Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, j’ai une pensée pour tous nos concitoyens qui peinent à remplir leur cuve de fioul, qui éteignent leur chauffage et qui redoutent l’arrivée de leurs factures. Le fait n’est pas nouveau, mais il est douloureux…

En cette période automnale, nos mairies, nos centres communaux d’action sociale (CCAS) et nos départements se mobilisent, comme chaque année, au service des plus fragiles. Mes chers collègues, notre souveraineté énergétique consiste aussi en ceci : continuer d’agir au plus près, afin que tout un chacun puisse disposer d’une énergie suffisante pour mener une vie décente. Pourtant, cette « énergie nécessaire » est pourtant en train d’évoluer.

Vous l’avez rappelé, madame la ministre, nos besoins en électricité auront augmenté de plus de 15 % d’ici à 2035 et de plus de 35 % d’ici à 2050. L’accroissement de sobriété énergétique auquel nous nous sommes engagés est lent et nous sommes assez loin de l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Or cet engagement nous oblige.

Dans ce contexte, je m’interroge sur le projet de renouvellement d’un tiers de nos contrats de concessions hydroélectriques en 2023 et de possibles ouvertures de ces ouvrages à la concurrence, à la découpe. Compte tenu des besoins croissants, la tentation est en effet grande de privatiser ces concessions et d’accélérer à tout va la production hydroélectrique, sans respecter les multiples usages partagés : le loisir, l’approvisionnement local et les usages agricoles.

Les acteurs de l’hydroélectricité s’inquiètent légitimement du changement de gouvernance, radical, technocratique et totalement libéralisé, qui pourrait se profiler.

Madame la ministre, à quelques jours de la présidence française de l’Union européenne et, il faut le rappeler, soixante-dix ans après la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), quelles initiatives européennes comptez-vous prendre pour assurer la protection de notre modèle national de production hydroélectrique, qui fait la fierté de notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Roux, en ce qui concerne votre premier point – la protection du pouvoir d’achat –, la lutte contre la précarité énergétique fait partie de nos priorités. Je rappelais, à cet égard, le chèque énergie exceptionnel de 100 euros et l’indemnité inflation.

Par ailleurs, en tant que ministre chargée du logement, je mène avec les associations un travail sur la lutte contre la précarité énergétique, notamment en faisant en sorte que les ménages les plus modestes puissent avoir accès à des bouquets de travaux qui leur permettent de rénover leur logement et en incitant les propriétaires bailleurs à rénover les passoires thermiques. En effet, en général, on trouve dans ces logements nos concitoyens les plus modestes, dont les factures peuvent être extrêmement élevées.

La seconde partie de votre question porte sur l’hydroélectricité. Cette source d’énergie fait évidemment partie de notre mix énergétique. Il s’agit d’une énergie renouvelable flexible et compétitive, très importante pour le développement économique et le dynamisme de nos territoires.

Selon le droit français, les concessions hydroélectriques échues doivent être renouvelées par mise en concurrence. Or plusieurs concessions sont arrivées à échéance entre la fin de 2011 et aujourd’hui, sans que la procédure concurrentielle ait été engagée, les gouvernements successifs s’étant donné le temps de préparer la mise en concurrence avec l’ensemble des acteurs.

Ce retard ayant été constaté par la Commission européenne, celle-ci a engagé un contentieux en 2015 et, en mars 2019, elle a mis en demeure la France, ainsi d’ailleurs que d’autres pays européens, de respecter le droit communautaire en matière d’attribution des droits d’exploitation de l’hydroélectricité.

Cette situation nuit aux investissements dans le secteur, elle est source d’incertitude pour les entreprises, les salariés et les collectivités. C’est pourquoi le Gouvernement a engagé des discussions avec la Commission européenne pour trouver une solution.

Dans le cadre des réflexions menées autour de la réorganisation du groupe EDF, le Gouvernement explore également la voie consistant à attribuer sans mise en concurrence les concessions à une structure publique dédiée, contrôlée par l’État ; c’est le régime de la quasi-régie, qui s’accompagne d’exigences fortes faisant l’objet d’échanges avec la Commission. Aucun accord n’a encore été trouvé, aucune décision n’a encore été prise, mais ce sujet reste très fortement soutenu par le gouvernement français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, la hausse actuelle des prix de l’électricité est directement liée à leur indexation sur le prix des énergies fossiles, qui se répercutent sur les coûts de production.

