Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. Il est important qu’une approche transversale soit adoptée au niveau de l’Union européenne concernant la régulation des services numériques, une approche permettant de préserver les droits et libertés fondamentaux des utilisateurs de ces services.

C’est une bonne chose que la France occupe sa place dans ce débat européen, mais je regrette que la question du respect des droits fondamentaux en matière numérique, qui appelle un grand débat démocratique, soit abordée seulement en urgence et de manière marginale, dans une loi dont ce n’est pas l’objet.

À cet égard, l’article 19 bis reprend certaines obligations qui seront discutées dans le cadre du Digital Services Act européen.

Même si je souscris à l’objectif visé par cet article, je m’interroge sur l’opportunité de proposer dès maintenant des mesures qui ne sont qu’une reprise d’un projet de texte n’ayant pas encore été discuté au Parlement européen, au risque que nous devions légiférer de nouveau sur le même sujet dès que le texte européen sera adopté. Il y a un temps pour tout : les transpositions européennes doivent être réalisées après leur discussion et leur vote, et pas avant !

Une fois encore, le Gouvernement se précipite et ne permet pas de créer les conditions d’un débat au niveau national sur ce sujet de société.

Plus généralement, les mécanismes concourant à la propagation des contenus haineux, ainsi que les instruments qui viseraient à les réguler, ne sont pas suffisamment pris en compte pour une lutte efficace contre la haine en ligne.

De plus, comme dans le reste de cette loi, il y a beaucoup le déclaratif : quid des moyens qui seront réellement mis en place par les plateformes ? Les amendes en cas de non-respect de ces nouvelles obligations seront-elles suffisantes pour que les plateformes respectent ces nouvelles contraintes ?

Enfin, cet article donne au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, de nouvelles missions qui sont assez chronophages et qui nécessitent de nouveaux moyens pour cette autorité, ce dont on ne parle jamais. Or aucun financement supplémentaire, d’après ce que j’ai vu du budget alloué au CSA, n’est envisagé.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.

M. Julien Bargeton. Cet article prolonge le débat que nous avons eu.

Il est vrai que ce sujet est très lié à l’actualité européenne. Mais on peut dire, à l’inverse, que, lorsque l’on attend l’Europe, on encourt le reproche de tergiverser trop longtemps – deux ans en l’occurrence. Je suis persuadé que cette critique opposée serait formulée sans action de notre part. Je me réjouis plutôt que l’on pose déjà les termes du débat, puisque, de toute façon, il est en prise avec une actualité.

Au-delà de ce sujet, la question est de savoir si l’on en est encore à la régulation. Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas ce texte, ni même le débat que nous aurons, qui va épuiser l’ensemble des problèmes que posent ces grandes plateformes.

Les chiffres sont tout de même impressionnants : 2,75 milliards de Terriens sont actifs sur Facebook, 2 milliards sur YouTube, 1,080 milliard sur Instagram et 330 millions sur Twitter. On voit bien que nous avons affaire, finalement, à des entreprises-États, qui sont devenues très puissantes.

Nous avons tous un tel objet dans nos poches (M. Julien Bargeton montre son smartphone.), parce qu’il apporte un certain nombre de services, et cela de façon plus efficace que d’autres, notamment que des États, qui sont parfois un peu dépourvus.

En face de ce modèle des entreprises-État, il y a celui de l’État-entreprise, à savoir la Chine, qui a écarté les plateformes californiennes de son territoire et qui met en place le contrôle absolu de l’accès aux réseaux sociaux et de l’utilisation des plateformes.

La question qui se pose à nous est la suivante : arrivera-t-on à inventer un modèle qui évite à la fois Charybde et Scylla, si j’ose dire ? En d’autres termes, quel peut être le modèle de l’État démocratique, qui devient lui-même une plateforme pour faire face à ces deux mastodontes, ces deux modèles répulsifs dont nous ne voulons pas ?

Ainsi, nous en sommes non plus seulement à la régulation, mais à la construction de notre propre voie, dans laquelle la démocratie jouerait pleinement son rôle dans l’utilisation des services apportés par les plateformes.

Mme la présidente. L’amendement n° 317, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement du groupe Écologiste-Solidarité et Territoires a pour objet de supprimer l’article 19 bis, qui reprend en grande partie le dispositif faisant l’objet de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « loi Avia ».

