M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. Excellente réforme !

M. Jean-Claude Requier. … pourrait être un moyen de combattre l’image d’État hégémonique, voire néocolonial, qui colle à notre pays.

Dans le même esprit, la déclassification des archives françaises sur l’assassinat de Thomas Sankara, l’ancien Président charismatique du Burkina Faso, est de nature à construire une autre image de la France.

J’en viens aux deux conventions – la convention d’entraide judiciaire en matière pénale et la convention d’extradition –, qui s’inscrivent également dans la volonté d’établir des rapports de confiance entre la France et le Burkina Faso.

Notre collègue rapporteur l’a rappelé, les autorités françaises et burkinabées ont décidé de moderniser l’accord de coopération en matière de justice ratifié en 1961, afin de fluidifier les échanges entre les parties et d’assurer une meilleure exécution des demandes d’entraide et d’extradition.

Mon groupe soutient ce projet de loi de ratification, tout d’abord en raison du contexte géopolitique que je viens d’évoquer, cela va de soi. Certains dossiers d’enquête visent des infractions terroristes : la France a donc tout intérêt à une coopération judiciaire efficace avec le Burkina Faso. C’est d’ailleurs pourquoi notre pays est le plus demandeur des deux États.

Ensuite, les institutions judiciaires burkinabées, telles qu’elles sont aujourd’hui structurées, devraient faciliter la mise en œuvre des stipulations décidées par les deux parties. En particulier, la réforme du code pénal entreprise en 2018 va dans le sens des standards internationaux. Elle est nécessaire à une coopération judiciaire de qualité, mais aussi respectueuse des droits de l’homme. Il faudra néanmoins être vigilant sur la question de la peine capitale, certes supprimée dans le nouveau code pénal burkinabé, mais encore en vigueur dans certaines lois spéciales touchant au cadre militaire.

Sous réserve de ces quelques observations, le groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Robert Laufoaulu applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces deux conventions d’entraide judiciaire et d’extradition visent à promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui est l’enjeu principal de nos relations avec le Burkina Faso. Ce pays est régulièrement la cible d’attaques terroristes. Je pense notamment à l’attaque de l’ambassade de France, événement très grave survenu en 2018.

Lundi dernier, trente-six civils ont été assassinés au marché de Nagraogo. Cette attaque n’est que la énième d’une longue liste d’attentats. L’assaut a eu lieu alors même que le Parlement burkinabé était en train d’adopter une loi permettant le recrutement de volontaires locaux dans la lutte antidjihadiste, des « milices » – au sens noble du terme – d’autodéfense en quelque sorte. La totalité de la communauté française au Burkina Faso vit en conséquence totalement enfermée à l’intérieur de Ouagadougou, ce qui révèle une grande faiblesse.

C’est dans ce contexte de crise que ces conventions sont signées, d’une part, pour réaffirmer tout notre soutien et notre implication dans la lutte contre le terrorisme et, d’autre part, pour permettre une meilleure coordination et une meilleure coopération judiciaire pénale. En effet, c’est en adoptant une politique d’entraide forte entre nos deux pays que nous réussirons à pallier les failles du système judiciaire actuel, qui profitent aujourd’hui aux terroristes.

Il s’agit, en particulier, de lutter contre le financement du terrorisme, qui est la matrice de tout problème. Nous savons bien que le trafic de drogue, le trafic de cigarettes et le trafic d’êtres humains passent par le Burkina Faso : les trafiquants remontent du nord à partir de la Guinée et aboutissent dans ce grand supermarché qu’est devenu le Sahara grâce aux tribus touareg.

La convention est très précise sur les conditions d’extradition. Ainsi, le secret bancaire ne pourra être invoqué, et il sera possible d’obtenir des renseignements sur les comptes détenus dans une banque située sur le territoire de la partie requise par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale.

La France apporte un soutien capital au Burkina Faso dans ses efforts de démocratisation depuis l’élection du Président Kaboré en 2015. Elle est d’ailleurs son premier partenaire bilatéral avec plus de 100 millions d’euros par an. Bien qu’insuffisante, cette aide est nécessaire. En effet, la crise humanitaire que traverse le pays est sans précédent. L’accès aux services d’eau et d’assainissement est limité. De plus, près de 300 000 enfants se trouvent privés d’éducation et une partie d’entre eux souffrent de malnutrition. La situation sécuritaire se dégrade aussi de jour en jour.

