon amendement de manière très constructive, en précisant que j’étais prêt à le retirer et que je voulais juste éviter que, en cas de volonté de blocage d’une commune, l’État n’impose une opération d’intérêt national.

Au sein d’une intercommunalité, la définition de l’intérêt communautaire, qui suppose un certain nombre de transferts de compétences, se décide toujours à la majorité qualifiée.

Enfin, aux termes de la loi ALUR, un plan local d’urbanisme doit être adopté en première lecture à l’unanimité, à défaut à la majorité qualifiée en deuxième lecture.

Il faut donc bien se rendre compte que, dans la vraie vie, l’unanimité n’est pas toujours facile à trouver. Je veux simplement éviter que, faute d’unanimité, on se retrouve avec une opération imposée par l’État.

Telle était ma contribution au débat. Dans un esprit constructif, je retire mon amendement au profit de celui de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 518 est retiré.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Évidemment, le Sénat ne saurait retirer aux maires leurs prérogatives. Il s’agit non pas de protéger une espèce en voie de disparition ou notre corps électoral –d’aucuns pourraient nous en accuser –, mais de protéger la démocratie. En effet, à l’échelon local, qui d’autre que le maire est élu au suffrage universel direct par ses concitoyens ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Ce n’est pas le cas des exécutifs des EPCI, qui prendront la décision de lancer les GOU.

En votant l’amendement de Mme le rapporteur, nous protégerons la démocratie directe la plus élémentaire, celle qui se pratique dans nos communes. N’y voyez aucune attaque contre le Gouvernement, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons accepter, au Sénat, que les préfets prennent la main aux dépens des maires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai dit que les élus étaient trop nombreux et trop coûteux.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas nous non plus !

M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai voté la fusion obligatoire des intercommunalités.

Mme Cécile Cukierman. Moi non plus !

M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai voté la fusion obligatoire des régions.

Mme Cécile Cukierman. Moi non plus !

M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est pas moi qui ai voté la loi NOTRe ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman. Nous non plus !

M. Jacques Mézard, ministre. Je veux bien recevoir des leçons, mais uniquement de ceux qui sont restés cohérents !

Je l’ai dit, une grande opération d’urbanisme, avec ce système, ne pourra être lancée que si elle est voulue par les collectivités locales. Effectivement, il peut y avoir des oppositions ; c’est pour cela que le droit des collectivités locales prévoit le recours à la majorité qualifiée dans les intercommunalités, comme l’a exposé fort justement le rapporteur pour avis de la commission des lois.

Si le Gouvernement a proposé la création des PPA, ce n’est pas pour le plaisir de le faire, c’est parce qu’un certain nombre d’élus de toutes sensibilités nous ont saisis de leurs difficultés. J’ai ainsi sous les yeux un courrier du président de Saint-Étienne Métropole. (Mme Cécile Cukierman sesclaffe.)

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas sympa, ça !

M. Jacques Mézard, ministre. Eh oui !

J’ai également sous les yeux des courriers des présidents des intercommunalités de Mulhouse et de Strasbourg, de l’excellent président de la métropole de Bordeaux… (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. N’en jetez plus !

M. Jacques Mézard, ministre. La réalisation d’un certain nombre de projets nécessite que la vision territoriale soit facilitée. C’est le seul objectif de l’État ! Il ne s’agit pas de faire le procès des maires, que j’ai toujours défendus et que je continuerai de défendre ; il s’agit de faciliter la réalisation de projets importants voulus par les collectivités locales. S’il y a une possibilité de veto, il n’y aura jamais de PPA ni de grandes opérations d’urbanisme, il faut dire les choses telles qu’elles sont !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1083.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 781 et 962 rectifié n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 541.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 540, présenté par M. Daunis, Mme Guillemot, MM. Iacovelli et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer les mots :

et avec l’accord des représentants de l’État dans les départements concernés

La parole est à M. Marc Daunis.

M. Marc Daunis. Cet amendement a été défendu précédemment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’accord du préfet est la contrepartie de celui des maires. C’est, pour nous, un garde-fou qu’il est impératif de maintenir. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Du fait de son ampleur et de ses caractéristiques, la grande opération urbaine, la GOU, nécessite un engagement conjoint renforcé de l’État et de l’EPCI. Elle est nécessairement précédée de la conclusion d’un contrat de PPA. Ce contrat, signé avec l’État, aura déjà qualifié l’opération d’aménagement de grande opération urbaine et en aura précisé le périmètre et les caractéristiques.

Dès lors, pourquoi le projet de loi prévoirait-il que l’État donne son accord préalablement au lancement de la GOU ? Je rappelle que la GOU est un outil dont l’emploi est à l’initiative des collectivités. Solliciter de nouveau l’accord du représentant de l’État à ce stade paraît soit dangereux, pour les raisons que nous avons exposées précédemment, soit superfétatoire, et en ce cas je m’étonne que l’on veuille une loi bavarde !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 540.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 359 rectifié bis est présenté par M. Théophile, Mme Schillinger et MM. Dennemont et Karam.

