M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, ce problème est effectivement important. Il touche en particulier la gendarmerie nationale, dont vous connaissez l’implantation territoriale dans des communes aux ressources parfois modestes.

Une caserne de gendarmerie est à la fois un lieu de service public et de logement des militaires, ce qui rend sa construction particulière. Aujourd’hui, près de 25 % des casernes appartiennent à l’État. Les autres appartiennent aux collectivités locales ou font l’objet de baux emphytéotiques administratifs. Ces BEA ont été rendus possibles par la dernière loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Cela explique que, par manque de financement public local, et aussi national, la construction de ces casernes ait donné lieu aux difficultés que vous avez mentionnées en matière d’indices. Je ne les sous-estime pas, mais, pour compléter votre propos, il faut préciser que ce système donne, à la fin, la propriété du site à la commune. Il ne faut pas l’oublier, car c’est pour cela que l’État ne verse pas directement d’argent aux promoteurs, sauf à devenir lui-même propriétaire, alors que ce n’est pas ce que souhaite, me semble-t-il, une grande partie des élus locaux.

Cependant, cette situation ne peut pas durer, pour trois raisons : premièrement, il y a les raisons financières que vous évoquez ; deuxièmement, il faut tenir compte de la responsabilité des travaux qu’il incombe de faire dans ce genre de bâtiment, puisque, par définition, le patrimoine doit être rénové, en particulier quand il s’agit du logement des familles de gendarmes à qui nous devons fournir le meilleur environnement possible ; troisièmement, comme vous l’aurez compris, nombreuses sont les communes qui ne souhaitent pas la remise en cause de ces modèles, de peur que la gendarmerie ne s’en aille. Je tiens à dire que la gendarmerie ne s’en ira d’aucune implantation territoriale.

Dans la Loppsi que je prépare à la demande du Président de la République et du Premier ministre, nous reverrons ce système de construction, en travaillant par exemple avec la Caisse des dépôts et ses filiales pour développer une solution plus intéressante pour la sphère publique. Nous réglerons également le problème des baux qui sont concernés, comme je le fais déjà dans certains cas particuliers, à la demande de certains élus. Je suis d’ailleurs à votre disposition pour renégocier ces contrats. Nous y arrivons souvent, même si, face à certaines difficultés – l’État n’a aucune espèce de doute sur ce point –, il faut payer le juste prix pour effectuer les travaux de maintenance qui s’imposent si l’on veut que les casernes de gendarmerie continuent d’accueillir les familles des gendarmes dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour la réplique.

Mme Annick Jacquemet. Monsieur le ministre, je compte sur vous pour aider ces communes à retrouver un équilibre financier. Comme vous le disiez, l’implantation des gendarmeries est importante, et personne ne veut voir les gendarmes partir ailleurs. Je crois, néanmoins, qu’il faut aussi entendre le cri d’alarme des élus qui ont du mal à boucler leur budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 30 juin 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

5

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.

Conclusions de la conférence des présidents

La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création d’une mission d’information sur les influences étatiques extraeuropéennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences (demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants).

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mercredi 23 juin 2021

À 16 h 30, le soir et la nuit

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la programmation militaire

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 20 minutes pour le groupe Les Républicains, 15 minutes pour le groupe Socialiste, écologiste et républicain, 12 minutes pour le groupe Union Centriste, 10 minutes pour les groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants - République et Territoires et Écologiste - Solidarité et Territoires et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• 10 minutes attribuées à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et 5 minutes attribuées à la commission des finances

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 22 juin à 15 heures

En application de larticle 39, alinéa 6, du règlement, le vote sur cette déclaration donnera lieu à un scrutin public ordinaire et aucune explication de vote ne sera admise.

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021)

Jeudi 24 juin 2021

À 10 h 30

- Examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qu’il lui confère, pour une durée de six mois, les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête sur les dysfonctionnements constatés dans l’organisation du premier tour des élections départementales et régionales du 20 juin 2021

- quatre conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l’échange des compétences et talents (texte de la commission n° 617, 2020-2021)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Japon, d’autre part (texte de la commission n° 687, 2020-2021)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord-cadre entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Australie, d’autre part (texte de la commission n° 689, 2020-2021)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de partenariat pour les migrations et la mobilité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde (texte de la commission n° 619, 2020-2021)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 22 juin à 15 heures

- Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la bioéthique (texte n° 677, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission spéciale.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 14 juin à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 15 juin après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 21 juin à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 23 juin matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 juin à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021).