Je profite de l’occasion pour saluer l’engagement et le sacrifice de nos soldats. J’en profite aussi pour souligner que l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est que l’armée burkinabée n’est pas à la hauteur de sa tâche. Cela fait soixante ans que nous formons des soldats dans ce pays. Or ces derniers n’ont pas beaucoup progressé.

Depuis 2018, l’état d’urgence est permanent dans quatorze provinces du pays. Malgré les pouvoirs conférés aux forces burkinabées, il leur est difficile d’enrayer les attaques djihadistes. Le terrorisme s’étend sur des zones de plus en plus vastes, tandis que des milliers de personnes fuient les localités ciblées. Pour l’essentiel, il s’agit du nord-est du pays, la zone des trois frontières du Niger, du Burkina Faso et du Mali. C’est là que se réfugient cinq ou six groupes terroristes, structurés différemment, avec des allégeances religieuses et politiques elles aussi diverses.

Cette situation sécuritaire est donc au cœur de toutes les préoccupations françaises et européennes. L’Union européenne a d’ailleurs annoncé en décembre conforter son soutien matériel à la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso. On espère d’ailleurs que l’effort profitera bien à cet État et non aux groupes terroristes, comme cela arrive malheureusement trop souvent.

Les conventions d’entraide judiciaire et d’extradition s’inscrivent dans les coopérations en cours – en marche – en matière de sécurité régionale et de lutte contre le terrorisme, notamment la coopération entamée en 1961 au moment de l’indépendance. La convention d’extradition respecte les règles classiques du droit de l’extradition et est conforme aux droits français et européen. Pour ces raisons, notre groupe soutient entièrement la ratification de ces deux conventions. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux conventions d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale que nous examinons aujourd’hui semblent aller dans le bon sens.

J’évoquerai tout d’abord l’aide apportée par la France au développement administratif et judiciaire du Burkina Faso. Dans le cadre de cet effort de démocratisation, il faut s’attacher à ne pas effectuer, pour la reproduire, un simple copier-coller de notre administration française.

Ces conventions ont une portée relative, puisque l’on ne parle, en matière d’extradition par exemple, que de six dossiers en cours, dont celui du frère de Blaise Compaoré arrêté à Roissy. Il s’agit d’un feuilleton que nous suivons de très près. En effet, François Compaoré a vu une partie importante de ses mandats d’arrêt burkinabés annulée. En parallèle, la Côte d’Ivoire se montre toujours aussi réticente à l’extrader, d’autant qu’il est devenu depuis citoyen ivoirien. La France, au vu de ses relations privilégiées avec les deux pays, pourrait jouer le rôle d’intermédiaire pour permettre à l’ancien Président Compaoré d’être enfin jugé au Burkina Faso. Le plus dur reste donc à faire pour que toute la justice triomphe et que les coupables soient jugés.

Par ailleurs, depuis novembre 2017, à la suite de la promesse faite par le Président de la République à Ouagadougou, les archives françaises relatives à l’assassinat du Président Thomas Sankara sont déclassifiées pour partie. Il s’agit d’une avancée majeure, dont nous nous félicitons, pour que la justice fasse enfin son œuvre.

Ces deux conventions doivent aider le Burkina Faso à perfectionner son système judiciaire. C’est pourquoi notre groupe les votera, tout en ayant des réserves sur la politique générale de la France en Afrique et, plus particulièrement, au Sahel. À ce titre, l’audition du général à la retraite Didier Castres par notre commission a été très éclairante – en tout cas, en ce qui me concerne – sur la gestion des crises et, surtout, sur la prévention des conflits. Il a porté un certain regard critique sur nos positions.

Quelle est la réponse de Paris au développement des mouvements populaires anti-Français et d’un terrorisme islamiste loin d’être éradiqué, et même plutôt tentaculaire, dans les pays du Sahel comme le Burkina Faso ?

À mon avis, en reprochant à des forces étrangères de manipuler l’opinion burkinabée, Emmanuel Macron a minimisé l’implication des armées sahéliennes dans la lutte contre le terrorisme. En effet, tous ces pays du Sahel ne misent pas forcément sur une armée forte pour leur pays. Certains d’entre eux veulent au contraire que leur armée nationale ait le moins d’influence possible sur le gouvernement. Il faut dire aussi que leurs moyens en matériel militaire sont bien inférieurs aux nôtres.

Je souhaiterais évoquer ici l’opération Barkhane.

