COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement, sous le format adapté que nous avons défini depuis le mois de mars et qui est d’ailleurs destiné à évoluer à partir du 2 juin prochain. Je laisse le soin à chaque président de groupe d’en informer ses collègues.

Je salue ceux de nos collègues qui ont accepté de participer à cette séance en tribunes, dont un président de groupe. (Sourires.) Cela démontre leur engagement. Ils seront naturellement comptabilisés comme présents.

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires en vigueur depuis le mois de mars. J’invite chacune et chacun à respecter les gestes barrières. Je rappelle que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Je rappelle également que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

plan de relance franco-allemand pour l’europe

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

M. Richard Yung. Le plan de 500 milliards d’euros proposé la semaine dernière par la Chancelière allemande et le Président de la République française doit permettre aux pays de l’Union européenne de relancer leurs économies, gravement touchées par la pandémie. Cette initiative, exceptionnelle par son ampleur, a une signification profonde : elle traduit la solidarité entre les pays de l’Union, et nous devons saluer l’engagement courageux de Mme Merkel dans cette démarche.

L’une des difficultés, pour la Commission et sa présidente, Mme von der Leyen, est de trouver l’articulation entre ce fonds de relance et la finalisation du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. Ce plan de relance ne devra pas être un prétexte pour diminuer le budget européen et il devra respecter les priorités que sont l’Europe verte et le numérique. Il appelle aussi des propositions fortes en matière de ressources propres.

Certains pays, dits « frugaux », y sont hostiles. Ils ne veulent pas de mutualisation ni de solidarité, seulement des prêts remboursables, alors même que leur situation économique n’est guère plus florissante que la nôtre et qu’ils dépendent très largement des exportations. D’ici au prochain Conseil européen, les négociations pour les convaincre de se ranger derrière un plan de relance réellement solidaire vont être rudes. La Commission européenne, l’Allemagne, la France doivent les persuader de participer à ce plan, et il reste de nombreux problèmes à résoudre quant aux clés de répartition, aux secteurs concernés, aux modalités de remboursement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter un état des discussions en cours ? Quelle première analyse faites-vous de la proposition de la Commission européenne, qui vient d’être rendue publique, de mettre sur la table 750 milliards d’euros ? Constitue-t-elle une bonne base pour bâtir un compromis fructueux ? (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Richard Yung, avec cette proposition, la Commission européenne frappe fort et juste. Elle se montre à la hauteur des responsabilités historiques qui sont les siennes : engager la relance économique de l’ensemble des pays européens, confrontés à la crise économique la plus grave de leur histoire, et ce sur la base d’un plan de relance verte.

Ce plan reprend l’intégralité des propositions avancées par la Chancelière Angela Merkel et le Président de la République ; cela doit être un motif de fierté pour nous tous. Il mobilisera 500 milliards d’euros sur la base d’une levée de dette commune – c’est une première dans l’histoire européenne –, nous garantissant un taux d’intérêt des plus raisonnables. À cela, la présidente de la Commission européenne ajoute 250 milliards d’euros de prêts, outre les 540 milliards d’euros prévus par l’accord conclu entre les ministres des finances le 9 avril dernier, soit, au total, un plan de relance verte de 1 300 milliards d’euros pour l’ensemble des pays européens. C’est une proposition majeure, qui montre que l’Union européenne est au rendez-vous de l’histoire.

Ces 1 300 milliards d’euros comprennent 500 milliards d’euros de dépenses budgétaires directes, dont la France devrait bénéficier à hauteur d’environ 40 milliards d’euros, qui l’aideront à financer les plans de relance sectoriels : le plan de relance du tourisme annoncé par le Premier ministre il y a quelques semaines, le plan de relance du secteur automobile annoncé hier par le Président de la République, le plan de relance de l’aéronautique que nous présenterons dans quelques jours. Cela va nous aider à financer les indispensables dépenses de santé et de rénovation de l’hôpital, cela aidera tous les États européens à financer leur propre relance, l’investissement dans l’innovation et les nouvelles technologies.

J’appelle donc tous les États européens, sans exception, y compris les quatre « frugaux », à soutenir ce plan de la Commission européenne ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

conséquences de la décision de la cour constitutionnelle de karlsruhe

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Yvon Collin. La semaine dernière, la France et l’Allemagne ont dévoilé une proposition de mise en œuvre d’un plan de relance de 500 milliards d’euros sur la base d’un emprunt communautaire.

