Mme la présidente. L’amendement n° 638, présenté par M. Gay, Mme Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sur option du bénéficiaire, le plan peut également faire l’objet d’un versement du capital constitué.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous abordons ici l’un des gros morceaux du projet de loi PACTE. Ce seul sujet aurait mérité de faire l’objet d’un projet de loi spécifique.

Une fois encore, dès lors qu’il est question d’épargne retraite, on voit réapparaître la controverse entre capitalistes et rentiers. Les instruments financiers constitués par ces plans d’épargne retraite ne peuvent offrir, dans la conception de leurs initiateurs, qu’une seule issue possible : la sortie en rente viagère. Ce projet de loi en est une nouvelle illustration.

Concrètement, une sortie en rente viagère permet aux entreprises gestionnaires de l’épargne de placer pendant de longues années le produit de la collecte et de continuer à le faire après le dénouement du contrat. Les fonds sont en effet placés tout au long de la période de cotisation, mais aussi après que la rente commence à être versée. Aucun autre choix n’est possible : pas de sortie en capital, uniquement une sortie en rente viagère !

Une telle orientation ne peut évidemment pas recevoir notre assentiment, car, au-delà de la méthode mise en œuvre par le Gouvernement, une telle réorientation de l’épargne des salariés s’apparente presque, même si le mot est un peu fort, à une confiscation, puisque le salarié, toute sa vie durant, retraite comprise, ne pourra plus avoir la libre disposition de son épargne.

Dans la pratique, nous aurions donc des salariés épargnant toute leur vie professionnelle pour percevoir, une fois à la retraite, une rente viagère non indexée sur l’inflation, subissant les effets des aléas boursiers et de l’érosion monétaire, la conclusion étant le décès du bénéficiaire…

Il va sans dire qu’une telle démarche ne peut pas nous agréer. Il est indispensable que la sortie en capital soit autorisée, notamment pour tous les salariés qui, proches de la fin de leur carrière professionnelle, n’auront pu cotiser suffisamment longtemps pour constituer une épargne digne de ce nom.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Monsieur Gay, vous plantez d’emblée le décor, mais je pense que vous faites une lecture incomplète de l’article, dans la mesure où celui-ci prévoit différentes possibilités de sortie : en rente, en capital, en capital fractionné ou mixte.

Il me semble bon que ce projet de loi traite de la retraite. Si l’entreprise doit prendre toute sa place dans la société, il faut considérer également le facteur d’inclusion, de cohésion et d’intégration qu’elle représente pour les salariés et le rôle qu’elle joue pour le bon fonctionnement et le redressement du pays. Nous devons faire France ensemble, notamment en matière de retraite.

La commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

Je suis quelque peu surpris de l’argumentaire de M. Gay, car je m’attendais à ce qu’il reproche au Gouvernement de laisser trop de liberté à l’épargnant. En effet, le fond de notre proposition de transformation de l’épargne retraite consiste à donner la liberté de choix au salarié. Telle est l’évolution majeure nous vous proposons.

Or vous parlez de « confiscation ». Nous ne sommes pas dans une économie soviétique, nous ne confisquons rien du tout ! Nous donnons au contraire de la liberté aux épargnants et aux salariés.

Je voudrais rappeler l’enjeu qui sous-tend cet article, absolument essentiel. L’objectif est de conjuguer liberté pour les salariés et meilleur financement de notre économie. En effet, si nous voulons avoir plus de croissance, si nous voulons que nos PME puissent grandir, nous devons, j’en suis convaincu, changer les modalités de financement de notre économie. Nous nous finançons trop par la dette, qui coûte cher, et pas assez en fonds propres. Le développement de l’épargne retraite vise à permettre aux entreprises de se financer différemment.

Il est très intéressant d’examiner comment les Français placent leur argent. Leur préférence va, de très loin, à l’assurance vie, dont l’encours a dépassé les 1 700 milliards d’euros. L’épargne retraite, elle, ne représente que 220 milliards d’euros, c’est-à-dire pas grand-chose.