L’amendement n° 693 rectifié bis est présenté par M. Antiste, Mmes Jasmin, Conconne, Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais et MM. Lurel, Duran, Tourenne, Lalande et Kerrouche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 19

Après les mots :

l’opération

insérer les mots :

et avec avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers si le périmètre de l’opération impacte des espaces agricoles et/ou naturels

La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 359 rectifié bis.

M. Dominique Théophile. Selon l’Observatoire national de la biodiversité, près de 67 000 hectares par an en moyenne ont été perdus du fait de l’artificialisation des sols au cours de la dernière décennie.

Au regard de ce constat, la création, ces dernières années, des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les CDPENAF, a permis la mise en place de projets urbains plus économes en espaces agricoles et naturels, via un dialogue renforcé entre les différents acteurs de l’aménagement.

À l’heure où il est vital de rendre nos territoires résilients, l’application, en amont des projets, d’une logique d’aménagement fondée sur le principe d’évitement et de réduction est seule garante de la pérennisation du capital représenté par les espaces agricoles et naturels.

La CDPENAF est l’outil privilégié d’une artificialisation des sols compatible avec les enjeux socio-environnementaux et économiques d’aujourd’hui et de demain. Nous proposons que son avis conforme soit requis pour décider la qualification de grande opération d’urbanisme.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 693 rectifié bis.

M. Maurice Antiste. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Au stade de la qualification de grande opération d’urbanisme, seul le périmètre de la GOU est délimité. Il ne s’agit pas du tout de modalités concrètes de réalisation d’un projet ni d’une autorisation d’urbanisme. Dans ce cadre, je ne vois pas pourquoi la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers disposerait d’éléments plus précis pour se prononcer. Il ne paraît pas justifié de requérir son avis au moment de la délimitation du périmètre de la GOU.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 359 rectifié bis et 693 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 779, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 312-8. – Lorsqu’une grande opération d’urbanisme requiert la construction ou l’adaptation d’un équipement public relevant de la compétence d’une commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou la collectivité à l’initiative de l’opération peut construire et gérer cet équipement pendant la durée de la grande opération d’urbanisme en lieu et place de la commune dès lors que celle-ci s’y refuse, après accord du représentant de l’État dans le département.

« L’équipement est remis à la commune sous réserve de son accord. La remise intervient dans ce cas soit à la livraison soit au terme de la grande opération d’urbanisme.

La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir le dispositif du projet de loi initial, qui prévoyait la possibilité que l’intercommunalité à l’initiative de la grande opération d’urbanisme réalise et gère des équipements relevant de la compétence d’une commune.

Ce mécanisme privilégiait le consensus, la commune concernée étant signataire du contrat de PPA avec l’intercommunalité et la disposition prévoyant comme scénario central un accord entre la commune et l’intercommunalité sur la réalisation de l’équipement par cette dernière. Que l’intercommunalité puisse assurer la réalisation des équipements publics en cas de refus de la commune n’était prévu qu’en dernier recours.

La commission des affaires économiques a supprimé ce mécanisme. J’en propose le rétablissement, mais, ayant entendu exprimer la crainte, justifiée, que la commune doive gérer un équipement qu’elle n’aurait pas construit, j’ai rédigé le dispositif de l’amendement de façon à prévoir un accord de la commune à la remise de l’ouvrage.

M. le président. L’amendement n° 961 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 312-8. - Lorsqu’une grande opération d’urbanisme requiert la construction ou l’adaptation d’un équipement public relevant de la compétence d’une commune, l’établissement public de coopération intercommunale ou la collectivité territoriale à l’initiative de l’opération peut construire et gérer cet équipement pendant la durée de la grande opération d’urbanisme en lieu et place de la commune dès lors que celle-ci s’y refuse, après accord du représentant de l’État dans le département.

« L’équipement est remis à la commune lorsqu’il est livré ou, au plus tard, au terme de la grande opération d’urbanisme.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en ce qui concerne la possibilité, pour le préfet, de passer outre l’avis défavorable d’une commune, afin de permettre à la collectivité territoriale à l’initiative de l’opération de construire ou d’adapter les équipements publics nécessaires. Il s’agit de prévenir d’éventuelles situations de blocage.

J’insiste sur le fait qu’il doit s’agir d’une simple possibilité pour le préfet et d’équipements publics nécessaires.

M. le président. L’amendement n° 1114, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Après le mot :

commune

insérer les mots :

du périmètre de la grande opération d’urbanisme

et remplacer les mots :

d’une

par les mots :

de la

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 779 et 961 rectifié ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. On l’aura compris, nous sommes fermement opposés à tout transfert de compétence à l’échelon intercommunal sans accord des maires. Nous sommes opposés à toute mesure tendant à remettre en cause les prérogatives les plus fondamentales des maires. En l’espèce, l’EPCI pourrait construire une école, un équipement ou une infrastructure d’assainissement sur le territoire d’une commune contre le gré de celle-ci.

