Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, notre Nation est riche de son dynamisme associatif : en 2018, 1,3 million d’associations et 13 millions de bénévoles ont animé ce tissu extrêmement dense sur tous nos territoires.

Cependant, cela ne doit pas cacher les nombreuses difficultés que connaissent les associations : difficultés à fidéliser les bénévoles, malgré leur nombre croissant ; difficultés à recruter et à renouveler leurs dirigeants ; difficultés financières, avec un certain recul du soutien des collectivités territoriales dû à la baisse des dotations de l’État, à la suppression non préparée et non concertée des emplois aidés, qui a directement affecté le secteur associatif, et à la suppression de la réserve parlementaire, qui permettait d’apporter un appui très apprécié des associations.

Sur le plan financier encore, je tiens à rappeler que le dispositif du mécénat a été élargi lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, sur l’initiative du Sénat, avec l’introduction d’une franchise de 10 000 euros pour toutes les entreprises, ce qui permet aux associations de bénéficier de nouvelles ressources, provenant notamment des TPE et des PME.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a toutefois le mérite d’exister et comporte quelques dispositions attendues : l’atténuation de la responsabilité pour faute de gestion des dirigeants bénévoles d’association ; la sensibilisation des jeunes à la vie associative dès l’école ; l’abondement du Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, par les dépôts et avoirs inactifs des comptes d’associations ; enfin, les mesures concernant les stagiaires et le caractère d’intérêt général des associations adoptées en commission sur l’initiative de nos collègues Karoutchi et Grand.

Je ne peux cependant que regretter le manque d’ambition certain de cette proposition de loi, alors que de nombreuses avancées restent à faire, par exemple la mise en œuvre d’un formulaire unique et simplifié de demande de subvention ou la reconnaissance réelle du bénévolat.

Par ailleurs, je m’étonne que les propositions riches et nombreuses que contient le rapport remis au Premier ministre intitulé « Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d’une société de l’engagement » n’aient pas été davantage exploitées. Là encore, il faudrait enfin passer des paroles aux actes.

C’est dans cet esprit que je présente, avec de nombreux collègues, de nouveaux dispositifs propres, me semble-t-il, à soutenir les responsables bénévoles de nos associations. Sachant que les élus ou les responsables syndicaux bénéficient de jours de congé rémunérés supplémentaires au titre, notamment, de leur formation, il me paraîtrait normal et souhaitable que les dirigeants associatifs bénévoles qui occupent des postes à responsabilité tels que président, trésorier ou secrétaire puissent également disposer de trois jours de congé annuels rémunérés pour se former en vue d’exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions.

Je tiens à évoquer un dernier point qui me semble important : le dynamisme du milieu associatif sportif dans notre pays.

La France accueillera de nombreux évènements d’envergure internationale dans les prochaines années : la coupe du monde féminine de football dans quelques semaines, les championnats d’Europe d’athlétisme en 2020, la coupe du monde de rugby en 2023 ou les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Tous ces événements ne pourraient se dérouler sans l’implication des bénévoles et du monde associatif. Ce sont ainsi plus de 70 000 volontaires bénévoles qui seront mobilisés pour les jeux de 2024.

Je souhaite rappeler que le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques doit élaborer, d’ici au 1er janvier 2022, une charte du volontariat olympique et paralympique exposant les droits, devoirs, garanties, conditions de recours, catégories de missions confiées et conditions d’exercice qui s’appliqueront aux volontaires bénévoles de Paris 2024. Cette charte devrait être un modèle pour les autres manifestations internationales comme pour le bénévolat et l’engagement associatif quotidien.

J’ai proposé, dans un premier temps, un amendement visant à ouvrir la mobilisation du crédit formation dans le compte d’engagement citoyen pour les bénévoles du mouvement sportif, qui a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. J’espère que le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, reprendra cette mesure dans les plus brefs délais.

Je forme le vœu que les améliorations proposées en séance soient adoptées et que, malgré son manque flagrant d’ambition, cette proposition de loi soit une première étape pour que soit enfin reconnu à sa juste valeur l’engagement associatif et bénévole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la vie associative est fondamentale pour nos territoires : 1,3 million d’organisations participent activement au renforcement du lien social et à la cohésion de la France, et nombre de missions essentielles à notre vie en commun sont assurées grâce à l’engagement de 15 millions de bénévoles. Il y a là, assurément, de quoi légiférer, d’autant que ce sujet n’occupe pas toujours la place qu’il mérite.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui apporte des améliorations, que nous saluons.

