Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les questions simples sont souvent celles dont les réponses sont les plus complexes. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en est l’illustration probante : un texte simple, proposant uniquement de compléter par un alinéa supplémentaire un article qui en compte déjà onze – a priori, un ajout anodin qui s’inscrit dans la lignée de cet article L. 3111-2 du code de la santé publique qui liste les vaccins obligatoires.

Cette proposition de loi prévoit d’instaurer la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 pour tous, sauf contre-indication médicale – cette vaccination ne serait pas prise en charge par la sécurité sociale.

À titre personnel, je suis en général un ardent défenseur de la vaccination obligatoire, mais être convaincu sur le principe ne suffit pas. Permettez-moi de citer Claude Bernard : « À la source de toute connaissance, il y a une idée, une pensée, puis l’expérience vient confirmer l’idée. »

Si on applique cette démarche à l’examen de cette proposition de loi, il nous appartient de confronter l’idée de cette vaccination obligatoire à l’environnement juridique et scientifique au regard, notamment, de l’état des connaissances et des techniques.

La question posée par cette proposition de loi implique de déterminer si la protection individuelle et collective de la santé justifie de rendre obligatoire cette vaccination contre le SARS-CoV-2.

Dans sa résolution 2361, adoptée en janvier dernier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a invité les États à « s’assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n’est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner ». En ce qui concerne les enfants, l’Assemblée demandait aux États « de veiller à un juste équilibre entre le déploiement rapide de la vaccination chez les enfants et l’examen justifié des préoccupations concernant la sécurité et l’efficacité des vaccins ».

Au Sénat, nous avons voté – j’en faisais partie – en faveur du principe d’une obligation vaccinale pour certains personnels visés par la loi relative à la gestion de la crise sanitaire publiée le 5 août 2021, à savoir les personnels soignants et les agents accompagnant les personnes vulnérables dans les établissements médico-sociaux.

La stratégie déployée depuis le mois de décembre a consisté à donner la priorité aux personnes les plus vulnérables qui étaient susceptibles de développer des maladies aggravantes. Cette stratégie évolutive par rapport aux tranches d’âge était nécessaire pour éviter l’engorgement des hôpitaux, mais également pour faire face au manque de doses, si dès le début de l’année 2021 il avait fallu vacciner une large majorité de la population.

Depuis cet été, une incitation à la vaccination plus forte, avec la mise en place du passe sanitaire, produit ses effets dans le pays : 50 millions de Français sont vaccinés, et je m’en réjouis.

Toutefois, dès l’examen du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, j’avais alerté sur les mutations de ce SARS-CoV-2 : de nouveaux variants sont apparus, mais ils n’échappent pas, pour l’instant, à la vaccination.

Mais sommes-nous sûrs que, dans les mois à venir, nous n’aurons pas un variant qui échappera à la vaccination ? Dans ce cas, nous serons obligés de prévoir tous les ans une vaccination obligatoire contre les variants du SARS-CoV-2.

Dans ces conditions, il semble plus judicieux et plus acceptable pour nos concitoyens d’aligner la vaccination contre ce virus sur le modèle de la vaccination contre la grippe, qui n’est pas obligatoire mais fortement conseillée pour les personnes vulnérables. Méfions-nous, le SARS-CoV-2 est en train de muter. Nous ne sommes pas sûrs de la pérennité de l’efficacité de la vaccination actuelle. Ne parle-t-on pas déjà d’une troisième dose ?

Bernard Jomier a insisté sur le fait qu’il existait déjà un certain nombre de vaccins. Je voudrais tout de même préciser que ces vaccins, qui fonctionnent très bien et ont protégé la population, en entraînant même parfois l’éviction complète de maladies, combattent soit des maladies bactériennes, par exemple la tuberculose, soit des maladies virales dont le virus ne connaît pas de variant. Nous ne sommes pas dans cette situation avec le SARS-CoV-2.