Monsieur le ministre, vous avez modifié votre dispositif afin de prévoir que la remise de l’équipement requerra l’accord du maire, mais cette formule ne nous satisfait absolument pas, parce qu’elle n’empêchera pas l’EPCI de construire des équipements publics sur le territoire d’une commune qui ne le souhaiterait pas.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 1114.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je veux faire une remarque sur l’amendement présenté par le Gouvernement.

Quand un EPCI ou une collectivité construit pour le compte de tiers, la commune doit garder l’équipement pendant au moins cinq ans après sa remise, sous peine de devoir assumer les dotations aux amortissements, ce qui représente pour elle une charge supplémentaire. Je ne suis pas sûr que cela soit comptablement possible.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Il est regrettable que le Gouvernement ait déposé un tel amendement.

Nous avons tout intérêt à ce que le PPA et la GOU prévoient la spatialisation des équipements, avec une répartition par consensus. Si d’aventure il pouvait être passé outre l’avis des maires concernés, il ne faudrait pas que les équipements les moins valorisants ou les plus pénalisants, en termes de nuisances, soient concentrés sur le territoire d’une seule commune, en vertu d’une conception particulière de l’intérêt général…

Sur le fond, monsieur le ministre, donnez acte au Sénat de sa volonté de travailler de manière constructive sur ce titre Ier du texte pour trouver un consensus large ! Il suffit de voir comment les amendements de Mme la rapporteur ont jusqu’à présent été adoptés. La commission s’est employée à rechercher un consensus sur des fondamentaux, de manière à replacer les rôles et fonctions de chacun à leur juste niveau au sein des territoires, à définir des moyens équilibrés pour parvenir à des décisions concertées, fondées sur l’intérêt général, et non pas imposées brutalement.

Or les quelques amendements que vous avez déjà présentés donnent l’impression d’une volonté de « détricotage », de rupture de ce consensus. Votre objectif est-il de trouver un équilibre, afin que les débats en commission mixte paritaire puissent se dérouler dans un climat de sérénité, ou de passer outre l’avis unanime du Sénat ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Je voudrais soulever un problème de cohérence.

Dès lors que nous avons adopté l’amendement de la commission visant à rétablir l’avis conforme du maire, quel est le sens de celui du Gouvernement ? Si la commune a donné son accord à l’opération, on peut imaginer que cet accord vaut pour la réalisation des équipements publics de toute nature qui vont avec. Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne retirez-vous pas cet amendement ? (Marques dapprobation sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Si votre objectif est que l’Assemblée nationale rétablisse le texte du Gouvernement, votre amendement revêt un caractère un peu particulier : on pourra imposer à une commune, dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme, la réalisation d’un équipement public sur son territoire, mais elle pourra finalement décider de ne pas intégrer cet équipement à son domaine communal. Cela risque de déboucher sur des situations assez étonnantes. Peut-on imaginer, par exemple, qu’un EPCI en arrive à gérer une école maternelle ou primaire ?

Le Sénat ayant introduit l’avis conforme des maires, il me semble que l’amendement du Gouvernement n’a plus de logique ni de sens.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je soutiens l’amendement du Gouvernement. J’ai cru comprendre que nous ne sommes pas forcément très nombreux dans ce cas…

Certains propos m’ont quelque peu surpris, y compris de la part de mes camarades socialistes, avec lesquels je suis souvent d’accord. Nous nous sommes tout de même battus pour le renforcement de l’intercommunalité !

Les grands projets dont nous parlons s’inscrivent à l’échelle de l’intercommunalité. Ils sont légitimes démocratiquement, puisqu’ils relèvent d’une décision non pas de l’État, mais de la majorité intercommunale issue du vote des citoyens.

M. Philippe Dallier. Sauf qu’il n’y a pas de projet politique !

M. Ronan Dantec. Je crois que nous sommes aujourd’hui arrivés à un tournant politique. Il faut bien comprendre que, pour garantir la cohérence du travail mené à l’échelle intercommunale, les communes ne doivent pas pouvoir bloquer les grands projets. L’amendement du Gouvernement résout à mon avis intelligemment la difficulté : si une commune est opposée à la réalisation d’un équipement sur son territoire, on ne lui demandera pas d’en assumer la charge. Ce compromis me paraît intéressant.

Mes chers collègues, permettez-moi une petite provocation, car l’occasion est trop belle : si vous estimez que la légitimité intercommunale est encore un peu faible, je vous suggère d’aller au bout de la logique et de prévoir l’élection directe du président de l’intercommunalité à l’échelle de l’EPCI ! (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains. – M. Julien Bargeton applaudit.)