La situation actuelle ne fait que des perdants : les entreprises ne peuvent se financer en recourant à l’épargne retraite, tandis que les salariés ne préparent pas suffisamment leur retraite, le montant de leur épargne retraite étant trop faible. C’est notre responsabilité, à nous élus ou ministres, d’offrir des dispositifs plus attractifs.

Pourquoi les Français boudent-ils l’épargne retraite ? La première raison est que, comme toujours en France, on a inventé un dispositif formidable sur le papier, mais si compliqué qu’une chatte n’y retrouverait pas ses petits. L’offre est multiple : chacun y est allé de son petit produit, avec son avantage, ses possibilités de sortie et sa fiscalité spécifiques. Pour notre part, nous voulons remettre de l’ordre dans le maquis de l’épargne retraite française. Entre le dispositif de l’article 83, le PERCO, le Madelin, etc., personne ne s’y retrouve, personne ne peut justifier que les règles soient différentes, alors que le principe est le même : épargner de l’argent en vue de sa retraite. Nous proposons d’instaurer la portabilité totale des produits et les mêmes règles pour tous les produits d’épargne retraite.

Soulignons une contradiction essentielle : nous ne cessons de dire aux Français qu’ils auront désormais plusieurs vies professionnelles. Ils le savent d’ailleurs beaucoup mieux que nous. Leurs qualifications professionnelles doivent donc évoluer au fil de leur carrière, et nous essayons de les accompagner dans ces transformations. Mais il faut aussi les accompagner financièrement : s’ils doivent changer de métier et d’entreprise, ils doivent pouvoir conserver leur épargne, et non pas être obligés de la liquider pour transférer les sommes vers le dispositif d’épargne retraite utilisé par leur nouvel employeur.

La complexité du dispositif actuel a tendance à décourager le salarié d’ouvrir un compte d’épargne retraite, sachant qu’il ne pourra pas le garder tout au long de sa vie professionnelle s’il change de métier.

Nous répondons à cette difficulté en garantissant la portabilité totale des produits d’épargne retraite. C’est la deuxième correction, la deuxième simplification que nous apportons.

La troisième – je sais d’ailleurs que la commission s’est penchée sur ce sujet et qu’elle fera, en la matière, des propositions, ce dont je veux remercier Jean-François Husson – est la suivante : nous entendons permettre aux salariés qui épargnent en vue de leur retraite de récupérer leur argent en cas de circonstance exceptionnelle. On m’objectera que telle n’est pas la finalité de l’épargne retraite. Certes, mais lorsque l’on achète son logement, on a besoin de financement, d’un apport, et on aimerait bien pouvoir puiser dans son épargne retraite.

Il se trouve qu’en outre – c’est, là encore, toute l’injustice du système français, qui a accumulé les complexités et les contradictions – certains le peuvent, et d’autres ne le peuvent pas. Ainsi ceux qui ont la chance d’avoir un PERCO ont le droit, eux, de le liquider pour acheter leur résidence principale, mais pas ceux qui ont d’autres produits d’épargne retraite : expliquez-moi pourquoi ! C’est incompréhensible, mais c’est ainsi.

Nous allons donc prévoir que, quel que soit le produit d’épargne retraite, le salarié pourra à tout moment, s’il souhaite acheter sa résidence principale, liquider son épargne retraite pour se constituer un apport.

M. le rapporteur propose d’aller plus loin, en étendant cette possibilité à un certain nombre d’autres événements de la vie. Nous allons en discuter. Cette discussion me semble utile : ces questions touchent vraiment la vie quotidienne de millions de nos compatriotes.