À 14 h 30 et le soir

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur les influences étatiques extraeuropéennes dans le monde universitaire et académique français et leurs incidences (demande du groupe RDPI)

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : jeudi 24 juin à 10 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021).

Vendredi 25 juin 2021

À 9 h 30, 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (texte de la commission n° 667, 2020-2021).

M. le président. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

6

Programmation militaire

Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la programmation militaire.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, adoptée à une très large majorité en 2018, a traduit l’engagement pris par le Président de la République devant la Nation en 2017 de fixer une nouvelle ambition pour notre défense nationale et de restaurer les moyens qui lui sont affectés.

Permettez-moi d’emblée de saluer, devant la Haute Assemblée, le travail de la ministre des armées, Mme Florence Parly, qui a élaboré, puis appliqué cette loi avec la rigueur et la détermination qu’on lui connaît. Permettez-moi également de remercier Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée placée sous son autorité.

Ce texte a fait l’objet d’un important travail avec le Parlement, tant lors de sa préparation que dans le suivi de son exécution. Je voudrais saluer tout particulièrement les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat qui y ont, notamment en 2017 et 2018, activement contribué.

Le texte prévoyait que la LPM ferait l’objet d’une actualisation de façon à fixer, au-delà de 2023, la trajectoire des ressources qui devaient permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République, notamment celui de porter le budget des armées à 2 % du PIB à l’horizon de 2025. Il se trouve que la crise sanitaire, ou plus exactement ses conséquences économiques et financières, a significativement bouleversé le contexte dans lequel cette actualisation était prévue.

D’une part, en raison de la récession, il se trouve que l’objectif de 2 % du PIB est déjà atteint. D’autre part, et surtout, la durée de la crise sanitaire – qui n’est, hélas ! pas complètement derrière nous – et ses conséquences économiques, dans un contexte qui reste incertain et que personne ne pouvait anticiper au moment de la préparation de la LPM, ont changé les conditions de cette actualisation et, donc, les perspectives pour 2024 et 2025, puisque tel est l’objet de ce débat.

C’est pourquoi j’ai décidé, et je l’assume, de ne pas soumettre au Parlement à ce moment précis de texte actualisant la loi de programmation militaire. L’actualisation devra bien sûr avoir lieu, et ce dès que l’horizon économique et financier se sera éclairci. En contrepartie, j’ai voulu que l’effort entrepris pour notre défense soit débattu de manière solennelle et, je l’espère, confirmé par la représentation nationale. J’ai également souhaité que le Parlement puisse délibérer de la mise en œuvre de cette programmation militaire et des inflexions éventuelles à lui donner. C’est la raison pour laquelle j’ai une nouvelle fois – mais pour la première fois, me semble-t-il, s’agissant d’un Premier ministre pour un sujet intéressant notre défense nationale – invoqué l’article 50-1 de la Constitution.

Cette loi de programmation militaire porte, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une ambition claire : permettre à la France de retrouver un modèle d’armée complet et équilibré, à la hauteur des enjeux stratégiques d’aujourd’hui et de demain. Cette ambition est d’autant plus indispensable que nous sommes désormais confrontés à un « dérèglement du monde », pour reprendre les mots du chef de l’État.

À la menace toujours présente du terrorisme, à cette menace qui relaie son obscurantisme par les réseaux de communication les plus modernes, tout en faisant appel à la technologie pour exploiter ou tenter d’exploiter les failles de nos systèmes de sécurité, à l’émiettement de la violence sans frein qu’elle provoque, s’est ajoutée la montée des appétits de certains pays en quête de puissance.

Pour construire un modèle complet et équilibré, capable de faire face aux menaces d’aujourd’hui comme à celles de demain, le Président de la République a voulu donner l’impulsion nécessaire à une transformation profonde de nos armées. C’est ce qu’a traduit la loi de programmation militaire.

Le premier objectif, le plus urgent, était d’abord de réparer les armées, dont les matériels étaient en mauvais état.

