Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Je vous remercie, madame la ministre, de votre présence ce matin, qui confirme que c’est bien votre ministère qui suivra ce dossier, et non celui des transports.

Par ailleurs, je prends acte de votre engagement de respecter les équilibres.

démographie médicale dans l’ain

Mme le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 828, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Patrick Chaize. Alors que le département de l’Ain compte 6,9 médecins généralistes pour 10 000 habitants, contre 8,9 à l’échelon national, et qu’il connaît une croissance forte et continue de sa population, la situation de la démographie médicale y est plus que préoccupante. Ce département figure en effet parmi les moins dotés en médecins et en professionnels de santé. Cette situation se dégrade malheureusement d’année en année. La densité de médecins généralistes y est en effet la neuvième plus faible, celle de médecins spécialistes la septième.

Accéder facilement aux professionnels de santé est particulièrement crucial pour les soins de premier recours. Ce constat n’épargne pas les spécialistes en accès direct, tels que les gynécologues et les ophtalmologues, leurs activités étant de ce fait reportées sur les médecins généralistes, déjà surchargés. Les kinésithérapeutes et les orthophonistes sont de même concernés.

Parmi les raisons évoquées pour expliquer cette situation figure la proximité des deux métropoles que sont Lyon et Genève. Ces villes universitaires, qui comptent de nombreux établissements hospitaliers, seraient privilégiées par les médecins, malgré les efforts consentis par le conseil régional, le conseil départemental de l’Ain – il mène pourtant une politique volontariste en faveur de l’installation de médecins –, les communautés de communes, les communes et l’assurance maladie.

Force est de constater que les sérieux problèmes de démographie médicale dans l’Ain constituent l’un des facteurs importants de renoncement aux soins. À titre d’illustration, les collectes de sang sont annulées par manque de médecins ! C’est là un fait pour le moins marquant. Ces renoncements aux soins sont évidemment encore plus prononcés avec la crise sanitaire, qui impacte fortement notre département.

Au-delà des dispositifs incitatifs, quelle politique de lutte contre la désertification médicale le Gouvernement entend-il mettre en œuvre afin de mettre fin aux difficultés alarmantes de raréfaction et de répartition inégale des professionnels de santé dans les territoires ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, le zonage arrêté en 2018 confirme les chiffres d’une densité médicale faible dans le département de l’Ain. La baisse est régulière depuis 2010. C’est pour cette raison que, en plus du département et de la région, qui font des efforts à cet égard, l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes, en lien avec l’assurance maladie, travaille notamment à la structuration des soins de premier recours en s’appuyant entre autres outils sur le déploiement de la stratégie « Ma Santé 2022 », laquelle a fait l’objet de débats dans cet hémicycle. Cette démarche répond tant aux enjeux du territoire qu’aux demandes de la jeune génération de professionnels de santé. Qu’ils soient généralistes, spécialistes, infirmiers, kinésithérapeutes ou autres, ils sont nombreux à vouloir avant tout un exercice coordonné et la possibilité travailler en pluriprofessionnalité.

L’ARS travaille depuis plusieurs années en ce sens en accompagnant des projets de maisons de santé professionnelles et de centres de santé, en proposant aux jeunes médecins une offre diversifiée et des conditions d’exercice attractives. Il en résulte que l’Ain, avec trente maisons de santé professionnelles réparties sur le territoire, regroupant plus d’un quart des médecins généralistes du département, est aujourd’hui le département qui en compte le plus grand nombre.

Par ailleurs, plusieurs centres de santé médicaux ont vu le jour ces dernières années à Gex et à Bourg-en-Bresse, et d’autres sont en projet pour apporter une offre médicale et paramédicale la plus complète possible.

La structuration de l’offre de soins de premier recours passe également par le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé, les fameuses CPTS, qui, on le sait, permettent de créer des passerelles entre la ville et l’hôpital.

Enfin, l’ARS continue à œuvrer pour faire découvrir ce beau département aux futurs médecins généralistes et leur permettre de nouer les contacts qui faciliteront leur installation. L’agence régionale de santé a ainsi cofinancé deux séminaires de formation à la maîtrise de stage à Bourg-en-Bresse, le dernier ayant eu lieu cette année. La pratique professionnelle diversifiée que peut offrir un département semi-rural comme l’Ain nous semble être un levier d’action à mobiliser.

