M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un sujet que nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart connaissent bien, cette proposition de loi reprenant nombre de pistes avancées par la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et le rapport qui s’en est ensuivi, adopté à l’unanimité par notre assemblée.

Je ne peux évidemment que saluer, comme mes collègues l’ont fait, le sérieux et le travail de cette mission d’information, travail qui s’est prolongé jusqu’à cette proposition de loi. J’y associe la commission des finances qui a apporté une expertise complémentaire.

Au terme des travaux de la mission d’information, il est apparu urgent de changer la politique publique relative aux catastrophes naturelles sur deux axes.

La priorité est le renforcement de la politique de prévention, puisque, et cela a été rappelé, 1 euro investi dans la prévision permet d’économiser 7 euros d’indemnisation. Au sein de la politique de prévention, le fonds Barnier aurait un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui.

Par ailleurs, le rapport de la mission d’information conclut sur la nécessité de réformer le régime des catastrophes naturelles. Tel qu’il ressort des travaux de la mission, ce régime apparaît inadapté, d’une part, en raison de l’utilisation de critères et seuils techniques inintelligibles et instables, et, d’autre part, en ce que le processus d’indemnisation en faveur des sinistrés est perçu comme un « parcours du combattant ». De nombreux particuliers signalent des difficultés avec les assureurs lors de la phase d’indemnisation, notamment en matière de délais de déclaration des sinistres ou d’évaluation des dommages par les experts d’assurance.

La proposition de loi retient plusieurs axes évoqués dans le rapport de la mission d’information : la réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs, le fonds Barnier, le renforcement des droits des assurés et du montant des indemnisations dont ils bénéficient, la création d’un crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques, le passage au niveau législatif de l’existence de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, et enfin, la création, dans chaque département, d’une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle.

On ne peut que souscrire à ces propositions dans leurs objectifs.

L’article 1er prévoit de réformer le fonctionnement du fonds Barnier et, notamment, d’améliorer la stratégie de prévention des risques au sein dudit fonds.

Les chiffres étayés par notre collègue Jean-François Husson insistent sur la nécessité d’augmenter les plafonds de ressources de ce fonds. Nous entendons cet argumentaire, qui s’inscrit dans une démarche pragmatique et de bon sens, tout comme nous pourrions aussi entendre celui qui incite au déplafonnement du fonds par souci de justice et d’efficacité. Cela étant, il me semble que c’est toute la doctrine du fonds Barnier que nous devrions revisiter au vu des enjeux climatiques auxquels nous sommes confrontés.

De même, je crois que nous devons faire attention aux fausses bonnes idées quant à la composition du conseil de gestion. La prise de décision doit être efficace, sans se perdre dans des jeux d’intérêts complexes ; je soutiens à ce titre une instance de pilotage resserrée. Compte tenu des enjeux, nous devrions donner au conseil de gestion les moyens de son efficacité.

Concernant l’article 2 relatif aux droits des assurés, je souligne, comme l’a fait la commission des finances, que le délai de prescription actuel de deux ans en cas de catastrophe naturelle encourage la mise en œuvre rapide des travaux de réparation et qu’il ne pose à l’heure actuelle aucune difficulté pratique.

Sur un autre point de l’article concernant l’intégration des frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie CatNat, il est vrai qu’il s’agit d’une demande forte des sinistrés, car la prise en charge du relogement est facultative et effectuée selon des modalités variables d’un assureur à l’autre.

Il est aussi vrai que la question du relogement est plus temporelle et moins liée à urgence : le relogement s’inscrit sur un moyen terme, le temps de la remise en état, ce qui peut sembler contradictoire avec les termes de l’article 2 de la proposition de loi qui visent le relogement d’urgence.

Sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, je souscris aux dispositions de l’article 4 qui prévoient de rendre publics les rapports d’expertise utilisés par la commission interministérielle. Tout ce qui participe de la transparence de la décision publique représente en effet une avancée.

Concernant les modalités de travail de cette commission, il faut éviter de rendre obligatoire sa consultation. Dans certaines situations, le caractère anormal du phénomène est malheureusement devenu évident.

