M. Laurent Duplomb. Tout à fait !

M. Jacques Mézard, ministre. C’est cela, la réalité ! Je ne dirai pas autre chose, tout à l’heure, lorsqu’il sera question d’avis conformes.

La loi MOP n’est pas la panacée. Elle est peut-être parfaite pour les professionnels, mais elle ne l’est pas forcément pour les collectivités et pour nos concitoyens. Cela ne signifie pas qu’il faut la supprimer, mais cela veut dire qu’il est préférable d’avoir recours à d’autres méthodes. Ici, nous laissons les collectivités publiques libres de leur choix.

La loi MOP impose aujourd’hui tout un séquencement d’actions : la relation du maître d’ouvrage avec le maître d’œuvre, puis avec les entreprises et les industriels. Nous disposons pourtant de nouveaux outils de construction, je pense au Building Information Modeling, le BIM, qui permet de fusionner les étapes et d’intégrer de plus en plus en amont les différents acteurs.

La loi MOP impose également aux maîtres d’ouvrage de faire appel à une équipe de maîtrise d’œuvre, architectes et bureaux d’études, en un seul bloc, alors qu’il est effectivement possible de réaliser un certain nombre d’économies. C’est ce que nous disent, sur le terrain, non seulement les constructeurs et les organismes de bailleurs sociaux, mais aussi un certain nombre de collectivités.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Il s’agit d’une question assez importante. Je ne reviendrai pas sur toutes les interventions défendant la loi MOP et favorables à ces aménagements.

Les alinéas 29 et 30 visent à donner la possibilité de sortir de la commande publique. Or j’ai rédigé il y a deux ans avec Philippe Bonnecarrère un rapport sur l’avancée considérable des trois dernières directives européennes sur les règles de l’allotissement. Auparavant, nous avions des difficultés sur ce point. L’Europe est venue confirmer que, dans le cadre des marchés publics, l’allotissement doit être une règle. Et nous avons ici la possibilité de passer à côté des règles de l’allotissement…

Que va-t-il se passer ? Comme l’ont souligné plusieurs collègues sur toutes les travées, les PME et les TPE feront les frais de cette situation. Souvent, ce sont des entreprises générales, avec des appels d’offres parfois européens. Chez moi, un hôpital a été construit en faisant appel à de la main-d’œuvre issue de douze nationalités différentes, alors que, dans le même temps, les PME et TPE locales tiraient la langue parce qu’elles n’avaient pas de travail ! Il me semble que nous avons tout intérêt à faire en sorte que l’allotissement reste la règle.

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Martial Bourquin. Voilà pourquoi il faut supprimer les alinéas 29 et 30. À défaut, nos territoires ne profiteront pas des travaux réalisés par les collectivités territoriales et par les villes.

Or nous devons soutenir les PME et les TPE, qui créent de l’emploi en France. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à voter ces amendements. Mme la rapporteur s’en est remise à la sagesse de notre assemblée. Or la sagesse du Sénat serait d’aider les PME et les TPE du bâtiment, qui ne sont pas encore sorties des difficultés, à profiter des travaux qui seront réalisés dans nos collectivités et nos territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Marta de Cidrac, M. Alain Houpert et M. Sébastien Meurant applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. En qualité d’ancien rapporteur, il y a à peine un an, d’un texte portant réforme de la commande publique, je veux souligner à quel point nous avions le sentiment d’avoir atteint un équilibre entre les demandes des uns et des autres. Et Dieu sait si ces demandes étaient variées ! Nous avons notamment atteint un équilibre entre les attentes des entreprises générales et celles des petites et moyennes entreprises, en particulier de l’artisanat du bâtiment, mais pas uniquement.

Pour avoir assuré à différents endroits le service après-vente de cette loi en qualité de rapporteur, je puis vous assurer que, malgré quelques frustrations de départ, ce texte est devenu consensuel. L’équilibre auquel j’ai le sentiment que nous sommes parvenus s’est véritablement concrétisé dans les faits.

Qu’un texte apporte aujourd’hui une dérogation supplémentaire à cette loi MOP me paraît véritablement une erreur. Ce n’est pas constructif : je le répète, cet équilibre qui avait été trouvé dans les textes s’est transformé sur le terrain.

Il ne me semble pas souhaitable que, une fois de plus, en si peu de temps, un an après s’être prononcé, le Parlement se déjuge et casse un édifice que nous avions construit péniblement. D’autant que, comme l’a rappelé M. Bourquin, ce texte avait pour objectif de transformer des directives européennes qui visaient – c’était une demande expresse de l’Union européenne – à retrouver la règle de l’allotissement dans des conditions optimales. Cet équilibre ayant été atteint, il ne faut pas le démolir.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Monsieur le ministre, je ne suis pas d’accord avec vous. Vous avez parlé d’économies. Or un architecte n’est pas forcément cher ! Ma grand-mère disait : « On est trop pauvres pour acheter bon marché ». (Sourires.) De fait, le bon marché coûte trop cher.

