compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

Mme Françoise Gatel.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

envasement de la rance

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteur de la question n° 479, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voici un dossier qui s’enlise depuis plusieurs décennies.

La Rance, qui serpente dans les Côtes-d’Armor et en Ille-et-Vilaine, doit faire face à une situation écologique de plus en plus critique. En quatre ans, pas moins de deux cent mille mètres cubes de sédiments ont été charriés, et ce malgré plusieurs opérations visant à désenvaser l’estuaire. En certains endroits, les masses de boues grises ont rendu la navigation impossible, portant ainsi préjudice aux riverains et aux communes situées le long du cours d’eau.

Quant à l’impact sur la biodiversité, il est terrible : plusieurs espèces de poissons, à l’instar des poissons plats, ont disparu, tandis que les oiseaux nicheurs se font de plus en plus rares. En d’autres termes, les milieux naturels se trouvent extrêmement fragilisés.

Pourtant, un rapport issu d’une mission interministérielle et publié en 2016 concluait que « l’extension du phénomène d’envasement de l’estuaire de la Rance a atteint aujourd’hui un niveau tel qu’il convient de réduire au maximum les dépôts, voire de mettre un terme à la progression des volumes de sédiments qui continuent à se déposer ». Il était ainsi proposé d’adopter un programme expérimental sur cinq ans en vue d’extraire deux cent cinquante mille mètres cubes de sédiments, tout en recherchant une solution pérenne, à plus long terme.

Néanmoins, ce plan quinquennal achoppe toujours sur la question budgétaire. Jusqu’à présent, Électricité de France, EDF, en tant que concessionnaire de l’usine marémotrice, avait payé la quasi-intégralité des opérations de désenvasement. Toutefois, aujourd’hui, plus d’un tiers du plan d’un montant initial de 9,5 millions d’euros reste non financé, EDF refusant d’augmenter sa participation, et certains acteurs ne souhaitant pas compenser ce qui leur semble relever de la responsabilité de l’opérateur.

Par conséquent, la situation est dans une impasse, alors que la solution a été trouvée et qu’il n’y a qu’à mettre le plan quinquennal en œuvre.

Ainsi, madame la ministre, je souhaite connaître l’état du dialogue du Gouvernement avec les collectivités territoriales concernées, qui veulent avancer au plus vite afin que le fleuve redevienne entièrement praticable. En outre, comment entendez-vous finaliser le budget du programme quinquennal, tout en faisant respecter par EDF l’obligation qui lui est faite de garantir le maintien de la navigation sur la Rance ?

Les associations, les riverains, les plaisanciers, les élus locaux, qui se battent pour enrayer cette dérive écologique, attendent un soutien affirmé de l’État, comme ils attendent que le Gouvernement agisse en responsabilité, afin de débloquer la situation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Sylvie Robert, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargé de vous répondre.

Vous faites part de votre inquiétude quant au financement de l’opération et quant aux délais pour désenvaser la Rance. Un point d’étape sur le plan de gestion des sédiments de la Rance, réalisé par le préfet de la région Bretagne en juillet dernier, a permis de confirmer les avancées de la mise en œuvre des recommandations de la mission sur le sujet.

Tout d’abord, l’opération de désenvasement du chenal a été réalisée par EDF, au début de l’année 2018.

Pour ce qui concerne la mise en œuvre des actions du plan Lyvet 3, confiée à l’association Cœur Émeraude, les travaux d’aménagement du centre de transit ont débuté à la fin du mois d’août et le curage du piège à sédiments, à la mi-septembre. La maîtrise d’ouvrage du programme sera assurée par l’établissement public territorial de bassin Rance-Frémur, qui reprend à sa charge la gestion sédimentaire de la Rance, à l’exception des actions de curage du Lyvet 3. Cet établissement est également chargé de la suite des opérations d’expérimentation à cinq ans.

Par ailleurs, l’organisation de la gouvernance a été validée par l’ensemble des acteurs et comprend quatre instances : le comité de pilotage, le comité des financeurs, le conseil scientifique et la commission locale de l’eau Rance-Frémur-Baie de Beaussais.

