Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur la sécurité sanitaire.

La France dispose de l’un des meilleurs systèmes au monde. C’est ce que rappelle un récent classement international. Même si le risque zéro n’existe pas, et c’est tout le problème, il faut en être fier.

Ce n’est pas pour autant que la France doit se reposer sur ses lauriers. Les défis sanitaires auxquels elle va devoir faire face sont nombreux, comme en témoigne le risque d’épidémie de peste porcine auquel la France est désormais exposée.

Or le budget du programme « Sécurité et qualité sanitaires » affiche un recul, certes comptable, mais un recul tout de même.

Parmi les principaux problèmes posés à notre sécurité sanitaire, le Sénat n’a de cesse de dénoncer les importations de denrées alimentaires de pays tiers ne respectant pas les normes européennes. Les résultats des contrôles aux importations sur ces produits sont en effet très préoccupants.

On peut estimer aujourd’hui qu’au moins un produit importé de pays tiers sur dix ne respecte pas les normes sanitaires et phytosanitaires européennes. Il est parfois de plus de 25 %. Rien que pour les produits issus de l’agriculture biologique, il est, par exemple, de 17 %. Je vous laisse y réfléchir, mes chers collègues. Et ces chiffres ne prennent pas en compte le taux de non-conformité des importations venant de pays de l’Union européenne, plus difficile à mesurer, et sans doute encore plus élevé.

Cette situation est intenable !

D’une part, elle pose d’immenses problèmes sanitaires, car ces importations nuisent à une bonne protection des consommateurs. D’autre part, ces importations constituent une concurrence déloyale massive pour nos agriculteurs français. Comment peut-on leur demander d’augmenter leurs standards de production tout en favorisant l’importation de produits ne les respectant pas ?

Le seul moyen de lutter contre ce phénomène, c’est d’accentuer les contrôles et de renvoyer une fois pour toutes tous les produits non conformes pour faire comprendre aux autres pays que la France est inflexible. Comment voulez-vous assurer un contrôle efficace quand l’État dépense moins de 10 millions d’euros par an pour contrôler l’ensemble des denrées alimentaires importées ?

Cela représente – je sais que vous êtes sensible à cette formule, monsieur le ministre – les recettes que l’État encaisse au titre de trois tirages du Loto ! Trois tirages du Loto pour la sécurité sanitaire des Français et la compétitivité de notre agriculture, cela ne paraît vraiment pas cher payé.

Depuis la loi ÉGALIM, l’autorité administrative doit prendre toutes les mesures de nature à faire respecter le principe d’interdiction à la vente de produits non autorisés dans l’Union européenne. Il est temps, monsieur le ministre, de prendre les mesures exigées par la situation et, surtout, de répondre aux obligations fixées par la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Gremillet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tant que j’aurai de la voix, je dirai et redirai ce chiffre effroyable, qui a déjà été évoqué : un agriculteur se suicide tous les deux jours ! Pour quelle autre profession accepterait-on ce tragique constat ?

Monsieur le ministre, vous l’avez dit vous-même sur ces travées, les lois agricoles se succèdent, mais rien n’y fait.

Ce malaise paysan reflète le malaise de notre société, car les enjeux que l’agriculture englobe sont universels : indépendance alimentaire, qualité alimentaire, santé publique, emplois non délocalisables, attentes sociétales, aménagement du territoire, lutte contre les incendies.

Vous avez affirmé une ambition pour la politique agricole. Pour vous avoir côtoyé de près dans vos combats dans nos rangs au Sénat, je crois en votre sincérité et en votre connaissance du terrain. Pour autant, vous le savez, ce n’est pas vous seul qui allez décider. Pour concrétiser des ambitions, il faut s’en donner les moyens, et ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux de l’agriculture française.

Parlons méthode, tout d’abord. Votre prédécesseur avait mis en place les États généraux de l’alimentation. J’avais salué et même participé à ces ateliers, qui consistaient à placer autour d’une même table tous les acteurs de la chaîne.

L’intention s’est arrêtée en cours de route : la loi ÉGALIM a permis quelques avancées, mais elle a provoqué les inquiétudes des filières et des organisations syndicales. Face à la guerre des prix de la grande distribution, la recherche d’un prix juste pour le producteur n’a rencontré aucune solution.

La suppression annoncée de l’allégement des charges pour les TO-DE, maintenu, mais à la baisse, jusqu’en 2020, malgré une volonté forte du Sénat de pérenniser cette mesure, nous entraînera forcément à une perte de compétitivité. Après 2020, certaines filières seront condamnées : pommes, poires, horticulture…

Concernant la PAC, si nous prônons le maintien du budget agricole, ce n’est pas seulement dans des objectifs comptables. C’est parce qu’il faut regarder au-delà de l’Union européenne pour se rendre enfin compte que l’agriculture est une politique éminemment essentielle.