Il n’est nul besoin de rappeler que cette loi a fait l’objet de nombreuses censures de la part du Conseil constitutionnel.

Si les dispositions de cet article visent essentiellement à renforcer les pouvoirs de sanction du Conseil supérieur de l’audiovisuel, les auteurs de cet amendement estiment, d’une part, qu’elles n’ont pas leur place dans ce texte, et, d’autre part, qu’elles portent atteinte à la liberté d’expression.

Ne nous trompons pas de combat : internet est un espace de liberté d’expression de ses convictions, de communication de l’information et de critique de l’action des pouvoirs publics. Il est difficile de comprendre en quoi la lutte conte les prétendus séparatismes devrait y être menée.

Pour ces raisons, le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires demande la suppression de ces dispositions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Même si nous déplorons la méthode, à savoir le recours à un amendement, ce qui veut dire ni étude d’impact ni avis du Conseil d’État, ainsi que la fragilité juridique du dispositif au regard du droit européen, puisque l’on prétend transposer quelque chose qui sera négocié, en gardant les éléments qui nous intéressent et pas forcément les autres, nous avons considéré que cette disposition permettait malgré tout d’avancer, notamment en donnant des moyens de sanction pécuniaire au CSA.

Par ailleurs, je voudrais dire à Mme Benbassa que les éléments qui ont été repris de la loi Avia sont ceux qui n’avaient pas été censurés. C’est pour cette raison que le texte n’est pas si épais.

Nous sommes favorables au maintien de l’article 19 bis, tel que nous l’avons modifié, donc défavorables à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Je ne reviens pas sur l’argumentaire que j’ai déroulé sur l’avis du Conseil constitutionnel. Ce dernier ne me paraît pas applicable en l’espèce, puisque le Conseil ne s’est jamais prononcé au fond sur les éléments qui sont évoqués. (Mme Esther Benbassa sexclame.)

On ne peut pas considérer que le Conseil constitutionnel a invalidé ces éléments-là, puisque c’est seulement par voie de conséquence qu’il a été amené à prendre ces décisions d’annulation, comme je l’ai expliqué.

Je rappelle par ailleurs que les articles 2 à 4 de la loi Avia avaient fait l’objet d’un assez vaste consensus dans cette assemblée. C’était l’article 1er qui avait suscité le plus de débats.

Si j’étais un peu taquin, madame la sénatrice, je vous demanderais des précisions sur la position du groupe des Verts au Parlement européen sur le règlement que nous sommes en train de pré-transposer, pour savoir s’il l’estime liberticide…

Le Gouvernement émet donc bien entendu un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 317.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 424 rectifié, présenté par Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme Harribey, M. Leconte, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie, Sueur et Magner, Mmes Lepage et S. Robert, MM. Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au début, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;

II. – Après l’alinéa 9

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…°Après le même quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu’il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l’objet dans les vingt-quatre heures d’un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu’à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées aux 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine.

« Le fait de ne pas respecter l’obligation définie à l’alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Avec cet amendement, nous sommes au cœur de la question qui nous occupe : comment peut-on encadrer d’un point de vue judiciaire le retrait des contenus qui contreviennent aux règles ?

C’est un sujet dont nous avons débattu longuement au moment de l’examen de la proposition de loi Avia.

Notre groupe avait fait valoir que, dès lors que l’on voulait instaurer un retrait dans les vingt-quatre heures, ce qui était la pierre angulaire, me semble-t-il, de la proposition de loi, il fallait l’intervention d’un juge. Nous avions proposé une architecture, que nous soumettons de nouveau à votre vote aujourd’hui, mes chers collègues : obligation de retrait ou blocage dans les vingt-quatre heures, mais à titre provisoire, et validation par un juge statuant en référé.

À l’époque, nous n’avions pas convaincu, mais le Conseil constitutionnel est passé par là, et, pour tout dire, je ne sais plus, je le confesse, si ce motif a été précisément examiné. En tout cas, nous y voilà de nouveau : nous proposons de combiner l’urgence du retrait et l’intervention du juge, qui est le seul garant de la protection des libertés publiques.