Par exemple, étendre le principe de l’exception de négligence à toute personne morale, alors qu’il n’est applicable à l’heure actuelle qu’aux dirigeants d’entreprises, nous semble tout à fait positif. Cela remédie à la situation incongrue dont sont aujourd’hui victimes les dirigeants d’associations, qui peuvent se voir contraints d’engager leurs propres ressources pour combler l’insuffisance d’actif de l’association. Il nous semble cependant nécessaire de préciser cette disposition, pour exclure de son bénéfice les dirigeants de fondation, lesquelles ne sont en effet pas gérées de la même façon que les petites associations de quartier : elles sont « professionnalisées », et nous devons en tenir compte.

Nous sommes également favorables à ce que l’on s’oriente vers la redistribution des fonds disponibles sur les comptes bancaires associatifs inactifs, en l’occurrence via l’élaboration d’un rapport, puisqu’il semble que nous ne puissions aller plus loin à ce stade. Des sommes très importantes pourraient ainsi être récupérées pour répondre aux besoins de financement des associations. Ce ne serait que justice, dans la mesure où ces sommes proviennent précisément du monde associatif. Toutefois, il faudra veiller à ce que les fonds ainsi récupérés profitent réellement aux associations, en particulier à celles qui en ont le plus besoin. Vous pouvez compter sur notre vigilance à cet égard !

L’expérience de la suppression de la réserve parlementaire, dont les fonds ne sont pas totalement redistribués aux associations et aux collectivités qui en bénéficiaient auparavant, suscite en effet un certain scepticisme quant à la manière dont le Gouvernement pourrait, à terme, répartir le produit des comptes inactifs des associations.

Mme Sophie Primas. C’est vrai !

Mme Céline Brulin. De même, cette nouvelle source potentielle de financement ne doit pas conduire à un désengagement supplémentaire de l’État de la vie associative, après celui qui a été entériné par la dernière loi de finances.

Nous saluons l’intention d’intégrer le champ de la vie associative dans l’enseignement moral et civique, comme le prévoit l’article 2. Il faut cependant être attentif au fait que, au cours des six derniers mois, les programmes d’enseignement moral et civique ont déjà été enrichis de nouveaux contenus par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et la loi contre la manipulation de l’information. Or cet enseignement ne bénéficie que d’une demi-heure par semaine : veillons donc à ne pas trop « charger la barque », d’autant qu’il est déjà bien souvent remplacé par des cours d’histoire-géographie.

Nous accueillons favorablement l’ouverture du service civique aux ressortissants algériens. Cette mesure aurait logiquement dû s’appliquer à des jeunes d’autres nationalités, comme nous le proposions, mais notre amendement a malheureusement été jugé irrecevable, pour des raisons qui m’échappent quelque peu…

Ce texte contient donc de bonnes choses ; il ne répond cependant pas aux principaux besoins du monde associatif. Celui-ci ne peut pas fonctionner sans bénévoles. À la crise des vocations engendrée par une idéologie individualiste s’ajoute la précarisation croissante des salariés, en particulier des jeunes. Comment consacrer du temps à une association lorsque l’on est contraint de cumuler emploi et études, lorsque l’on doit multiplier les heures supplémentaires pour atteindre un revenu décent ou lorsque l’on est informé de son emploi du temps la veille pour le lendemain ?

Le secteur associatif ne peut pas non plus fonctionner sans financements. À cet égard, les récentes réformes n’ont fait que renforcer les difficultés des associations. Je pense à la baisse des dotations aux collectivités territoriales ou, bien évidemment, à la suppression de l’ISF, qui, en plus d’avoir privé les politiques publiques de plusieurs milliards d’euros, a eu pour effet de réduire considérablement les dons aux associations. De même, la baisse de pouvoir d’achat subie par la plupart de nos concitoyens ne leur permet plus de consacrer une partie de leur budget aux causes qui leur tiennent à cœur. En un an, les dons, qui représentent un quart des ressources des associations, ont chuté de 20 %.

Que dire, enfin, de la faiblesse des crédits budgétaires affectés au programme « Jeunesse et vie associative » et, surtout, de la suppression des contrats aidés, alors même que le secteur associatif est souvent contraint de pallier les conséquences des politiques libérales aggravant les inégalités et fragilisant les services publics ?