Quatrième point, le régime fiscal diffère aujourd’hui selon les produits : il est plus intéressant pour certains, moins pour d’autres. Là encore, l’épargnant est en droit de se poser des questions. Nous proposons d’harmoniser la fiscalité et nous prévoyons, élément absolument clef, que tous les versements volontaires effectués par les épargnants dans le cadre d’un produit d’épargne retraite, quel qu’il soit, pourront être déduits de l’assiette de leur impôt sur le revenu, jusqu’à concurrence de 31 000 euros par an. Cette déduction fiscale est considérable, et elle sera la même pour tous. Ce sera là une incitation extraordinaire à placer volontairement de l’argent sur un compte d’épargne retraite. Avec le prélèvement à la source, elle apparaîtra immédiatement.

Enfin, dernier point, peut-être le plus important, qui a fait l’objet de discussions philosophiques autant qu’économiques, ce qui devrait plaire à M. Gay : nous instaurons la liberté de choix à la sortie.

Je refuse de dicter aux épargnants la modalité de sortie de leur plan d’épargne retraite. Pourquoi saurais-je mieux que l’épargnant ce qui est bon pour lui ? S’il veut sortir en capital, il pourra le faire ; s’il veut sortir en rente, parce qu’il préfère toucher de façon régulière une somme plus modeste, il le pourra aussi : ce sera à lui de faire son choix. Ce n’est pas à l’État de le lui dicter pour faire son bonheur à sa place !

Liberté de sortie, en rente ou en capital ; déductibilité fiscale, jusqu’à 31 000 euros par an, des sommes versées volontairement sur le plan d’épargne retraite ; portabilité totale ; possibilité de sortie du plan d’épargne retraite pour acheter sa résidence principale : la somme de tous ces choix constitue une transformation majeure de l’épargne retraite, sans doute la plus importante depuis plusieurs décennies. Je compte bien qu’elle permette enfin aux Français d’accéder le plus largement possible à cette forme d’épargne.

M. Fabien Gay. Allons-y pour une deuxième discussion générale ! Il y a dix projets de loi dans ce texte…

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Je pense que la sortie en capital est dangereuse ; je veux y insister brièvement.

L’avantage du plan d’épargne retraite, c’est qu’il permet tant à l’entreprise qu’à l’épargnant de déduire fiscalement les cotisations. En contrepartie, lorsque l’on part à la retraite, on touche une rente viagère.

Avec la sortie en capital, le risque est que les retraités consomment celui-ci en quelques années et viennent ensuite se plaindre auprès de l’État de la faiblesse de leurs moyens.

En revanche, la possibilité de sortir en capital pour acheter sa résidence principale est plutôt bienvenue : devenir propriétaire de son habitation est un vrai moyen de préparer sa retraite.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Nous pouvons reconnaître un certain nombre de vertus aux propositions ici avancées. Les membres de notre groupe partagent cette volonté d’améliorer la participation, l’intéressement des salariés à la vie de l’entreprise, afin qu’ils se sentent véritablement concernés par les résultats, les bénéfices, les progrès réalisés.

Cela étant, ce ne sera peut-être pas non plus le paradis promis. Les choses ne se dérouleront pas forcément selon le scénario qui nous a été présenté.

M. Jean-François Husson, rapporteur. Ce n’est pas l’enfer non plus !

M. Jean-Louis Tourenne. D’une part, à défaut d’autre choix – encore faudrait-il que le salarié soit parfaitement informé –, c’est une gestion pilotée du PERCO qui prévaudra obligatoirement. Le choix est donc d’emblée largement limité. Je ne dis pas que cette situation présente des inconvénients ; je dis simplement les choses.

D’autre part, les possibilités de sortie se restreignent à l’achat de la résidence principale. Là encore, ce n’est pas forcément un mal, mais l’argent du salarié se trouve parfois immobilisé contre sa volonté.

Monsieur le ministre, vous nous dites que l’épargne populaire ne finance pas assez l’entreprise et qu’il faut améliorer cette situation. Nous sommes d’accord, mais, en même temps, l’épargne populaire n’est pas la principale ressource qui échappe au financement de l’économie et de nos entreprises.

