M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit à l’éducation pour tous les enfants est un droit fondamental. En adoptant la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la France a adopté le modèle de l’école inclusive. La scolarisation des élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires a ainsi connu une forte augmentation de 2006 à 2017, en passant de 100 000 enfants à plus de 320 000 enfants.

La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République de 2013 a réaffirmé la dimension inclusive de l’école et annoncé une transformation profonde du système éducatif et médico-social : « Réaliser l’École inclusive suppose le déploiement de moyens humains importants, un effort de formation de tous les personnels et l’exploitation des potentialités offertes par le numérique. » Malheureusement, la réalité est tout autre.

La France n’est pas un pays précurseur en la matière. Nous étions en retard, monsieur le secrétaire d’État, et nous le sommes encore.

Le Conseil national d’évaluation du système scolaire fait état de fortes discriminations dans l’enseignement secondaire, dont pâtissent les élèves handicapés. Au-delà du baccalauréat, ces différences deviennent insupportables : seulement 6 % des jeunes handicapés sont diplômés de l’enseignement supérieur. Et le fossé se creuse lorsque l’étudiant vient d’un milieu défavorisé. Ce que nous observons en fin de scolarité résulte des dysfonctionnements de l’ensemble du système. L’école inclusive n’est pas encore une réalité tangible, et de nombreux défis restent à relever.

Nous déplorons le manque de moyens humains et le faible niveau d’imbrication des actions en faveur de la réussite scolaire des enfants handicapés.

La coopération entre éducation nationale et secteur médico-social, essentielle pour la continuité des parcours des élèves handicapés, est marginale.

Force est de le constater, l’éducation nationale ne met pas suffisamment d’enseignants à disposition des structures spécialisées pour couvrir les besoins croissants, alors que les effectifs des classes s’établissent en moyenne à vingt-cinq élèves par enseignant. Il faut ajouter à une telle situation des délais d’admission désespérément longs pour les parents d’élèves. Si les foyers les plus aisés peuvent se tourner vers des écoles privées ou scolariser leurs enfants à l’étranger, les chances pour les familles les plus précaires sont minimes.

Si, au sein de l’éducation nationale, le nombre d’unités localisées et d’auxiliaires de vie scolaire pour l’inclusion scolaire augmente chaque année, leur déploiement ne s’appuie pas sur une connaissance fine des besoins, faute de statistiques et d’évaluations. Or de plus en plus d’enfants sont diagnostiqués en situation de handicap. Il s’agit notamment d’enfants présentant des troubles cognitifs spécifiques, des déficits chroniques de l’attention ou des retards de développement.

Si le nombre de structures est insuffisant, la qualité de l’accompagnement dispensé l’est aussi. Je voudrais tout de même saluer les efforts réalisés récemment en faveur, d’une part, d’une meilleure formation des enseignants et des personnels d’encadrement, d’autre part, de la création d’ULIS et d’UEE, les unités d’enseignement externalisées, et de postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap. J’ai pu constater une évolution dans mon département de Seine-et-Marne lors de la dernière rentrée scolaire.

Toutefois, les enseignants et les accompagnants de vie scolaire ne disposent pas des compétences spécifiques nécessaires lorsqu’il s’agit de certains handicaps, tels que les troubles du spectre de l’autisme. Entre 2004 et 2014, le Conseil de l’Europe a condamné la France à cinq reprises pour violation de la Charte sociale européenne, jugeant les AVS, aujourd’hui AESH, précaires, peu formés et inefficaces pour l’accompagnement scolaire des enfants autistes.

Monsieur le secrétaire d’État, l’exil de ces élèves vers la Belgique est inadmissible. La loi consacre l’existence d’un principe de réponse éducative adaptée pour chaque élève. Le seul accès de droit à l’école de la République n’est pas suffisant. La complexité de chaque situation appelle des réponses adaptées, souples et modulables, pour sauver ces enfants de leur exil intérieur.

Monsieur le secrétaire d’État, avec M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, vous avez lancé une concertation auprès du Conseil national consultatif des personnes handicapées, des parents, des organisations syndicales et des accompagnants pour rénover le dispositif d’accompagnement des élèves en situation de handicap à partir de la rentrée 2019. L’initiative est louable ; il faut espérer qu’elle débouche sur des mesures concrètes.