Bien que, en France, cela ne représente que 6 % de l’électricité produite, la libéralisation du marché européen de l’énergie affecte les factures des particuliers et des entreprises, et remet en cause notre indépendance énergétique. Nous dépendons en effet de l’extérieur pour nous approvisionner en énergies fossiles et en uranium, dont nous importons la totalité de nos besoins, soit 9 000 tonnes par an.

Pour gagner en indépendance énergétique et géopolitique, faire face aux fluctuations de prix ainsi qu’au risque de pénurie et de blackout énergétique, nous devrions stocker notre propre électricité.

Or, à l’heure actuelle, l’énergie produite par les barrages hydroélectriques est la seule stockable ; elle est également non émettrice de CO2, 100 % renouvelable et très compétitive, puisque les barrages produisent une électricité à 30 euros par kilowattheure.

Miser sur cette énergie réduirait donc notre dépendance et permettrait d’avoir une stratégie affinée en matière de pilotage du système électrique. Elle soutiendrait notamment les entreprises électro-intensives, qui doivent bénéficier d’une énergie peu coûteuse. Nous devons être très « proactifs » pour en développer la maîtrise.

Madame la ministre, quelle stratégie entendez-vous mettre en œuvre pour que l’hydroélectricité puisse pleinement participer à l’équilibre de notre mix énergétique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Viviane Artigalas, je partage assez largement votre diagnostic sur le fonctionnement actuel du marché européen de l’électricité, qui consiste à déterminer les prix en fonction du coût de production de la centrale ou de l’unité de production marginale – en général, le gaz –, alors même que notre mix énergétique ne repose que très faiblement sur cette source d’énergie.

C’est la raison pour laquelle, je le disais en réponse à M. le sénateur Longuet, la France a entrepris d’ouvrir un débat avec les États membres de l’Union européenne et la Commission européenne sur l’évolution du mécanisme de fixation du prix marginal de l’électricité, afin de limiter cet effet inflationniste, dans la mesure où nos capacités de production, fondées sur le nucléaire et sur des énergies renouvelables, sont résilientes.

Cette discussion a été engagée au sein de l’Union européenne, pour envisager les conditions dans lesquelles on peut faire évoluer ce mécanisme, en maintenant l’importance de l’interconnexion, afin de garantir notre approvisionnement en toute situation.

Parmi nos modes de production, vous appelez mon attention sur l’hydroélectricité. Il s’agit effectivement d’une énergie vertueuse : elle est renouvelable et stockable, grâce au mécanisme des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). C’est un élément important de notre mix.

En complément de la réponse que je viens de faire à M. Roux, je vous confirme, madame la sénatrice, que nous souhaitons trouver avec la Commission européenne un accord sur la maîtrise des conditions de remise en concurrence des concessions, afin de conserver le modèle que nous avons bâti, qui est utile et efficace et qui nous convient. Ces discussions sont en cours, elles n’ont pas encore abouti, mais le Gouvernement continue de défendre les intérêts français en la matière.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Il faut avoir une stratégie très offensive sur ce sujet.

Je veux insister sur l’importance de l’hydroélectricité, en rappelant que l’État doit absolument garder la main, d’une façon ou d’une autre, sur les gestionnaires des barrages dont il est propriétaire. En outre, les trois principales entreprises gestionnaires en France – la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la société hydro-électrique du Midi (SHEM) et EDF – ont une action qui va au-delà de la simple gestion des concessions hydroélectriques, puisqu’elles investissent dans les territoires et déploient une stratégie industrielle que la France doit absolument conserver et soutenir. Notre indépendance et notre souveraineté énergétique en dépendent.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. Serge Babary. Madame la ministre, la France et l’Europe connaissent une crise énergétique majeure, avec une multiplication, par rapport à 2020, du prix de marché du gaz par deux, de celui du pétrole par trois et de celui de l’électricité par neuf.

Ces augmentations ont des conséquences sur les tarifs réglementés de vente. En octobre, le prix du gaz a ainsi augmenté de 12,5 %. S’agissant de l’électricité, on ne mesurera l’ampleur de l’augmentation de son prix qu’en février prochain, mais l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden) prévoit une hausse d’un tiers de la facture d’électricité des industries françaises. Du reste, outre l’industrie, tous les secteurs économiques sont touchés, d’une façon ou d’une autre.