Enfin, l’article 5 prévoit une cellule de soutien aux maires. Cet outil me semblerait utile, évidemment à condition qu’il soit coordonné avec les services de l’État.

Cette proposition de loi rappelle que, dans tous les cas, ce sont les maires qui sont en première ligne et qui fournissent la première réponse lorsqu’une catastrophe naturelle touche notre pays.

Le texte, nous le savons, pourra être amélioré durant la navette parlementaire, certains points relevant par exemple du domaine réglementaire plutôt que de la loi.

Nous sommes – pour beaucoup d’entre nous – malheureusement, et toujours en appui aux maires, confrontés dans nos territoires à ces situations qui nécessitent la mise en œuvre du régime d’indemnisation. Je pense notamment à nos collègues des départements touchés régulièrement par les inondations.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte bien différent de celui de 1982, à une époque où les risques climatiques étaient sans doute moins nombreux aussi : l’augmentation du nombre de phénomènes climatiques extrêmes et l’artificialisation des sols sont aujourd’hui responsables de bien des situations.

Un quart des Français sont exposés à un risque d’inondation. La sécheresse ou ses conséquences touchent la quasi-totalité de notre territoire, et les risques de submersions marines ou d’érosion du trait de côte augmentent de façon considérable en métropole, mais aussi dans les territoires ultramarins.

Les difficultés sont parfois importantes pour gérer certains cas d’indemnisation comme en témoigne l’exemple de l’immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer, et je rappelle à ce titre l’amendement de notre collègue Françoise Cartron adopté l’an dernier.

C’est pourquoi des réponses pragmatiques doivent s’inscrire dans un ensemble de politiques publiques pour réaliser l’adaptation de notre pays aux évolutions climatiques. Il importe donc de prendre du temps et de poursuivre le travail en ce sens pour aboutir au dispositif le plus opérationnel possible. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Vaspart. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un an était mise en place une mission que j’ai eu l’honneur de présider et dont notre collègue Nicole Bonnefoy était rapporteure, sur le problème des indemnisations des sinistrés à la suite des catastrophes naturelles.

Cette mission correspondait au domaine de compétence attribué à notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable dont, d’ailleurs, le président et la rapporteure étaient membres. Nous étions 27 sénatrices et sénateurs issus de plusieurs commissions et de toutes sensibilités.

Nous avons réalisé collectivement, autour de Mme la rapporteure, de nombreuses auditions et effectué deux déplacements, l’un dans l’Aude qui concernait les inondations dramatiques de Trèbes, et l’autre dans le département de la Charente, où nous avons constaté le désarroi de nombreuses familles de sinistrés comme dans bon nombre de territoires français.

La présence de nos collègues a été très importante, tant pendant les auditions que dans les déplacements. Cela prouve, madame la secrétaire d’État, que le sujet mérite de la part du Gouvernement une attention particulière, une écoute et la mise en œuvre rapide des propositions qui sont issues de cet important travail, traduites dans la proposition de loi en discussion aujourd’hui. Nicole Bonnefoy propose ainsi un certain nombre de dispositifs améliorant le régime CatNat actuellement en vigueur.

Madame la secrétaire d’État, les sujets des inondations et des vagues de submersion sont dans l’ensemble assez bien traités, bien que des améliorations soient nécessaires, notamment dans les procédures qui ne relèvent malheureusement pas du domaine législatif. À cet égard, nous attendons une réponse précise de la part de la ministre de la transition écologique et solidaire, Mme Borne, puisque nous avons, Nicole Bonnefoy et moi-même, cosigné un courrier lui demandant ce que le Gouvernement compte faire sur les mesures proposées dans le rapport de notre mission et qui relèvent du champ réglementaire, courrier resté pour l’instant sans réponse.

En revanche, les catastrophes naturelles dues à la sécheresse sont particulièrement mal traitées et ont malheureusement conduit à de très nombreux drames humains dans plusieurs régions. Beaucoup de nos concitoyens dont les biens concernés n’ont pas été reconnus dans des périmètres de catastrophe naturelle les ont perdus ; c’est souvent le cas de leur maison qui était, pour nombre d’entre eux, le fruit des économies de leur vie, madame la secrétaire d’État.