Des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, ou PIAL, sont également expérimentés dans chaque académie depuis la rentrée. Je ne doute pas qu’une évaluation sera réalisée avant la fin de l’année scolaire.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est une transformation profonde et pérenne que les parents attendent. J’entends par là des actions concrètes dignes d’un grand pays comme la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée a posé le principe d’une scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents présentant un handicap ou, à titre exceptionnel, en milieu spécialisé.

Ce principe a été érigé par le Conseil d’État en obligation de résultat. Cela signifie que tout doit être mis en œuvre pour donner un caractère « effectif » au droit à l’éducation des enfants handicapés.

Nous abordons ce débat dans un contexte politique particulier, compte tenu d’une actualité chargée en la matière.

Je veux tout d’abord évoquer la proposition de loi déposée par notre collègue Olivier Paccaud, ici présent, proposition de loi que j’ai eu l’honneur de cosigner et dont l’objet est d’inclure dans la formation initiale des futurs enseignants une période durant laquelle ils prendront en charge un élève en situation de handicap.

Je tiens également à évoquer le non-débat, à l’Assemblée nationale, de la proposition de loi d’Aurélien Pradié et la polémique qui a suivi, ce que j’ai vivement regretté. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé, le 22 octobre dernier, la concertation « Ensemble pour une école inclusive », qui durera quatre mois et concernera le métier des AESH et l’accompagnement pédagogique des élèves. Permettez-moi également de rappeler les annonces, aujourd’hui même, du Comité interministériel du handicap concernant l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et les efforts menés en matière de nouvelles technologies.

Depuis 2006, le nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a progressé sans conteste. Ainsi, de 100 000 élèves scolarisés en 2006, nous sommes passés à plus de 340 000 à la rentrée 2018.

L’objectif est de parvenir à scolariser en milieu ordinaire toujours plus d’enfants en situation de handicap, mais à condition qu’ils bénéficient d’un accompagnement de qualité. En 2018, les crédits consacrés à l’accompagnement en milieu scolaire ordinaire ont considérablement augmenté. En effet, comme le souligne notre collègue Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, ils sont passés de 800 millions d’euros à 1,2 milliard d’euros.

Toutefois, la réussite scolaire de ces enfants passe non seulement par un accompagnement humain de qualité, mais aussi et surtout par un changement d’état d’esprit de la part des parents, du monde éducatif, des acteurs du handicap et de la société tout entière, pour bâtir une école réellement inclusive. Il reste du travail ! Rappelons en effet que nous manquons d’AESH, plus de 12 000 enfants n’ayant pas de solution à cette heure.

De plus, il y a urgence à se pencher sur le statut des AVS et des AESH. Ce métier manque d’attractivité. Cela tient au faible nombre d’heures travaillées, à une rémunération modique, à un travail à temps partiel, à une succession de CDD et à un déficit de formation.

À cet égard, je suis favorable à l’instauration d’un statut unique d’accompagnant, lequel doit devenir un véritable professionnel, formé, disposant d’un emploi stable et pérenne, rémunéré à sa juste valeur par l’éducation nationale. L’orientation prise par le Gouvernement et tendant à convertir, sur cinq ans, les contrats aidés d’AVS en contrats d’AESH, va dans le bon sens, mais n’est pas suffisante.

L’accompagnement des enfants en situation de handicap en milieu scolaire ordinaire ne concerne pas seulement les AESH. Aussi, dans mon rapport intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, j’ai suggéré de prévoir une formation obligatoire à destination de tous les enseignants du premier et second degré, relative à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, quel que soit le handicap. Aucune structure ne doit tenir les enfants en situation de handicap éloignés de l’environnement scolaire.

Toutefois, certains enfants, compte tenu de leur handicap, ne peuvent être scolarisés qu’en milieu adapté ou grâce à un accompagnement scolaire spécifique. Là aussi, il convient de revoir les dispositions concernant le financement, car les parents de ces enfants sont souvent contraints de solliciter la PCH, la prestation de compensation du handicap, pour bénéficier de tous les services.

Une telle dichotomie du financement de la scolarisation en milieu adapté ne se justifie pas et mérite une clarification. Elle est potentiellement constitutive d’une rupture d’égalité entre enfants handicapés scolarisés et méconnaît le principe même de la compensation, qui n’a pas vocation à se substituer aux obligations incombant aux pouvoirs publics.