Le comité de pilotage a été mis en place. Il est coprésidé par le président du conseil régional et le préfet de région, et il intègre les acteurs locaux, notamment les élus de l’association Cœur Émeraude, qui pourront avoir un rôle d’impulsion compte tenu de leur implication historique sur le dossier.

La composition du conseil scientifique vient d’être validée. Ce conseil, installé en septembre, devra notamment traiter la question de l’utilisation des bassins de stockage après l’opération Lyvet 3, afin de déterminer les différents types de mesures de gestion sédimentaire qui peuvent être conjugués et la durée de dépôt sur le site de stockage.

Sur le plan financier, EDF a confirmé son accord pour un financement à 50 % du montant global de l’opération Lyvet 3, soit 550 000 euros. Il a augmenté sa participation, la faisant passer de 40 % à 50 % pour la gestion sédimentaire de 2017-2023. L’objectif est d’atteindre la parité entre EDF et les autres acteurs publics.

La mise en œuvre du plan de gestion des sédiments de la Rance est donc en bonne voie. Une réunion du comité de pilotage et du comité des financeurs a eu lieu en septembre 2018.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. François de Rugy accorde toute sa confiance au préfet de région pour la poursuite des actions définies dans le plan de gestion du Conseil général de l’environnement et du développement durable et du Conseil général de l’économie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour une très courte réplique.

Mme Sylvie Robert. Je remercie Mme la ministre de ses réponses. Avec les acteurs publics - vous les avez cités -, j’espère qu’il y aura une décision sur le financement de ce qui reste à charge s’agissant d’un projet extrêmement important pour ce territoire.

recyclage des déchets plastiques lourds en dordogne

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 516, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, en Dordogne comme dans beaucoup de départements, le traitement des déchets est assuré par un syndicat départemental, le syndicat mixte départemental des déchets de Dordogne, le SMD3.

Jusqu’à présent, les déchets plastiques lourds étaient confiés à une usine qui en faisait des paillettes. Le cours du pétrole, qui favorise l’achat par les plasturgistes de plastique vierge plutôt que le plastique recyclé, a conduit cette entreprise, Recymap, à fermer.

Les centres potentiels de recyclage étant situés trop loin pour poursuivre dans cette filière, le SMD3 est aujourd’hui obligé d’enfouir ses déchets comme du plastique non recyclable ordinaire, en parfaite contradiction avec les objectifs de la feuille de route pour l’économie circulaire.

Je rappelle que l’économie circulaire vise à recycler 100 % du plastique d’ici à 2025, au moyen d’une augmentation de la fiscalité pour rendre la valorisation moins chère que l’élimination. Cela passera par la hausse de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui passerait de 48 à 165 euros par tonne pour le stockage et de 15 à 25 euros par tonne pour le traitement thermique, et aussi, bien entendu, par des mesures compensatoires – baisse du taux de TVA sur le tri et sur le compostage, de 10 % à 5,5 % ; réduction des frais de gestion de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, de 8 % à 3 % ; allongement de la durée du taux réduit des frais de dégrèvement, de trois à cinq ans.

Ces mesures de compensation sont toutefois insuffisantes, car les collectivités n’ont pas de marge de manœuvre pour réduire les volumes. Toutes les simulations montrent que, si les collectivités arrivent à respecter les objectifs de la loi sur la transition énergétique, cela se traduira par un coût supplémentaire d’au moins un euro par habitant.

Aussi, plutôt que d’instaurer la double peine pour les collectivités et pour les contribuables, ne pourrait-on pas mettre en place, pour les déchets plastiques lourds, une taxe sur les produits non recyclables, sorte de TGAP en amont, pour taxer les émetteurs, et non les collectivités, ou même une REP balai – responsabilité élargie du producteur –, qui prendrait en charge tous les projets recyclables ?

Que pensez-vous de ces propositions ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Claude Bérit-Débat, vous soulevez la question du recyclage du plastique lourd en citant la fermeture de l’usine Recymap de Saint-Pierre-de-Côle, qui recyclait certains plastiques, et l’impact pour les collectivités de la future hausse de la TGAP.