Mme Céline Brulin. Des missions élargies à des domaines de plus en plus nombreux, du social au sportif en passant par la santé ou le périscolaire, et des moyens de plus en plus faibles : tel est le premier paradoxe dont pâtit la vie associative.

Dans ce contexte, bien que cette proposition de loi nous semble pécher par manque d’ambition, notre groupe votera en faveur de son adoption, car elle comporte tout de même quelques avancées favorables au monde associatif et à toutes celles et tous ceux qui s’y engagent au quotidien. Nous ne manquerons jamais une occasion de les soutenir et de les accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voulons d’abord saluer cette proposition de loi, qui a été améliorée au cours de la navette parlementaire. Je tiens à associer à mon propos Jacques-Bernard Magner, qui aurait dû participer à ce débat mais se trouve aujourd’hui souffrant. Je lui souhaite un bon rétablissement.

Comme ancien ministre de la vie associative et de l’éducation populaire, je ne peux qu’adhérer à la volonté d’amplifier l’engagement dans notre pays affichée au travers des interventions régulières de M. le secrétaire d’État. Malheureusement, dans cette volonté affichée, je vois surtout de l’affichage ! Je ne doute pas de la sincérité de l’auteur de cette proposition de loi ou de celles et ceux qui ont apporté des améliorations au texte. Mon interrogation porte sur l’action du Gouvernement, qui, s’il soutient cette initiative en faveur de l’engagement associatif, ne brille pas, habituellement, par sa détermination sur le sujet.

C’est pourtant bien de la détermination et une volonté féroce qu’il faut pour promouvoir un modèle français de l’engagement. Rappelons que 16 millions de bénévoles font vivre cette démocratie au quotidien : c’est une richesse exceptionnelle, irremplaçable pour notre pays. Ce sont ces Français qui nous obligent, nous, responsables politiques, d’être à leur hauteur pour que tout soit fait en faveur de la promotion de ce don de soi que représente l’engagement associatif.

Lors du précédent quinquennat, de nombreux chantiers ont été ouverts sur ce thème structurant de la vie des territoires : définition légale de la subvention, choc de simplification avec la dématérialisation des démarches, mise en place du congé d’engagement au travers de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, déploiement du compte engagement citoyen, création du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, charte des engagements réciproques, reconnaissance de l’engagement dans le parcours universitaire, élargissement du champ du service civique… Toutes mesures peut-être peu médiatiques, mais ô combien importantes pour les bénévoles sur le terrain.

À ce stade, ce que nous retenons de votre action, monsieur le secrétaire d’État, c’est une plus grande précarité pour les acteurs associatifs. Avec la suppression de plus de 250 000 contrats aidés en deux ans, vous portez un coup terrible au monde associatif, vous lui assénez une sanction jamais vue auparavant.

M. Patrick Kanner. Combien de structures sont aujourd’hui en péril, parce qu’elles ne peuvent plus embaucher ? Combien de personnes sont privées d’une réinsertion sociale par le biais d’un emploi dans une association ?

Monsieur le secrétaire d’État, je déjeunais tout à l’heure avec une délégation du centre social de l’Arbrisseau, situé dans le quartier prioritaire de la politique de la ville de Lille-Sud. Ces responsables associatifs m’ont indiqué qu’ils bénéficiaient de dix emplois aidés en 2017, de deux en 2019, et qu’ils n’en auraient plus aucun en 2020.

M. Martial Bourquin. C’est scandaleux !

M. Patrick Kanner. Voilà le résultat de votre politique ! Comme d’autres orateurs avant moi, je n’oublie pas non plus les 60 millions d’euros de feu la réserve parlementaire, qui venaient soutenir le mouvement associatif.

M. Martial Bourquin. Absolument !

M. Patrick Kanner. J’ai bien compris qu’il fallait une République exemplaire ; nous avons vu ce que cela a donné récemment !

Le secteur associatif, les réseaux de l’éducation populaire, les clubs sportifs doivent être soutenus pour irriguer l’ensemble des territoires, en renfort du service public, notamment de l’école, et apporter, par leur présence, un cadre et des repères aux enfants et aux adolescents. Mes chers collègues, c’est dès le plus jeune âge que l’incitation à l’engagement citoyen doit être une priorité. La République a besoin de contenu et de réalité. Il faut dire plus clairement quelle République nous voulons, ce que nous entendons par le mot « égalité », et cela doit se traduire concrètement, en amenant de nouvelles générations à s’impliquer dans le secteur associatif.