La ténacité et le professionnalisme de nos soldats, marins et aviateurs, dont l’engagement est souvent allé bien au-delà de ce que prévoyaient les contrats opérationnels, et à qui je veux une nouvelle fois rendre hommage devant vous, suffisaient de moins en moins à pallier la dégradation de leurs conditions d’intervention. Il fallait donc réparer pour rendre à nos armées les moyens de remplir durablement les missions qui sont les leurs.

Le second objectif consistait à préparer l’avenir, c’est-à-dire à anticiper, moderniser et innover, de sorte que nos forces disposent des matériels les plus performants, en nombre suffisant, et adaptés aux nouvelles menaces.

C’est avec la ferme volonté de réussir cette double opération de régénération et de modernisation que nous avons prévu une hausse historique du budget militaire. La force de nos armées et, donc, notre aptitude à rester maîtres de notre destin aux côtés de nos voisins européens et de nos alliés dépendent en effet de notre capacité à nous inscrire dans le temps long de l’histoire.

À cet effet, il convenait d’abord de disposer de budgets en conformité avec nos besoins. Dans les dix années précédant le vote de la LPM en 2018, les crédits votés en loi de finances initiale dans le cadre de la mission « Défense » étaient quasi systématiquement inférieurs à ceux qui étaient prévus, cet écart pouvant aller jusqu’à 2,3 milliards d’euros pour une année donnée. Durant cette période, comme le Sénat l’a souvent relevé, ce ne sont pas moins de 3,8 milliards d’euros de crédits qui ont fait l’objet d’annulations ou de régulations et pas moins de 60 000 postes qui ont été supprimés dans nos armées, si bien que notre effort de défense est progressivement passé de 2,1 % à 1,78 % du PIB en 2017.

C’est à cette situation qu’il convenait de mettre fin ; ce que, ensemble, nous avons fait. Le budget annuel a en effet été porté, par la volonté de l’exécutif et par votre vote, à près de 40 milliards d’euros, seuil symbolique qui devrait être dépassé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, contre environ 30 milliards d’euros en moyenne annuelle sur la période précédente.

Très concrètement, après une augmentation de 1,8 milliard d’euros en 2018, ce sont des hausses de crédits de 1,7 milliard d’euros qui ont été confirmées chaque année. Au total, depuis le début du quinquennat, le budget annuel des armées aura augmenté de plus de 25 %. Sur cette même période, en cumulé, le montant de ces ressources supplémentaires a atteint 27 milliards d’euros, soit plus de deux années de dépenses d’équipement, et une accélération sans précédent de l’investissement en faveur de nos armées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’appelle votre attention sur le choix politique et budgétaire que nous avons fait récemment, en 2020 et en 2021, de maintenir cette dynamique, alors même que la crise sanitaire nous a par ailleurs conduits à puiser très significativement dans nos finances publiques. Je le dis, car certains pays se sont servis de leurs dépenses militaires comme variable d’ajustement. Tel ne fut pas le cas de la France.

Aussi, je peux affirmer devant vous que les ressources et les objectifs de la programmation sont strictement respectés.

M. François Patriat. C’est vrai !

M. Jean Castex, Premier ministre. C’est une réalité que vous me permettrez de qualifier d’historique, puisqu’il s’agit de la première LPM pour laquelle, annuellement, le montant des crédits exécutés est conforme à celui qui a été autorisé par la représentation nationale. Ce ne fut qu’exceptionnellement le cas pour les lois de programmation antérieures, comme vous le savez toutes et tous. C’est dans ce même esprit que nous préparons la loi de finances pour 2022.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que la mise en œuvre de la loi de programmation militaire ait permis d’obtenir des résultats significatifs.

Les premières mesures – vous y avez d’ailleurs contribué – ont été « à hauteur d’homme », selon l’expression consacrée. Elles ont permis d’agir sur le quotidien de celles et ceux qui choisissent le métier des armes. Ces mesures très concrètes visent en effet à améliorer leurs conditions de vie, d’entraînement et de combat.

Ainsi, nous avons investi de manière inédite dans les infrastructures, notamment pour ce qui concerne le casernement. Nous avons porté une plus grande attention aux familles et aux conditions de logement, mais aussi veillé à mieux accompagner les personnels dans leurs carrières, notamment à travers la mise en place d’une nouvelle politique de rémunération plus moderne et plus juste.