Votre question met en lumière les coûts de gestion de nos déchets - les signaux économiques ne sont pas au bon niveau. Aujourd’hui, si le recyclage peine à se développer, c’est en partie dû au fait que la mise en décharge ou l’incinération de ces déchets reviennent beaucoup moins cher. Il faut donc renchérir le coût de l’élimination des déchets tout en diminuant celui de leur recyclage, afin qu’une véritable industrie française du recyclage puisse se développer, une industrie génératrice d’emplois et de valeur ajoutée.

Le Gouvernement, au travers de la feuille de route pour l’économie circulaire, fruit de plus de six mois de concertation, a décidé d’utiliser plusieurs leviers pour y parvenir.

Cela passe tout d’abord par une réforme globale de la fiscalité, afin de rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur mise en décharge ou leur incinération. Cela repose sur une trajectoire de TGAP revue à partir de 2021, de telle sorte que le coût moyen de l’élimination des déchets devienne supérieur au coût moyen de leur recyclage.

En parallèle, il s’agit de donner de nouvelles capacités financières aux collectivités pour investir et pour s’adapter, en allégeant la pression fiscale sur les activités de tri et de recyclage. Cela se traduira notamment par une baisse du taux de la TVA pour les opérations de prévention, de collecte, de tri et de recyclage des déchets, mais également par une baisse des frais de gestion de la TEOM pour les collectivités qui font le choix d’opter pour une tarification incitative.

Les mesures de la feuille de route pour l’économie circulaire ne se limitent toutefois pas aux aspects fiscaux, puisque la réforme des filières REP sera également menée l’année prochaine. Elle permettra de développer le recyclage, en fixant de nouveaux objectifs aux éco-organismes, de développer les bonus-malus, pour favoriser l’incorporation de matière plastique recyclée, et de créer de nouvelles filières REP.

L’objectif est donc de s’appuyer sur l’écoconception des produits, pour stimuler tant l’offre que la demande en matières recyclées, afin qu’une véritable économie du recyclage se développe sur notre territoire.

La feuille de route pour l’économie circulaire a d’ores et déjà permis de réunir les industriels pour qu’ils s’engagent dans le recyclage. Soixante entreprises et fédérations professionnelles se sont déjà engagées à incorporer dans leurs produits près de trois cent mille tonnes de matières plastiques recyclées en plus.

C’est un premier pas, il faudra encore aller au-delà. D’autres idées pour développer le recyclage des plastiques pourront également être débattues dans le cadre du futur projet de loi sur l’économie circulaire.

Mme la présidente. Mes chers collègues, à moins de sept secondes de temps de parole restant, je ne peux pas vous laisser répondre au Gouvernement.

Monsieur Bérit-Débat, il ne vous restait que six secondes…

aménagement de la liaison routière entre saint-nazaire et laval

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, auteur de la question n° 389, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

M. Christophe Priou. Madame la ministre, en avril dernier, ma collègue Élisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne, et le maire de Blain, Jean-Michel Buf, ont saisi le Premier ministre du dossier de la liaison routière entre Saint-Nazaire et Laval. Il a même été créé, voilà plusieurs années, une association regroupant les élus et les acteurs de la vie économique des départements de Loire-Atlantique, de Mayenne et de Maine-et-Loire pour faire aboutir ce dossier.

Certaines études ont été menées pour le contournement de Cossé-le Vivien, dans la Mayenne, de Pouancé, en Maine-et-Loire, et de Châteaubriant et Treffieux, dans la Loire-Atlantique.

Sur la partie de la RN 171 reliant Nozay à Saint-Nazaire, l’État a concentré ses investissements sur la section entre Savenay et le futur contournement de Bouvron, laissant le tronçon de Nozay à Blain sans nouvelles perspectives. Pourtant, la sortie, vers La Grigonnais, de la route à deux fois deux voies reliant Rennes à Nantes est particulièrement dangereuse.

La traversée de Blain n’est plus supportable pour les habitants, et un contournement est devenu absolument nécessaire. Cette commune est aujourd’hui traversée par treize mille véhicules par jour. Avec l’axe Redon-Nort-sur-Erdre, le nombre s’élève à vingt-trois mille véhicules par jour, et les projections font état de trente et un mille véhicules quotidiens dans les dix ans.

