Mme Éliane Assassi. Vous appelez ça de la liberté ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. En ce qui concerne la façon dont nous financerons les nouveaux droits, je crois que nous disposons aujourd’hui de la capacité de le faire grâce à la progression de l’espérance de vie et dans le cadre des règles fixées par la loi de 2003 en ce qui concerne la répartition entre le travail et la retraite du temps gagné à ce titre.

Le système universel de retraite doit également répondre à un objectif de soutenabilité et d’équilibre financier. Son fonctionnement devra assurer sa solidité, sa stabilité et sa viabilité. C’est une priorité pour le Président de la République et pour le Gouvernement, et elle est partagée par de nombreux partenaires sociaux. Les consultations ont déjà commencé sur la méthode qui permettra soit de trouver une solution alternative à celle que nous avons proposée soit d’améliorer celle-ci, en tenant compte des propositions des syndicats. Vous le savez, la CFDT a récemment proposé la réunion d’une conférence de financement et le Gouvernement a répondu positivement à cette suggestion. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Monsieur le président de la commission, vous m’avez posé un certain nombre de questions et je vais vous apporter des réponses concrètes – si elles ne sont pas exhaustives, nous pourrons y revenir ultérieurement.

Les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2025 permettront l’acquisition de points dans les mêmes conditions, quel que soit le statut – cela répond à d’autres questions qui m’ont été posées sur l’universalité.

Pour les droits liés à la solidarité, l’interruption volontaire d’activité, les droits familiaux et conjugaux, le droit au départ anticipé au titre des carrières longues ou de la pénibilité, le Gouvernement propose de maintenir l’ensemble des dispositifs liés aux carrières longues et à la pénibilité – j’espère ainsi rassurer le président Patrick Kanner.

Les conditions de départ seront également harmonisées au terme de la transition vers le nouveau système. Comme l’a annoncé le Premier ministre, la première génération concernée sera celle qui est née en 1975 pour le droit commun, ce qui correspond à un âge légal de départ de 62 ans en 2037. Pour toutes les générations, nous gardons le même principe de justice : les règles changeront pour les citoyens qui sont en 2020 à plus de dix-sept ans du départ à la retraite.

Pour autant, comme le Premier ministre l’a rappelé à plusieurs reprises, mise en place du système universel ne signifie pas application de règles rigides, identiques pour tous. C’est d’ailleurs un engagement qui avait été pris durant la campagne présidentielle.

On procédera à des adaptations, notamment sur les taux de cotisation ou les conditions de départ à la retraite. Ces adaptations, annoncées dès 2017, figurent explicitement dans les préconisations du rapport Delevoye de juillet 2019. Elles ont été confirmées par le Premier ministre devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) le 11 décembre dernier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la volonté du Gouvernement n’est pas de placer tous les Français dans un modèle unique. C’est dans cet esprit que nous menons des concertations avec les représentations professionnelles.

Il s’agit, pour nous, de préparer l’entrée dans le système universel dans les meilleures conditions possible, sans brutalité et avec le dispositif de convergence le plus adapté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. Mme Michèle Vullien applaudit également.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Au fil des semaines, ce débat sur la retraite universelle laisse apparaître une division dans notre syndicalisme, avec un syndicalisme que je dirais « de salariés » et, à l’opposé, un syndicalisme que je qualifierais « de politiques ».

Aux prises avec les réalités du monde du travail, le syndicalisme de salariés innove et, par nature, est force de proposition. J’en veux pour preuve le principe du calcul par points pour les droits à la retraite réclamé par la CFDT.

Quant au syndicalisme de politiques, il joue de la posture nationale sans être investi par le suffrage universel et sombre dans l’excès… (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) J’en veux pour preuve des syndicats qui s’opposent, par principe, à la réforme et refusent toute négociation, allant jusqu’à utiliser des moyens de pression illégaux, comme le blocage de raffineries, les coupures d’électricité, ou des menaces sur des collègues voulant travailler. (Mêmes mouvements.)

M. Fabien Gay. On va pleurer !

M. Martin Lévrier. Il n’y a rien de durable qui se construise dans l’excès ! Au-delà du débat sur la retraite universelle, l’avenir du syndicalisme se joue et nous devons le préserver !

Ne sombrons pas dans l’exemple britannique qui, à force de promouvoir un syndicalisme de politiques, a précipité sa chute.

Aujourd’hui, le point d’achoppement se trouve dans la réflexion sur l’équilibre financier du système de retraite.

Laurent Berger, au nom de la CFDT, a proposé la tenue d’une conférence de financement. En agissant ainsi, il défend les intérêts des salariés et respecte notre démocratie.