Pour ces raisons, j’ai proposé que, quel que soit le mode de scolarisation, les accompagnants soient directement rémunérés par les pouvoirs publics. Seuls les services complémentaires comme l’aide aux devoirs pourront être financés par la PCH.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet, que ce soit au sein de la commission de la culture ou de la commission des affaires sociales, en formulant des mesures concrètes et pragmatiques.

Alors que les concertations sont lancées, que les groupes de travail sont mobilisés, j’espère que le Gouvernement saura s’inspirer de ses travaux, afin de faire progresser rapidement l’école inclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la scolarisation des enfants en situation de handicap a fait l’objet, nous le savons, de vives polémiques ces dernières semaines à l’Assemblée nationale. Gageons que nous saurons ici, au Sénat, débattre dans le respect des uns et des autres, mais aussi – j’ose le dire – dans l’unité que ce sujet exige.

Pour commencer, je voudrais saluer l’engagement quotidien de l’ensemble des acteurs – familles, associations, professionnels et enseignants – investis dans l’accueil et la prise en charge des enfants en situation de handicap dans nos établissements scolaires.

Le service public d’éducation doit veiller à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Quels que soient les besoins particuliers de l’élève, c’est à l’école de s’assurer que l’environnement est adapté à sa scolarité. C’est un devoir de justice, d’équité et de solidarité.

Face à ces enjeux, le débat proposé par nos collègues de l’Union Centriste, dont je salue l’initiative, intervient à un moment opportun, puisqu’il nous permet de faire un état des lieux de la rentrée 2018. Qu’en est-il ? Plus de 340 000 élèves en situation de handicap sont aujourd’hui scolarisés, c’est 20 000 élèves de plus que l’an dernier. Par ailleurs, 253 nouvelles unités localisées pour l’inclusion scolaire, les ULIS, ont été créées, dont 38 en lycée.

Il faut le dire, ce progrès est le fruit d’efforts consentis depuis une dizaine d’années. Le droit à la scolarisation institué par la loi du 11 février 2005 a d’abord permis des avancées majeures, avant que le principe de l’école inclusive ne devienne en 2013 une priorité nationale. C’est ainsi que, en un peu plus de dix ans, le nombre d’élèves scolarisés en milieu ordinaire a été multiplié par trois.

La situation reste néanmoins imparfaite et inégale sur le territoire national. Aussi, j’aimerais attirer l’attention de notre Haute Assemblée sur la situation en outre-mer, où le droit à l’éducation lui-même est souvent mis à mal.

En 2016, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies y a constaté que les enfants en situation de handicap sont plus souvent scolarisés dans une classe spécialisée, en particulier en Guyane, où moins d’un élève sur six est en milieu ordinaire, et à Mayotte, où moins d’un élève sur huit est concerné. Ces chiffres vont à contre-courant de la tendance observée dans l’Hexagone.

En Guyane, le manque de places dans les dispositifs d’accueil de l’éducation nationale, les unités spécialisées et les structures associatives, implique que de nombreux enfants ne sont pas scolarisés ou ne le sont que partiellement. Commence alors une bataille interminable pour les parents, qui n’ont souvent que leur courage pour lutter contre une nébuleuse administrative étourdissante. Pendant ce temps, l’enfant se retrouve seul, fragilisé, face au rejet que notre société lui impose.

Si un effort a été consenti par le rectorat ces dernières années avec la création d’ULIS supplémentaires, la situation est particulièrement difficile pour les personnes à mobilité réduite, dont l’autonomie est fragilisée par l’inadaptation d’une grande partie de l’espace public et des transports, notamment des pirogues.

Vous le savez, je vous invite régulièrement, mes chers collègues, à venir en Guyane toucher du doigt nos réalités. Allons ensemble à Trois-Sauts, village le plus reculé du territoire, et certainement de France, où le premier collège est à sept heures de pirogue ! Vous verrez qu’un enfant dont le diagnostic aurait préconisé une scolarisation dans une classe spécialisée ne peut y accéder, sauf à s’éloigner dès le plus jeune âge de son foyer familial. Pourtant, vous en conviendrez, lui aussi a droit à la scolarisation.

Les chiffres encourageants précédemment évoqués ne sauraient donc se suffire à eux-mêmes, tant la réussite de l’école inclusive repose également sur une amélioration qualitative des conditions d’accueil et d’accompagnement des élèves. À cet égard, la grande consultation Ensemble pour une école inclusive, lancée ce lundi 22 octobre, va dans le bon sens.