Plusieurs hypothèses de travaux entre la RN 137 et la RN 171 vers Bouvron ont été étudiées, ainsi qu’entre la RN 173 à la RN 171, au sud de Blain. Pour autant, l’option envisagée ne permettra pas un aménagement complet du contournement de Blain. Il faut donc impérativement un aménagement de la RN 171 intégrant pleinement le contournement de la ville.

Cinq possibilités d’aménagement et de contournement ont été récemment dévoilées concernant cette route nationale.

Madame la ministre, pouvez-vous nous informer des dernières positions du comité consultatif piloté par la préfecture de Loire-Atlantique, à la lumière de l’abandon, notamment, du projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes et donc de la desserte routière dédiée qui était prévue ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Christophe Priou, vous souhaitez connaître ma position sur l’aménagement de la RN 171, en particulier au niveau de la commune de Blain.

L’État a engagé une étude de faisabilité sur la liaison entre la RN 171, à Bouvron, et la RN 137 en comaîtrise d’ouvrage avec le conseil départemental de Loire-Atlantique, afin notamment d’assurer une bonne coordination entre les travaux en cours sur le réseau routier national et les aménagements étudiés par le conseil départemental sur le secteur.

Cette démarche a permis d’établir un état des lieux de la RN 171 et des axes assurant la liaison entre Nort-sur-Erdre et Bouvron. Toutefois, vous le savez, la décision d’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes a modifié le cadre général de cette réflexion et a nécessité de réinterroger l’ensemble des hypothèses et des résultats d’études de circulation menées jusqu’alors. Un temps d’étude supplémentaire a donc été nécessaire pour prendre en compte ces nouvelles hypothèses.

Les études complémentaires ont fait l’objet d’une restitution au cours du comité de suivi du 5 juillet dernier, auquel vous étiez convié. Ce comité a permis de présenter le résultat des diagnostics réalisés ainsi que les cinq scénarios d’aménagement étudiés.

Deux de ces scénarios consistent à aménager la RN 171, en prévoyant notamment un contournement complet de Blain, tandis que les autres prévoient d’aménager une liaison est-ouest en parallèle des RD 16 et RD 164 existantes. Une phase de concertation avec le public est prévue au cours de l’année 2019 pour déterminer le parti d’aménagement préférentiel en s’appuyant sur les études menées. Votre point de vue sera donc examiné et pris en compte à cette occasion.

Je ne manquerai pas de revenir vers vous à l’issue de cette concertation pour vous informer des suites que nous donnerons s’agissant de l’aménagement de cet axe essentiel au bon développement de la Loire-Atlantique.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour la réplique.

M. Christophe Priou. Je vous remercie, madame la ministre.

Il est évident que ce contournement est attendu et doit s’inscrire dans le projet stratégique pour les mobilités du Grand Ouest. En commission, nous avons souvent l’occasion de rappeler les conséquences de l’abandon par le Gouvernement du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : il nous faudra, sur ce dossier comme sur d’autres, des mesures compensatoires extrêmement fortes et qui s’inscrivent dans le contrat d’avenir promis par l’État, à l’occasion de cet abandon.

axe rhône-saône-moselle et place des transports en lorraine

Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, auteur de la question n° 471, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

M. François Grosdidier. Madame la ministre, l’axe Rhône-Saône-Moselle était déjà le premier axe nord-sud de l’Europe à l’époque romaine. Aujourd’hui, tout y dysfonctionne, en raison d’une série de non-décisions ou de mauvaises décisions ; et le pire est pour demain.

La route de la soie arrive au port de Rotterdam, se prolonge par le chemin de fer jusqu’à Bettembourg, puis se diffuse vers le sud par notre réseau routier et autoroutier, nous engorgeant, nous polluant. Le gouvernement français en répercute le coût sur les usagers français, après avoir renoncé à faire payer le transit international au travers de l’écotaxe poids lourds, alors que celle-ci existe chez nos voisins européens.

La première mauvaise décision a donc été l’abandon de cette taxe, qui aurait pourtant permis de faire payer au transit international ces infrastructures qu’il use, mettant ainsi en pratique le principe du pollueur-payeur.

Ce fiasco s’est soldé par le versement d’un milliard d’euros d’indemnité à Ecomouv’, par un manque à gagner, chaque année, d’un milliard d’euros pour financer nos infrastructures de transport et par la perte de centaines d’emplois promis à Metz en compensation des restructurations militaires.