Ces efforts seront poursuivis, soyez-en convaincu, afin de permettre d’enrayer au maximum les inégalités d’accès aux soins pour la population. Vous savez que c’est une préoccupation du Gouvernement.

Mme le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mais, en fait, vous n’avez fait que partager le constat, lequel est effectivement alarmant. Vous l’avez dit, beaucoup d’efforts sont faits, des solutions sont mises en œuvre, mais le résultat n’est pas au rendez-vous. Il faut, je pense, passer à la vitesse supérieure et trouver le moyen de faire revenir les médecins dans nos territoires ruraux de façon urgente.

projet de fermeture du centre hospitalier universitaire raymond-poincaré de garches

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 1301, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le secrétaire d’État, votre collègue Olivier Véran disait très récemment que les parlementaires bavardaient pendant que les soignants se battaient pour sauver des vies. Or il y a aussi des parlementaires qui se battent pour défendre les conditions de travail des soignants et défendre l’offre de soins, notamment dans le département des Hauts-de-Seine, qui est aussi le vôtre.

Je tiens à évoquer devant vous la situation de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, qui est aussi votre commune. Vous y avez d’ailleurs été membre du conseil municipal des jeunes.

L’hôpital Raymond-Poincaré de Garches est, pour tout le monde, un hôpital spécialisé dans la traumatologie. Il est une référence mondiale, également connu pour sa prise en charge extrêmement efficace des handicaps des enfants. Aussi je ne comprends pas la décision du Gouvernement de le fermer et de transférer une partie de l’offre de soins à l’hôpital de Boulogne. L’argument est que cet hôpital n’est pas assez rentable. Peut-on encore utiliser un tel adjectif en pleine pandémie ? Pour ma part, je pense qu’on doit maintenir partout, sur tous les territoires, l’offre de soins, car elle permet de disposer de ressources extrêmement importantes en période de crise.

Vous allez sans doute m’expliquer que le Gouvernement a décidé un report du déménagement de 2025 à 2027. Je préférerais, compte tenu des conditions dans lesquelles travaillent les soignants aujourd’hui, de leur investissement à l’hôpital de Garches, que vous nous annonciez ici, en séance, l’abandon du projet de démantèlement de cet hôpital.

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé à quel point ce sujet m’était cher, et ce à plusieurs titres : nous partageons cette terre d’élection, les Hauts-de-Seine, et je suis effectivement originaire de Garches. L’hôpital Raymond-Poincaré a toujours fait partie de mon imaginaire ; il n’est jamais très loin de mes yeux et de mon cœur.

Vous l’avez rappelé, cet établissement est spécialisé en traumatologie, notamment dans la prise en charge du handicap, sujet dans lequel je suis particulièrement investi.

Non, je ne vais pas vous annoncer l’abandon de ce projet, qui n’est pas un projet de démantèlement et qui n’est pas guidé par un souci de rentabilité ! Il s’agit de doter les Hauts-de-Seine d’un plateau technique de pointe et de renforcer l’offre de soins sur ce territoire. Certes, un certain nombre d’inquiétudes ont été exprimées lorsque ce projet est né, notamment par les patients et leurs familles, mais il a été conduit en parfaite concertation avec les professionnels, évidemment, et avec les associations de patients.

Ce nouveau plateau technique bénéficiera à toutes les spécialités présentes aujourd’hui à l’hôpital Raymond-Poincaré et sur le site Ambroise-Paré. Il va renforcer plus spécifiquement la prise en charge médico-chirurgicale du handicap. Ces établissements sont déjà des pôles de référence dans ces domaines, je l’ai rappelé. Il s’agit d’un investissement majeur et absolument nécessaire de la part de l’AP-HP.

Ce projet prévoit de maintenir la même offre de soins en termes de file active de patients pris en charge. Il vise aussi à favoriser une humanisation complète des locaux d’Ambroise-Paré et une amélioration du confort hôtelier. La restructuration envisagée a ainsi fait le choix de privilégier les chambres à lit simple, ce qui sera le cas de plus de 95 % des chambres dans le projet, contre 70 % en moyenne à ce jour. Ce choix est particulièrement pertinent dans le contexte sanitaire actuel.