Les auteurs de cette proposition de loi prévoient aussi que la vaccination ne sera plus prise en charge par la sécurité sociale et ne sera donc plus gratuite, comme c’est le cas actuellement. Même s’il s’agit en fait de contourner l’article 40 de la Constitution, permettez-moi d’indiquer que j’aurais aimé qu’un remboursement par les complémentaires santé soit envisagé.

Enfin, cette proposition de loi, qui prétend pourtant imposer une obligation, ne prévoit aucune condition pour rendre cette obligation effective à l’égard des plus réfractaires ni de sanction en cas de non-respect de ladite obligation. L’article L. 3111-2 du code de la santé publique prévoit bien une sanction, mais elle concerne l’inscription des enfants en crèche et à l’école, alors que la vaccination contre le SARS-CoV-2 concerne uniquement les plus de douze ans… Cette proposition de loi ne prévoit donc aucune sanction, ce qui est tout de même gênant.

Ce texte ne revêt finalement qu’une dimension strictement proclamatoire. Écrire dans un article de loi que la vaccination est obligatoire n’a absolument aucun effet sur la généralisation de cette vaccination.

Au vu de ces différents éléments, l’ensemble du groupe Les Républicains votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis l’instauration du passe sanitaire, la vaccination a cessé de relever seulement d’un choix individuel, même si le principe éthique du consentement a été maintenu. Avec la fin du remboursement des tests qui fragilisera certainement la stratégie « tester, alerter, protéger », la question de la vaccination obligatoire cheminait ; nous y sommes !

Nous poursuivons le même objectif d’immunité collective que cette proposition de loi et les données sont sans équivoque : la vaccination protège des formes graves de la maladie et contribue à maintenir notre système de soins dans une moindre tension, alors que la pandémie l’a percuté au moment où il traversait une crise profonde.

Très vite, la vaccination a été l’alpha et l’oméga de la politique publique de santé, mais elle s’est heurtée à l’état des inégalités sociales et territoriales et à la crise de confiance dans la parole politique et institutionnelle.

Une des plus grandes études menées à ce jour sur la défiance vaccinale – son échantillon était de 135 000 personnes – montrait que cette défiance concerne majoritairement des personnes peu diplômées et faisant partie des 10 % les plus pauvres. Cette population vit une marginalisation et une relégation sociales qui nourrissent un manque de confiance envers les institutions, entraînant cette défiance envers la politique vaccinale. A contrario, c’est dans les pays où la confiance envers les autorités publiques est forte que l’on observe le plus haut taux d’adhésion à la vaccination.

Il faudrait revenir sur les obstacles, sur les inégalités d’accès aux soins, sur les déserts médicaux et sur la réalité de l’isolement d’une partie non marginale de la population, qui ont conduit les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État à mettre l’accent sur la démarche de l’« aller vers ».

Aujourd’hui, plus de 85 % de la population éligible, c’est-à-dire les plus de 12 ans, est complètement vaccinée. L’hypothèse, avec la vaccination obligatoire, serait qu’il nous faudrait gagner, avant la possible vague hivernale, les quelques points permettant d’atteindre une situation, estimée stable, relevant d’un bruit de fond endémique sans gravité.

Ce raisonnement transpose l’expérience des vaccinations obligatoires passées, notamment celles des enfants, où une vaccination protégeait des décennies entières, alors que l’on parle déjà de troisième dose, puisque la protection apportée par la vaccination décroît avec le temps, notamment pour les plus âgés.

L’atteinte de la couverture vaccinale totale et durable est un objectif qui se dérobe avec le temps, sans même parler des variants qui ne manqueront pas d’apparaître, alors que 75 % des vaccins administrés sont concentrés dans les dix pays les plus riches et que l’épidémie est mondiale. Il est probable qu’il faille renouveler régulièrement, le cas échéant tous les ans, le geste vaccinal.