Le Gouvernement ne peut pas laisser cette situation en l’état ! D’ailleurs, un ministre de votre gouvernement s’en est rendu compte, puisque M. Darmanin s’est permis de dégager des moyens financiers importants pour les sinistrés qui ont subi la sécheresse dans son département. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

M. Jean-François Husson, rapporteur. Pur hasard !

M. Michel Vaspart. Cela prouve des dysfonctionnements de l’État et des traitements inéquitables.

L’inégalité de traitement de nos concitoyens, selon qu’ils ont ou non près de chez eux un ministre du budget est, vous en conviendrez, particulièrement anormale. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)

M. Michel Vaspart. Cette proposition de loi reprend des mesures proposées dans le rapport qui, je vous le rappelle, mes chers collègues, a été voté à l’unanimité des groupes politiques du Sénat. Les sinistrés et leurs associations ne comprendraient pas que le Sénat, aujourd’hui appelé à se prononcer sur le prolongement concret du travail de la mission, revienne en tout ou partie sur ses choix.

C’est la raison pour laquelle je vous appelle à soutenir le texte initial sur le déplafonnement du fonds Barnier et à ne pas voter l’amendement de plafonnement, puis à adopter les différents articles de cette proposition de loi tant attendue par les élus et par nos territoires.

Madame la secrétaire d’État, le Sénat fait son travail. Je souhaite que le Gouvernement et l’Assemblée nationale prennent bien la mesure de l’attente de la société, en particulier des sinistrés. Sachez également anticiper l’accélération du nombre et de la violence des catastrophes naturelles.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois profondément que c’est par la cohérence de nos travaux que nous pourrons petit à petit reconquérir la confiance de nos concitoyens. Les élus doivent faire preuve de courage et de ténacité face à une administration, notamment celle de Bercy, qui n’a souvent qu’une approche technocratique. J’en veux pour preuve le blocage des indemnisations des propriétaires du « Signal » malgré la loi !

Mme Nicole Bonnefoy. Très bien !

M. Michel Vaspart. Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, le courage est le prix de la dignité. Cela s’applique particulièrement au sujet d’aujourd’hui. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SOCR et Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Gisèle Jourda. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais au préalable vous faire part de deux pensées.

J’ai tout d’abord une pensée émue, parce que j’ai vécu cette situation, pour les habitants et les élus de l’Aude, victimes des terribles inondations meurtrières – 15 morts, dont 6 à Trèbes – qui ont touché notre département il y a plus d’un an.

La seconde pensée, amicale, s’adresse à Nicole Bonnefoy et à mes collègues membres de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, dont les travaux ont abouti à la présente proposition de loi. Quand, dans le département de l’Aude, le temps est aujourd’hui péniblement à la reconstruction, notre proposition apporte des réponses concrètes aux problématiques rencontrées.

Je concentrerai donc mon propos sur les articles 4 et 5 de ce texte.

En plus de réformer la composition de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, l’article 4 renforce les pouvoirs des maires. Vous l’aurez compris, apporter un soutien aux élus qui sont en première ligne lors de la survenance d’un tel événement est primordial.

Aujourd’hui, il est de la responsabilité du maire de déposer une demande de reconnaissance communale et d’informer les sinistrés de son avancement. De fait, les maires sont souvent mis en cause injustement face à la lenteur de l’instruction des dossiers, voire à la suite d’une décision de non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

À cela s’ajoute une triste réalité : les élus, souvent livrés à eux-mêmes, ne bénéficient pas nécessairement d’informations précises ou de l’ingénierie leur permettant de gérer au mieux certaines situations.

C’est donc une double peine à laquelle il nous faut impérativement nous attaquer en apportant un soutien et des outils aux élus dans la gestion de leurs dossiers CatNat.