À cette hausse, déjà susceptible de créer un déficit concurrentiel vis-à-vis de la Chine et des États-Unis, s’ajoute une augmentation du prix des matières premières.

Or préserver la souveraineté énergétique de la France n’a de sens que si l’on préserve aussi la compétitivité de nos entreprises, qui attendent du Gouvernement une vision à long terme, d’autant plus que même la filière nucléaire, sur laquelle s’appuiera à l’avenir notre mix énergétique, nous rend dépendants des importations d’uranium – 9 000 tonnes par an, cela a été rappelé –, métal que nous n’exploitons plus depuis 2001.

Il est donc urgent de mettre en place une politique énergétique qui sécurise les approvisionnements, les tarifs, mais également les finances publiques. Aussi, madame la ministre, comment allez-vous préserver notre souveraineté énergétique, gage de la compétitivité de l’ensemble des entreprises françaises ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Vous avez raison, monsieur le sénateur Babary, les marchés de l’énergie connaissent une situation inédite depuis la création du marché européen de l’énergie, avec une augmentation des prix sans précédent qui s’applique à tous les pays d’Europe et qui est principalement liée à une très forte hausse des prix du gaz naturel.

Pour ce qui concerne les consommateurs, je n’y reviens pas, nous avons annoncé des mesures visant à protéger ces derniers, au travers notamment du gel du prix du gaz et d’un bouclier tarifaire correspondant à une augmentation maximale de 4 % des prix de l’électricité. D’ailleurs, ce bouclier tarifaire sur l’électricité bénéficiera aussi aux entreprises, dans la limite d’un taux minimal de 0,50 euro par mégawattheure prévu par le droit communautaire.

Pour les entreprises les plus électro-intensives, le Gouvernement a proposé et l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture du projet de loi de finances pour 2022, un amendement visant à augmenter le montant de la compensation carbone versée aux industriels les plus électro-intensifs en 2022. Cette augmentation permettra de renforcer en cours d’année la trésorerie des entreprises, alors que ces dernières connaissent actuellement une forte hausse de leur facture énergétique, notamment d’électricité, quand elles s’approvisionnent sur le marché.

En outre, les entreprises bénéficient d’un cadre réglementaire plus protecteur que leurs principaux concurrents européens, grâce à l’Arenh, une spécificité française bénéficiant à tous les consommateurs et permettant aux entreprises d’être protégées des fluctuations de prix de marché pour une part importante de leur approvisionnement électrique.

À plus long terme, nous avons eu l’occasion de l’évoquer à plusieurs reprises, la France promeut des propositions de réforme du marché européen de l’énergie afin de déconnecter la volatilité des prix du prix pour le consommateur final en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Nous partageons l’inquiétude générale sur la situation catastrophique de la balance du commerce extérieur. Les entreprises françaises ont quasiment un seul avantage concurrentiel : le prix de l’énergie. C’est pour cette raison qu’il faut être d’une grande vigilance.

Je vous remercie donc des quelques annonces que vous faites, mais il faut aller très vite, afin d’éviter de perdre, encore une fois, notre place sur les marchés internationaux. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.

Mme Denise Saint-Pé. Madame la ministre, la COP26, qui vient de s’achever, nous rappelle l’urgence qu’il y a à accentuer nos efforts en faveur d’un mix énergétique décarboné visant à limiter les dégâts du dérèglement climatique.

Le récent rapport de RTE fournit deux axes de réponse : investir massivement dans les EnR et, en parallèle, au moins maintenir, si ce n’est accroître, notre production d’électricité nucléaire.

À ce titre, je tiens à saluer les choix récents du Gouvernement en faveur de cette filière, avec le plan de relance France 2030, visant à financer de petits réacteurs modulaires, ainsi que l’annonce, par le Président de la République, de la construction de nouveaux réacteurs EPR.

Ce n’est pas trop tôt !

En effet, alors que de nombreuses centrales vont être mises en maintenance pour prolonger leur fonctionnement, l’intermittence des EnR nous place à la merci des productions d’énergie étrangères, qui ne sont pas toujours aussi vertueuses que nous du point de vue des émissions de gaz à effet de serre. C’est pour éviter ce scénario qu’il est nécessaire d’intensifier le développement des EnR, mais également de relancer immédiatement le nucléaire, afin de conserver notre souveraineté énergétique.