M. Jean-Louis Tourenne. Sur la seule année 2017, les entreprises du CAC 40 ont réalisé 93 milliards d’euros de bénéfices, dont 57 milliards d’euros ont été distribués en dividendes : pour une grande part, ces sommes sont allées ailleurs qu’en France et n’ont pas servi à financer l’économie et l’industrie françaises. Seulement 5 % de ce montant a été versé aux salariés. C’est dire que si nous voulons véritablement financer notre économie, il serait bon d’augmenter la part des bénéfices qui revient aux salariés.

M. Fabien Gay. Oui ! Mais, vous dira M. le ministre, ce n’est pas l’objet du projet de loi…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 638.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 138, présenté par Mme Espagnac, MM. M. Bourquin, Lalande, Tourenne et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Du transfert par un titulaire, dans la limite du montant annuel prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, des bons ou contrats de capitalisation, détenus depuis plus de huit années, à l’exclusion des produits de la fraction en unités de compte.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement vise à permettre la transmission sans fiscalisation à la sortie des fonds d’une assurance vie en fonds euro détenue depuis plus de huit années vers le plan d’épargne retraite créé par la présente loi. Ce nouveau PER est simple, transférable, attractif fiscalement, et offre une grande liberté en matière de sortie. Il a vocation à devenir un véhicule universel de préparation à la retraite et à orienter une partie de l’épargne des Français vers le capital des entreprises de France, notamment des PME.

Selon un communiqué de la Fédération française de l’assurance en date du 30 mars 2017, 55 % des détenteurs d’un contrat âgés de 35 à 59 ans utilisent l’assurance vie pour préparer leur retraite. Une partie d’entre eux le font en plaçant leur épargne sur des fonds euro, qui offrent des rendements limités et obèrent la capacité des sociétés d’assurances à investir dans l’économie réelle.

Cet amendement vise donc à permettre à celles et ceux qui le souhaiteront de transférer leur épargne des fonds euro vers un plan d’épargne retraite sans frottement fiscal. Pour éviter de déstabiliser les fonds euro des assureurs, le montant pouvant faire l’objet d’un tel transfert est limité au plafond annuel de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable.

Je partage en partie la philosophie de cet amendement, mais son dispositif pose quelques difficultés.

La référence au plafond annuel de la sécurité sociale n’apparaît pas vraiment en lien direct avec la question prudentielle soulevée par les assureurs.

Par ailleurs, vous expliquez, ma chère collègue, qu’il n’y aura pas de frottement fiscal, mais aucun dispositif n’est prévu pour le garantir.

Deux questions sont en fait posées : celle de la transférabilité de l’assurance vie et celle du support d’épargne le plus approprié pour préparer sa retraite.

S’agissant de la transférabilité, nous aurons l’occasion d’en parler en discutant d’un amendement à l’article 21. Quant à la question du support d’épargne le plus approprié, il me semble que les dispositions de l’article 20 y répondent.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera également défavorable.

Je rappelle que des abattements fiscaux extrêmement généreux s’appliquent déjà, au bout de huit ans de détention du contrat, à l’assurance vie. Si l’on ajoutait encore un autre avantage fiscal, cela ferait beaucoup !

Mme la présidente. Madame Espagnac, l’amendement n° 138 est-il maintenu ?

Mme Frédérique Espagnac. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 138.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 132, présenté par MM. Tourenne et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Supprimer le mot :

financiers

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. La finance et l’économie sociale et solidaire, l’ESS, répondent à des logiques et à des règles différentes. Les marchés financiers sont cantonnés à certaines classes d’actifs. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ne sont pas, pour l’immense majorité d’entre elles, des entreprises émettant des actions.