Mme la présidente. L’amendement n° 598 rectifié, présenté par MM. Savin, Brisson, Savary et Kern, Mme Primas, MM. Rapin, Laugier, Mandelli et Belin, Mme Demas, M. Sol, Mmes Vermeillet, V. Boyer et Puissat, MM. Darnaud, Genet, D. Laurent, Boré et Le Rudulier, Mmes Gosselin, Goy-Chavent et Imbert, MM. Chasseing, Laménie, Lefèvre et Regnard, Mme Belrhiti, MM. Decool et Moga, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Bouchet, Mmes Billon et Deroche, MM. Burgoa, Allizard, Vogel et A. Marc, Mmes Gruny et Herzog, MM. Bonne et H. Leroy, Mmes Lassarade et Boulay-Espéronnier, M. Le Gleut, Mmes Ventalon et Di Folco, MM. Hingray et Duffourg, Mmes Schalck, Muller-Bronn, Canayer et Dumont, MM. E. Blanc et Wattebled, Mme Berthet, MM. Segouin, Somon, Longeot et Sautarel, Mme Bourrat, MM. Levi et Malhuret, Mme Saint-Pé, M. Détraigne et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 6-5. – Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français, sont tenus de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures, tout contenu contrevenant manifestement aux dispositions de l’article L. 222-17 du code pénal ou incitant manifestement à commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Lorsqu’il est saisi dans les conditions prévues au présent article, l’opérateur n’est tenu d’apprécier le caractère manifestement illicite qu’au regard du signalement qui lui en est fait.

« Les opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le classement, le référencement ou le partage de contenus mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’ils soient ou non établis sur le territoire français, concourent à la lutte contre la diffusion publique des contenus contrevenant aux dispositions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi ainsi qu’à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. À ce titre :

La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.

M. Stéphane Le Rudulier. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 608 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11, première phrase

Remplacer les mots :

la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics

par les mots :

le classement, le référencement ou le partage de contenus

II. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« I. – Les opérateurs définis au premier alinéa qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur le partage de contenus mis en ligne par des tiers :

III. – Alinéas 12, 16 à 20, 22 et 32

Supprimer le mot :

Ils

IV. – Alinéa 37

Supprimer le mot :

ils

V. – Alinéa 44

Remplacer la mention :

Par la mention :

II. –

VI. – Alinéa 45

Remplacer la mention :

a)

par la mention :

VII. – Alinéa 46

Remplacer la mention :

b)

par la mention :

VIII. – Alinéa 47

Remplacer la mention :

c)

par la mention :

IX. – Alinéa 48

Remplacer la mention :

10°

par la mention :

III.

X. – Alinéa 56, première phrase

Remplacer la référence :

par la référence :

II

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Il s’agit là encore d’une recherche de conciliation ou de compromis entre la version de l’Assemblée nationale et celle du Sénat sur la lutte contre des contenus illicites. Cette fois, notre proposition concerne les moteurs de recherche, que la commission des lois du Sénat a exclus du champ de la régulation par le CSA.

Cette exclusion est partiellement bienvenue et justifiée. On comprend certaines des raisons qui ont poussé la commission à aller en ce sens. Plusieurs des obligations introduites n’ont pas vocation à s’appliquer aux moteurs de recherche, puisque ceux-ci ne donnent pas accès à des contenus mis en ligne par leurs propres utilisateurs, qui sont des personnes qui procèdent à des recherches de sites internet.

Effectivement, les obligations tenant aux conditions générales d’utilisation du service, à la notification de contenus, au traitement de ces notifications, aux mécanismes de recours des utilisateurs contre les décisions prises par les plateformes, ou encore à l’utilisation abusive du service, n’ont pas lieu de s’appliquer aux moteurs de recherche. Nous voulons bien en convenir.

En revanche, eu égard au rôle que jouent les grands moteurs de recherche dans l’accès aux contenus en ligne et à la responsabilité qui en découle, nous pensons qu’il faut leur appliquer tout de même plusieurs des obligations qui visent les plateformes en ligne.

Il s’agit surtout des obligations les plus importantes, en réalité, notamment l’évaluation par ces plateformes des risques systémiques liés à leur service et l’adoption de mesures d’atténuation de ces risques sous le contrôle du régulateur. Elles permettront la mise en place par les moteurs de recherche de mesures de lutte contre les contenus illicites, par exemple par l’adaptation de leur algorithme de classement, pour rétrograder de façon systématique ce type de contenu et limiter drastiquement leur visibilité.