Des inquiétudes ont pu s’exprimer s’agissant d’un autre centre hospitalier important de notre territoire, celui de Béclère à Clamart. Je profite de l’opportunité pour vous rassurer sur sa pérennité, qui n’est en rien menacée. Afin de répondre aux évolutions démographiques du sud des Hauts-de-Seine, cet hôpital développe au contraire des activités complémentaires. En 2020, l’accent a ainsi été mis, entre autres choses, sur la réouverture de lits de soins critiques, l’extension de l’unité sommeil ou encore le développement de l’offre de soins en assistance médicale à la procréation, sous la responsabilité de l’excellente professeure Alexandra Benachi, que je salue à cette occasion.

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le secrétaire d’État, je vois que vous suivez avec beaucoup d’acuité mon activité départementale pour défendre l’offre de soins. Les urgences de Béclère sont en effet essentielles, sinon nous manquerions d’une unité importante dans le sud des Hauts-de-Seine.

Si je comprends bien votre réponse, les capacités du CHU Raymond-Poincaré seront réaménagées sur place…

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. À Boulogne !

M. Pierre Ouzoulias. Il y aura donc un déménagement à Boulogne. C’est un souci majeur, parce que l’unité de Boulogne, dont je connais les locaux, ne dispose pas de suffisamment de place pour accueillir ces nouvelles capacités. Il faudra donc en reparler.

dangers des bornes de distribution de gel hydroalcoolique pour les yeux des enfants

Mme le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1309, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur l’alerte lancée par la Société française d’ophtalmologie à propos des dangers que représentent les bornes de distribution de gel hydroalcoolique pour les yeux des enfants.

Alors que ces distributeurs se généralisent dans les lieux publics pour des raisons sanitaires évidentes, les accidents se multiplient du fait de la taille de ces nouvelles installations. Des enfants, en voulant se nettoyer les mains à ces bornes, reçoivent du gel dans les yeux, ce qui occasionne des brûlures oculaires parfois sévères. Du fait de la consistance du produit, la substance va rester en contact avec l’œil pendant plusieurs minutes et peut donc atteindre toute la surface oculaire. L’alcool contenu dans ces gels peut alors brûler une partie de la cornée et parfois entraîner une baisse de la vision.

Les spécialistes se montrent inquiets du fait de la multiplication du nombre de cas admis aux urgences dans les différents hôpitaux français. Ils recommandent d’ailleurs aux parents d’être très attentifs, car ces kératites ou inflammations de la cornée peuvent passer inaperçues, l’enfant ne s’en plaignant pas toujours immédiatement.

Avant que ce phénomène ne prenne de l’ampleur, je souhaite que vous m’indiquiez quelles mesures vous entendez prendre afin qu’une campagne de prévention sensibilise et alerte chacun du danger et que les fabricants de ces bornes mettent en place une signalisation avertissant les utilisateurs des risques encourus pour les plus jeunes.

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Yves Détraigne, vous soulignez le signalement par des ophtalmologues et des centres antipoison, entre le 11 mai et le 24 août, de soixante-trois cas de projection accidentelle de solution hydroalcoolique dans les yeux d’enfants. À la suite de ce signalement, le ministère des solidarités et de la santé et l’Anses ont publié, le 31 août, un communiqué de presse rappelant un certain nombre de conseils afin d’éviter ces accidents. Rappelons à cette occasion l’importance des gestes barrières, notamment pour nos enfants, parmi lesquels le lavage des mains.

Les conséquences allant, pour ces enfants âgés en moyenne de 4 ans, de la rougeur de l’œil ou de l’inflammation de la paupière à une atteinte de la cornée nécessitant une hospitalisation, il convenait en effet de rappeler les points suivants : l’accompagnateur ne doit pas laisser les jeunes enfants utiliser les distributeurs de solutions ou gels hydroalcooliques ou jouer avec ; il doit prendre lui-même la solution ou le gel hydroalcoolique dans la paume de sa main et l’appliquer sur les mains de l’enfant.