Premièrement, l’écoute attentive des familles et des associations est en effet indispensable. Ce sont elles qui vivent au quotidien le processus de scolarisation des enfants. Il est important de les soutenir, de leur donner toute leur place au sein de l’école, à travers des échanges nourris avec les équipes éducatives et l’aide de la MDPH.

Deuxièmement, la transformation du métier d’accompagnant est aussi fondamentale. Pour cette rentrée, 29 000 emplois aidés et 43 000 accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, sont mobilisés sur le terrain. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit également le financement de 12 400 nouveaux emplois d’accompagnants : 6 400 au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés et 6 000 AESH supplémentaires.

Soulignons ici la volonté du Gouvernement de renforcer ces contrats, dont nous connaissons la précarité. Là encore, il nous faudra aller plus loin, en formant mieux les accompagnants, pour améliorer leurs conditions d’exercice et leur permettre d’intervenir dans les activités éducatives périscolaires et extrascolaires des élèves, proposées notamment dans le cadre du plan Mercredi.

Troisièmement, j’aimerais insister sur la nécessité d’améliorer le dépistage, en particulier dans les outre-mer. Il nous faut développer les outils de diagnostic, afin d’éviter les repérages tardifs et les mauvaises orientations.

Je pense à l’adaptation des outils d’évaluation au contexte plurilingue, à la visite médicale scolaire pour tous les élèves, au renforcement de la formation et à la sensibilisation des enseignants au handicap, mais aussi au développement de la PMI et du centre d’action médico-sociale précoce. Autant de pistes de travail pour adapter l’école inclusive aux réalités de nos territoires.

La volonté et les initiatives sont là. Reste maintenant à faire vivre ce beau principe de l’école inclusive, grâce à une écoute attentive des familles, des associations et des syndicats, afin que les élèves et les personnels bénéficient des améliorations qu’ils attendent impatiemment. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement affirme vouloir réaliser une école pleinement inclusive, sans aucune discrimination à l’égard des enfants en situation de handicap, d’ici à 2022. Bien évidemment, notre groupe partage pleinement cette ambition. Mais encore faut-il s’en donner les moyens !

En effet, si le nombre de jeunes en situation de handicap scolarisés a triplé depuis la grande loi handicap de 2005, la réalité reste insupportable pour nombre d’enfants et de familles. Outre le fait de devoir faire face au handicap, ils sont souvent confrontés à des situations de détresse. Nous avons tous des exemples en tête.

Ainsi certaines administrations sont-elles allées jusqu’à proposer des solutions à l’étranger, notamment en Belgique. Pour d’autres familles, il ne reste plus qu’à se tourner vers l’enseignement privé, qui propose une prise en charge que le public n’offre pas toujours.

Il y a surtout des enfants déscolarisés ou scolarisés à la maison, parfois pendant plusieurs années, faute de solutions adaptées, avec toutes les conséquences que cela entraîne, pour les enfants, mais aussi pour les parents – ces derniers doivent souvent cesser de travailler et vivre avec une allocation journalière de présence parentale inférieure au SMIC.

Cette ambition nécessite d’accélérer la mise en accessibilité des établissements. C’est une véritable urgence, rappelée par le Conseil d’État en 2011 et par le Défenseur des droits un an plus tard. Mais les baisses successives des dotations des collectivités mettent ces dernières en difficulté lorsqu’il s’agit de répondre à cet enjeu. On sait combien d’écoles, maternelles ou élémentaires, de collèges ou de lycées nécessitent encore des investissements en ce sens !

Il faut aussi évoquer les plus de 12 000 enfants qui ne relèvent pas d’une scolarisation en milieu ordinaire et qui sont en attente d’une place dans une structure adaptée, tel un SESSAD, un service d’éducation spéciale et de soins à domicile, ou un IME, un institut médico-éducatif.

Tel est par exemple le cas du jeune Élouan, qui attend depuis 2016 une place en IME. C’est le parcours du combattant pour sa maman, qui doit multiplier les démarches pour lui en obtenir une, avant qu’il n’entre au collège, l’an prochain. En effet, si Élouan peut suivre quatre matinées à l’école élémentaire, le collège lui est formellement déconseillé.