La Chine, le Brésil, les États-Unis, qui ont bien compris les enjeux d’une politique agricole engagée et soutenue, ont augmenté leur budget pour soutenir leurs filières.

Dans un contexte mondialisé et de libre-échange, où notre compétitivité se heurte à des iniquités tout aussi sociales que normatives, nous avons de grands doutes sur l’avenir de notre politique agricole commune.

Nourrissant de grands espoirs au sujet des États généraux de l’alimentation, mon groupe s’était abstenu l’an dernier. En revanche, monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain ne peut qu’être opposé à ce budget en baisse pour 2019.

Je vous donne rendez-vous dans un an, mais je pense que, malheureusement, il n’y aura eu aucune redistribution de la valeur. Les paysans, une fois de plus, en subiront les conséquences et resteront dans le désespoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mercredi 18 avril 2018 au matin, alors que j’étais en commission des affaires étrangères, j’ai reçu un message qui m’a bouleversé : mon neveu Jean-Louis, agriculteur, venait d’être retrouvé mort au volant de son tracteur. En prenant la parole aujourd’hui, je souhaite lui rendre hommage, ainsi qu’au monde agricole, qui travaille par amour de la terre au prix de nombreux sacrifices et pour de faibles rémunérations.

Notre monde est aujourd’hui confronté à des enjeux capitaux : changement climatique, explosion démographique, épuisement des énergies fossiles, vieillissement et dépendance, inégalités croissantes, déséquilibres socio-économiques, perte de biodiversité. Tous ces défis sont complexes, car ils sont interdépendants. Ils nécessitent l’alliance de nombreux acteurs, s’inscrivent dans le long terme et ne s’accommodent pas de réponses simplistes. Une chose est sûre : l’agriculture, que ce soit à l’échelon national ou au niveau européen, a un rôle crucial à jouer.

L’agriculture française présente un bilan de santé contrasté. Si la France compte des champions agro-industriels, des entreprises intermédiaires innovantes très compétitives sur des marchés mondialisés, plusieurs signaux d’alerte montrent que le secteur vit des mutations profondes et souvent douloureuses.

De nombreuses exploitations sont aujourd’hui en détresse, et un agriculteur sur quatre en France vit sous le seuil de pauvreté. Les raisons de cette paupérisation sont bien connues : elles tiennent à la fois à la dérégulation des marchés agricoles et, surtout, à la très inégale répartition de la valeur dans les filières agricoles et alimentaires.

La profession d’agriculteur est le deuxième métier le plus dangereux au monde, avec des conditions de travail difficiles, un isolement fort, des accidents de travail bien trop nombreux. Nous avons, en tant qu’acteurs publics, une responsabilité à assumer face à ce triste constat. C’est la catégorie socioprofessionnelle la plus à risque : la mortalité par suicide chez les agriculteurs est de 20 % à 30 % supérieure à la moyenne de la population. Comme l’a rappelé Henri Cabanel, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France ; on ne peut continuer à passer cela sous silence.

Eu égard à l’enjeu humain, ce projet de budget 2019 n’est pas assez ambitieux : relativement stable, il s’inscrit dans la continuité d’une politique menée depuis des années, avec la reconduction de la plupart des dispositifs. Il prend trop peu en compte les grands défis auxquels est confronté ce secteur. Il faut absolument adopter un nouveau regard sur l’agriculture française, changer de paradigme en matière de politiques publiques pour favoriser et mieux prendre en compte la diversité des agriculteurs et des agricultures.

Il convient également de la sécuriser, de la valoriser et de la rendre plus attractive, pour qu’elle soit durable, équitable et performante.

La sécuriser, car 2019 sera sans conteste une année charnière pour l’agriculture, qui fera face à de nombreuses incertitudes, avec notamment la gestion du Brexit, la réduction de 15 % des crédits de la PAC, et une concurrence toujours plus forte, souvent trop déloyale.

La réforme de la fiscalité agricole reste trop frileuse pour sécuriser le secteur agricole. Nous pouvons saluer le dispositif unique de déduction reposant sur la constitution d’une épargne de précaution. Cela permettra d’aider nos agriculteurs à faire face aux aléas de plus en plus fréquents grâce à des outils fiscaux leur permettant d’améliorer leur résilience et leur compétitivité, tout en leur assurant des revenus stables. Nous approuvons aussi le maintien du taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques sur le secteur non routier pour l’agriculture.