La priorité nous semble plutôt résider dans le fait d’assurer la couverture vaccinale complète et suivie dans le temps des populations à risques élevés, et donc de mener une action résolue pour comprendre le retard français dans la vaccination de ces populations, notamment celle des plus de 80 ans.

Ainsi, 92,5 % des 65-74 ans présentent un schéma vaccinal complet, mais il y a près de 15 % de non-vaccinés chez les plus de 80 ans. Qu’apportera de plus l’obligation pour les populations isolées à leur domicile ou précaires ? A-t-on vraiment tout fait quant à la politique de l’« aller vers » ? C’est se donner un étonnant satisfecit, alors que plusieurs pays européens, dont l’Espagne, ont à peu près 100 % de vaccinés dans cette tranche d’âge sans avoir décidé une quelconque obligation.

Il n’y a pas de solution magique ou paresseuse ! Il nous faut comprendre les raisons de cette situation, puis consentir l’effort pour mettre en place les mesures correctives.

Quant aux populations rétives à la vaccination par défiance, plusieurs acteurs, notamment des professionnels du SAMU, soulignent qu’en prenant le temps, dans une rencontre de proximité, peu maintiennent leur refus. Là encore, ce défaut de confiance ou d’information ne sera pas résolu par une injonction institutionnelle supplémentaire. Au contraire, l’obligation risque d’être contre-productive et de figer la résistance.

Quant aux sanctions financières, voire aux interdictions de travailler, qui pourraient résulter de cette obligation, la société en sortira de nouveau fracturée et plus inégalitaire, puisque cela touchera d’abord les plus précaires.

Comme pour toute obligation, des mesures de contrôle et de surveillance en découleront. La France s’engagerait alors seule dans cette voie, réactivant une conception verticale, centralisée, de la gestion de la pandémie.

Enfin, comme le rappellent les spécialistes de l’Institut Pasteur, la vaccination obligatoire, même si elle permettait de couvrir l’ensemble de la population, ne permettrait ni un retour plus rapide à la vie quotidienne ni même d’en finir avec le passe sanitaire et les gestes barrières. Dire autre chose est inexact et, au pire, un mensonge.

Une telle position prendrait le contrepied de la position de l’OMS « Convaincre plutôt que contraindre » et, le virus étant là pour longtemps, la vaccination obligatoire pourrait peut-être permettre d’aller plus vite à court terme. Mais avec l’adhésion de la société, on ira nécessairement plus loin.

Le groupe écologiste remercie le groupe socialiste d’avoir permis ce débat. Sur ce sujet, il n’y a pas de vérité absolue, mais rien n’indique que la vaccination obligatoire soit le dernier recours. En conséquence, le groupe écologiste votera à l’unanimité contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre le covid-19 passe par une couverture vaccinale de l’ensemble de la population en France, en Europe et dans le monde.

Nous saluons la découverte, en un temps extrêmement court, de vaccins contre ce virus très contagieux et dangereux. Obtenir le meilleur taux de couverture vaccinale de l’ensemble de la population le plus vite possible est un objectif que nous partageons toutes et tous dans cet hémicycle.

Les derniers chiffres du site Covid Tracker sont rassurants. Le cap des 50 millions de Françaises et Français primo-vaccinés a été franchi le 6 octobre dernier, soit 75,4 % de la population, et 73,1 % de la population ont reçu les deux doses requises.

Ce sont des moyennes, les situations sont inégales, avec des taux plus faibles dans les territoires ultramarins. Et c’est sans parler de certains pays où l’accès aux vaccins est quasi inexistant. C’est pourquoi, pour nous, il est indispensable de mener de front la bataille en faveur de la levée des brevets des vaccins afin que ces derniers profitent à l’ensemble de la planète.

C’est dans ce contexte que nos collègues socialistes, que je remercie, ont déposé cette proposition de loi visant à rendre la vaccination contre le covid-19 obligatoire pour toutes les personnes majeures.