C’est pourquoi l’article 4, d’une part, allonge de dix-huit à vingt-quatre mois le délai pendant lequel une demande de reconnaissance peut être formulée après la survenance d’une catastrophe naturelle, les conséquences de certains événements climatiques n’étant pas nécessairement décelables immédiatement. D’autre part, il permet aux communes qui se sont vu refuser une première fois une demande de reconnaissance de soumettre une deuxième demande, dès lors qu’elles produisent des données complémentaires résultant d’une étude de terrain.

Délivrer une information complète aux maires, c’est ce qui a péché dans l’Aude. Notre rapport d’information a bien mis en avant l’esseulement des édiles lors de la survenance d’aléas climatiques exceptionnels. Cette situation est particulièrement difficile lorsqu’elle les expose directement à des sinistrés désemparés, voire lorsque les maires sont eux-mêmes sinistrés. Il leur revient pourtant de devoir expliquer l’état de la situation à leurs administrés et de se faire le relais de décisions ministérielles parfois difficile à entendre.

L’article 5 entend remédier à cet isolement en instaurant dans chaque département une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle, laquelle permettra de les soutenir, de les accompagner dans leurs démarches, de les orienter devant un refus de reconnaissance et de les conseiller, le cas échéant.

Enfin, il est un point sur lequel j’entends insister : la situation assurantielle des sinistrés. Dans l’Aude, certaines assurances refusent de reconduire des contrats souscrits avant la survenance d’une catastrophe naturelle, ou alors le font avec un malus exorbitant. C’est purement scandaleux. Il n’existe pas de moyens légaux pour les contraindre, sinon le dispositif que propose l’article 4. Il supprime en effet la possibilité de moduler des franchises à la charge des assurés en fonction de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels.

Un dernier mot relatif au crédit d’impôt créé par l’article 3. Cette incitation est bienvenue, sinon indispensable. Néanmoins, comme son nom l’indique, le crédit d’impôt ne vaut que pour les gens qui payent des impôts. Que faire pour les autres ? Comment renforcer la prévention des dommages en diminuant le reste à charge pour les particuliers qui ne sont pas imposables sur le revenu ? La mécanique parlementaire est fortement contrainte et ne nous permet pas, madame la secrétaire d’État, de créer des subventions. Il est de votre responsabilité de les mettre en place. Nous comptons sur vous.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte apporte des réponses non exhaustives aux problématiques soulevées par les travaux de notre mission. Je vous invite à le voter unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face aux aléas climatiques qui touchent nos territoires dans leur diversité, nous ne devons tolérer aucun fatalisme. Nous devons plutôt tirer les leçons des intempéries pour en finir avec les approches bureaucratiques dans la gestion des catastrophes naturelles.

En effet, la pratique met en lumière des dispositifs sous-dimensionnés pour venir rapidement en aide aux sinistrés et aux collectivités.

Comme le montrent les intempéries qui frappent régulièrement le sud-est de la France, et tout particulièrement le département des Alpes-Maritimes, l’aléa climatique est de plus en plus répétitif, violent et même meurtrier. La fin de l’année 2019 aura été particulièrement difficile pour un grand nombre de communes de mon département.

S’agissant de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, s’il convient de saluer le travail des maires, qui se mobilisent pour enclencher la procédure auprès des services de l’État, la méthode de fonctionnement actuelle reste à géométrie variable. Son opacité fait naître de l’incompréhension, parfois même un sentiment d’injustice dans nos territoires.

Je prendrai pour exemple les coups de mer d’octobre 2018 qui ont entraîné de fortes inondations dans les Alpes-Maritimes. Les arrêtés de catastrophe naturelle ont été pris pour certaines communes et pas pour d’autres, alors même que les dégâts étaient tout aussi importants.

Lors de nos auditions dans le cadre de la mission d’information préfigurant cette proposition de loi, quelle ne fut pas ma surprise d’entendre un avocat spécialisé dans les assurances m’expliquer que, dans la pratique, on constatait que la commission interministérielle ne servait à rien pour décréter l’état de catastrophe naturelle.