En revanche, nous ne pouvons, en aucun cas, soutenir la suppression du dispositif d’exonération des charges pour les travailleurs saisonniers. Je salue d’ailleurs la position du Sénat, qui a défendu le maintien en sa forme actuelle au-delà de 2021, et la dernière position de l’Assemblée nationale, qui semble tendre vers un compromis acceptable.

Nous regrettons également la diminution des crédits prévus pour la réserve de crise et considérons qu’il serait souhaitable d’augmenter davantage les fonds à destination des zones à handicap naturel.

Nous souhaitons que soient valorisées nos filières agricoles en soutenant davantage l’enseignement agricole. Le budget restera stable en 2019. Il faut diversifier leurs activités, promouvoir les filières innovantes. Il s’agit de relever le défi et d’anticiper les métiers de demain.

Cette valorisation passe également par une meilleure communication sur la sécurité alimentaire des productions agricoles françaises : les règles sanitaires appliquées sont parmi les meilleures, mais aussi les plus contraignantes au monde. C’est pourquoi il est nécessaire, en parallèle, de renforcer le contrôle des importations. Il est également essentiel de lutter contre le recul du nombre de vétérinaires dans nos campagnes et de revaloriser les organismes gérant la sécurité alimentaire. Nous ne devons plus connaître de crises sanitaires, comme ce fut le cas par le passé.

Nous approuvons le maintien des mesures agroenvironnementales et climatiques. L’agriculture doit être écologiquement responsable et économiquement forte.

Cette agriculture, notre agriculture, nous devons aussi la rendre attractive en mettant en lumière le savoir-faire de nos agriculteurs, en développant des circuits courts, qui répondent aux demandes des consommateurs, en soutenant la recherche et l’innovation, en valorisant des méthodes de production respectueuses de l’environnement, tout en assurant des rendements suffisants.

L’installation des jeunes et la reprise des exploitations doivent aussi être un point essentiel. On constate dans certaines régions, dans la mienne par exemple, une réduction des surfaces agricoles. Dans la Loire-Atlantique, le fort développement des agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire conduit à une pression très forte sur les terres agricoles. La façade maritime et l’activité touristique associée contribuent également à la diminution de la surface agricole utile qui, forte de 457 000 hectares aujourd’hui, se réduit chaque année d’environ 2 500 à 3 000 hectares – il nous faut réagir.

Nos agriculteurs participent activement à la revitalisation des territoires ; ils sont les premiers gestionnaires des ressources naturelles françaises.

Concernant la politique forestière, nous regrettons qu’une trop grande dispersion des financements publics conduise à un manque de visibilité et de cohérence.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », car ils ne sont pas à la hauteur de ces ambitions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.

Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui une période de transition de notre modèle agricole et de nos habitudes alimentaires. Nous ne devons pas rater ce rendez-vous et nous devons accompagner ces changements vers plus d’agriculture biologique et plus de sécurité sanitaire pour tous.

Aussi, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2019 a plusieurs ambitions.

Le premier objectif, et le plus important, est de donner à la France les moyens de rester souveraine sur le plan alimentaire. La balance commerciale continue aujourd’hui d’être excédentaire, et nous devons pérenniser cette situation par une montée en gamme de certains produits agricoles, pour obtenir, notamment, de meilleurs débouchés à l’international et assurer le développement d’une agriculture plus productive.

Par ailleurs, le caractère sociétal des débats qui ont lieu depuis maintenant quelques années a changé le paradigme par lequel les politiques, les médias et une grande partie de la population font une approche de l’agriculture et de l’alimentation. Il est devenu indispensable de produire une nourriture de qualité et dont le prix soit juste pour le producteur et l’acheteur.

C’est tout le sens des mesures que le Parlement a adoptées dans le cadre de la loi ÉGALIM, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, qui permettra à la France d’accomplir les transitions nécessaires.

Ainsi, nous devons tenir compte du mal-être d’une trop grande partie de nos paysans et de nos pêcheurs, qui méritent comme les autres de vivre dignement de leur travail et de leur production.

Au titre de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le Gouvernement demande l’ouverture de 2,77 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,86 milliards d’euros en crédits de paiement.

Tout d’abord, la mission que nous examinons aujourd’hui doit se lire en parallèle avec la réforme fiscale prévue dans la première partie du projet de loi de finances pour 2019.

Avec le Parlement, le Gouvernement souhaite, comme il s’y était engagé l’année dernière, simplifier les modalités de recours à l’épargne de précaution afin que les agriculteurs puissent faire face efficacement aux aléas de plus en plus importants auxquels ils sont exposés. En effet, l’article 18 du projet de loi de finances pour 2019 supprime la déduction pour aléas , la DPA, ainsi que la déduction pour investissement, la DPI, et crée la déduction pour épargne de précaution, la DEP.