Les groupes terroristes, très nombreux, continuent de se renforcer. Les soldats français sont de plus en plus souvent leurs cibles. Les événements tragiques s’enchaînent et la situation empire. Résultat : le ressentiment contre la France et, plus encore, contre la politique française en Afrique grandit, sans oublier que des milices locales de la mouvance islamiste complexifient encore davantage la situation dans cette zone.

Comment justifier l’envoi de nouveaux soldats ? Est-ce donner l’image d’une plus grande implication de la France ? Je ne vois pas ce que changera vraiment la mobilisation de 200 soldats français supplémentaires.

Au-delà de ces deux conventions, que nous soutenons, se pose la question des perspectives. Comment aboutir à la paix dans cette région du Sahel ? Il faut probablement une gestion différente de l’aide au développement, tout le monde est d’accord sur ce point. Mais il faut surtout une solution politique : chacun sait qu’il faudra s’y atteler un jour. (M. Éric Bocquet et M. le rapporteur applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu. (M. Joël Guerriau applaudit.)

M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « les bons sentiments ne suffisent pas à notre protection. La guerre n’est pas un phénomène “hors-sol”, réservé aux autres : elle vient frapper tous ceux qui refusent de la regarder en face. La sécurité n’existe que pour qui s’en donne les moyens. » Les mots du général Vincent Desportes que je viens de vous lire synthétisaient, avec beaucoup de lucidité, la situation de la France à la suite des attentats de 2015. La menace djihadiste est née et a prospéré dans des territoires où l’État est affaibli, où le règne de la loi n’a plus cours et où les populations sont délaissées.

La géographie du Sahel, qui rend le territoire difficile à maîtriser, a toujours été propice au développement de trafics. La contrebande perdure. Depuis plusieurs années, cette zone connaît en outre la prolifération de groupes terroristes.

En 2013, à la demande des autorités maliennes, la France est intervenue dans l’urgence pour faire barrage aux groupes qui menaçaient directement Bamako. Si la France n’est pas la seule à lutter contre le djihadisme au Sahel, elle est cependant l’une des principales forces à l’œuvre.

Sur un territoire grand comme le continent européen, 4 500 de nos soldats se battent dans des conditions très difficiles. Certains d’entre eux ont perdu la vie au cours de leur engagement pour la paix, pour la défense des intérêts de la France, de l’Afrique et de l’Europe. L’ensemble du groupe Les Indépendants tient à rendre hommage à ces femmes et à ces hommes dont le courage ne peut être que salué.

Les guerres asymétriques, en particulier la lutte contre le terrorisme, nous rappellent que le fait de gagner la guerre, c’est avant tout pouvoir bâtir la paix. Les victoires militaires, seules, ne permettent pas de parvenir à la paix. Pour mettre durablement fin à un conflit armé, on ne peut pas faire l’économie d’une solution politique, quand bien même on disposerait d’une écrasante supériorité militaire.

Afin d’éviter l’enlisement dans des opérations militaires qui ne peuvent en aucune manière apporter une réponse politique, la France a développé la stratégie 3D. Cette stratégie vise à prendre en compte tous les paramètres de la résolution d’un conflit.

Le militaire et la « défense » ne représentent que l’un des trois « D ». Les deux autres rappellent l’importance du dialogue et de la négociation au travers de la « diplomatie ». Le « développement », enfin, est le troisième volet de cette approche globale.

L’apparition de groupes terroristes est un événement multifactoriel. La résorption de ces groupes l’est aussi. La situation du Burkina Faso doit nous interpeller. Le pays connaît une dégradation des conditions sécuritaires, ainsi qu’une aggravation de la crise humanitaire.

Ces deux phénomènes s’autoalimentent et menacent la région dans son ensemble. Si rien n’est fait, il est à craindre que les effets se fassent sentir dans les pays voisins, notamment au Mali et en Côte d’Ivoire. Il est également probable qu’ils se feront sentir plus loin, notamment ici, en Europe.

Le projet de loi que nous examinons actualise les conventions d’entraide judiciaire et offre des avancées concrètes en matière de lutte contre la criminalité, que ce soit en matière de trafic ou de terrorisme. Cette coopération renforcée contribuera à la stabilisation de la région. Nos deux pays, mais aussi nos deux continents, en bénéficieront.

Un double message est ainsi envoyé.

Le premier est adressé aux criminels et aux terroristes : les autorités françaises et burkinabées travailleront plus étroitement et plus rapidement pour que ceux-ci soient traduits en justice. Le second est adressé aux populations : la justice, l’autorité et l’efficacité de l’État sont renforcées par ces conventions.