Parallèlement, nous avons accéléré la modernisation des équipements. C’est notamment le cas de notre dissuasion nucléaire, dont le renouvellement des composantes aériennes et sous-marines est désormais engagé. Je fais aussi référence bien sûr aux nouveaux véhicules blindés conçus dans le cadre du programme Scorpion, qui renforcent considérablement la puissance de feu et la protection de notre armée de terre. Je pense encore à notre marine, à qui les nouveaux sous-marins de type Suffren, les Fremm – les frégates européennes multi-missions –, et, demain, le futur porte-avions vont permettre de faire face aux nouveaux défis posés par les perturbateurs de l’ordre international en mer. Je pense à notre armée de l’air dont la flotte d’avions de chasse et de drones armés se classera au meilleur rang mondial et qui a enfin pu renouveler son parc d’avions de transport et de ravitailleurs.

Certains ont pu s’inquiéter ici même des retards qu’ils croyaient observer dans les livraisons de tel ou tel type d’équipement. Mme la ministre des armées pourra vous donner toutes les explications nécessaires, notamment les aléas qui en sont la cause. Ceux-ci sont d’une certaine façon la contrepartie d’une loi de programmation ambitieuse, qui compte des centaines de programmes différents. À l’intérieur du cadre global, certains programmes prennent de l’avance, d’autres du retard. Ces variations sont finalement le reflet d’une gestion dynamique et réactive de la programmation. L’essentiel est que nos forces disposent des équipements dont elles ont besoin au bon moment, pour pouvoir s’engager sur les théâtres d’opérations.

Par ailleurs, et c’est un élément fondamental de notre politique de défense, la modernisation de nos forces doit s’accompagner d’une autonomie stratégique renforcée et d’un effort inédit en matière de renseignement. C’est évidemment dans ce secteur que la lutte contre le terrorisme exigeait un investissement majeur. Nous l’avons consenti : entre 2019 et 2023 – permettez-moi d’anticiper –, le montant annuel moyen du budget consacré au renseignement sera d’environ 400 millions d’euros, contre 260 millions d’euros en moyenne sur la période 2014-2018.

Nos services de renseignement verront leurs effectifs augmenter, puisque 25 % des créations de postes prévues par la LPM leur sont consacrées. De nouvelles capacités seront développées, en particulier pour intercepter les communications des groupes terroristes. En outre, le fonctionnement de nos services sera modernisé : la construction du nouveau siège de la DGSE, tout récemment confirmée par le Président de la République, en est une illustration emblématique.

Il en va de même s’agissant du domaine cyber. La loi de programmation militaire prévoit de consacrer 1,6 milliard d’euros à la consolidation de l’autonomie stratégique de la France. L’accroissement du nombre de cybercombattants traduit notre volonté d’investir ce nouvel espace de conflictualité. Nous visons un objectif de plus de 4 000 au terme de la période couverte par la LPM. Le ministère dispose d’ores et déjà de 3 000 cybercombattants. Un pôle cyber des armées sera créé pour concentrer les expertises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce nouvel élan donné à notre défense va évidemment de pair avec la volonté de la France d’amplifier la relance de l’Europe de la défense. L’Union européenne a ainsi fait du Fonds européen de défense une réalité tangible, avec un premier budget qui atteint 8 milliards d’euros courants. L’Union investit désormais directement dans les capacités militaires, ce qui constitue une avancée majeure dans sa prise en compte des enjeux de défense.

Il en va de même de la Facilité européenne de paix, qui, soutenue par la France et approuvée par le Conseil européen le 22 mars dernier, a été dotée d’un budget à hauteur de 5 milliards d’euros : ce fonds témoigne de l’engagement collectif des pays de l’Union européenne à s’engager pour la paix et la stabilité internationales. Notre pays a donc joué un rôle moteur pour que des projets ambitieux soient lancés dans le cadre de la coopération structurée permanente, qui a donné lieu à la validation de quarante-six projets auxquels participent vingt-cinq pays.

Avec nos partenaires européens, nous avons aussi lancé des programmes d’équipements stratégiques. Je pense en particulier au système de combat aérien du futur, qui associe la France, l’Allemagne et l’Espagne. Ce programme ambitieux, qui combinera avions de chasse et drones d’accompagnement, donnera à nos pays et, plus largement, à l’Europe un avantage stratégique pour la maîtrise du ciel et les missions dans la troisième dimension.