Montrer que le Gouvernement peut travailler avec lui doit constituer un signal fort, non seulement pour mener à bien cette réforme, mais aussi pour préserver l’avenir du syndicalisme.

C’est dans ce champ qu’il faut se situer, et non dans celui du politique. J’invite ceux qui se placent dans cette posture à se soumettre au suffrage universel et, ensuite, à proposer des lois. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les syndicats sont libres !

M. Martin Lévrier. Monsieur le secrétaire d’État, quel chemin allez-vous prendre avec les syndicats réformateurs pour trouver, dans le cadre de cette réforme des retraites, une solution quant à l’équilibre financier du système ? (Nouvelles exclamations.)

M. Rachid Temal. C’est pire que la droite des années 1980 !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Effectivement, monsieur le sénateur Lévrier, le Premier ministre, dans des déclarations récentes, a répondu positivement à la proposition du leader de la CFDT d’organiser une conférence de financement.

M. Rachid Temal. Qui demande aussi la suppression de l’âge pivot !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. L’équilibre du système constitue, bien évidemment, un sujet important. Cet équilibre est nécessaire dans un système par répartition, dès lors que les cotisations d’aujourd’hui paient les pensions de retraite d’aujourd’hui.

Le Gouvernement a bien inclus cette préoccupation dans son projet de loi, mais il y a une divergence sur la mise en œuvre. Ainsi, il ne vous a pas échappé que certains partenaires sociaux réformistes, pourtant favorables, sur le fond, à cette réforme par points dont ils ont bien perçu la dimension de solidarité, sont attentifs à ce que les mesures d’équilibre, lorsqu’elles s’imposent, ne surviennent pas dans le court terme.

Le débat est ouvert. Le Premier ministre recevra l’ensemble des partenaires sociaux pour examiner ce sujet vendredi. Je ne peux pas préjuger le résultat de ces négociations. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. Une vraie pièce de théâtre !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. « On vit plus longtemps ; il faut donc travailler plus longtemps » : voilà, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous répétez sans cesse, comme une vérité naturelle, pour convaincre que votre projet de réforme des retraites est la seule alternative possible.

Pourtant les arguments contraires ne manquent pas. Je ne citerai que la stagnation, depuis quinze ans, de l’espérance de vie en bonne santé, qui touche prioritairement les personnes confrontées aux tâches les plus pénibles.

Monsieur le secrétaire d’État, pour vous, l’ensemble des activités de l’être humain ne se réduisent-elles qu’au travail ?

Cette vision passéiste est contredite par les progrès de la médecine, par ceux de la recherche, par les bouleversements dans la société et les rapports sociaux. Ceux-ci portent en eux de nouveaux progrès pour l’humanité, pour peu qu’ils soient mis au service de la justice, du bien commun, et non du profit au bénéfice de quelques-uns.

Ainsi, la retraite est vécue non plus comme la fin de la vie, mais comme le début d’une nouvelle vie, hors travail, riche d’activités et de découvertes. Ce n’est pas une charge ; c’est un progrès pour la société, un projet de civilisation !

La grandeur d’une nation est de savoir répondre à un tel défi ; votre projet ne le permet pas, et ce n’est d’ailleurs pas son objectif. Y répondre, c’est s’interroger sur un autre projet de société, avec un réel financement, et donc, plus concrètement, sur la production et la répartition des richesses.

Voici quelques exemples de propositions.

Mettre fin au régime spécial des revenus du capital, qui ne participent pas ou participent insuffisamment au financement des retraites, en alignant le taux de cotisation sur celui des revenus du travail, rapporterait 31 milliards d’euros.

Préférer aux exonérations généralisées et aveugles de cotisations patronales – 66 milliards d’euros cette année – une modulation des cotisations sociales des entreprises pourrait également être envisagé.

Faire appliquer l’égalité salariale entre femmes et hommes nous ferait gagner 11 milliards d’euros supplémentaires.

Engager un processus d’augmentation générale des salaires serait enfin une bonne voie à suivre. La seule hausse de 20 % du SMIC représenterait 240 euros de plus par mois en salaire net et, surtout, 3 milliards d’euros supplémentaires pour les caisses de retraite.

Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous enfin retirer cette réforme massivement rejetée et accepter de débattre des alternatives et des financements qui les accompagnent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Ma circonscription n’est pas tout à fait la même que la vôtre, madame la sénatrice Michelle Gréaume… J’ai assisté dimanche aux vœux du maire d’un petit village situé entre Armentières et Lille, Prémesques, et les citoyens que j’ai pu rencontrer à cette occasion ne m’ont pas forcément dit ce que vous venez d’exprimer.