En cas de projection dans l’œil, il convient de rincer immédiatement l’œil pendant une quinzaine de minutes sous un filet d’eau, le retard de ce rinçage étant très préjudiciable et en cause dans les lésions sévères. Après le rinçage, si l’enfant présente une douleur vive, il convient de consulter un ophtalmologue ou d’appeler un centre antipoison, qui guidera la prise en charge. Il faut aussi noter que la solution hydroalcoolique pouvant avoir un effet anesthésiant, la douleur peut s’estomper au bout de quelques heures alors même qu’il y a des lésions oculaires importantes.

D’autres acteurs, notamment la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, ont également émis des recommandations sur cette question de l’utilisation du gel hydroalcoolique par les enfants.

Je vous rejoins donc : la pédagogie doit continuer sur ces questions, et je vous remercie de nous donner l’occasion de le faire. Le ministère continuera d’assurer cette pédagogie dans les semaines et les mois à venir, notamment mon secrétariat d’État, particulièrement investi sur les questions ayant trait à nos enfants.

Mme le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.

M. Yves Détraigne. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, mais je constate autour de moi que ces risques ne sont pas connus. Ils devraient faire l’objet d’une campagne médiatique, car c’est lorsque l’accident est arrivé que l’on perçoit le problème.

médecine générale de proximité

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, auteur de la question n° 1249, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur les soins primaires ou médecine de premier recours en médecine générale.

Dans les territoires ruraux, l’âge moyen des médecins généralistes est très élevé : nombre d’entre eux pourraient prendre leur retraite. Ainsi, dans de nombreux départements, c’est le cas dans le Lot-et-Garonne, des départs importants de généralistes se profilent. La désertification médicale s’intensifie et, avec elle, l’absence de soins primaires et donc de prévention, qui conduira à une situation sanitaire explosive dans les deux ou trois ans à venir.

Pourtant, la médecine de proximité a ses vertus : faire travailler les infirmières et tous les paramédicaux qui assurent aussi le maintien à domicile, éviter les fermetures de pharmacies en milieu rural en leur assurant la vente des médicaments prescrits par les médecins, pallier la surcharge des services d’urgence, en sachant que le coût est moindre pour les finances publiques. Une consultation chez le médecin généraliste coûte environ 25 euros, un passage aux urgences autour de 200 euros.

Dans la situation de crise actuelle, le retard de prise de décision n’est plus envisageable. La mise en place de solutions courageuses est pourtant possible, comme, par exemple, rendre obligatoire la déclaration des médecins thésés aux conseils de l’ordre régionaux et nationaux - cette liste devrait être accessible aux médecins cherchant un remplaçant – ou limiter les remplacements à trois ans au maximum, afin d’empêcher certains médecins d’en faire une profession. L’État finance les études de médecine ; il pourrait exiger une contrepartie en rendant obligatoire un exercice de trois à cinq ans dans les zones dites tendues. L’État pourrait aussi organiser la signature d’une charte d’engagement avec les médecins reçus au concours.

Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre pour remédier aux difficultés rencontrées par le secteur de la médecine générale de proximité ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Moga, vous posez la question de l’accès aux soins, dont on doit admettre la récurrence dans cette assemblée, au gré des questions orales et des débats. Nous aurons probablement l’occasion d’y revenir lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la semaine prochaine.

Je comprends l’impatience qui est la vôtre face à cette situation. Je rappelle toutefois que de nombreuses mesures ont été mises en place, mais, de par leur caractère structurant, elles demandent il est vrai un peu de temps pour produire leurs effets. C’est particulièrement le cas pour le déploiement de l’exercice coordonné sous toutes ses formes, dont on sait qu’il représente un fort levier d’attractivité, comme l’ont notamment mis en évidence les travaux de l’Irdes récemment. C’est le cas aussi pour le déploiement des stages, qui constituent un levier essentiel pour faire découvrir aux étudiants et aux internes les réalités des territoires sous-dotés comme le Lot-et-Garonne, ainsi que la richesse des modes d’exercice ambulatoires.

Le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, est également un exemple très concret des dynamiques émergentes au plus près des territoires. La dynamique autour de ces projets ne se dément pas : le dernier recensement, qui date de juin dernier, fait état de 578 projets, contre 400 en septembre 2019.