Il me semble que, dans le cadre de l’élaboration du futur projet de loi Décentralisation, différenciation et déconcentration, dit projet de loi 3D, une nouvelle version de cette procédure pourrait être mise à l’étude par le Gouvernement. Les services des ministères pourraient ainsi se déplacer afin de décentraliser la décision interministérielle prise conjointement avec le préfet, et en concertation avec les collectivités locales. La décision gagnerait ainsi en pragmatisme et en transparence.

Je souhaiterais également, comme nombre de mes collègues, parler de l’accompagnement des élus confrontés à la lenteur des procédures après une catastrophe. L’engagement et le courage des élus volontaires dans la gestion du risque doivent être valorisés par l’État, surtout lorsque leurs décisions permettent d’anticiper l’intervention de régimes d’assurance devenus obsolètes.

Je pense tout particulièrement aux élus de Biot et de la communauté d’agglomération de Sophia-Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, qui ont pris une décision audacieuse et courageuse : à l’aide du fonds Barnier, ces collectivités ont racheté un lotissement d’une vingtaine de maisons pour le raser définitivement, en accord avec les habitants.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, le rôle du Gouvernement est crucial pour décider de moderniser ou non ce régime, comme le propose aujourd’hui le Sénat, dans un large consensus, au travers de cette proposition de loi qui, je l’espère, pourra prospérer à l’Assemblée nationale, pour qu’enfin les systèmes d’indemnisation soient modernisés et que le défi du changement climatique soit durablement relevé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Marc Daunis. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier chaleureusement notre collègue Nicole Bonnefoy, auteure de cette proposition de loi, qui a fait preuve d’un engagement particulièrement vigoureux, passionné et éclairé sur le sujet de la nécessaire réforme du régime des catastrophes naturelles.

Permettez-moi, en propos liminaire, de témoigner, en tant que président du groupe interparlementaire d’amitié France-Australie au Sénat, de notre totale solidarité avec nos amis australiens, qui vivent un cauchemar absolu. Les chiffres sont terribles : 10 millions d’hectares de végétation détruits, dont 800 000 hectares dans un seul incendie ; 2 000 maisons détruites ; 28 personnes y auraient trouvé la mort depuis septembre ; 1,25 milliard d’animaux auraient péri dans ces incendies. Le nuage provoqué va faire, selon les experts de la NASA, le tour de la planète. Tout cela résulte d’une sécheresse exceptionnelle sévissant depuis septembre sur l’île-continent.

Hormis quelques invétérés et indécrottables climatosceptiques, chacun, et surtout les scientifiques, s’accorde pour nous alerter sur la croissance quasi exponentielle de l’intensité et de la fréquence des catastrophes naturelles.

Des inondations récentes dans l’Aude, le Var ou les Alpes-Maritimes, aux cyclones ou aux échouages massifs d’algues sargasses sur les littoraux antillais, en passant par des phénomènes fréquents de sécheresse dans nombre de nos départements, notre pays, la France, tant métropolitaine qu’ultramarine, est aussi concernée dans un contexte de dérèglement climatique.

J’ai vécu, comme beaucoup d’autres sur ces travées, le désarroi d’habitants, accablés de voir que tout ce qu’ils possèdent, leur intimité même, leur maison ou un paysage, peut être détruit en quelques instants. Bref, c’est être confronté à quelque chose qui nous dépasse et sur lequel nous ne pouvons pas avoir prise.

C’est pour cette raison qu’il est urgent de travailler sur la refonte de ce régime.

En tant que maire de Valbonne-Sophia-Antipolis, dans les Alpes-Maritimes, j’ai aussi été témoin d’une incompréhension quand toutes les communes qui entouraient la mienne ont été, à la suite d’un retrait-gonflement des argiles, déclarées en état de catastrophe naturelle, ma commune en étant, elle, exclue. Pourtant, depuis les Romains, de l’argile en est extraite, et les poteries constituent une activité artisanale de Vallauris depuis des années. Nos concitoyens ne peuvent pas comprendre cela.

Madame la secrétaire d’État, vous avez sans doute des réponses techniquement irréfutables, mais elles se heurtent à la logique et au bon sens sur le terrain.