Je comprends qu’il puisse y avoir certaines divergences. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Entendez, vous aussi, qu’il puisse y en avoir d’autres !

Si j’ai bien compris, votre question porte plutôt sur la problématique de la durée.

Nous proposons de maintenir à 62 ans l’âge légal auquel il sera possible de partir à la retraite.

Mme Michelle Gréaume. Oui, mais avec une décote !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Nous proposons aussi, comme je l’ai indiqué au cours de mon intervention générale, de maintenir les dispositifs en matière de pénibilité. Nous cherchons même actuellement à les améliorer : c’est l’objet des concertations que Muriel Pénicaud et moi-même menons avec les partenaires sociaux.

Les dispositifs dits « de carrière longue » perdureront également dans le nouveau système.

La notion de taux plein est aujourd’hui très individualisée, car elle renvoie à une période de travail propre à chacun. D’où les questions qui se posent – et cela, aussi, entre dans les débats que nous avons avec les partenaires sociaux – quant à la façon d’individualiser la référence collective proposée par le Gouvernement, à savoir celle de l’âge d’équilibre.

Pour autant, on ne peut pas dire qu’aucune référence collective n’existe dans le système actuel. Il y en a une, d’ailleurs relativement significative : en 2035, les citoyens, dans leur ensemble, devront avoir travaillé durant quarante-trois ans. Avec une moyenne constatée, indépendamment du niveau de diplôme, de 22 ans pour l’entrée dans la vie active, on obtient par simple addition un départ à la retraite à 65 ans.

Mme Cécile Cukierman. Nous nous sommes opposés aux quarante-trois ans !

M. Fabien Gay. Nous sommes cohérents !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. J’ai donc un peu l’impression d’un faux débat. La réalité – objective –, c’est qu’en additionnant 22 et 43, on obtient 65 !

Mme Cécile Cukierman. Considérez les positions des uns et des autres lorsque vous répondez !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants.)

M. Daniel Chasseing. Le projet de loi, dont les grandes lignes ont été présentées par le Premier ministre au CESE, a reçu un accueil favorable au sein du monde rural.

Des revendications soutenues de longue date par les agriculteurs devraient figurer dans le texte définitif, notamment un système par points et une pension minimale à 85 % du SMIC pour une carrière pleine. De même, les avancées concernant le cumul entre activité et retraite, ainsi que la fin des conditions de ressources pour la pension de réversion sont autant de bonnes nouvelles pour la profession.

Toutefois, ces mesures, dont nous espérons qu’elles seront effectivement retenues dans la version présentée en conseil des ministres à la fin du mois, ne concernent pas la majorité des agriculteurs déjà à la retraite ou à quelques années d’y partir, non plus que les artisans, commerçants ou les personnes ayant eu des carrières hachées, notamment certaines femmes qui sont obligées de travailler après 65 ans pour, en définitive, obtenir une retraite inférieure à 1 000 euros.

La situation de nombre de retraités commande d’agir de toute urgence. Nous sommes nombreux, dans cette enceinte, à vouloir augmenter le montant des pensions de retraite agricoles, parfois si faible que certains en viennent à commettre l’irréparable.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser quelles seront les mesures du projet de loi concernant les agriculteurs et les artisans nés avant 1975 et, notamment, ce qu’il en sera de la pension de retraite minimale de 1 000 euros pour une carrière pleine ?

Par ailleurs, le projet de système universel par répartition et par points ne peut être un système parfaitement uniforme. En fonction des métiers ou du travail pénible, la valeur du point augmentera-t-elle, de façon à permettre aux intéressés de partir plus tôt à la retraite ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Le sujet des petites pensions de retraite préoccupe, à raison, les assemblées. Le Président de la République a très clairement souhaité dès le mois de décembre qu’il puisse être traité.

Sur le fond, nous prévoyons d’instaurer, pour 2022, une pension minimale de retraite de 1 000 euros et, monsieur le sénateur Chasseing, vous avez raison de signaler que les principaux bénéficiaires – c’est tant mieux – seront sans doute les agriculteurs. Ils travaillent bien plus de 35 heures par semaine en général, ils sont en permanence attentifs à leur environnement et, ne l’oublions pas, si nous mangeons aujourd’hui et mangerons demain, c’est grâce à eux !

Mais ce ne seront pas les seuls bénéficiaires. Seront aussi concernés ceux qui ont eu des carrières hachées.

Vous le savez, enfin, le dispositif évoluera puisque notre ambition est d’atteindre 85 % du SMIC en 2025.