Au groupe CRCE, nous estimons que la persuasion est plus efficace que la contrainte et les sanctions financières que veut introduire le rapporteur.

Les raisons pour lesquelles des personnes n’ont pas aujourd’hui leur parcours vaccinal complet sont multiples. Parmi elles, on retrouve de nombreuses personnes âgées isolées à leur domicile : que signifierait pour elles une obligation vaccinale ?

Pour convaincre les personnes non vaccinées, il faut mener une véritable campagne de prévention nationale multipliant les actions qui consistent à « aller vers ». Pourquoi les plus de 80 ans sont-ils tous vaccinés en Espagne et au Portugal, et pas en France ?

Concernant l’obligation vaccinale, le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, Alain Fischer, a lui-même reconnu que « la priorité est de vacciner les personnes vulnérables qui se trouvent en périphérie du système de santé ». Et de préciser que, « pour toucher les 14 % de plus de 80 ans encore non immunisés et les personnes précaires ou obèses éloignées des soins, l’obligation ne changerait rien : la seule façon de réussir à les protéger reste d’aller les chercher, quasiment une par une, grâce aux médecins traitants, aux infirmières et aux associations ».

En outre, l’obligation vaccinale va renforcer les inégalités sociales et territoriales de santé. Comme le disait récemment Jérôme Martin, cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, « attribuer à l’individu la responsabilité pleine et entière de son comportement, sans apporter de soutien par une réelle politique de compensation des inégalités de santé, est voué à l’échec ».

L’adhésion à des mesures et leur respect par la population dépendent fortement de la crédibilité des gouvernements et de la confiance réciproque entre les autorités et la population. Il est tout à fait regrettable que le Gouvernement ait fait de la vaccination un enjeu politique, alors que c’est un enjeu de santé publique. Pour notre part, nous estimons que la question qui nous est posée pour vaincre la pandémie n’est pas l’obligation vaccinale, mais l’état de notre système de santé, mis à mal depuis près de vingt ans.

Comment améliorer l’accès aux soins des publics les plus éloignés, alors que les déserts médicaux en zones urbaines comme rurales entraînent des renoncements ?

Comment éviter la saturation des hôpitaux, alors que 100 000 lits ont été fermés en vingt ans pour réaliser 9 milliards d’euros d’économies et que 5 700 lits ont encore été supprimés en 2020 ?

Comment rassurer la population sans avoir la maîtrise de la production des médicaments, dont les vaccins, par un pôle public du médicament et des dispositifs médicaux ? Voir s’envoler les profits des laboratoires en pleine crise sanitaire, économique et sociale est indécent et sème le doute parmi les populations.

Comment faire en sorte que les professionnels ne quittent pas le chemin de l’hôpital, épuisés par leurs conditions de travail, dépités d’avoir été applaudis hier et stigmatisés aujourd’hui par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire qui a rendu la vaccination obligatoire pour eux avec, en cas de refus, une suspension immédiate de leur contrat de travail sans rémunération ?

Comment ne pas s’inquiéter de ces milliers de suspensions qui entraînent des tensions dans les établissements, alors qu’ils manquent déjà cruellement de personnel ? Par exemple, l’hôpital de Mulhouse a dû déclencher le plan blanc pour réquisitionner du personnel, et la loi ne peut être appliquée dans certains départements ultramarins au risque de fermer des établissements hospitaliers !

L’impératif de santé publique nécessite une véritable révolution copernicienne de notre système de santé avec un financement qui soit assuré selon les besoins en personnel, en lits et en hôpitaux de proximité, non selon des objectifs de réduction des budgets publics.

La grande majorité du groupe CRCE votera contre cette proposition de loi : si nous partageons l’objectif d’une couverture vaccinale la plus large possible, vous l’aurez compris, nous préférons une forte adhésion de la population à la contrainte. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à adresser un message de soutien à notre collègue Patrick Kanner et aux membres de son groupe qui, dans une situation de crise inédite, ont fait une proposition logique, méritant un débat de fond, éclairé, un échange d’arguments construits et en aucun cas le déferlement de menaces intolérables qui ne font que brouiller le débat de ce 13 octobre.