L’approche que nous avons eue de ce problème, dans le cadre de la mission d’information présidée remarquablement par notre collègue Michel Vaspart, dont je salue les propos forts et rigoureux, avec comme rapporteure notre collègue Nicole Bonnefoy, a débouché sur un travail précis, pragmatique, que ce soit sur la réforme du fonds Barnier, pour redonner moyens et souplesse au dispositif, ou sur le financement d’actions de prévention sur des questions centrales.

Il y a bien sûr la question du crédit d’impôt. Il est discutable, parce qu’il laisse de côté, de fait, ceux qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. En revanche, il constitue une réponse rapide.

Je ne reviendrai pas sur les différents points présentés par mes collègues, et je conclurai sur une interrogation, madame la secrétaire d’État. Quel est le sens de la navette parlementaire si elle n’est pas l’occasion de préciser et de peaufiner les différents éléments ?

Au vu de l’urgence et de la qualité du travail proposé, il m’apparaît important que nous puissions, d’une part, voter ce texte, et, d’autre part, nous engager tous à travailler encore sur le sujet, sachant que la question du déplafonnement est centrale. Nos concitoyens ne comprendraient pas que nous demandions du temps supplémentaire pour traiter les conséquences de cette évolution climatique, dont l’actualité nous rappelle le caractère inéluctable. Nous devons être à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pas un pays dans le monde n’est épargné par une augmentation significative des catastrophes naturelles, dans leur fréquence et dans leur intensité. L’Australie en proie aux flammes, les dernières inondations en Indonésie : il n’est plus possible de nier l’évidence du dérèglement climatique et de ses conséquences.

La France, notre pays, connaît régulièrement son lot de catastrophes naturelles. Je pense aux récentes inondations meurtrières qui ont touché le sud de la France, mais également aux tempêtes qui ont frappé nos côtes métropolitaines et nos outre-mer.

Aujourd’hui encore, le Finistère, le Morbihan et la Loire-Atlantique ont été placés en vigilance orange pour risque de « vagues-submersion » et « pluie-inondation ». Ces phénomènes, nous devons désormais apprendre à vivre avec et à les anticiper : cela s’appelle la résilience. C’est en Vendéen qui a connu la tempête Xynthia que je vous le dis.

Je salue de nouveau le travail de nos collègues, Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et Michel Vaspart, dans le cadre de la mission d’information, dont le rapport a été adopté à l’unanimité. Comme je l’avais souligné lors du débat consacré à ce sujet, voilà peu, dans cet hémicycle, nous devons adopter une réelle culture du risque qui permette à notre pays de mieux appréhender ces événements. Bien entendu, je ne peux qu’être en accord avec l’idée de déplafonner le fonds Barnier.

Depuis sa création, le champ d’action de ce fonds n’a cessé de s’élargir, mais ses moyens d’action n’ont pas cessé, quant à eux, de diminuer.

Pour rappel, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, a été prélevé de 55 millions d’euros en 2016 et de 70 millions d’euros en 2017. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement a également décidé de plafonner ce fonds à hauteur de 137 millions d’euros, alors que les recettes, issues des cotisations des assurés, sont supérieures à 200 millions d’euros. J’étais intervenu dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 pour rétablir les moyens du fonds Barnier. Malgré un vote quasi unanime d’un amendement déplafonnant le fonds, le Gouvernement n’avait pas souhaité le conserver dans le texte définitif. L’an dernier, le projet de loi de finances pour 2019 est de nouveau venu diminuer de 20 millions d’euros le montant des dépenses autorisées pouvant être consacrées au financement des études et des travaux de prévention par les collectivités territoriales. Là encore, nous avions dénoncé cette ponction sur ces travées.

L’automne dernier, nous avons déposé sans succès, avec Michel Vaspart, des amendements, déclarés irrecevables, demandant de nouveau le déplafonnement du fonds. Il y a donc un réel paradoxe entre cette nécessité de préparer la France à ces changements climatiques et les faibles moyens, de surcroît en diminution, qui y sont consacrés.