Nous en revenions au débat que nous avions précédemment : les algorithmes mettent en avant certains types de contenus pour des raisons commerciales.

Cet amendement vise à maintenir cette obligation, y compris pour les moteurs de recherche. En revanche, nous ne souhaitons pas leur appliquer exactement les mêmes obligations que pour les plateformes, comme la commission des lois l’a décidé.

Voilà un texte d’équilibre, si j’ose dire, entre les deux versions qui nous sont proposées.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 681, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement 608 rectifié

I. - Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

Après la référence :

« Art. 6-5. –

insérer la référence :

I A. –

et remplacer les mots :

II. - Après l’alinéa 5

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Alinéa 11, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Alinéa 8

Remplacer la référence :

premier alinéa

par la référence :

I A

et après le mot :

contenus

insérer le mot :

publics

IV - Alinéa 13

remplacer le mot :

le

par les mots

la seconde occurrence du

V. - Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

… - En conséquence, alinéas 4 (deux fois), 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 26, 33, 38, 39, 41, 44 (deux fois), 45, 48, 55 (deux fois), 59 et 69

remplacer la référence :

premier alinéa

par la référence :

I A

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il s’agit d’un sous-amendement de coordination, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 435, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics

par les mots :

le classement ou le référencement au moyen d’algorithmes informatiques ou le partage de contenus proposés ou

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Conformément à la position qu’il a prise à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain souhaite introduire les moteurs de recherche dans le champ de la régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Les moteurs de recherche en ont été exclus par la commission des lois du Sénat, au motif que la nouvelle régulation devait se concentrer sur les réseaux sociaux à fort trafic.

S’il est vrai que les réseaux sociaux constituent les principaux vecteurs d’échanges de propos haineux illicites, nous estimons que cette justification ne suffit pas à retirer les moteurs de recherche du champ de la régulation du CSA. Au contraire, leur intégration dans le dispositif s’impose en raison de leur capacité à accentuer la viralité des contenus haineux sur internet.

C’est pourquoi nous proposons de rétablir la rédaction de l’alinéa 11 issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. L’amendement n° 436, présenté par M. Assouline, Mme de La Gontrie, M. Sueur, Mmes Harribey, S. Robert, Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Supprimer les mots :

internes et

II. – Alinéa 18

Supprimer les mots :

et des recours internes

III. – Alinéa 25

1° Supprimer les mots :

internes et

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Tout contenu notifié dont il apparaît qu’il contrevient manifestement aux dispositions mentionnées au premier alinéa du présent article doit faire l’objet dans les vingt-quatre heures d’un retrait ou doit être rendu inaccessible, à titre provisoire.

IV. – Alinéa 26

Après le mot :

inaccessible

insérer les mots :

à titre provisoire

V. – Alinéa 29

Supprimer les mots :

internes et

VI. – Après l’alinéa 31

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision mentionnée au même d reste en vigueur jusqu’à sa validation par le tribunal judiciaire statuant en référé saisi par la personne à l’origine de la publication d’un contenu ayant fait l’objet d’une décision de retrait ou de rendu inaccessible. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à quarante-huit heures à compter de la saisine. »

VII. – Alinéas 32 à 36

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La mise en œuvre de droits de recours prévus par l’article 19 bis au bénéfice des personnes qui voient leurs contenus supprimés par les plateformes ne va pas assez loin.

Permettre uniquement un recours en interne auprès de la plateforme est insuffisant. Seule l’autorité judiciaire devrait évaluer au cas par cas les recours formés par les utilisateurs contre les opérations de modération. Il est important de s’appuyer sur les juges pour toute décision de ce genre. Après l’échec cuisant de la loi Avia, il faut être vigilant sur les dispositions destinées à lutter contre la haine en ligne.

C’est pourquoi nous avons décidé de proposer de nouveau cet amendement, déjà soumis lors du précédent texte traitant de ce sujet.

Les citoyens français ont des devoirs, mais également des droits, et la censure est une pente dangereuse. Choisir le juge comme arbitre est judicieux pour éviter des décisions liberticides.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instaurer une obligation de retrait ou de blocage en vingt-quatre heures, à titre provisoire, d’un contenu haineux notifié qui serait manifestement illicite, jusqu’à la validation par le tribunal judiciaire statuant en référé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Si vous voulez bien, mes chers collègues, je vais traiter ces amendements par thèmes.