La route qui mène au rétablissement de l’autorité de l’État et de la paix durable est encore longue. Y parvenir demandera d’autres mesures et une volonté qui s’inscrit dans la durée.

Le groupe Les Indépendants soutient l’adoption de ce projet de loi, qui renforce la sécurité et la stabilité de l’Afrique et de l’Europe. Nous resterons attentifs aux évolutions de la situation au Sahel, car elle a une influence sur la sécurité chez nous et en Europe. (M. Joël Guerriau, M. Éric Jeansannetas et M. le rapporteur applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis du retour à la procédure d’examen normal de ces conventions entre la France et le gouvernement du Burkina Faso, décidé à la demande de mon groupe, car la situation de ce pays doit assurément nous mobiliser. Les enjeux et les risques, tant pour le continent africain que pour l’Europe, méritent en effet un débat et l’expression des parlementaires.

On le sait, le Burkina Faso est dans l’œil du cyclone, tragiquement au bord du gouffre. Cible d’attaques répétées de la part de groupes djihadistes depuis 2016, ce pays est l’une des clés de la stabilité pour l’avenir de la paix dans toute l’Afrique de l’Ouest. Je n’hésite pas à dire que, si le Burkina Faso venait à tomber entre les mains des terroristes, c’est toute la côte guinéenne qui serait menacée, puis tous les autres territoires.

Il est donc primordial d’analyser les événements et de réagir, certes avec une vision régionale, mais aussi en étant conscient que les conséquences se feront sentir au niveau du continent africain, d’abord, européen, ensuite. C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons au sein du groupe d’amitié sénatorial France-Afrique de l’Ouest que j’ai l’honneur de présider.

D’ailleurs, la question posée ce matin n’est pas celle de la pertinence de la poursuite de l’opération Barkhane ni celle du rôle de la France au sein du G5 Sahel. Il faut rappeler, tant aux citoyens français qu’africains, que la priorité numéro un est la lutte contre l’enracinement de l’État islamique au Grand Sahara. En réalité, si cette région est concernée, toute l’Afrique puis l’Europe sont également des cibles.

Au Levant, les cendres de Daech sont brûlantes : l’Irak et la Syrie demeurent des poudrières dans lesquelles des civils meurent chaque jour depuis des années. Il faut éviter de répéter un tel scénario en Afrique et en Europe.

En 2015, j’ai présidé la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. En 2020, cinq après, je suis de nouveau membre d’une commission d’enquête relative à la radicalisation islamiste et aux moyens de la combattre, dont la rapporteure est ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Je peux vous affirmer que, sans action durable à long terme là-bas, notre travail ici n’aura que peu d’utilité.

Les conventions que nous examinons ce matin sont importantes et sont l’aboutissement d’un groupe de travail issu du G5. Elles s’inscrivent dans la logique de l’article 5 de la convention ayant créé le G5 Sahel, qui dispose notamment que ce dernier contribue à la mise en œuvre d’actions de sécurité et de développement en mettant en œuvre les conditions d’une meilleure gouvernance.

Une bonne gouvernance, c’est la force de la loi et la garantie de son application. C’est l’antithèse, et je dirai même l’antidote, au chaos recherché par les terroristes.

Empêcher la diffusion de l’idéologie des terroristes islamistes passe aussi par une réponse judiciaire ferme s’inscrivant dans un cadre légal et par la répression de leurs actes ici et là-bas.

De fait, la renégociation de ces conventions bilatérales en matière d’entraide judiciaire et d’extradition élargit le champ de la convention de 1961, aujourd’hui désuète. L’objectif est d’améliorer les échanges d’informations, en particulier pour les enquêtes liées au terrorisme dans lesquelles la France ne peut agir seule. Celle-ci a besoin de renseignements et d’une coopération avec tous les pays de la zone. Je pense aussi, par exemple, à l’Algérie et au Maroc.

Aujourd’hui, en dépit de la présence d’un magistrat de liaison à Dakar, dont le rôle est de faciliter la prise en compte des demandes françaises et leur exécution, les délais de traitement peuvent atteindre des années, alors que nos organisations judiciaires sont en fait assez similaires. Cela est dommageable pour tout le monde.

La promulgation d’un nouveau code pénal en 2018, la réforme de la garde à vue et l’instauration du contrôle judiciaire sont des signes positifs, qui participent de la réaffirmation de l’État de droit. Par ailleurs, le renforcement du pôle spécialisé dans la lutte contre le terrorisme est une absolue nécessité.