Au moment de l’élection de François Hollande à la présidence de la République, on comptait une vingtaine de milliers de volontaires du service civique, une politique publique mise en œuvre par les gouvernements précédents. François Hollande s’était engagé à ce que l’effectif de ces volontaires atteigne les 100 000 avant la fin de son quinquennat ; nous avons finalement franchi la barre des 125 000 volontaires en 2017. Ces 125 000 jeunes ont réalisé des missions de service civique dans plus de 10 000 structures.

À ce stade, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite exprimer nos interrogations à propos du service national universel, le SNU.

Je crains que la valse-hésitation du Gouvernement à ce sujet, après la consultation lancée cet automne, ne porte préjudice à l’édifice patiemment construit du service civique. Ce n’est pas l’immobilisme que je prône, bien au contraire.

M. Alain Richard. Personne n’imagine cela, voyons ! (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. François Patriat. Vous prônez le retour en arrière, c’est différent.

M. Patrick Kanner. J’aimerais pouvoir soutenir votre proposition de créer un service national universel. L’idée d’un parcours de citoyenneté a d’ailleurs été patiemment mûrie entre 2012 et 2017. Cependant, l’absence d’horizon clair nous fait craindre que les 3 000 jeunes concernés par l’expérimentation que vous avez lancée ne soient que les cobayes d’un gouvernement qui tente de mettre en œuvre une promesse de campagne finalement irréalisable et déjà profondément dénaturée.

Nous nous tenons aux côtés des organisations de jeunesse pour rappeler que s’engager, c’est faire un choix. Le flou concernant le caractère obligatoire du SNU n’est pas acceptable, quand l’engagement puise son sens dans la liberté de choisir.

Que le futur financement d’un SNU à grande échelle soit balayé d’un revers de main nous conduit à nous interroger sur le sérieux de ces annonces. La question de l’encadrement reste également posée, quand on sait que l’éducation nationale manque d’enseignants et que les armées sont sur-sollicitées, notamment du fait de l’opération Sentinelle ou des OPEX.

La phase d’expérimentation que vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État, ne doit pas se transformer en phase d’approximation. Si le Gouvernement persévère dans son erreur, nous assisterons à la mise à bas d’un modèle érigé autour de l’incitation des jeunes à s’engager dans une aventure pour le moins positive, celle de l’intérêt général.

Dans ce contexte, relancer la vie et l’engagement associatifs devient une vraie gageure, et il n’est pas certain que la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui permette de réussir cet exploit. Son rapporteur le dit d’ailleurs lui-même : ce texte n’a qu’une ambition très limitée. Peut-être constitue-t-il une sorte de compensation au désengagement financier que j’ai évoqué ? Il traite essentiellement de deux sujets : la responsabilité financière des dirigeants bénévoles d’associations, susceptible d’être engagée, et la sensibilisation à l’engagement et à la vie associative dans le cadre de l’enseignement moral et civique dispensé au collège et au lycée. Il a été enrichi à l’Assemblée nationale, et c’est tant mieux, d’un nouvel article qui prévoit que le Gouvernement remette un rapport sur l’opportunité d’affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations au Fonds de développement de la vie associative, sur le modèle de ce que dispose la loi Eckert de 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence. Ce point est important, car le Haut Conseil à la vie associative estime que 100 millions d’euros seraient ainsi potentiellement mobilisables via ce fonds pour financer le secteur associatif. Sur proposition de Jacques-Bernard Magner, cette disposition avait été introduite dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, en 2017, mais le Conseil constitutionnel avait malheureusement jugé qu’il s’agissait là d’un cavalier législatif.

Ce rapport sera important, certes, mais les suites législatives concrètes qui pourront lui être données le seront plus encore.

L’article 1er de cette proposition de loi modifie un article du code de commerce afin d’alléger la responsabilité fiscale des dirigeants d’associations. Cela mettra fin à un vide juridique et à des errements jurisprudentiels, les tribunaux excusant ou non, selon les cas, la négligence du fait de l’objet non lucratif d’une structure et/ou de la qualité de bénévoles de ses dirigeants. Il convient de remarquer qu’aucune étude d’impact n’a été menée sur ce sujet pour établir la nécessité de légiférer. Ainsi, nous ne connaissons pas le nombre des condamnations effectives de dirigeants associatifs bénévoles au titre de l’engagement de leur responsabilité financière.