C’est aussi parce que les effets attendus d’un certain nombre de mesures ne se feront pas sentir à court terme que, dans le cadre de la démarche « Ma santé 2022 », nous avons pris des dispositions avec un impact attendu à plus courte échéance pour libérer du temps médical et redynamiser les soins de proximité. Je pense à la création de 4 000 postes d’assistants médicaux, pour seconder et appuyer les médecins dans un ensemble de tâches administratives et soignantes, ou encore au déploiement de 400 médecins généralistes, dans des territoires ciblés comme prioritaires, en exercice partagé entre une structure hospitalière et une structure ambulatoire, ou salariés d’un centre ou d’un établissement de santé.

C’est en unissant nos efforts et en persévérant, en alliant mesures d’urgence à visée immédiate et structurantes à plus long terme que nous réussirons à améliorer la situation dans les territoires les plus en tension.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse, vous n’en serez pas surpris, ne correspond pas tout à fait à mes attentes. En 2016, trois millions de Français n’avaient pas accès aux soins ; en 2019, ils étaient six à huit millions, pour beaucoup en zone rurale. Il y a donc vraiment urgence !

moyens d’urgence alloués aux territoires victimes de la désertification médicale

Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1307, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Christian Redon-Sarrazy. Face à la recrudescence des cas de covid-19, il me paraît urgent de mettre en place des mesures spécifiques afin d’augmenter l’accès aux soins dans les territoires ruraux, où la démographie médicale, déjà fragile, complexifie la gestion de la pandémie.

Les accords du Ségur de la santé ont certes permis de revaloriser le statut et les rémunérations des personnels médicaux, mais ils n’ont pas apporté de réponse concrète et immédiate à la situation des nombreuses communes rurales privées de médecin à la suite de départs à la retraite, qui ont été multipliés par six en dix ans. Je prendrai l’exemple, dans mon département, de la commune de Châteauneuf-la-Forêt, qui compte 1524 habitants, dont une partie est âgée et peu mobile, ainsi qu’un Ehpad de 133 lits, et dont l’unique médecin partira à la retraite d’ici à la fin de l’année. D’après les règles du zonage médical, cette commune n’est pas située dans une zone dite « sous- dotée », statut qui permet une aide financière à l’installation d’un médecin. Le zonage n’étant pas révisé avant deux ou trois ans, pouvez-vous m’expliquer, monsieur le secrétaire d’État, comment cette commune pourra s’en sortir, compte tenu du contexte sanitaire actuel, sans oublier, bien sûr, la gestion des maladies hivernales et chroniques ?

De nombreuses communes rurales connaissent ou vont connaître des situations similaires, qui mériteraient une révision urgente du zonage médical. Lorsqu’elles sont éloignées des centres urbains, le cabinet médical ou la maison de santé les plus proches se situent souvent à plus d’une demi-heure de route. Ce n’est pas une solution que l’on peut dignement leur proposer.

Longtemps préservé, mon département connaît lui aussi une recrudescence des cas positifs à la covid-19. Les besoins en médecins généralistes, infirmiers libéraux et praticiens paramédicaux sont donc plus prégnants que jamais, afin de gérer de façon précoce et efficace les éventuelles apparitions de clusters et d’éviter l’embolie des services d’urgence des centres hospitaliers locaux.

La pandémie ne donne aucun signe de ralentissement et a nécessité le reconfinement de la population. Je vous pose donc la question : quelles mesures concrètes, tant financières qu’organisationnelles, entendez-vous mettre en œuvre dans les territoires les plus concernés par la désertification rurale pour renforcer la santé de proximité et assurer une prise en charge médicale à la hauteur du contexte que nous traversons ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, la question de l’accès aux soins et les problématiques de désertification médicale font partie des priorités du Gouvernement. Un certain nombre de mesures ont d’ores et déjà été mises en place, notamment dans le cadre de « Ma santé 2022 ». J’ai commencé à apporter des éléments de réponse à travers les questionnements de vos collègues, mais je veux vous répondre.