Nous savons que le financement du terrorisme est lié au grand banditisme, dont les activités vont du trafic de drogue à celui des êtres humains. Dans ce dernier secteur d’activité, les trafics représentent plusieurs milliards de dollars selon Interpol. Ils alimentent les flux de personnes déplacées, augmentent les risques d’affrontements communautaires et déstabilisent un peu plus les États.

Dans ce type d’enquêtes sur les filières, le recueil de preuves est extrêmement difficile. De fait, la possibilité de procéder par visioconférence, prévue par la convention, constitue une avancée majeure, mais à la condition, bien entendu, que les parties soient équipées techniquement.

De même, les dispositions relatives aux interceptions de télécommunications et aux opérations d’infiltrations témoignent de la volonté de tendre vers des conditions optimales de l’exercice légal de la justice.

Mes chers collègues, c’est donc sans surprise que le groupe Les Républicains du Sénat votera ces conventions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conventions entre la France et le Burkina Faso que nous ratifions aujourd’hui, étroitement liées à celles, jumelles, entre la France et le Niger, s’inscrivent dans la stratégie globale de la présence française en Afrique sahélienne. En effet, comme l’a rappelé notre collègue rapporteur Olivier Cigolotti, que je remercie pour ses travaux,…

M. Vincent Delahaye. Excellents !

M. Olivier Cadic. … notre pays est engagé depuis maintenant près de sept ans au Sahel, afin de lutter contre les groupes terroristes.

Les opérations Serval, puis Barkhane sont le fer de lance de notre action dans la région, mais la présence de ces groupes terroristes dans la bande sahélo-saharienne impose d’aller au-delà de la seule action militaire, aussi importante et stratégique soit-elle. En effet, d’autres enjeux sécuritaires s’ajoutent, dans la région, à celui du terrorisme djihadiste.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir mentionné la disparition de compatriotes lors d’attentats à Ouagadougou. En effet, les menaces sont quotidiennes. Tout peut arriver, à tout instant.

À ce titre, je veux saluer Martine Voron, conseillère consulaire pour le Burkina Faso. Le 2 mars 2018, à Ouagadougou, des terroristes ont attaqué l’état-major de l’armée burkinabée. Le bureau de l’élue consulaire se trouvait à soixante mètres du lieu de l’attentat. Après avoir entendu une grande explosion, celle-ci a tenté de joindre notre ambassade, puis notre consulat, sans résultat, puisque ces deux institutions étaient elles-mêmes attaquées.

Notre ambassadeur, bloqué à l’aéroport, lui a alors délégué ses pouvoirs dans le but de prévenir la communauté française de rester confinée chez elle. Martine Voron, n’écoutant que son courage, a envoyé le plus de courriels possible depuis son bureau au lieu de se mettre à l’abri.

Le bâtiment, dans lequel elle était désormais seule, a commencé à être la cible de tirs d’armes lourdes. Soudainement, un militaire burkinabé des forces spéciales a fait irruption dans son bureau. Il a d’abord tiré, supposant une présence terroriste, avant de réaliser son erreur, fort heureusement, et de l’exfiltrer. Martine sera décorée de la Légion d’honneur.

Je souhaitais saluer son courage exceptionnel, mais aussi, au travers de cet exemple, partager avec vous ce que peut être le rôle d’un élu local représentant les Français de l’étranger.

Au Burkina Faso, de nombreux réseaux de criminalité s’organisent autour des trafics, comme l’orpaillage illégal dans un pays où les recettes tirées des mines aurifères représentaient 71 % des recettes d’exportation en 2017, les trafics de drogue, comme le trafic de cannabis en provenance du Maroc ou le trafic de cocaïne transitant par les pays côtiers, ou encore le trafic de pierres précieuses, en premier lieu les diamants.

Ces exemples montrent que la répression de ces réseaux, par nature transfrontaliers, est notamment rendue possible par la coopération entre administrations française et burkinabée ou nigérienne. Alors que son cadre juridique devient obsolète, sa rénovation, qui vise le maintien de liens étroits avec les pays de la région, et ce dans tous les domaines, est ainsi nécessaire.