Mon message suivant ira, si je puis me permettre, à tous ceux qui croient qu’avec des milliers de mails, une avalanche d’invectives et autant de tapage, on influence le vote d’un sénateur. Nous ne légiférons ni à l’audiomètre ni au sonomètre ! (Applaudissements.)

Je respecte profondément le droit d’expression et le droit de manifestation, mais, à tous ceux qui en font trop, je demande simplement de me laisser m’informer à des sources fiables et travailler sereinement dans l’unique et constant souci de l’intérêt commun.

Mme Nadia Sollogoub. Ce préambule étant posé, j’en viens au débat autour de l’obligation vaccinale que nous avons déjà eu dans l’hémicycle cet été, lorsque le Sénat s’est prononcé, dans sa majorité, pour l’instauration du passe sanitaire et la vaccination obligatoire pour les soignants.

Deux mois après ce vote et la mise en place de ces mesures, le groupe socialiste propose de nouveau d’étendre l’obligation vaccinale à l’ensemble de la population de plus de 12 ans. En effet, il apparaît que la courbe des vaccinations s’infléchit et que son rythme ralentit notablement.

Mais je suis surprise qu’avant de proposer une mesure radicale allant à l’encontre de ce qui vient d’être mis en place, nous ne prenions pas le temps d’une analyse approfondie des causes de ce phénomène de ralentissement vaccinal. Est-il prudent de s’attaquer au « comment » sans avoir bien étudié le « pourquoi » ?

J’ai relu avec attention le rapport de M. Jomier et je n’ai pas trouvé de réelle analyse des réticences vaccinales. Je me souviens pourtant bien du professeur Delfraissy nous disant en audition : « Il nous faut comprendre et respecter l’hésitation vaccinale. »

Il y a bien, dans le rapport, une synthèse exhaustive des opérations d’« aller vers », dont on ne sait pas d’ailleurs lesquelles sont encore en cours et lesquelles ont été interrompues : les opérations de vaccinations en entreprise, en milieu scolaire ou universitaire, au plus près des personnes dans les hébergements d’urgence, les prisons, les squats ou les bidonvilles…

Mais j’aurais aimé lire pourquoi certains ont refusé le vaccin et dans quelles proportions. Ont-ils été « touchés », approchés ? Quel retour sur ce point des ambassadeurs de la vaccination, les 700 personnes recrutées en contrat à durée déterminée pour assurer les campagnes d’« aller vers » ? À l’heure où chacun de nous est constamment sondé, je m’étonne qu’on ne les ait pas interrogés sur ce point capital.

On peut imaginer que la dernière poche de résistance est composée des antivax fermement opposés au vaccin. Quelle proportion représentent-ils ?

Mais le rapport indique aussi qu’« une part non négligeable des personnes de plus de 80 ans demeure éloignée de la vaccination, avec des situations d’isolement aggravées par des difficultés d’accès à un médecin traitant » et que ces personnes se trouveraient en situation de « mort sociale ».

Cela m’inspire trois remarques.

Premièrement, cette proposition de loi creuserait alors une inégalité sociale, ce qui n’est pas l’objectif, et ferait de ces personnes âgées isolées, en plus du reste, des hors-la-loi !

Deuxièmement, il y a fort à parier que, loin des quatre cercles que sont, selon le rapport, « la famille, les amis, le voisinage et les réseaux associatifs », ces personnes soient de pauvres vecteurs de maladie, car ils n’ont pas grand monde à qui la transmettre !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Tout va bien, alors !

Mme Nadia Sollogoub. Une obligation vaccinale ne résoudra en rien leur état de non-vaccinés qui relève plutôt de difficultés sociales et logistiques, auxquelles nous pouvons collectivement travailler.