Nos modes de vie doivent être conditionnés par l’esthétique. Vous avez également parlé des crèches. Nos enfants ont le droit d’être accueillis dans de beaux endroits. Le beau crée du lien, le beau est respecté, le beau n’est jamais tagué ! Comme le suggère « Le Mauvais Vitrier », poème en prose de Baudelaire, donnons des couleurs à la vie ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, rassurez-vous, il n’y a pas de tabou entre nous. En revanche, il y a du débat politique ! C’est le cas ici, au sujet de cet article sur l’adaptation de la loi MOP dans nos territoires. Nous aurons également, lors de l’examen d’autres articles, un débat sur la loi SRU, mais de façon sereine et très démocratique.

J’entends vos arguments. Cependant, comme l’a rappelé mon collègue Martial Bourquin et comme je l’ai souligné en défendant mon amendement, il faut faire attention : on veut simplifier par principe, mais à trop simplifier, parfois, on fragilise et on met en difficulté ceux que l’on veut aider.

Un certain nombre de collègues maires et présidents d’intercommunalité…

M. Bruno Sido. Le cumul est interdit !

Mme Cécile Cukierman. … sont confrontés à la difficile tâche d’éviter que les TPE et les PME du territoire ne voient pas les marchés publics leur passer sous le nez et puissent continuer de travailler.

C’est une difficulté pour les élus, mais le débat est le même lorsque nous rencontrons des chefs d’entreprise, qui nous interpellent parce qu’ils ont de plus en plus de mal à candidater pour ces marchés.

J’entends qu’il est difficile d’appliquer la loi. Mais demandons-nous si c’est la loi qui est mauvaise ou seulement les outils de sa mise en œuvre. Il faut également s’interroger sur l’accompagnement des élus locaux. Je rappelle qu’il s’agit ici d’argent public !

Aujourd’hui, dans notre pays, nous avons besoin de plus de transparence et de sécuriser au maximum les procédures. Il s’agit d’éviter non pas les scandales, mais les suspicions populistes qui n’ont pas lieu d’être. Bien évidemment, je maintiens mon amendement, monsieur le président, non pour défendre tel ou tel, mais parce que c’est un enjeu de territoire et de qualité des infrastructures qui seront réalisées.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je remercie Mme la rapporteur, qui a émis un avis de sagesse. C’est d’ailleurs la sagesse qui semble ces dernières minutes monter des travées de notre assemblée. Nous sommes la voix des territoires, monsieur le ministre. Nous ne sommes pas la voix des architectes, car nous sommes le plus souvent encore des élus locaux.

C’est à ce titre que nous appréhendons ce projet de loi et c’est à ce titre que je défendrai l’idée de la suppression des alinéas 29 et 30 portée par un certain nombre de collègues, dont le rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

L’ensemble des orateurs a rappelé l’enjeu d’équilibre pour les territoires ; notre collègue André Reichardt s’est très bien exprimé sur ces sujets.

Il existe aussi un enjeu pour l’activité économique. J’ai été très sensible aux propos de Martial Bourquin sur le tissu économique des TPE et des PME, sans compter toutes les difficultés juridiques évoquées par l’ensemble des orateurs. Je suis par ailleurs extrêmement sensible au fait que cette dérogation s’appliquerait à l’ensemble du territoire et que, en l’absence de circonstances, comme l’ont expliqué la rapporteur et Mme Férat, et de zones déterminées, un grand nombre de bâtiments publics seront concernés.

C’est la qualité esthétique qui est en jeu, mais pas seulement. L’architecture permet aussi la recherche d’une qualité en ce qui concerne notamment l’équipement sonore, l’acoustique et les mesures énergétiques. Bref, un ensemble de paramètres qu’il est important de prendre en compte, en ayant recours à cette profession.

Monsieur le ministre, ce n’est pas la loi des architectes, c’est la loi des territoires, que nous sommes censés représenter aujourd’hui dans leur diversité !

M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que, conformément à notre règlement, les amendements nos 64 rectifié ter et 987 rectifié, qui ont été être rendus identiques aux amendements en discussion commune, sont considérés comme retirés, leurs auteurs étant déjà cosignataires d’autres amendements identiques. (M. Roland Courteau sexclame.)