Dans le contexte de récession dramatique qui menace nos économies, cette initiative franco-allemande est une nécessité, et tout doit être mis en œuvre pour qu’elle aboutisse. Elle est nécessaire pour l’Europe, car, soyons honnêtes, le plan de relance de la Commission européenne, dont une partie est fondée sur des prêts et des effets de levier, ne suffira pas à amortir la récession.

Ne soyons pas dupes : ce plan est aussi une nécessité pour l’Allemagne, qui, on le sait, tire sa croissance de ses exportations vers les États-Unis et la Chine, à hauteur de 200 milliards d’euros, mais aussi et surtout de ses 500 milliards d’euros annuels d’exportations vers les autres pays de l’Union européenne. Comme le dit Jean-Pierre Chevènement, il n’y a pas d’inquiétude à avoir : les Allemands ne scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis ! Cet accord franco-allemand est donc bienvenu, d’autant que la décision de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe sur la légalité de la politique monétaire de la Banque centrale européenne avait jeté un grand froid. Je rappelle que cette décision remet en cause la solidarité des dettes par le biais monétaire. Le choix franco-allemand d’une approche budgétaire pour soutenir les pays endettés pourrait marquer un tournant.

Ce plan traduit-il la solidarité tant attendue par les États membres les plus fragilisés par les conséquences économiques de la crise du Covid-19 ? Ouvre-t-il enfin la voie à la mutualisation des dettes, que Berlin avait toujours refusée jusque-là ? Est-il une réponse à la décision de la Cour constitutionnelle allemande, qui aurait pu affaiblir la politique économique européenne et mettre en péril la zone euro ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Yvon Collin, cette proposition de la Commission européenne est historique et marque une avancée majeure dans l’affirmation de l’Union européenne sur la scène internationale, d’abord par l’ampleur des sommes mises sur la table : 540 milliards d’euros au titre de l’accord conclu entre les ministres des finances, 500 milliards d’euros au titre de la proposition franco-allemande et 250 milliards d’euros de prêts, soit, au total, 1 300 milliards d’euros pour la relance. Chaque citoyen européen va comprendre que l’Union européenne nous permet de nous sauver de la crise économique sans précédent que nous connaissons.

La proposition de la Commission européenne est historique, ensuite, parce que le couple franco-allemand en est à l’origine. Je pense que nous sommes tous ici convaincus que le moteur de l’Union européenne, qui permet de faire avancer les choses, de casser les plafonds de verre, de progresser dans l’intégration européenne, et donc de nous protéger face aux menaces internationales, ce sont les propositions franco-allemandes, c’est l’accord qui a été conclu entre le Président de la République française et la Chancelière allemande.

Elle est historique, enfin, parce que, pour la première fois, nous acceptons une mutualisation des dettes sur un projet de financement de dépenses budgétaires. C’est intéressant financièrement, parce que cela permet d’obtenir le taux d’intérêt le plus faible possible et d’étaler le remboursement sur une trentaine d’années, et c’est un geste politique majeur, un geste de solidarité.

Oui, nous allons donner plus à ceux qui ont été le plus touchés par la crise du coronavirus ; oui, nous allons donner plus à l’Espagne et à l’Italie. Ce devrait être un motif de fierté pour nous tous, parce que cela signifie que nous savons aider les États les plus en difficulté. Oui, les États rembourseront en fonction de leurs capacités financières, économiques ; il y aura bien un transfert budgétaire. Au lieu de pousser de hauts cris en se scandalisant d’un tel transfert budgétaire pour faire face à la crise, on devrait plutôt en être fier et dire : « Chapeau bas ! » Enfin la solidarité en Europe n’est plus seulement un mot, mais un principe et un acte ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)

situation des professionnels de la culture et du spectacle face à la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias. Le Gouvernement a demandé au préfet de la Vendée d’organiser, avec ses responsables, la réouverture du parc de loisirs du Puy du Fou, le 2 juin. Cette décision aurait été prise lors d’un conseil de défense et de sécurité nationale. Le choix de cette instance tient sans doute à la nature des manifestations qui se déroulent dans ce parc ; je pense par exemple aux combats de gladiateurs ! (Rires.)

Nous sommes très heureux que l’État, depuis son sommet, donne ainsi la possibilité de retravailler aux nombreux professionnels de la culture du Puy du Fou. Notre peine est en revanche immense pour les artistes, les intermittents du spectacle, les auteurs, les compositeurs, tous ces professionnels sur lesquels repose le rayonnement culturel de notre pays, qui se sentent totalement abandonnés, vivent avec angoisse l’incertitude du lendemain et attendent du Gouvernement une aide vigoureuse face à la crise qui menace de les emporter.