Concernant les non-vaccinés « de principe », les farouchement « anti », on sent bien qu’une vaccination imposée ne ferait qu’aggraver les choses et qu’un bon nettoyage dans les fausses informations qui circulent serait plus efficace…

En l’absence d’information complémentaire, je ne sais pas pourquoi un certain nombre de personnes fragiles, avec des comorbidités, ne présentent pas de schéma vaccinal complet. Comment comprendre que les personnes vivant dans les territoires les plus défavorisés présentent les taux de vaccination les moins élevés ? Est-ce un problème d’accès aux soins ? Les habitants se sentent-ils tout simplement protégés par leur habitat dispersé ? Tout cela est à confirmer.

Les questions sont nombreuses et ne doivent pas nous amener à légiférer en creux, si je puis le dire ainsi : avoir fait tout ce chemin et finalement, pour parcourir les derniers mètres, qui sont toujours les plus difficiles, passer à une méthode radicale qui, d’une part, serait impossible à mettre en œuvre et qui, d’autre part, ne résoudrait pas la difficulté à toucher les personnes qui sont éloignées de tout.

Par expérience, je vous confirme que, quand il faut amener l’électricité, l’eau ou la fibre en ville, où les habitants vivent collectivement, c’est toujours plus facile qu’en grande ruralité. Tous les réseaux, y compris ceux au figuré – les réseaux humains –, sont alors plus longs, plus chers et plus compliqués à déployer.

Ce pourrait être une explication du ralentissement vaccinal. Il faut maintenant faire du cas par cas, des kilomètres, passer du temps, trouver des moyens humains pour aller chercher les derniers, qui ne sont pas tous des antivax, mais simplement des « éloignés ». Ce n’est pas une obligation générale qui permettra d’y parvenir, mais un travail de dentelle.

Outre ces difficultés, je n’arrive pas à envisager la mise en œuvre concrète de cette obligation vaccinale générale, au moment où le passe sanitaire a trouvé sa place et fonctionne plutôt bien. Sans passe, on n’entre pas au restaurant ni dans un train grande ligne. Dont acte, mais si l’on n’est pas vacciné, que fait-on, et comment ?

Reviendra-t-il toujours au restaurateur de contrôler ce qui serait désormais un « passe vaccinal », ou au gendarme ? Ira-t-on au domicile des gens contrôler leur statut vaccinal ? Que devient le passe sanitaire ?

Si le déploiement de la mesure devait être progressif, les deux passes cohabiteraient-ils ? Faudrait-il une dose, deux doses, trois doses ? Qui sera en règle ? Quid des patients guéris ?

M. Loïc Hervé. Il faut arrêter le passe !

Mme Nadia Sollogoub. Il faudra bien prévoir des contrôles à tout moment et en tout lieu, sans lesquels la mesure n’aurait pas de sens et serait inopérante.

Le 5 octobre dernier, le conseil scientifique a rendu un nouvel avis intitulé : « Une situation apaisée : quand et comment alléger ? ». Cet avis partage le constat selon lequel le niveau de vaccination chez les populations les plus âgées et les plus fragiles peut encore être amélioré en France.

Cependant, il constate aussi que les nouvelles contaminations journalières – environ 5 000 – sont en baisse régulière, alors même que des perspectives de traitement préventif des formes graves se dessinent.

Le rapport souligne également que « la situation sanitaire permet la reprise d’activités économiques et sociales dans des conditions se rapprochant de la normale. Il paraît donc légitime de poser la question d’une levée plus ou moins rapide des mesures de restriction. »

Avec toute la prudence requise, et en intégrant les incertitudes sur les paramètres, les différentes modélisations confirment toutes qu’on peut désormais envisager un allégement progressif des mesures.