Ici comme à l’Assemblée nationale – j’ai dû répondre à une question sur le sujet juste avant de vous rejoindre –, je n’en dirai pas plus, car cette thématique fait partie des négociations qui vont être menées avec les partenaires sociaux dès cette semaine. C’est dire qu’elle est d’actualité !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d’État. J’espère qu’elles suffiront à apaiser les craintes remontant du terrain.

Il est indispensable de repenser l’architecture de notre système pour bâtir un modèle juste sur le long terme, de retrouver la confiance. Mais il ne faut pas oublier de répondre à la situation d’urgence, parfois de détresse, dans laquelle se trouvent de nombreux agriculteurs, artisans et personnes ayant connu des carrières hachées.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le secrétaire d’État, en tant que rapporteure spéciale, au sein de la commission des finances, de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je suis amenée à vous poser une question relative aux régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP.

En vertu du principe de solidarité nationale, l’État verse chaque année 6,2 milliards d’euros à dix régimes spéciaux déficitaires, qui sont principalement ceux de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines.

Ces régimes spéciaux sont déficitaires en raison de leur déséquilibre démographique : il n’y a plus assez d’actifs, donc de cotisations, pour couvrir les pensions des retraités. Il est par conséquent nécessaire et légitime que l’État comble le manque de contributions.

Au cours de vos récentes négociations, monsieur le secrétaire d’État, vous avez notamment reconnu aux pilotes de ligne des dispositions spécifiques liées à la pénibilité et la pression de la sécurité dans l’exercice de leur métier. Vous avez dans le même temps précisé, je vous cite, « ce sont eux qui les financeront. Pas la collectivité ».

J’en viens donc aux deux régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, pour lesquels la contribution de l’État s’élève à plus de 4 milliards d’euros. Dans un récent rapport, la Cour des comptes a estimé que, sur ce total de 4 milliards d’euros, l’État finançait 300 millions d’euros d’avantages spécifiques à la RATP et 600 millions d’euros à la SNCF.

Ce montant annuel de 900 millions d’euros n’a rien à voir avec la légitime compensation démographique. Il finance des avantages spécifiques propres à ces deux régimes.

Monsieur le secrétaire d’État, est-ce à la solidarité nationale d’honorer ces sommes ? En cohérence avec vos propos concernant les pilotes de ligne, à travers lesquels vous affirmez que l’État ne paiera pas les suppléments au régime universel, allez-vous retirer à la SNCF et à la RATP ces 900 millions d’euros d’avantages spécifiques ? Si tel n’est pas le cas, pensez-vous en accorder aux autres ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Je vous remercie, madame la sénatrice Vermeillet, de lire mes propos avec autant d’intérêt ! J’ai peut-être repéré, aussi, une petite pointe de taquinerie dans votre question. Mais, sur le fond, vous soulevez un point important, qui nous pousse à nous interroger de nouveau sur les régimes spéciaux.

Le Président de la République s’y est engagé, tout comme un certain nombre d’entre nous, durant la campagne électorale : nous mettrons fin aux régimes spéciaux, conformément à l’attente de nos concitoyens.

Ces derniers veulent que soient considérés de la même façon l’ensemble des métiers. Or il n’y a pas de raison de regarder différemment le transport ferroviaire ou le transport par bus à Lille, Marseille ou Paris : c’est le même métier. Il est par conséquent important que les règles soient les mêmes pour tous, ce qui ne signifie pas pour autant qu’une activité dans le transport ferroviaire n’a forcément aucun caractère pénible.

Donc, oui, nous mettrons fin aux régimes spéciaux, mais, comme le Président de la République et le Premier ministre l’ont indiqué, nous le ferons sans brutalité.

En effet, il faut comprendre que celles et ceux qui se sont engagés dans ces entreprises disposant de régimes spéciaux l’ont fait en connaissance de cause. Ils ont projeté leur parcours personnel et professionnel en fonction de ceux-ci, et il importe que nous respections cela.

C’est pourquoi nous avons posé le principe que cette grande transformation du système des retraites ne s’adresserait pas à ceux qui sont à moins de dix-sept ans de la retraite, y compris pour les bénéficiaires des régimes spéciaux.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.

Mme Sylvie Vermeillet. Je ne suis pas certaine que vous ayez répondu à ma question, monsieur le secrétaire d’État.

Je veux attirer votre attention sur le fait que l’universalité de cette réforme, à laquelle nous souscrivons, ne doit pas conduire à s’éloigner de l’équité. Dans votre réponse, qui n’en est pas tout à fait une, j’entends qu’il y aura un délai de transition pour certains et qu’il n’y en aura pas pour d’autres. Je me dois de vous alerter sur le danger que cela représente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Il aura tout de même fallu attendre pratiquement deux ans et demi pour que la question financière, celle de l’équilibre de nos régimes de retraite dans le cadre de cette réforme, remonte à la surface. C’est assez surprenant !