Avec eux, ce sont des milliers de structures culturelles qui risquent de disparaître. Tout ce réseau patiemment construit pendant des décennies a fait de notre pays la première destination touristique mondiale. Son activité économique mobilise 2,4 % de la population active et près de 50 milliards d’euros. Il a fait de la culture un service public et donné à nos concitoyens les moyens de leur élévation artistique et de leur émancipation intellectuelle. Ce réseau, d’une grande fragilité, risque aujourd’hui d’être emporté par la crise, alors que nous aurions tellement besoin de culture pour la surmonter.

Il ne se passe pas une semaine sans que votre gouvernement n’annonce des plans de sauvetage de plusieurs milliards d’euros. La culture doit, elle, se contenter de proclamations lyriques et de vaines promesses. Monsieur le ministre, à quand un plan de sauvetage de la culture ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR. – M. Gérard Longuet et Mme Catherine Troendlé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement n’est pas au rendez-vous pour aider le secteur de la culture !

Dès le début de la crise, qui touche en effet avec beaucoup de dureté le monde de la culture, le Gouvernement a fait en sorte que les mesures transversales annoncées par le ministre de l’économie et des finances, sous l’autorité du Premier ministre, puissent être accessibles à ce secteur : fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, exonérations de charges sociales, dispositifs de report de certaines charges fiscales, chômage partiel…

Le Président de la République a très clairement souligné, voilà un peu plus de deux semaines, que les arts et la culture étaient pour lui une priorité. Il a affirmé sans ambiguïté aucune que nous devions protéger celles et ceux, artistes et techniciens de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle vivant, qui constituent le ciment de la vie culturelle dans les territoires, en prolongeant leurs droits jusqu’à fin août 2021. Il a annoncé qu’il souhaitait réarmer financièrement le Centre national de la musique, qui vient d’être créé grâce notamment au vote du Sénat, en faisant en sorte de doter l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles de près de 105 millions d’euros, dont 85 millions d’euros provenant de l’État et 20 millions d’euros de la Banque des territoires.

Nous avons donc pris un ensemble de mesures, à la fois d’urgence et d’accompagnement à la reprise, pour protéger ce secteur si durement touché. La reprise passe par des aides financières, mais aussi par la possibilité, pour les artistes, de retrouver leur public. C’est la raison pour laquelle nous travaillons à faire en sorte que puissent être prises, demain, un certain nombre de décisions pour aller plus loin dans le déconfinement pour le spectacle vivant, les cinémas, les grands musées ou les monuments historiques. Bref, le Gouvernement est mobilisé pour accompagner le secteur si important pour tous des arts et de la culture. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

réforme de l’assurance chômage

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

Mme Claudine Lepage. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.

La crise sanitaire que nous traversons entraîne dans son sillage une crise sociale et économique sans précédent. Si le mécanisme de chômage partiel a jusque-là servi de filet social à la crise économique, votre décision de le diminuer, conjuguée au durcissement de l’accès à l’indemnisation imposé par la réforme de l’assurance chômage entrée partiellement en vigueur à la fin de 2019, laisse craindre une précarisation grandissante de nombreux travailleurs.

Les travailleurs les plus fragiles, ceux qui, avant la crise, occupaient un emploi précaire, et les travailleurs des secteurs le plus sévèrement touchés par la crise sanitaire, déjà durement affectés par les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19, le seront davantage encore avec la réforme de l’assurance chômage. Je pense notamment aux extras de la restauration, aux travailleurs de l’événementiel, aux ex-auxiliaires de vie et aides-soignantes auprès des personnes âgées…

La décision de reporter au mois de septembre le deuxième volet de la réforme de l’indemnisation du chômage n’est donc pas suffisante, car c’est l’ensemble de la réforme qui pose problème et qu’il faut définitivement abroger.

Madame la ministre, la seule volonté qui sous-tend cette réforme est d’atteindre un double objectif comptable, en réalisant des économies budgétaires au détriment de l’indemnisation des chômeurs et en agissant artificiellement à la baisse sur les statistiques du chômage. C’est cette même logique comptable qui a conduit l’hôpital public à la situation alarmante que nous connaissons.