L’article 2 modifie un article du code de l’éducation en vue de permettre de sensibiliser les collégiens et les lycéens à l’engagement associatif. On ne peut naturellement s’opposer à cette initiative, qui va dans le bon sens, ni à l’amendement adopté à l’Assemblée nationale qui a élargi cette sensibilisation aux élèves de CM2. Il faudra toutefois que les moyens humains et les horaires soient adaptés pour que cette mesure puisse devenir effective.

L’article 3, quant à lui, a été introduit lors du débat en séance publique à l’Assemblée nationale. Il s’agit de permettre aux Algériens résidant légalement en France d’avoir accès au service civique et ainsi de combler un vide juridique lié à une omission dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Notre France est riche de l’engagement de 16 millions de bénévoles dans près de 1,3 million d’associations. C’est un atout considérable que nous devons préserver et conforter ; c’est un atout pour notre République ; c’est un atout pour notre modèle social. C’est pourquoi les sénateurs du groupe socialiste et républicain voteront en faveur de l’adoption de ce texte, même si celui-ci est loin d’apporter les réponses aux nombreuses questions qui se posent aujourd’hui. Votre responsabilité personnelle, monsieur le secrétaire d’État, en votre qualité de membre du Gouvernement, est engagée pour aller plus loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, le tissu associatif français compte parmi les plus denses au monde. Il est un outil précieux pour l’organisation de la société et le maintien de sa cohésion, et l’un des meilleurs garants de l’animation de tous nos territoires. Présent dans les secteurs éducatif, culturel, sportif, social, médico-social, le monde associatif est niché au cœur du quotidien de nos compatriotes.

Les responsables politiques, souvent issus des rangs associatifs, ne méconnaissent pas cet ancrage et ses vertus. Ils savent combien ces structures contribuent à l’équilibre de nos territoires en œuvrant largement à leur attractivité ; ils savent pouvoir compter sur la capacité novatrice de celles et ceux dont l’intelligence collective permet d’apporter des réponses innovantes aux besoins et aux enjeux de notre société.

Il est donc indispensable que les responsables politiques veillent à ne pas déstabiliser outre mesure ce vivier. Pourtant, les obstacles se multiplient.

Tout d’abord, en matière de ressources humaines, la réduction très significative du nombre d’emplois aidés a privé le secteur associatif de l’équivalent de 1,6 milliard d’euros de subventions indirectes. La baisse des dotations allouées aux collectivités territoriales conduit aussi celles-ci à revoir largement le niveau de leur subventionnement des associations, même si elles en demeurent des partenaires incontournables.

La suppression, en 2017, de la dotation d’action parlementaire, a également privé le tissu associatif d’une manne financière importante, perte que les sommes allouées au Fonds pour le développement de la vie associative ne viennent compenser que très partiellement.

Enfin, plusieurs réformes fiscales, comme la transformation de l’ISF en IFI, accompagnée d’une chute de 66 % du nombre des redevables, ont des conséquences notables sur le niveau des dons.

La conjoncture difficile dans laquelle évolue aujourd’hui le monde associatif doit donc retenir toute notre attention. Au regard de son utilité sociale et économique, cela apparaît même crucial.

Depuis plusieurs décennies, le secteur associatif a souvent pu être perçu par le politique comme une simple variable d’ajustement en matière de politique de l’emploi. Amortisseur social en temps de crise, il est délaissé au profit du secteur marchand quand « reviennent les beaux jours ».

Le monde associatif s’est pourtant développé jusqu’à atteindre une réelle maturité et revêt désormais une dimension tout à fait stratégique. Dans un grand nombre de domaines essentiels, les pouvoirs publics auraient-ils toujours les moyens de se substituer à lui s’il venait à faire défaut ?

L’État doit donc prendre en compte cette nouvelle dimension du secteur associatif. Il doit notamment apprendre à intégrer les emplois d’utilité sociale issus du milieu associatif dans une perspective de long terme qui soit réellement stabilisée.

Le texte qui est soumis ce jour à l’examen de notre assemblée est de portée modeste. Il apporte toutefois des éléments de réponse à des problématiques désormais bien identifiées.

C’est notamment le cas en ce qui concerne les difficultés rencontrées pour le renouvellement des dirigeants associatifs bénévoles. Aujourd’hui, plus d’un quart des présidents d’association sont en poste depuis au moins dix ans.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen souhaite également qu’une réponse soit très prochainement apportée à la question de la disponibilité des fonds demeurant sur les comptes inactifs des associations.