Oui, il faut créer de nouvelles places dans les établissements médico-sociaux adaptés, et il faut recruter des enseignants intervenant dans ces structures – or, dans certains départements, leur nombre est en baisse.

Les ULIS, ou unités localisées pour l’inclusion scolaire, doivent être prises en compte dans les effectifs des établissements. Il est indigne que les enfants en situation de handicap ne soient pas comptabilisés dans les effectifs – et je ne parle pas du caractère extrêmement pénalisant d’une telle situation s’agissant des décisions de maintien ou de suppression de postes.

Je veux évidemment évoquer aussi la question des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, et des AVS, les auxiliaires de vie scolaire.

Vous êtes prompts à communiquer sur les 10 900 AESH supplémentaires dans les effectifs d’accompagnement à la rentrée 2018. Mais 21 000 contrats aidés ont été supprimés. Résultat, nous avons vécu, en Seine-Maritime – c’est malheureusement vrai dans beaucoup d’autres départements –, la rentrée 2018 la plus désorganisée depuis la loi de 2005. Des enfants ont vu leurs heures d’accompagnement brusquement réduites ; des AVS ont changé d’élèves alors qu’ils suivaient les précédents depuis des années ; d’autres AVS sont restés sans affectation, et des élèves sans AVS.

J’évoquais la détresse des familles. Elle conduit une mère de famille d’une commune de mon territoire à menacer d’observer une grève de la faim pour espérer faire valoir les droits de son fils, Cyliann, âgé de dix ans, toujours en attente, depuis la rentrée, de l’affectation d’un AESH. Un tel cas n’est malheureusement pas isolé.

Au problème du nombre des personnels accompagnants se conjugue la plus grande sélectivité dans l’attribution de cet accompagnement, qui en écarte certains enfants ; j’ajoute que la formation, la qualification, le statut et les conditions de travail des AVS posent également question.

En abaissant l’expérience demandée aux AVS, le décret du 27 juillet dernier ne résoudra malheureusement pas la crise de recrutement que connaît ce secteur. Le choix a été fait de nier toute notion pédagogique dans l’accompagnement scolaire des élèves en situation de handicap et de réduire le niveau d’exigence lors des recrutements, au détriment des enfants accompagnés.

De la même façon, c’est presque un événement lorsque l’on daigne accorder aux accompagnants des formations leur permettant de mieux comprendre le handicap des élèves suivis, en particulier l’autisme – de nombreuses familles nous saisissent de ce problème.

Des volontés diverses s’expriment pour tenter d’améliorer la situation. Et le refus même d’en débattre véritablement, constaté à l’Assemblée nationale il y a quelques jours, a choqué de nombreuses familles.

Nous nous réjouissons que, sur l’initiative de nos collègues du groupe Union Centriste, ce débat puisse avoir lieu aujourd’hui au Sénat. Nous y versons pour notre part l’idée qu’il est nécessaire d’offrir des formations de qualité aux AVS, je le répète, et de mettre fin à la précarité de leur statut, notamment en transformant en temps pleins tous les contrats qui peuvent l’être. En effet, les AESH ne sont pas rémunérés 1 300 euros par mois, comme cela a pu être dit : moins de 5 % d’entre elles – ce sont souvent des femmes – sont à temps complet.

Nous veillerons à ce que la généralisation des accompagnements mutualisés, que les pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL, vont encore favoriser, ne conduise pas à une baisse de la qualité de l’accompagnement des enfants.

La solidarité nationale et l’égalité républicaine commandent que notre pays accueille et scolarise dignement les enfants et les jeunes en situation de handicap. De ce point de vue, les décisions annoncées après le comité interministériel d’aujourd’hui nous laissent sur notre faim.

Il est essentiel qu’un tel accueil soit rendu possible, car ce sont en grande partie les problèmes de scolarisation, puis de qualification, qui expliquent l’importante pauvreté des personnes en situation de handicap à l’âge adulte.

C’est d’ailleurs notamment en raison de cette grande pauvreté que nous avons présenté cette semaine une proposition de loi visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, que trop d’entre vous, mes chers collègues, ont refusé de voter. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord me faire le porte-voix de toutes ces familles, notamment dans le Calvados, qui se mobilisent depuis la rentrée pour défendre l’accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap.