Eu égard à l’ampleur de la crise, cette réforme, comme celle des retraites, doit être abandonnée. Madame la ministre, quand allez-vous enfin annoncer l’abrogation pure et simple de la réforme de l’assurance chômage ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Claudine Lepage, je vous remercie d’avoir salué l’importance du dispositif d’activité partielle, qui a permis de protéger 12 millions de salariés et 1 million d’entreprises, d’éviter les défaillances, de conserver les compétences et de sauvegarder l’emploi.

Néanmoins, nous sommes tous conscients que la crise sanitaire se prolonge par une crise économique et sociale d’une ampleur imprévisible. Voilà seulement trois mois, nous pouvions nous réjouir d’une baisse du chômage à 8,1 %, son taux le plus bas depuis onze ans, et d’une progression de 16 % de l’apprentissage. Ce temps semble lointain…

Dans le contexte de la crise et du confinement, outre le chômage partiel, nous avons pris des mesures d’urgence immédiates pour protéger les plus vulnérables. Dès le 14 avril, un décret a permis de prolonger les droits de tous ceux qui arrivaient en fin de droits à l’assurance chômage. Vous aurez d’ailleurs l’occasion d’amplifier cette mesure demain en votant, je l’espère, un amendement du Gouvernement prolongeant les droits des intermittents du spectacle jusqu’au 31 août 2021. Nous avons également prévu que la période d’affiliation pour calculer les droits passe de vingt-quatre à vingt-sept mois. La disposition est déjà opérationnelle. Nous avons en outre ouvert les cas de démission légitime à ceux qui avaient démissionné juste avant le confinement, suspendu la dégressivité des droits, modifié le calcul du salaire journalier de référence.

Nous prenons les choses dans l’ordre. Notre boussole, c’est le pragmatisme, l’efficacité économique, la justice sociale. La suite de la réforme de l’assurance chômage sera décidée après discussion avec les partenaires sociaux dans les semaines qui viennent.

fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires.

M. Alain Marc. Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, vous qui êtes maire (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.), vous savez l’importance des communes et le poids de leurs investissements dans l’économie. Afin de pouvoir accélérer ces derniers, beaucoup de maires souhaitent une modification de l’attribution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), pour permettre la récupération de la TVA dès la première année. Actuellement, le FCTVA est versé deux ans après la réalisation de la dépense aux collectivités territoriales n’ayant pas conventionné avec l’État au titre du plan de relance. Pour celles qui ont respecté les engagements du plan de relance, le versement est effectué un an après. Enfin, pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et les communes nouvelles, le remboursement intervient l’année même de la réalisation de la dépense.

Or, nombreuses sont les communes qui ne disposent pas d’une trésorerie suffisante pour assurer le financement de certains investissements. Aussi doivent-elles contracter des prêts relais qui leur permettront en particulier de couvrir les dépenses de TVA, d’où un coût supplémentaire pour ces collectivités. Cela constitue un véritable frein à l’initiative locale et s’avère pénalisant, dans la mesure où les élus risquent, à long terme, de s’interdire tout projet de développement des équipements locaux, ce qui entraînera une dévitalisation, notamment dans les campagnes.

Monsieur le ministre, il apparaît indispensable de préserver la capacité financière de nos communes, afin qu’elles soient en mesure non seulement de continuer d’assurer les services essentiels à la population, mais également de relancer les investissements indispensables au soutien au tissu économique local.

Afin d’atténuer le choc financier subi par les collectivités locales, les modalités relatives au versement du FCTVA pourraient être modifiées pour permettre une récupération de la TVA dès la première année, notamment pour les communes ayant effectué un investissement au-delà d’un seuil qui reste à définir, par exemple de 100 000 euros.

Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour aller dans le sens souhaité par ces élus de terrain ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les collectivités locales sont celles qui investissent le plus et soutiennent l’économie sur l’ensemble du territoire. Malgré la crise qui touche durement le pays, il ne faut pas reproduire les erreurs du passé en baissant les dotations, au moment où nous devons rétablir les finances publiques et assurer une solidarité nationale au travers des divers textes financiers que nous avons présentés. C’est pourquoi le Premier ministre a pris la décision de ne pas s’engager dans la voie d’une baisse des dotations. Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu, Olivier Dussopt et moi-même avons déjà tenu plusieurs réunions avec les associations d’élus, et M. le Premier ministre réunira vendredi à l’hôtel Matignon les représentants des communes, des intercommunalités, des départements et des outre-mer, dont la situation est évidemment spécifique.

Devant les difficultés, les collectivités locales ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Seulement 30 % de leurs recettes sont sensibles à l’activité économique. Les communes touristiques, celles qui perçoivent des redevances, les collectivités ultramarines sont plus touchées ; ce sera aussi le cas, l’année prochaine, des départements, avec les droits de mutation.