Pour pouvoir investir dans les entreprises de l’ESS, les sociétés de gestion d’épargne salariale ont su, depuis vingt ans, innover et s’adapter. Ainsi, s’agissant de la part investie en actifs solidaires, 70 % des lignes d’investissement des fonds solidaires sont des billets à ordre et 30 % sont en capital.

Les billets à ordre, les parts sociales, les titres associatifs ne sont pas des titres financiers. Or l’article 20 réserve les avantages prévus aux titres financiers. Si rien n’est fait, les entreprises de l’ESS n’auront plus accès aux financements par les fonds d’épargne retraite solidaire.

Il est donc tout simplement proposé de supprimer le mot « financiers » après le mot « titres », afin de permettre aux fonds solidaires de recourir aux outils d’investissement adaptés à l’économie sociale et solidaire : parts sociales des SCIC, les sociétés coopératives d’intérêt collectif, et des sociétés anonymes coopératives, et surtout billets à ordre.

Cette mesure ne sera pas préjudiciable à la sécurité des investissements, puisque le même alinéa prévoit des garde-fous en renvoyant la délimitation du champ des titres éligibles à une liste fixée par voie réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption permettrait de flécher l’épargne vers des titres risqués. Nous aurons l’occasion, monsieur Tourenne, de revenir sur la question de la finance solidaire, avec de bonnes intentions.

La protection de l’épargne qui serait investie dans des billets à ordre et des titres associatifs est discutable. Or l’épargne retraite doit être investie dans des actifs sécurisés. Quand on parle retraite, on parle aussi sécurité et garanties, quelle que soit la sortie, en rente ou non.

En outre, la liste des titres pouvant être acquis dans le cadre de l’épargne retraite doit être fixée par voie réglementaire. Il faut simplement faire attention à ne pas donner trop de place au pouvoir réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

Je voudrais revenir un instant sur la question de la gestion pilotée, que le sénateur Tourenne a précédemment évoquée. Je rappelle qu’il s’agit d’une gestion pilotée par défaut : si l’épargnant veut choisir une autre forme de gestion de son épargne, il le peut.

La gestion pilotée par défaut a l’immense mérite d’être très cohérente avec le cycle de vie : on prend plus de risques au début, en investissant davantage en actions, et on privilégie la sécurité à la fin. Cette option nous paraît la bonne, mais le principe étant celui de la liberté, l’épargnant sera libre de choisir une autre modalité de gestion s’il le souhaite.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Sur la gestion pilotée, monsieur le ministre, je n’ai pas dit autre chose : j’ai bien dit qu’il s’agissait du mode de gestion par défaut.

M. Bruno Le Maire, ministre. Oui, je souhaitais juste le préciser.

M. Jean-Louis Tourenne. Je comprends bien les arguments avancés, les risques exposés. Il n’en reste pas moins que les réponses qui m’ont été données ne règlent pas le fond du problème.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez étudier la possibilité d’un financement des investissements des entreprises de l’économie sociale et solidaire par des moyens juridiquement adaptés et pas trop risqués.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 287 rectifié quater, présenté par MM. Temal et Tourenne, Mme Conway-Mouret, MM. Antiste, Jacquin, Kerrouche, Raynal et Mazuir, Mme G. Jourda, MM. Daudigny, Vaugrenard, Tissot, Manable et Cabanel et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 19, seconde phrase

Remplacer le mot :

différent

par les mots :

offrant une garantie du capital investi

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit de faire en sorte que les épargnants, en particulier modestes, soient exposés au moins de risques possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 17, qui prévoit que l’épargne doit être investie dans des titres financiers « offrant une protection suffisante », dont la liste exhaustive doit être fixée par décret en Conseil d’État. J’espère que cette précision vous rassurera, mon cher collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. Jean-Louis Tourenne. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 287 rectifié quater est retiré.