En effet, malgré les annonces gouvernementales – le Gouvernement s’est engagé à ce que tous les enfants en situation de handicap qui en ont besoin aient accès à un auxiliaire de vie scolaire –, force est de constater que, en cette dernière rentrée scolaire, plusieurs de ces enfants sont encore dépourvus d’un tel accompagnement.

Comment ne pas comprendre le désarroi de ces parents d’élèves handicapés qui, faute de s’être vu attribuer un AVS par l’éducation nationale, n’ont aucune solution de scolarisation, ne font bénéficier leur enfant que d’un temps d’école faible ou doivent patienter sur les listes d’attente des établissements spécialisés ?

En 2018, en France, le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, devrait être un droit effectif. C’est une question de justice sociale et de solidarité.

Le Gouvernement a lancé, lundi dernier, une concertation visant à « rénover les dispositifs d’accompagnement pour les écoliers ayant des besoins spécifiques tout au long de leur scolarité ». Des sujets centraux comme ceux de la formation des enseignants ou du statut des accompagnants d’élèves handicapés vont être abordés. C’est une bonne chose, et je salue cette volonté.

En même temps, je regrette qu’il n’ait pas été possible de débattre, très récemment encore à l’Assemblée nationale – cela a été évoqué –, d’une proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap.

Ce soir, je souhaite profiter de ce débat pour vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessaire remise à plat des dispositifs d’accompagnement existants, au regard de la situation actuelle des enfants atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages, de troubles cognitifs spécifiques, de dyspraxie, de dysphasie, de dyslexie, de dyscalculie, de trouble du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité, de troubles des fonctions exécutives, en somme, des enfants « dys » et TDAH – ils sont nombreux.

Conséquence de l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 et de la publication de la circulaire du 22 janvier 2015, un plan d’accompagnement personnalisé, ou PAP, peut être proposé aux enfants présentant des troubles des apprentissages. Dans les faits, ce dispositif se substitue à celui du projet personnalisé de scolarisation, ou PPS. Les enfants « dys » et TDAH sont donc placés en dehors du champ de la politique du handicap et privés ainsi du bénéfice de l’accès à un certain nombre d’aides et de droits.

Pour cette raison – vous le savez –, le PAP est à l’origine d’une profonde division dans le monde du handicap, s’agissant des « dys » en particulier.

Le PAP, en tant qu’il est, aux termes de la loi, un dispositif pédagogique, et non un dispositif de compensation, est interne à l’école ; contrairement au PPS, il n’est pas opposable en droit et n’offre donc aux familles aucune voie de recours.

Surtout, il est basé sur la notion peu claire et approximative de « difficultés scolaires » et n’est donc pas adapté à des enfants en situation de handicap, « dys » ou TDAH, ces troubles nécessitant une connaissance fine du tableau cognitif de l’enfant, qui permettra d’identifier les fonctions déficitaires mais aussi et surtout celles qui sont préservées.

De plus en plus de MDPH, ou maisons départementales des personnes handicapées, renvoient les « dys » et TDAH vers le PAP, y compris lorsque les troubles sont importants et multiples et lorsque les dossiers de demande d’aide des familles sont complets et fondés.

Ainsi écartés du champ du handicap et des mesures dédiées, les familles ne peuvent se voir attribuer l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, allocation compensatoire qui permet de financer les indispensables bilans complémentaires et d’aider à faire face aux coûts des rééducations non remboursables par la sécurité sociale.

Hors reconnaissance MDPH, les « dys » ne peuvent ainsi bénéficier des notifications de matériel informatique, et donc, entre autres, des ordinateurs et des logiciels spécifiques fournis par l’éducation nationale. Quant aux coûts des bilans, des rééducations ou des matériels pédagogiques adaptés, ils reposent uniquement sur les familles. Enfin, l’enfant « dys » ne disposera évidemment pas d’un AVS.

Monsieur le secrétaire d’État, pour toutes ces raisons, il est urgent d’entendre les arguments de ces familles ainsi que des professionnels, qu’ils soient orthophonistes, psychomotriciens ou ergothérapeutes. C’est la lettre et l’esprit de la loi Handicap de 2005, et sa promesse d’égalité des chances fondée sur la compensation du handicap, qui sont bafoués, avec le PAP, pour les enfants « dys » et TDAH.

Je souhaite donc que la concertation que vous avez lancée lundi dernier mette définitivement un terme à cette situation hautement préjudiciable aux enfants atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages, « dys », TDAH et à leurs familles.