Compte tenu de la gravité des enjeux, et alors que la France sollicite beaucoup plus les autorités burkinabées que l’inverse, la question du temps de traitement des demandes est particulièrement cruciale, notamment pour des enquêtes de grande sensibilité portant sur des faits de terrorisme. En effet, malgré la présence d’un magistrat de liaison régional basé à Dakar, qui facilite la prise en compte des demandes françaises et leur exécution, le délai actuel de traitement est généralement supérieur à un an et peut atteindre plusieurs années dans certaines affaires.

Il était donc urgent de remédier à cette situation. C’est pourquoi, notamment, un groupe de travail consacré à l’entraide pénale, piloté par le ministère de la justice français, a été institué. À la lumière de ses conclusions, et afin de pallier le défaut de diligence d’États identifiés comme prioritaires – le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie –, des négociations ont été engagées avec chacun d’entre eux, négociations ayant abouti aux conventions dont nous sommes aujourd’hui saisis.

Ces textes, comme ceux qui ont été conclus avec la République du Niger, ont ainsi pour principal objectif de rénover le cadre juridique de la coopération pénale dans le domaine de l’entraide et de la remise des personnes. Le but est ici de favoriser une meilleure exécution des demandes françaises aux autorités burkinabées, dans des délais plus rapides.

Les nouvelles stipulations moderniseront les coopérations bilatérales et fluidifieront les échanges, en particulier dans le cadre des enquêtes visant des infractions terroristes et la criminalité organisée. Largement inspirées des propositions françaises, elles reprennent les mécanismes de coopération de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Elles sont donc conformes aux engagements européens et internationaux de la France, ce que nous saluons.

Le groupe Union Centriste soutiendra donc l’approbation de ces conventions, en souhaitant leur mise en œuvre la plus rapide possible. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce matin, nous devons nous prononcer sur des conventions d’entraide judiciaire, en matière pénale et d’extradition, avec le Burkina Faso.

Aux yeux du président délégué du groupe d’amitié France-Burkina Faso que je suis, ces accords semblent essentiels et leur portée hautement symbolique. Ils permettront l’approfondissement des relations franco-burkinabées dans le domaine judiciaire et la rénovation du cadre juridique de la coopération pénale.

Cette coopération renouvelée s’inscrit prioritairement dans la lutte contre le terrorisme, dont les ramifications et ressorts sont multiples. L’un des objectifs est d’accélérer les exécutions des demandes françaises, notamment en matière de remise de personne.

Alors que le contexte sécuritaire s’est fortement dégradé – l’ONU considérant désormais le pays comme le nouvel épicentre de la crise –, la signature de ces conventions témoigne de la résilience de l’État burkinabé. C’est la volonté du maintien d’un État de droit et l’affirmation de ses valeurs en matière de justice. Souvenons-nous que, voilà cinq ans, le régime de Blaise Compaoré est tombé, parce que le peuple refusait la modification de la Constitution. Les Burkinabés sont profondément attachés à un État de droit.

À travers ces conventions, c’est donc un triple signal qui est envoyé : à la population, qui doit savoir que l’État continue d’exister et assume son rôle de garant de la justice ; aux terroristes, qui doivent savoir que l’État burkinabé, soutenu par la France, mettra en œuvre les conditions juridiques afin qu’ils répondent de leurs actes là-bas, et en Europe si nécessaire ; aux états voisins, qui, malgré l’inquiétude, constatent que la France et la communauté européenne sont toujours sur place.

Nous le savons, l’enracinement local des islamistes et la propagation du terrorisme, notamment vers l’est du pays, se font à mesure que les structures étatiques se fragilisent. Angel Losada, représentant spécial de l’Union européenne au Sahel, l’a très bien résumé : « Le vide de l’État, c’est l’oxygène du terrorisme. »

Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait qu’il ne peut y avoir de sécurité sans politique globale de développement. Pour ce faire, il importe de rappeler plusieurs postulats : il faut élaborer des cahiers des charges et des projets adaptés aux populations, aux cultures et aux traditions ; il est tout aussi nécessaire d’adopter la bonne échelle d’analyse, c’est-à-dire une vision régionale et décloisonnée des crises.

En ce début d’année 2020, Africains et Européens doivent comprendre l’ampleur des besoins, qui dépassent le seul prisme « civilo-militaire ». Il faut mettre en œuvre une coopération plurisectorielle.

J’espère que la France décidera de nouveaux projets pour ce pays, dont la réalisation sera accélérée grâce à la future loi d’orientation et de programmation relative au développement et à la solidarité internationale, que le Parlement attend patiemment. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Robert Laufoaulu applaudit également.)