Je mets aux voix les amendements identiques nos 132, 314, 390, 470 rectifié bis, 543 rectifié, 705 rectifié ter, 754 rectifié ter, 873 rectifié bis et 913 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur diverses travées.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 312 rectifié bis n’a plus d’objet.

L’amendement n° 1043 rectifié, présenté par MM. Menonville, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold, Guérini et Guillaume, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéas 31 à 34

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. L’Assemblée nationale a inséré au sein de cet article des dispositions prévoyant que l’autorité environnementale qui décide de soumettre un projet, plan ou programme à évaluation environnementale, dans le cadre de l’examen au cas par cas, précise les objectifs spécifiques de cette dernière.

Il ne nous semble ni réaliste ni efficace de systématiser à ce stade de la décision une telle évaluation. Cela pourrait être source de complexité et alourdir la décision d’examen au cas par cas, les délais de l’ensemble des dossiers risquant d’être affectés et les cadrages insuffisamment contextualisés, donc peu pertinents.

Il convient, à notre sens, de valoriser le dialogue, sur l’initiative du porteur de projet, plan ou programme. Tel est l’objet du présent amendement, qui vise à supprimer les dispositions ajoutées par l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission n’est pas favorable à la suppression de l’obligation de motivation de la décision de l’autorité environnementale de soumettre à étude environnementale au cas par cas.

Il doit pouvoir être exigé de l’autorité environnementale, lorsqu’elle soumet un projet à étude au cas par cas, qu’elle motive les raisons de son choix et le but visé par cette étude. Cela confortera sa légitimité, me semble-t-il, et participera d’une démarche constructive et transparente.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Je suis désolé pour mon ancien collègue Franck Menonville, mais, conformément à la position que j’ai soutenue à l’Assemblée nationale, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.

M. Franck Menonville. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 1043 rectifié est retiré.

L’amendement n° 1084, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, dans les cas où la création de la zone relève de la compétence du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, ou le représentant de l’État dans le département dans les autres cas, peut approuver le cahier des charges. S’il a été approuvé, et après qu’il a fait l’objet de mesures de publicité définies par décret, celles de ses dispositions qui sont mentionnées au premier alinéa sont opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1084.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
Article 5 bis AA (nouveau)

Article additionnel après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 1115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 13 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il est inséré un article 13 bis ainsi rédigé :

« Art. 13 bis. – I. – Pour assurer, dans les délais, la réalisation du village olympique et paralympique, du pôle des médias et des ouvrages nécessaires à l’organisation et au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le représentant de l’État dans le département peut, à titre exceptionnel et à défaut d’accord amiable, procéder à la réquisition temporaire de terrains et de bâtiments.

« Ces réquisitions, qui ne peuvent excéder douze mois, prennent fin au plus tard dans un délai de trois mois après la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques.

« La réquisition ne peut être ordonnée qu’au bénéfice des personnes publiques ou privées chargées de l’organisation ou du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques.

« II. – L’arrêté de réquisition, qui doit être publié au plus tard le 1er janvier 2022, fixe les dates de début et de fin de la réquisition.

« Il en mentionne le bénéficiaire et précise l’usage pour lequel elle est ordonnée.

« Il opère le transfert de droit d’usage et autorise le bénéficiaire à prendre possession.

« III. – Les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par la réquisition.

« À défaut d’accord amiable, les indemnités sont fixées par le juge de l’expropriation, qui peut statuer par provision. Le bénéficiaire ne peut prendre possession qu’après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, consignation d’une somme dont le montant est au moins égal à l’indemnité, le cas échéant provisionnelle, fixée par le juge de première instance. L’appel n’est pas suspensif.

« Si à défaut d’accord amiable, le juge n’a pas été saisi par le bénéficiaire dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêté de réquisition à celui-ci, la réquisition est réputée levée à l’expiration de ce délai.

« IV. – Il est procédé, contradictoirement, aux frais du bénéficiaire à un constat de l’état des lieux au moment de la prise de possession et en fin de réquisition.

« Le bénéficiaire de la réquisition peut réaliser toutes installations et tous équipements, dont il reste propriétaire.

« Le bénéficiaire est tenu de remettre les terrains et les bâtiments dans leur état d’origine au plus tard à l’expiration de la réquisition. Les litiges résultant de l’application du présent alinéa sont portés devant le juge de l’expropriation. À peine de forclusion, le juge doit être saisi dans un délai de deux ans à compter de l’expiration ou de la levée de la réquisition.

« Toutefois, les parties intéressées peuvent convenir, par stipulation expresse, du maintien de certains équipements ou installations et des conditions financières de ce maintien.