L’amendement n° 894 rectifié, présenté par MM. Patient, Théophile, Hassani et Dennemont, est ainsi libellé :

Alinéa 19, seconde phrase

Remplacer le mot :

notamment,

par les mots :

permettant notamment l’acquisition de part de fonds d’investissement de proximité mentionnés à l’article L. 214-31 du présent code, dont l’actif est constitué pour 70 % au moins de titres financiers, parts de société à responsabilité limitée et avances en compte courant émises par des sociétés qui exercent leurs activités exclusivement dans des établissements situés dans les départements d’outre-mer, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, ou

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Cet amendement vise à orienter une quote-part des placements dans les plans d’épargne retraite vers les FIP outre-mer, ou fonds d’investissement de proximité outre-mer, afin de permettre un rééquilibrage de l’investissement vers les sociétés des territoires ultramarins.

Ainsi, par ce mécanisme, une quote-part des placements pourrait être affectée aux zones où le PIB par habitant et/ou le seuil de pauvreté sont les plus bas. Un tel dispositif serait particulièrement pertinent s’agissant de zones comme la Guyane, où les besoins sont plus importants qu’ailleurs : le PIB par habitant n’y est que de 45 % de la moyenne nationale et 44 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre 14 % en moyenne sur le territoire national, alors que le seuil de pauvreté s’établit à quelque 1 000 euros par mois dans l’Hexagone, contre 500 euros par mois en Guyane…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car les fonds d’investissement de proximité n’offrent pas une protection suffisante de l’épargne. J’ai parlé, il y a quelques instants, de la nécessité d’investir dans des titres sécurisés, ce qui est loin d’être le cas des fonds d’investissement de proximité. Ces fonds doivent en effet être composés d’au moins 70 % de titres de PME régionales non cotées, dont 40 %, par exemple, à l’occasion d’une augmentation de capital.

Je le redis : en matière de dispositifs de retraite supplémentaire, il faut viser la sécurité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.

M. Georges Patient. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 894 rectifié est retiré.

L’amendement n° 133, présenté par MM. Tourenne et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Artigalas, MM. Durain et Lurel, Mme Tocqueville, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran, Fichet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le règlement du plan d’épargne retraite ayant donné lieu à l’ouverture d’un compte-titres prévoit, dans le cadre d’une allocation de l’épargne permettant de réduire progressivement les risques financiers, qu’une partie des sommes recueillies peut être affectée à l’acquisition de parts de fonds investis, dans les limites prévues à l’article L. 214-164 du présent code, dans les entreprises solidaires au sens de l’article L. 3332-17-1 du code du travail.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement a pour objet d’intégrer une option solidaire dans la gestion pilotée des PERCO.

En 2003 puis en 2010, les pouvoirs publics ont imposé aux entreprises l’obligation de proposer au moins un fonds solidaire dans l’offre de placement de l’épargne salariale, selon une proportion dite « 90-10 ». Cette mesure a été décisive pour la visibilité de l’épargne solidaire, qui concerne aujourd’hui 800 000 salariés.

Depuis 2009, on constate une montée en puissance : les encours d’investissement solidaire de ces fonds sont passés de 100 millions à 506 millions d’euros. Cependant, on a omis de préciser, dans la loi Macron de 2015, que cette disposition était maintenue. La gestion pilotée est devenue le mode de gestion par défaut pour les PERCO. Or, bien qu’il existe une obligation de faire figurer des fonds d’investissement solidaire dans l’offre de placement des PERCO, cette disposition n’est pas obligatoire dans le cadre de la gestion pilotée. Je suppose qu’il s’agit d’un oubli. Après trois ans, la gestion pilotée concerne déjà 40 % des encours des PERCO, et les projets du Gouvernement devraient accentuer cette dynamique.

Le présent amendement vise à faire en sorte que l’investissement solidaire puisse trouver sa place dans la gestion pilotée des PERCO, ce qui, sans rien coûter, permettrait de favoriser l’économie sociale et solidaire, à laquelle nous sommes tous ici attachés, comme l’est – ses déclarations le démontrent – le Président de la République.