Afin d’enrichir ce texte, dont le contenu pourrait apparaître modeste, notre groupe formulera des propositions par voie d’amendements. Celles-ci visent à renforcer la reconnaissance de l’engagement bénévole et à clarifier la situation des associations cultuelles au regard du principe de laïcité.

Au moment où l’on fait volontiers le constat d’une société fracturée et d’un pays en crise, nous n’oublions pas que nos associations constituent, par leur capacité d’anticipation, un précieux « thermomètre social », au plus près du terrain. Elles savent être à l’écoute de leur environnement et entretenir des rapports étroits et constructifs avec les élus locaux.

Les maires témoignent d’ailleurs volontiers de la convergence de leurs attentes et des réponses apportées par le tissu associatif local, souvent adaptées, en effet, aux principales fragilités d’un territoire. Il y a une véritable réalité structurante du secteur associatif.

Vie associative et vie territoriale vont ainsi de pair : gardons cela à l’esprit au moment où l’on s’interroge sur ce qui participe de la cohésion nationale dans notre pays. Le groupe du RDSE s’associe pleinement aux propositions contenues dans ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. François Patriat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je salue l’initiative de mon ami député Sylvain Waserman d’avoir déposé cette proposition de loi, qui nous permet d’examiner des mesures concrètes au bénéfice du monde associatif, largement malmené et, par voie de conséquence, touché par une réelle carence d’engagement.

Les associations jouent un rôle important dans la société. Elles sont des vecteurs de lien social, gages de cohésion territoriale et sociétale. Elles pallient aussi parfois les manquements de l’État, en jouant un rôle de service public.

Nous le savons, le fonctionnement des associations repose largement sur le bénévolat : celui-ci en est la véritable matière première, si j’ose dire, ainsi que le gage de la pérennité des associations.

L’un des maillons essentiels de ce fonctionnement est le dirigeant bénévole, qui, outre sa disponibilité sans faille, doit disposer de compétences solides en matières fiscale et juridique, eu égard notamment aux responsabilités dont il est titulaire. Il était donc primordial de remédier à l’insécurité juridique actuelle, délétère, et d’offrir au dirigeant bénévole un cadre stable en atténuant sa responsabilité financière en cas de faute de gestion due à de simples négligences.

De même, il est nécessaire d’insister pour que la qualité de bénévole du dirigeant et l’insuffisance des moyens dont il a pu disposer pour prémunir l’association contre des risques financiers soient plus largement prises en compte par les magistrats au titre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif – même si, bien évidemment, les magistrats restent souverains dans leur décision.

Plus largement, cette proposition de loi vise à promouvoir l’engagement associatif auprès des plus jeunes, en complétant l’article L. 312-15 du code de l’éducation pour prévoir que l’enseignement moral et civique les sensibilise également à la vie associative et au service civique. Il s’agit de développer ainsi la fibre de l’engagement citoyen. C’est bien d’éveil qu’il est question ici : il faut que nos jeunes aient une réelle connaissance de ce type d’organisations et soient fortement sensibilisés à la possibilité de s’engager pour une cause ou de faire vivre une passion, voire de pallier des carences de l’État.

À ce titre, cette proposition de loi, dont l’objet est de faciliter et d’encourager l’exercice de fonctions associatives, doit évidemment être largement soutenue.

Toutefois, de nombreuses questions restent en suspens, en termes de viabilité, d’efficacité et de pérennisation de la vie associative.

De fait, les engagements positifs que la proposition de loi vise à mettre en œuvre se heurtent à la fatalité de l’existant : recul des contrats aidés, diminution des moyens publics, complexité et tracasseries administratives, valorisation timorée de l’engagement associatif. Autant de facteurs qui nuisent fortement à l’engagement associatif et grèvent l’action même des associations. Celles-ci, en effet, ont été déstabilisées autant par le volume des contrats aidés supprimés que par la brutalité de ces suppressions, opérées sans réelle concertation.

Ajoutons à cela la diminution des crédits alloués au développement de la vie associative. Les associations souffrent nécessairement encore de la suppression de la réserve parlementaire, d’autant que le volet « fonctionnement-innovation » du FDVA, censé la remplacer, ne dispose que de la moitié de ses moyens : 25 millions d’euros, alors que 45 millions d’euros environ de la réserve parlementaire étaient consacrés aux associations.