» V. – Le cas échéant, le locataire, sous-locataire ou occupant de bonne foi du bien requis ou titulaire d’un droit d’usage sur ce bien reste tenu au paiement du loyer, du fermage ou de la redevance.

« VI. – En cas de besoin, le représentant de l’État dans le département peut recourir à la force publique pour libérer les terrains ou les bâtiments de ses occupants tant au moment de la prise de possession qu’au moment de la restitution en fin de réquisition.

« VII. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Par cet amendement, nous voulons ouvrir la possibilité de recourir à la procédure de réquisition temporaire pour l’organisation et le déroulement des jeux de Paris de 2024.

Il s’agit d’introduire dans la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 la possibilité de recourir à la procédure de réquisition temporaire sur les sites, terrain ou bâtiments concernés par les Jeux de 2024. La loi autorise déjà le recours à la procédure d’expropriation en extrême urgence pour cause d’utilité publique prévue par le code de l’expropriation. Quand il s’agit des jeux Olympiques, les dérogations sont beaucoup plus faciles.

Le présent amendement vise à reprendre les préconisations du rapport de l’Inspection générale des finances du 30 mars dernier, qui recommandait la mise en place de ce dispositif pour pallier, le cas échéant, les difficultés éventuelles, en permettant une action plus proportionnée aux nécessités des jeux Olympiques et plus respectueuse des droits des citoyens.

Une disposition similaire de réquisition temporaire avait été prévue à l’occasion des jeux Olympiques d’Albertville et de Savoie par la loi du 31 décembre 1987. Notre amendement vise à la reprendre et à l’élargir, compte tenu de la topologie des lieux concernés. Il a également pour objet de reprendre les dispositions protectrices essentielles, à savoir l’indemnité fixée par le juge de l’expropriation et la remise en état avant restitution aux bénéficiaires de la réquisition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement nous est parvenu dans la nuit, ce qui est pour le moins cavalier.

M. Marc Daunis. Un cavalier, qui surgit hors de la nuit ! (Sourires.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous n’avons pas eu le temps de l’expertiser.

Sur le principe, il semble préférable, quand cela est possible, de privilégier la réquisition temporaire à l’expropriation. Ce n’est pas une manière de faire ! Mon collègue rapporteur pour avis de la commission des lois, Marc-Philippe Daubresse, a une question à vous poser et entrera davantage dans le détail. J’espère que vous aurez à cœur de lui répondre, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Quoi qu’il en soit, j’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Monsieur le ministre, loin de nous l’idée de retarder les jeux Olympiques ou de nous opposer à tout ce qui pourrait permettre de faire une belle fête, comme celle que nous venons de connaître.

La commission des lois a examiné cet amendement, que nous avons reçu très tôt ce matin, et nous sommes quelque peu inquiets.

L’expropriation, telle qu’elle a été présentée par le Gouvernement, ne nous donne pas de sujet d’inquiétude, mais il s’agit ici d’une procédure de réquisition provisoire de biens dans le cadre de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Or elle est présentée comme une solution alternative à la procédure d’expropriation, qui serait moins attentatoire au droit de propriété. Nous pensons, à l’opposé, que la réquisition temporaire est plus attentatoire au droit de propriété.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Contrairement à ce que vous affirmez, lors des jeux Olympiques d’Albertville et dans la loi de 1987 – Pierre Méhaignerie était alors ministre de l’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports et Raymond Bouvier rapporteur du Sénat sur cette question –,…

M. Bruno Sido. C’est l’ancien monde ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. … la mesure concernait des parcelles sans bâtiments. Or cet amendement vise des parcelles avec bâtiments et peut donc concerner des entreprises, des commerces, voire des immeubles à usage d’habitation. J’entends bien que cette disposition n’a vocation à être utilisée qu’en cas de blocages et que si la difficulté ne peut se résoudre à l’amiable. Néanmoins, l’atteinte au droit de propriété est bien plus profonde que dans le cas d’une expropriation.

Prenons un exemple concret. Une personne ou une entreprise est expropriée. Elle recevra une juste et préalable indemnité correspondant a minima à la valeur vénale de son bien et elle pourra se réinstaller ailleurs. Une personne est réquisitionnée temporairement. Elle recevra une indemnité qui couvrira seulement sa privation de jouissance.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Or elle devra déménager une première fois, louer un autre bien, le cas échéant reconstituer une clientèle, s’il s’agit par exemple d’une profession libérale, déménager une seconde fois deux ans plus tard, pour reprendre possession du fonds dont elle a été privée. C’est une atteinte au droit de propriété.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous vous mettons en garde sur les risques de contentieux, voire constitutionnels.