Le projet de budget que vous soumettez au vote du Parlement, monsieur le ministre, est cohérent et traduit une certaine stabilité par rapport au budget de l’année dernière, puisque celui-ci est sensiblement identique. Comme vous avez déjà pu l’expliquer, la baisse de 500 millions d’euros correspond en grande partie aux allégements de charges sociales, qui sont passées sur le budget de la sécurité sociale, car il ne s’agit pas d’actions de développement agricole évidentes.

Par ailleurs, la provision pour aléas sera ramenée de 300 millions d’euros à 200 millions d’euros, une baisse qui n’affectera pas le développement économique ni l’aide aux agriculteurs et à la transformation de l’agriculture, mais qui s’opère dans une période où nous sommes confrontés à plusieurs crises déclarées, notamment le phénomène de sécheresse, que je n’ai cessé de dénoncer ici même. En cas de nouvelles difficultés, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à répondre de manière efficacement aux exploitants agricoles en difficulté.

Mes chers collègues, nous pouvons dire que, à périmètre constant, le budget est préservé, et notre ambition est maintenue.

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » traduit donc plusieurs ambitions, notamment celle de l’augmentation significative de l’agriculture bio. Plusieurs mesures budgétaires, à l’instar de la loi ÉGALIM, viennent traduire le programme Ambition Bio 2022, présenté en juin dernier par le Gouvernement.

Notons une augmentation pour la redevance pour pollution diffuse et le doublement progressif des moyens du fonds de structuration Avenir Bio, dont l’enveloppe sera portée de 4 millions d’euros à 8 millions d’euros. Notons aussi la subvention attribuée à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, l’Agence Bio, qui sera portée de 5,43 millions d’euros à 10,7 millions d’euros.

Je salue également la volonté de développer l’expérimentation des fermes Dephy, en transférant quelque 450 millions du programme « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » » au programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». Par ailleurs, le budget alloué au secteur de la forêt et du bois bénéficie d’une augmentation substantielle de 250 millions d’euros.

À ce budget de 4,6 milliards d’euros s’ajoutent évidemment les crédits de la PAC – plus de 9 milliards d’euros – et les allégements fiscaux. Cumulés, ce sont 23,4 milliards d’euros que nous consacrerons l’année prochaine à l’aide directe à l’agriculture, soit une augmentation de 6 %.

Pour conclure, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est à la hauteur des enjeux (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)

Mme Cécile Cukierman. J’imagine !

Mme Noëlle Rauscent. … et il traduit, conjointement avec la loi ÉGALIM, l’ambition d’une transition multiforme : une transition économique, avec l’inversion de la construction du prix, et une transition écologique, en favorisant une agriculture moins consommatrice d’eau et de produits phytosanitaires.

Comme le Président de la République s’y est engagé, la France sortira du glyphosate en 2021. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Roger Karoutchi. Alors ça…

Mme Cécile Cukierman. Donc, tout va bien !

Mme Noëlle Rauscent. Il faut maintenir le cap pour que la France soit le leader européen de l’agriculture bio en 2022. (Mêmes mouvements.)

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. C’est mal parti !

Mme Noëlle Rauscent. Ce budget traduit enfin une transition sanitaire, avec une meilleure traçabilité des produits. Nous devons absolument combattre le développement d’une agriculture à deux vitesses : une agriculture sûre – bio, mais surtout peut-être plus onéreuse – et une agriculture pour les plus défavorisés.

De toute façon, toute la société souhaite parvenir à un « mieux manger ». Le mieux manger pour tous, tel est l’objectif que nous devons avoir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, loin de moi l’idée de jouer la carte du pessimisme, mais, franchement, nous ne pouvons, encore une fois, que constater que le Gouvernement reste sourd face aux besoins du monde agricole !

Ce désir de raboter en général tous les crédits des missions, comme vous le faites avec la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ne passe plus auprès des agriculteurs. Dotée de 2,765 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,854 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission que nous étudions aujourd’hui connaît une baisse de près de 17 %.

Année après année, le constat amer est le même : vous tournez le dos à nos agriculteurs, aux consommateurs, à l’ensemble de nos concitoyens.

Même si vous répétez inlassablement que la baisse du soutien à l’agriculture via cette mission n’est qu’apparente, car elle est amputée des allégements de charges désormais intégrés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’en demeure pas moins vrai que cette baisse ne représente qu’un coût de 272 millions d’euros, et non de 552 millions d’euros comme c’est le cas actuellement !