Nous devons résoudre ces problèmes. Le Premier ministre a donc souhaité que le troisième projet de loi de finances rectificative comporte des dispositions relatives aux collectivités locales, comme je m’y étais engagé devant la Haute Assemblée lors de l’examen des deux premiers. Il rendra les derniers arbitrages après avoir entendu les associations d’élus et reçu le rapport du député Jean-René Cazeneuve. Le FCTVA, établi à 6 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2020, pourrait faire partie des pistes à explorer, mais c’est du one shot. Or la question de l’investissement se posera plus encore en 2021, me semble-t-il, qu’en 2020. (M. François Patriat applaudit.)

agriculture

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Ces derniers mois, la crise sanitaire a été un révélateur de nos faiblesses. Je pourrais évoquer notre dépendance à l’égard des pays étrangers en matière de médicaments ou de matériel médical, ou encore la course à l’échalote à laquelle l’État s’est livré pour se fournir en masques et en médicaments, mettant ainsi à nu notre dépendance sanitaire. Les pays producteurs se servent les premiers, c’est ainsi, et le coronavirus nous l’a rappelé parfois avec cruauté.

Des voix se sont élevées pour dire que plus rien ne sera jamais comme avant, selon une formule rituelle et quasiment liturgique. Cela étant, monsieur le ministre, il y a un domaine dans lequel notre pays a gardé une réelle capacité à produire : l’agriculture et l’agroalimentaire. Bien que mal considérés et souvent mal rémunérés, nos agriculteurs assurent notre indépendance alimentaire, et ce en dépit d’une concurrence déloyale qui nous fait perdre du terrain année après année.

Comme si les erreurs du passé n’avaient pas servi, la Commission européenne vient à la fois de proposer de réduire de 10 % la superficie des terres cultivables en Europe, et donc en France, et de conclure, après le CETA, un accord de libre-échange avec le Mexique, qui concerne précisément les produits agricoles. Le Mexique pourra ainsi exporter en Europe ce que les terres européennes ne pourront plus produire.

Tout cela est parfaitement absurde. Est-ce ainsi, en faisant venir par avion des produits alimentaires, que l’on pourra assurer notre souveraineté alimentaire et permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier ? Sûrement pas !

La France, monsieur le ministre, fera-t-elle jouer son droit de veto pour s’opposer aux accords de libre-échange qui se profilent ? Ferez-vous obstacle à la réduction de la superficie des terres agricoles, afin de privilégier la production locale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la signature par le commissaire européen Phil Hogan d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mexique qui était en préparation depuis des années. Cette signature intervient à un mauvais moment, en pleine crise du Covid-19. De toute manière, le texte en autorisant la ratification devra être soumis au Parlement, qui sera, je n’en doute pas, très vigilant.

À l’occasion de cette crise, nous avons toutes et tous souligné que la souveraineté alimentaire est indispensable et qu’une certaine relocalisation est nécessaire. Le Président de la République l’a dit au mois de janvier : nous devons travailler sur une exception agricole et agroalimentaire dans le cadre des échanges internationaux.

Concernant la proposition de la Commission européenne de porter de 5 % à 10 % les surfaces d’intérêt écologique, elle n’a pas encore été validée par les États membres.

Je souhaite rappeler l’importance des surfaces d’intérêt écologique. Les haies, les murets, les lacs, les retenues d’eau font la richesse et la biodiversité de nos campagnes. Nous ne devons pas avoir peur du verdissement de la politique agricole commune, dans la mesure où la France est très en avance sur ce plan.

En tout état de cause, si augmentation des surfaces d’intérêt écologique il doit y avoir, la France défendra de toutes ses forces une idée sur laquelle vous avez beaucoup travaillé –je pense notamment au groupe socialiste et républicain et à M. Montaugé –, celle des paiements pour services environnementaux. Les agriculteurs doivent être rémunérés lorsqu’ils agissent pour la biodiversité et la transition agroécologique !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, j’aurais souhaité une réaction plus rapide. La France a été très discrète sur un sujet qui concerne pourtant un secteur extrêmement important pour notre pays. Les agriculteurs n’ont malheureusement plus confiance. Ils se demandent même parfois si votre ministère n’est pas une succursale du ministère de l’environnement ou, pis encore, s’il n’est pas à la remorque de la vision technocratique de la Commission de Bruxelles !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela fait toujours plaisir !

détection du sars-cov2 par le biais des réseaux d’assainissement