Pourquoi en sommes-nous là ? Chacun connaît la réponse !

En 2017, le Président de la République, alors candidat en campagne électorale, avait expliqué qu’il n’y avait aucun problème et que l’on ne reculerait pas l’âge de départ à la retraite. On allait faire une réforme systémique, garantissant à chacun qu’il percevrait au moins autant que précédemment, et tout se passerait tout à fait tranquillement.

C’est seulement à l’été dernier, avec la fameuse apparition de l’âge d’équilibre, que l’on a pu découvrir que Jean-Paul Delevoye était parvenu à la conclusion suivante : ce n’était pas possible !

Malgré cela, nous venons de passer quasiment six mois sans que le Gouvernement soit capable de préciser quels sont les enjeux budgétaires. C’est pourtant là la question principale !

L’âge d’équilibre, monsieur le secrétaire d’État, on ne sait plus si vous avez le retenir ou pas. Laurent Berger propose d’augmenter les cotisations, mais nous sommes bien évidemment nombreux à considérer, comme les représentants du patronat, que ce n’est pas envisageable. Comment allez-vous faire ?

Ma question est simple. Si l’on distingue trois périodes – la période courant jusqu’en 2025, pour laquelle le COR annonce qu’il manque entre 7 et 17 milliards d’euros, la période intermédiaire de convergence et la période où seul subsistera le nouveau système –, quels sont les enjeux budgétaires pour chacune d’entre elles ? Donnez-moi un ordre de grandeur !

Je vous demande non pas de m’expliquer comment vous allez régler le problème – vous allez me répondre que les négociations sont en cours avec les partenaires sociaux –, mais simplement de me donner un ordre de grandeur !

À cela, j’ajouterai une autre question. On a beaucoup parlé du cas des enseignants : le Gouvernement va devoir augmenter les traitements sur la longue durée pour que cette catégorie de fonctionnaires ne soit pas perdante. Mais, à mon sens, les enseignants ne sont pas les seuls concernés : de nombreux fonctionnaires territoriaux, hospitaliers ou d’État de catégorie C seront aussi affectés.

On nous annonce 10 milliards d’euros pour les enseignants. Monsieur le secrétaire d’État, combien pour tous les autres ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Une partie des réponses à vos questions, monsieur le sénateur Dallier, se trouvera dans l’étude d’impact du projet de loi.

Mme Cécile Cukierman. Ils n’ont pas fini de l’écrire !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Je comprends votre enthousiasme à vouloir obtenir des réponses immédiatement et, très franchement, je ne trouve pas vos interrogations inintéressantes…

M. Philippe Dallier. Merci ! (Sourires.)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Mais peut-être peut-on en rester à une vision un peu macroéconomique et attendre l’examen du projet de loi pour aborder les points de façon plus précise.

La réalité – c’est le premier chiffre que nous pouvons partager –, c’est le budget ! L’enveloppe constante attribuée aux retraites s’élève à 325 milliards d’euros – environ 14 % du PIB – et, on le sait, elle augmente lorsque ce dernier progresse. On a donc une vision de l’effort que le système de retraite universel demandera à la Nation.

M. Patrick Kanner. Cela ne suffira pas !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. C’est un point intéressant, car il démontre qu’il n’y a pas de visée budgétaire, que le but n’est pas de faire des économies.

Prenons maintenant les régimes spéciaux évoqués dans la question précédente. Ainsi, 9 milliards d’euros de dotation leur sont consacrés chaque année. La suppression de ces régimes spéciaux entraînera donc progressivement, mais sûrement, un gain de 9 milliards d’euros.

Quant à la situation des enseignants…

M. Patrick Kanner. Douze milliards d’euros !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. … effectivement, il faut s’interroger sur le contrat social passé entre la Nation et les enseignants.

On peut envisager la problématique sous l’angle du coût ; on peut aussi l’envisager sous l’angle de l’investissement. L’éducation nationale, c’est un investissement !

M. Patrick Kanner. Des chiffres !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Au moment de revoir le dispositif de retraite des enseignants, il paraît donc intéressant de se poser la question du contrat social qui les lie à la Nation.

M. Rachid Temal. Ça rame !

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Est-il logique qu’ils soient parmi les moins bien payés des pays de l’OCDE ?

Il y a un certain nombre de questions sur lesquelles nous reviendrons au moment de l’examen du projet de loi.

M. Rachid Temal. Deux minutes sans un chiffre !

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)