Je l’ai dit, comme pour d’autres missions, le soutien de l’État passe de plus en plus par des allégements fiscaux et sociaux, aux dépens des soutiens aux crédits, qu’ils soient européens ou nationaux, et cela marque, de fait, le désengagement de l’État.

Nous partageons d’ailleurs le constat des rapporteurs spéciaux, les dépenses de soutien aux exploitations agricoles, absolument nécessaires à la viabilité de nombre d’entre elles, demeurant sans tonus.

Ainsi, tous les programmes connaissent des baisses, mais la plus forte est celle qui porte sur le programme 149, « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », qui perd 154 millions d’euros.

Pourtant, ce programme concerne les principaux dispositifs structurants de l’agriculture, notamment le cofinancement national des mesures de développement rural de la PAC : soutien à l’élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles, installation des jeunes agriculteurs, accompagnement des projets d’investissement des exploitations agricoles, mesures agroenvironnementales.

En entrant dans le détail des crédits, c’est moins 90 millions d’euros de crédits pour l’action n° 27, Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions. Or cette action regroupe les moyens dévolus aux opérateurs tels que l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, l’Agence BIO, FranceAgriMer, l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer, l’Agence de services et de paiement ; la liste n’est pas exhaustive.

C’est moins 8,4 millions d’euros pour l’action n° 06, Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation, et moins 18 millions d’euros pour l’action n° 01, Moyens de l’administration centrale.

Monsieur le ministre, c’est encore moins 8 millions d’euros pour les DRAAF, les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, et les DDT, les directions départementales des territoires. C’est toujours moins !

Dès lors, comment croire que ce budget permettrait tout à la fois de mener des actions de développement agricole et d’assurer la préservation de l’environnement, la transition vers l’agroécologie, le développement du bio et la meilleure protection sanitaire possible ? Comment croire qu’il sera possible de toujours faire mieux avec moins, alors que notre agriculture est aujourd’hui sinistrée !

Comme cela a été souligné lors de nombreux débats, vous affichez sur tous les terrains une préoccupation environnementale, mais les actes ne suivent pas ! Ils sont même en parfaite contradiction. La transition, c’est le changement, mais vous supprimez les moyens humains, et ce à tous les niveaux, alors qu’ils sont indispensables pour accompagner les agriculteurs vers l’agroécologie.

Ici même, lors du débat sur le CETA, l’accord économique et commercial global, mais aussi sur le Mercosur ou l’accord avec la Nouvelle-Zélande, nous avions pointé les risques pour certaines filières comme la filière viande, notamment, et nous avions répété nos inquiétudes lors du débat sur le Brexit.

Alors qu’il faudrait renforcer le soutien à nos filières, ainsi que les moyens attribués aux administrations de contrôle, c’est l’option inverse que vous choisissez ! Comment allons-nous, demain, contrôler les dizaines de milliers de tonnes supplémentaires de viande bovine importées du Canada, du Mercosur ou de la Nouvelle-Zélande ? Comment être sûr que ces viandes auront été produites sans antibiotiques, sans hormones, sans alimentation animale issue de sols traités avec du glyphosate ?

D’ailleurs, l’actualité récente nous donne raison, puisque Le Monde a découvert que 150 tonnes d’aliments contaminés par un OGM non conforme aux réglementations européennes à destination du bétail français ont été distribuées à trois fabricants et douze éleveurs. D’après des associations de consommateurs, vingt pays sont aujourd’hui touchés par ces denrées contaminées.

Il faut absolument condamner le manque de traçabilité en Europe : il a fallu plus d’un mois et demi avant que les autorités ne se saisissent du problème et que la société incriminée puisse donner aux États les éléments nécessaires pour retracer les lots infectés. De quoi compliquer ce travail de traçabilité !

Enfin, dans ce contexte de libéralisation croissante des échanges, nous ne pouvons nous satisfaire que la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ait été moins rabotée que les autres. Non, monsieur le ministre, franchement, les agriculteurs ne peuvent se soumettre à l’adage : « Faute de grives, on mange des merles ! »

Notre pays est frappé par un véritable agri-bashing, alors qu’il doit aujourd’hui apporter un soutien réel à l’ensemble du monde agricole, du monde paysan. Comme cela a été rappelé, l’agriculture permet à des femmes et à des hommes de vivre de leur travail et, tout simplement, aux millions de Français de se nourrir. La question de la qualité alimentaire, de l’accès de toutes et tous à cette qualité alimentaire, est un débat qui est encore devant nous.

Ne soyez pas surpris, nous ne voterons bien évidemment pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)