Je vous rappelle que, en 1998, le Conseil constitutionnel avait délibéré longuement sur la question du droit de propriété et du droit à un logement décent, soulignant la primauté du droit de propriété. Or il ne s’agit plus ici de droit à un logement décent, mais de jeux Olympiques. C’est donc le rôle de la commission des lois que de vous alerter, monsieur le ministre, même si je ne remets pas en cause l’avis de Mme la rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Je remercie les deux rapporteurs de leur compréhension : cet amendement est en effet arrivé très tardivement au ministère… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Il venait d’où ?

M. Laurent Duplomb. On ne respecte pas les ministres !

M. Jacques Mézard, ministre. Il n’y a pas d’épreuve de patinage aux jeux Olympiques d’été… En revanche, il est possible de ramer ! (Sourires.)

Plus sérieusement, il est nécessaire, cela a été rappelé à propos de précédents jeux Olympiques, de disposer un cadre juridique réglant en amont les différentes difficultés auxquelles nous pourrions être confrontées.

Ce ne sont pas des sujets légers. D’ailleurs, le texte voté et adopté le 26 mars 2018 l’a prouvé, il n’est jamais simple d’exproprier, car c’est toujours une atteinte au droit de propriété. La réquisition temporaire en est aussi très clairement une. J’entends donc parfaitement les observations de la commission des lois ; j’y souscris même. C’est pourquoi nous veillerons à ce que le dispositif complet protège les intérêts des citoyens.

En tout état de cause, il s’agit surtout ici de pouvoir utiliser un certain nombre de bâtiments vacants, semble-t-il. Même si le dépôt de cet amendement est tardif, il est de l’intérêt général que nous puissions garantir une bonne préparation des jeux.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Cet amendement a été déposé tardivement. Or cela fait pratiquement trois semaines que le délégué interministériel a tiré la sonnette d’alarme. L’amendement aurait donc pu être déposé beaucoup plus tôt…

Je comprends la démarche du délégué interministériel et de la société de livraison des ouvrages olympiques, la SOLIDEO. Les bâtiments, aujourd’hui, sont connus et, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, ils sont vides. Il s’agit juste d’aller un peu plus vite dans l’organisation des jeux Olympiques.

Personnellement, je voterai cet amendement, même si la démarche aurait pu être plus rapide.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. J’ai un avis exactement contraire, mon cher collègue !

Premièrement, la méthode n’est pas la bonne. Si l’on estimait que cette disposition était importante, il fallait la proposer avant et prendre le temps d’en discuter.

Deuxièmement, je pense que c’est un moyen détourné de réduire les indemnisations et de ne pas respecter le droit de propriété. Nous sommes dans un pays où les gens travaillent et transpirent pour s’acheter un bien et pouvoir en bénéficier. Je me refuse de les spolier aussi facilement pour des jeux Olympiques, qui plus est dans des conditions si particulières. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je voterai donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, nous pouvons comprendre les raisons d’un tel amendement. Vous venez toutefois d’avouer, cher Jacques Mézard, que l’amendement était arrivé très tard cette nuit, non seulement au Sénat, mais aussi au ministère…

En début de séance, deux sénatrices ont à juste titre effectué un rappel au règlement pour dénoncer des méthodes légistiques qui n’en sont pas. Pourtant, lors de la révision constitutionnelle, on ne manquera sans doute pas de nous faire la leçon sur la meilleure façon de fabriquer la loi… Vous ne devez pas vous sentir personnellement visé, monsieur le ministre, mais, en très exactement huit jours, nous avons dû procéder à plusieurs rappels à l’ordre.

Lundi dernier, dans le texte défendu par votre collègue Mme Pénicaud, ministre du travail, nous avons vu débarquer un amendement annoncé la veille par le Président de la République au Congrès de Versailles… Visiblement, Mme la ministre n’avait aucune idée de la rédaction de l’amendement, et nos interventions l’ont mise en difficulté. Tel n’était pas le but, et je lui ai d’ailleurs indiqué qu’elle était tout aussi victime de ces procédés que le Parlement.

Je comprends la nécessité de cet amendement, mais, de grâce, ne donnez pas de leçons à l’Assemblée nationale ou au Sénat sur la façon de bien faire la loi. Je sais que ce n’est pas votre cas, monsieur le ministre, mais je pense que le Parlement, dans son ensemble, a atteint la limite de l’exercice.

Une conférence des présidents se tiendra le 25 juillet prochain, et je vous saurais gré d’indiquer au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement que plusieurs groupes émettront à cette occasion de vives protestations. Pour la prochaine rentrée, nous ne pourrons pas tolérer de tels manquements répétés du Gouvernement. Merci de l’entendre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)