Faute d’écotaxe, ce sont les Lorrains, dont les cent mille travailleurs frontaliers, qui devraient payer un péage sur l’autoroute A31 bis, pour rejoindre le Luxembourg, comme vous l’avez décidé le 24 septembre dernier. Cela représenterait jusqu’à 6,36 euros par automobiliste. Faute d’écotaxe, ce sont tous les automobilistes français qui sont taxés et, acculés, sans autre solution, ils se révoltent en mettant leur gilet jaune.

Première question : pourquoi ne mettez-vous pas en place cette écotaxe ?

Vous avez annoncé ici même, le 5 juin dernier, l’abandon par le Gouvernement du projet de liaison fluviale Saône-Moselle, en m’expliquant que son coût était insoutenable pour la France. Mais il s’agit d’un projet européen. D’où ma deuxième question : allez-vous porter et défendre ce projet au niveau pertinent, l’Europe ?

Cerise sur le gâteau, nous avons appris le 26 septembre dernier la suppression de la liaison ferroviaire Metz-Nice. Pour rallier le sud de la France, les Lorrains doivent passer par Strasbourg ou par Paris…

Cette décision, qui pénalisera les nombreux voyageurs - hausse du prix des billets, multiplication des contraintes pratiques – est en outre une absurdité sur plan écologique. D’où ma troisième question : allez-vous rétablir la liaison ferroviaire directe entre Metz et Nice, et, troisième question bis, allez-vous enfin réduire l’embouteillage ferroviaire à Lyon, qui empêche le développement de l’autoroute ferroviaire Bettembourg-Perpignan ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Grosdidier, avant toute chose, je souhaite réaffirmer ici que le Gouvernement n’a pas l’intention de restaurer le système de l’écotaxe.

Toutefois, vous le savez, nous sommes confrontés à plusieurs défis ; l’état de nos réseaux de transport s’est fortement dégradé depuis de trop nombreuses années. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’inscrire dans le projet de loi sur les mobilités une programmation sincère des infrastructures, qui prévoie une augmentation de 40 % de l’investissement dans les systèmes de transport au cours des cinq prochaines années. En 2019, cette augmentation des investissements est assurée par redéploiement au sein du budget de l’État, mais il faudra, à partir de 2020, une ressource nouvelle et durable à hauteur de 500 millions d’euros.

Pour ce qui concerne le secteur septentrional de l’A31 bis, la réalisation d’un contournement de Thionville en tracé neuf est nécessaire. Un débat public sur les différentes options de tracé vient d’être lancé, puis une décision ministérielle fixera les conditions de réalisation, notamment au sujet de la mise en place d’un péage qui permettra de financer et de réaliser les travaux dans un délai raisonnable. Je sais la contrainte financière que représente ce péage pour les usagers de l’A31, mais il est indispensable pour répondre rapidement aux difficultés qu’ils connaissent.

J’en arrive au projet « Saône-Rhin Saône-Moselle » que vous appelez de vos vœux. Ce projet de 350 kilomètres de voies navigables a un coût de l’ordre de 15 milliards d’euros. Malgré l’impact économique de ce projet sur la région, le coût de l’infrastructure paraît hors de portée des financements envisageables, même en intégrant le soutien de l’Union européenne. Il ne peut donc malheureusement pas constituer une réponse avant un horizon de long terme.

Enfin, en ce qui concerne la liaison en train à grande vitesse, ou TGV, entre Metz et Nice, la gare de Lyon Part-Dieu connaît précisément des travaux importants jusqu’en 2023 – un débat aura lieu en 2019 sur le nœud ferroviaire lyonnais –, ce qui limitera la capacité d’accueil et entraînera des modifications de dessertes.

Pour compenser cette situation, SNCF Mobilités a proposé un départ depuis Nancy reliant Strasbourg à Marseille et à Nice, et le prolongement de la liaison TGV entre Montpellier et Strasbourg jusqu’à Metz, pour renforcer le lien avec l’arc méditerranéen. La SNCF a rencontré les élus pour leur présenter ces propositions, en lien avec la région Grand Est.