Dans le champ opérationnel, l’Initiative européenne d’intervention constitue un cadre souple pour réunir les nations qui veulent agir ensemble. Elle est en train de s’imposer comme une instance reconnue d’interopérabilité stratégique.

Pour en revenir à la France, je veux insister devant vous sur les impacts de la loi de programmation militaire en termes de relance, d’industrie et d’emploi.

Dans le cadre de la première partie de cette loi, sur cinq ans – entre 2019 et 2023 –, pas moins de 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures, ainsi que pour le maintien en condition opérationnelle. Ces crédits viennent soutenir fortement notre économie.

Sur les exercices 2021 et 2022, qui correspondent à la période du plan de relance, ce sont 40 milliards d’euros qui seront investis dans nos entreprises et nos territoires, notamment à travers le plan de soutien aéronautique. Il faut ajouter à ces montants ceux qui sont liés à nos exportations d’armement, grâce auxquelles, entre 2018 et 2020, plus de 21 milliards d’euros de commandes ont contribué au dynamisme de nos régions. Comment ne pas insister devant vous sur les succès du Rafale à l’export, notamment avec les ventes récentes à la Grèce, à l’Égypte et à la Croatie, qui irriguent tout le tissu industriel de l’aéronautique de défense ?

Ces investissements sont ciblés pour conjuguer efficacité économique et pertinence opérationnelle. Je voudrais saluer ici les efforts menés par la direction générale de l’armement pour soutenir l’écosystème des industries de défense, si important pour notre souveraineté industrielle, avec une attention toute particulière portée aux petites et moyennes entreprises.

Au total, les investissements prévus dans le cadre de la LPM vont contribuer à créer environ 25 000 emplois directs supplémentaires d’ici à 2022 et jusqu’à 70 000 à l’horizon de 2025. La seule industrie de défense représente près de 200 000 emplois de haut niveau, répartis dans toutes les régions – j’y insiste devant la chambre des territoires.

Je rappelle également que notre armée est le premier service recruteur de l’État. Elle ouvre chaque année à des dizaines de milliers de jeunes le chemin de la compétence, de l’épanouissement et de la méritocratie républicaine. Enfin, comme vous le savez, elle reste implantée en de nombreux endroits de notre territoire national.

Les objectifs visés par la loi de programmation militaire ont donc été pleinement respectés. Je tiens devant vous à saluer l’action, sous l’autorité de la ministre, du chef d’état-major des armées, du délégué général pour l’armement et de la secrétaire générale pour l’administration du ministère des armées : ils ont tous joué un rôle décisif dans la mise en œuvre de ce texte. Permettez-moi, dans cette circonstance particulière, de réserver une mention spéciale au général François Lecointre, qui vit les moments ultimes de sa carrière militaire. (Applaudissements.)

M. Gérard Longuet. C’est vrai ! C’est un type bien !

M. Laurent Duplomb. Pourquoi il part ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. L’évolution du contexte stratégique est venue confirmer la pertinence des priorités données à la loi de programmation militaire.

Depuis 2018, la prolifération des armes nucléaires suscite à nouveau une inquiétude majeure. Les actes hostiles se sont multipliés dans les airs et sur les mers, par exemple en Méditerranée ou en mer de Chine. Certaines puissances régionales ont pris des positions stratégiques sans égard pour le droit international.

Quant à la menace terroriste, je l’ai déjà évoquée, elle s’est diversifiée et développée. Les dispositions figurant dans la loi de programmation militaire doivent nous permettre de relever ces défis.

Comme vous le savez, face à de nouvelles menaces, nous avons d’ores et déjà procédé à des inflexions, par exemple – je veux y insister devant le Sénat – en renforçant notre action dans le domaine spatial. La création d’un commandement interarmées dédié, l’effort que nous faisons pour pouvoir opérer dans l’espace, pour y surveiller nos adversaires, pour protéger nos satellites s’inscrivent dans cette projection déterminée vers un avenir qui ne peut se permettre de dupliquer ce qui existe déjà. Le budget d’équipement consacré à l’espace a ainsi été quasiment doublé depuis 2017.