Mes chers collègues, je pense sincèrement que si nous avions fait le choix, au mois de juillet, d’une obligation vaccinale généralisée, nous aurions aujourd’hui les mêmes taux de couverture vaccinale parce que les difficultés auraient été les mêmes pour toucher les plus éloignés, que les équipes de vaccination n’auraient pas pu faire plus, et que les stocks de vaccins étaient ce qu’ils étaient. Nous en serions donc sans doute à peu près au même point.

En revanche, la sortie progressive d’un système du « tout ou rien », n’existe pas.

À la suite des onze autres vaccins obligatoires, la vaccination contre cette maladie qui comporte tout de même une grande part de saisonnalité serait gravée dans le marbre, alors que celle contre la grippe ne le serait pas. A contrario, le maintien strict des gestes barrières, qui sont un des grands enjeux du contrôle de la pandémie sur le long terme, ne relève d’aucune mesure législative.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union centriste dans sa majorité, après avoir pesé les bénéfices et les inconvénients de cette proposition de loi et considéré ses limites, ne voyant pas les modalités pratiques de mise en œuvre d’un passe vaccinal deux mois après la mise en place d’un passe sanitaire ni les possibilités de son contrôle au moment où l’épidémie semble mieux maîtrisée et où il faut surtout renforcer les moyens de l’« aller vers » les plus fragiles, votera contre la proposition d’une vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à entendre les partisans de la vaccination obligatoire, vacciner massivement les populations apparaît comme une décision simple, une décision de progrès qui s’imposerait à tous pour faire reculer le virus.

Ceux qui osent douter, réfléchir et finalement faire un autre choix seraient d’obscurs complotistes. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Pourtant, on trouve parmi eux des institutions très sérieuses, comme l’Académie nationale de médecine, qui s’est prononcée contre une troisième dose généralisée, le professeur Alain Fischer, « monsieur vaccin » du Gouvernement, qui se prononce contre la vaccination obligatoire, le contexte actuel ne la justifiant pas, ou encore le Conseil de l’Europe, qui demande dans sa résolution du 27 janvier 2021 que la vaccination ne soit pas obligatoire et qui affirme que personne ne doit subir de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner.

Récemment, quatre pays – la Finlande, la Suède, la Norvège et le Danemark – ont interdit le vaccin Moderna pour les hommes jeunes en raison des risques encourus. Citons également les nombreux collectifs de chercheurs et de scientifiques qui expliquent leur refus du vaccin obligatoire.

Enfin, la France a inscrit le principe de précaution dans sa Constitution. Il est impossible légalement d’imposer un vaccin usant de produits expérimentaux qui nécessitent un consentement libre et éclairé. (Exclamations indignées sur plusieurs travées.)

Je rappelle que les injections ARN messager sont toujours en phase 3 expérimentale, et ce jusqu’en 2023 (Protestations sur les travées du groupe SER.). Ces vaccins bénéficient donc d’une autorisation de mise sur le marché temporaire.

Chers collègues, au-delà des institutions, nous sommes tous destinataires d’informations vérifiées et de publications de qualité, d’études et de rapports français et internationaux.

Dans les documents qui nous sont transmis, on nous alerte sur l’insuffisance des preuves concernant l’innocuité et l’efficacité des vaccins, sur la sécurité des injections, sur la transmission du virus, ou encore sur les risques qui pèsent sur la vaccination des jeunes, des enfants, des sujets souffrant de pathologies graves, ou des femmes enceintes (Mêmes mouvements.). On nous alerte aussi sur les dégâts psychiques des injonctions sanitaires.

Il n’y a donc pas de consensus scientifique autour de la vaccination obligatoire et de masse. Il y a des vues et des orientations divergentes de la part de professionnels de santé.

Parmi elles figurent l’idée d’adapter la vaccination aux risques et de renforcer le ciblage des populations fragiles, celle de réhabiliter l’immunité naturelle, dont des études récentes ont confirmé l’intensité, la globalité et la durabilité qui la rendent bien supérieure à celle des vaccins,…