Par ailleurs, un groupe de travail se réunira autour des sujets de desserte ferroviaire pour aborder en amont les évolutions de dessertes de TGV et de trains express régionaux, les TER.

Enfin, je précise que la loi pour un nouveau pacte ferroviaire impose la création de comités de desserte au sein desquels les élus seront représentés.

développement des trains intercités de nuit

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteur de la question n° 488, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, à l’heure actuelle, de nombreuses villes demeurent à cinq heures de train de Paris, et les temps de trajet sur les transversales, vers Lyon, Strasbourg, Nantes, Lille ou Nice, sont souvent de plus de sept ou huit heures. Dans ces conditions, il peut sembler opportun de mettre en avant une mobilité pratique pour de tels temps de trajets et, en la matière, les trains Intercités de nuit présentent de nombreux avantages.

Ils permettent par exemple d’arriver tôt le matin ou de partir après une journée de travail, et d’arriver en centre-ville. Ils constituent également un complément efficient aux lignes à grande vitesse et, dans l’hypothèse d’une rénovation de qualité du confort des voitures, ils pourraient représenter une offre de mobilité touristique attractive.

À l’étranger, un opérateur autrichien a démontré que les Intercités de nuit, avec un bon niveau de service, peuvent réaliser des bénéfices. Pourtant, en France, cette qualité de service est très basse, et ces trains de nuit subissent de nombreuses annulations et déprogrammations.

L’unique train Intercités de nuit actuel pour le Sud-Ouest dessert déjà quatre destinations : Rodez, Toulouse, Latour-de-Carol et Portbou. Il n’y a pas assez de voitures pour chacune d’entre elles – seulement trois pour Rodez et pour Latour-de-Carol, et ce train affiche souvent complet. Les horaires ne peuvent être optimisés pour autant de destinations disparates et, surtout, la desserte des Hautes-Pyrénées, département dont je suis élue, a été oubliée.

Je regrette bien évidemment cet oubli, comme je regrette fortement la suppression récente de la liaison de nuit Paris-Tarbes-Hendaye, la célèbre Palombe bleue. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation déséquilibrée en termes d’aménagement et face à un enjeu d’équité territoriale.

À l’aube du projet de loi sur les mobilités, et au moment où vous venez d’annoncer le maintien et la rénovation des lignes reliant Paris aux Pyrénées-Orientales, d’un côté, et aux Hautes-Alpes de l’autre, l’État serait-il prêt à améliorer, dans les mêmes conditions, la desserte du Sud-Ouest avec un deuxième train Intercités de nuit reliant les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Artigalas, vous m’interrogez sur la desserte par train de nuit des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, ainsi que sur l’éventualité d’ouvrir une seconde ligne desservant ces régions.

J’ai récemment eu l’occasion d’emprunter le train de nuit pour un déplacement dans les Hautes-Alpes et je suis, comme vous, convaincue que c’est une bonne solution pour l’accessibilité de certains territoires et un atout pour leur développement économique et touristique.

C’est la raison pour laquelle je réaffirme ici mon engagement à maintenir les deux lignes existantes de train de nuit, Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol- Perpignan-Cerbère. La convention d’exploitation actuelle, qui échoit en 2020, sera donc reconduite au-delà.

C’est un effort significatif, car le subventionnement de ces lignes représente plus de 20 millions d’euros par an.

En outre, l’État a également décidé de financer à hauteur de 30 millions d’euros la rénovation du matériel roulant, afin de le mettre aux standards actuels de confort, avec notamment le remplacement des couchettes, l’installation de prises électriques et l’équipement en Wi-Fi. Les travaux commenceront dès l’an prochain.

Néanmoins, ouvrir une seconde ligne de nuit desservant les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie ne paraît pas envisageable aujourd’hui dans le cadre de la convention financière des trains d’équilibre du territoire. En outre, la ligne à grande vitesse qui relie Paris à Bordeaux en deux heures et à Bayonne en quatre heures a sensiblement amélioré l’offre dans le Sud-Ouest. Pour autant, je reste ouverte à toute proposition émanant de collectivités territoriales qui permettrait d’envisager l’exploitation de telles dessertes.

Enfin, je vous le rappelle, à compter de 2020, un opérateur pourra librement mettre en place de tels services s’il le souhaite.