Les crises récentes et les leçons que notre pays a su en tirer ont conduit à des ajustements qui permettent désormais de détecter les menaces et de nous rendre plus résilients. C’est tout le sens des efforts que nous déployons pour accroître nos capacités opérationnelles, notamment dans les domaines prioritaires que sont le risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique, mais aussi la santé, la lutte anti-drones et la lutte informationnelle.

Nos forces, qui s’adaptent sans cesse aux menaces, sont fortement mobilisées, notamment pour lutter contre le terrorisme, tant dans le cadre d’opérations extérieures, au Sahel ou au Levant par exemple, que sur le territoire national, en particulier dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui est active depuis 2015 et que nous devons maintenir encore aujourd’hui. Mais cette menace, comme la situation géopolitique du reste, évolue. C’est pourquoi nous cherchons simultanément à ajuster la programmation militaire et à adapter nos engagements en fonction du contexte stratégique.

Ne pas s’adapter en permanence au terrain comme aux circonstances revient évidemment à prendre un risque majeur. Cette règle, aussi ancienne que l’art de la guerre, est toujours d’actualité. C’est évidemment la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé la transformation de notre dispositif au Sahel. Le passage d’une logique propre aux opérations extérieures à celle d’un dispositif de coopération accrue avec les pays du G5 Sahel doit nous permettre de faire encore mieux face aux défis de cette région.

Ainsi, grâce à la force européenne Takuba, nous continuerons à lutter contre les groupes terroristes et accompagnerons nos partenaires du Sahel. Cette force est tout à fait inédite : pour la première fois, des pays européens s’engagent ensemble, mais de manière autonome, dans des actions de combat. Nos partenaires et alliés ont ainsi compris à quel point la stabilité de cette région du monde conditionnait la sécurité du continent européen. Je voudrais, à cette tribune, leur rendre une nouvelle fois un hommage solennel.

Cette évolution marque une étape significative dans notre engagement au Sahel. Le Gouvernement proposera au Parlement un débat spécifique sur le sujet.

Je veux rendre hommage à nos soldats, marins et aviateurs engagés en opérations extérieures. Alors qu’une attaque au véhicule suicide vient de blesser six de nos soldats, en même temps que quatre civils maliens, j’ai à l’esprit, en cet instant, tous ceux qui ont payé leur engagement au prix du sang. Nous leur en serons éternellement reconnaissants, car la France n’oublie jamais celles et ceux qui sont tombés pour défendre notre liberté et notre souveraineté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à l’effort historique réalisé sous l’impulsion du Président de la République, nos armées ont pu être dotées de ressources à la hauteur de leurs missions et engager leur reconstruction et leur modernisation. Cet effort engage évidemment la Nation tout entière et, comme je l’ai dit et illustré, il mobilise des ressources financières considérables. Cet effort, nous vous proposons de le poursuivre sans relâche ; de le poursuivre pour que notre pays puisse assurer sa défense et faire face aux défis qui viennent ; de le poursuivre, parce que sa longue histoire a appris à notre pays, de génération en génération, le caractère redoutable de ces défis.

Je considère que ce travail ne peut être conduit qu’en accord avec le Parlement. Je vous le dis au moment où j’apprends que le Bundestag a voté en faveur du SCAF, auquel je faisais référence précédemment. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.) C’est dans cet esprit que je me suis exprimé devant vous cet après-midi, un esprit d’union et de concorde, car, lorsqu’il s’agit de la souveraineté de notre pays et de la sécurité de nos concitoyens, lorsqu’il s’agit de la place de la France dans le monde, je sais pouvoir compter sur le sens des responsabilités des sénatrices et des sénateurs.

Aussi, la ministre et moi-même sommes particulièrement à l’écoute de vos contributions, analyses et propositions que ce débat permettra de mettre en exergue. À l’issue de ce débat, je vous demanderai par votre vote de renouveler l’engagement que nous avons pris en 2018 et de confirmer ainsi notre ambition collective, en matière tant de défense que de moyens concrets, significativement renforcés, que nous affectons à nos forces armées et à nos soldats grâce à cette loi de programmation militaire. C’est une question de sécurité, c’est une question de souveraineté, c’est une question qui fonde le rayonnement de la France dans le monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)