L’amendement n° 424 rectifié vise à instaurer une obligation de retrait ou un blocage provisoire en vingt-quatre heures de tout contenu haineux notifié, avec une sorte de référé confirmation.

Les contenus en cause devraient être retirés temporairement par tout intermédiaire technique, qui ferait valider sa décision par le juge des référés. Je note que cette proposition a été déjà été rejetée deux fois par le Sénat lors de la discussion de la proposition de loi Avia, le mécanisme imaginé pour réintroduire le juge ne nous semblant pas totalement opérationnel. L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 436 vise à réserver à l’autorité judiciaire l’examen du recours formé par les utilisateurs contre des décisions de modération. Il avait également été rejeté par le Sénat lors de la discussion de la PPL Avia.

Son adoption reviendrait à supprimer toute obligation pour les plateformes de mettre en place des procédures de recours interne, ce qui nous semble totalement inacceptable. Notre avis est donc défavorable.

L’amendement n° 598 rectifié tend à créer un délit de non-retrait en vingt-quatre heures de certains contenus illicites par les opérateurs de plateforme en ligne. C’est très exactement ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel dans la loi Avia.

De plus, prévoir un délai couperet de vingt-quatre heures induirait des risques majeurs de sur-censure de contenus pourtant licites. L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 435 vise, quant à lui, à réintégrer les moteurs de recherche dans le champ de la régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel, ce qui est contraire à la position du Sénat.

La nouvelle régulation des plateformes, qui sera valable à peine deux ans, doit se concentrer sur les réseaux sociaux à fort trafic, principaux vecteurs d’échanges de propos haineux illicites. En effet, les moteurs de recherche, dans leur fonctionnement technique, leur finalité et leurs conséquences sur la viralité d’un contenu se distinguent substantiellement des réseaux sociaux, puisqu’ils n’hébergent pas, mais dirigent vers. On ne peut donc leur appliquer le même régime.

Pour autant, nous serons favorables à l’amendement n° 608 rectifié. S’agissant des moteurs de recherche, il vise uniquement ceux qui sont situés au-dessus du second seuil, donc les grandes et très grandes plateformes, et cela uniquement au titre des obligations de vigilance et de remédiation systémique. Cela répond en partie aux problèmes qui sont soulevés par le précédent amendement.

Je le répète, nous serons favorables à cet amendement n° 608 rectifié, sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement de coordination n° 681, qui a pour objet de corriger des problèmes légistiques de forme et de préciser la définition des plateformes, ainsi que la notion de contenus publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Madame la présidente, je vais procéder de la même manière que Mme la rapporteure.

Les amendements nos 424 rectifié, 598 rectifié et 436 portent sur la réintroduction de la règle des vingt-quatre heures, avec ou sans le juge. Je ne vais pas refaire ici le débat que nous avions eu, à front renversé d’une certaine manière, lors de l’examen de la proposition de loi Avia. Il ne me semble pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’introduction du juge se justifie.

Que se passe-t-il si, comme nous l’avons évoqué, le juge ne peut pas statuer, compte tenu de l’avalanche de contenus, en vingt-quatre heures ? Dans les faits, la justice ne peut pas décider, même en référé, sur l’ensemble des saisines qui sont aujourd’hui faites sur des notifications de contenus illégaux.

J’y insiste, la justice ne sera pas capable de se prononcer en vingt-quatre heures, et nous reviendrons à ce que vous avez vous-mêmes dénoncé lors de l’étude de la proposition de loi Avia, c’est-à-dire à un risque de sur-censure non pas théorique, mais effective, puisque le juge se donnera le temps de juger, même en référé. C’est pour cette raison que je serai défavorable à ces trois amendements.

Je suis en revanche favorable, pour les raisons évoquées par Mme la rapporteure, à l’amendement n° 608 rectifié.

En conséquence, j’invite M. Assouline à retirer l’amendement n° 435, qui me semble viser le même objectif, au bénéfice de l’amendement n° 608 rectifié.

Enfin, s’agissant du sous-amendement n° 681 de la commission des lois, le Gouvernement a quelques critiques d’ordre légistique à formuler, mais je me propose d’émettre un avis de sagesse, afin que ces éléments soient retravaillés dans le cadre de la navette parlementaire.