Les difficultés d’accès aux soins concernent non seulement des zones rurales, mais aussi des zones urbaines. C’est pourquoi la réponse à ces difficultés démographiques n’est pas unique ; elle doit partir de chaque situation et être adaptée à la réalité locale. Le développement de l’exercice coordonné sous toutes ses formes, que j’évoquais précédemment, ou encore le recours à la télémédecine, dont la crise sanitaire que nous traversons a accéléré le déploiement, sont autant de leviers sur lesquels s’appuyer, mais ils ne sont pas les seuls.

Le Gouvernement a souhaité faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover, dans le cadre de la responsabilité territoriale que nous appelons tous de nos vœux. Cette stratégie, en cours de déploiement, nous semble devoir être suivie.

La dynamique autour des communautés professionnelles territoriales de santé est un exemple très éclairant et très concret de cette capacité d’innovation des professionnels en matière d’accès aux soins en respectant les réalités territoriales. À travers ce dispositif, les professionnels de santé d’un même territoire sont incités à s’organiser entre eux pour répondre aux besoins de santé de la population : par exemple, trouver des médecins traitants pour les patients qui en sont dépourvus, garantir l’accès à des consultations sans rendez-vous en journée, etc.

Un bilan des CPTS est prématuré, même si j’évoquais le dynamisme de leur déploiement, puisqu’elles sont passées à 578 projets en juin 2020, contre 400 quelques mois auparavant, ce qui traduit en première analyse une forme de succès. Nous avons déjà des exemples où, en permettant le développement de la maîtrise de stage, l’accès à la télémédecine ou encore en facilitant les relations avec l’hôpital et avec les services sociaux, les CPTS ont permis à des territoires en difficulté de voir leur situation s’améliorer.

La crise liée au covid-19 a été, me semble-t-il, un excellent révélateur de l’utilité de ces CPTS et de la nécessité pour eux de s’organiser rapidement dans les territoires pour faire face aux situations rencontrées.

Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le secrétaire d’État, je souscris volontiers à l’idée que la télémédecine peut être une solution d’avenir. Néanmoins, elle reste insuffisante pour pallier les besoins d’une population isolée, qui ne maîtrise pas nécessairement les usages du numérique, en plus de souffrir souvent d’une couverture numérique malheureusement encore défaillante.

Résorber les zones blanches est bien la première étape pour développer la télémédecine dans les territoires. Le fait est que les territoires ruraux attendent là encore des avancées qui sont bien tardives.

conditions de création et de gestion des maisons de naissance

Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 1340, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Dominique Théophile. En Île-de-France, en Occitanie, en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est, en Guadeloupe et à La Réunion, huit maisons de naissance accueillent depuis 2015 les femmes enceintes qui le souhaitent. Ces structures, créées à titre expérimental par la loi du 6 décembre 2013, ont permis de démontrer que cette nouvelle offre de santé périnatale répond à une attente et à de réels besoins.

Le rapport de l’Inserm sur la qualité des soins en maison de naissance publié en 2019 et le rapport du Gouvernement remis au Parlement en juin dernier ont dressé un bilan très positif de cette expérimentation. Ce n’est donc pas un hasard si le Gouvernement propose aujourd’hui de pérenniser ce dispositif et d’en étendre l’offre.

Depuis cinq ans, la gestion médicale, technique, administrative et financière de ces maisons de naissance a été exclusivement assurée par des sages-femmes, dans le respect strict du cahier des charges établi par la Haute Autorité de santé. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 dispose à ce jour que seule la « direction médicale » de ces maisons de naissance est assurée par des sages-femmes. Il prévoit à l’inverse que la création et la gestion de ces structures puissent être confiées à « un organisme à but non lucratif autre qu’un établissement de santé » ou à un « groupement d’intérêt public, économique ou de coopération sanitaire ».

Ma question est donc la suivante, monsieur le secrétaire d’État : ne craignez-vous pas que cette évolution vienne menacer le bon fonctionnement, la capacité d’adaptation et le caractère résolument innovant de ces petites structures ? N’estimez-vous pas au contraire envisageable - et peut-être préférable - de confier également et exclusivement aux sages-femmes le soin de créer et de gérer ces structures ?

Cette condition de diplôme, à l’image de celle qui encadre l’ouverture des officines de pharmacie, assurerait en effet aux sages-femmes un rôle central et mérité que l’arrivée de nouveaux acteurs pourrait menacer.