Il sera alors particulièrement important de dialoguer avec les élus locaux, car les territoires, notamment ruraux, seront les premiers affectés par les aménagements nécessaires pour atteindre cet objectif. Il serait notamment anormal que ces élus se voient imposer centrales nucléaires ou parcs éoliens, quand, dans le même temps, leurs demandes de certificats d’urbanisme sont rejetées au motif de la lutte contre l’artificialisation des sols !

Ma question est par conséquent très simple : comment le Gouvernement compte-t-il aborder cette concertation avec ces acteurs incontournables de notre transition énergétique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Saint-Pé, le rapport de RTE montre effectivement que, quels que soient nos choix en matière de nucléaire, nous devons accélérer fortement le développement des énergies renouvelables ; nous devons donc travailler sur ces deux piliers : nucléaire d’un côté, renouvelables de l’autre.

Dans les deux cas, il nous faut trouver les modalités de concertation avec les élus et les habitants des territoires, afin que tout cela se fasse après une phase importante d’échanges.

Côté nucléaire, c’est au travers du débat public que la question sera posée, une fois que nous aurons précisé l’ambition du Gouvernement et du Président de la République. La Commission nationale du débat public enclenchera alors le débat public nécessaire et légitime sur la suite du développement du nucléaire en France.

Côté énergies renouvelables, on est un peu dans la même logique : il convient d’avoir une meilleure territorialisation, une meilleure association des élus et des citoyens avant toute mise en place d’un projet. Il est nécessaire de prévoir une planification à l’échelle locale, afin de donner une meilleure visibilité à nos concitoyens et de mieux associer les collectivités locales, lesquelles jouent, effectivement, un rôle important.

À cet égard, Mme la ministre de la transition écologique a demandé aux préfets de région, en mai dernier, d’établir, en concertation avec les collectivités et toutes les parties prenantes, une cartographie des zones favorables au développement de l’éolien. Les premiers résultats seront disponibles à la fin de cette année et les cartographies seront finalisées d’ici à la mi-2022.

La loi Climat et résilience accentue cette planification, en prévoyant une déclinaison régionale des objectifs, en matière d’EnR, de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. Cette déclinaison sera établie en lien avec les régions et en consultant les nouveaux comités régionaux de l’énergie, qui regroupent notamment les collectivités et les principaux acteurs concernés. Ces dispositions permettront d’établir une planification au plus près des territoires et de débattre démocratiquement des questions énergétiques.

Sans attendre la prochaine PPE, les régions disposent déjà du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) pour planifier le développement des EnR sur leur territoire et pour mettre en place des mesures, comportant des actions d’information du public, de formation des professionnels ou de développement des infrastructures.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, la souveraineté énergétique nationale passera aussi par notre capacité à respecter concrètement le mix énergétique global et la trajectoire de la PPE dans le temps.

L’augmentation, probablement très importante, des usages domestiques et industriels de l’électricité pose donc la question de notre capacité nationale à disposer, en temps voulu, de tous les modes de production prévus. Cela vaut pour le nucléaire tout autant que pour les énergies renouvelables.

Les problèmes que rencontrent aujourd’hui nombre de territoires pour développer des projets photovoltaïques ou de méthanisation, sans parler d’éolien terrestre ou offshore, attestent de difficultés d’ores et déjà importantes. Les collectivités locales et, en premier lieu, les citoyens, mais également les porteurs de projets, les agriculteurs, les syndicats d’énergie doivent coopérer pour répondre aux objectifs des Sraddet et des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) déclinés dans les départements.

Or on constate aujourd’hui que, dans nombre de territoires, le pilotage et l’organisation des parties prenantes sont inexistants ou insuffisants pour mener à bien les dossiers présentés.

Madame la ministre, au-delà des Sraddet, des plans climat-air-énergie territorial (PCAET) et autres territoires à énergie positive (Tépos), quel rôle entendez-vous faire jouer aux préfets de département pour coordonner les acteurs, anticiper les problèmes, rationaliser les processus d’autorisation des projets et, en définitive, être au rendez-vous, en temps voulu, des objectifs départementaux, régionaux et nationaux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. En effet, monsieur le sénateur Montaugé, il y a un vrai enjeu d’appropriation territoriale de nos politiques de développement énergétique, en particulier des énergies renouvelables.

C’est l’objet de la feuille de route que Mme la ministre Barbara Pompili a présentée récemment, qui comportait dix mesures pour l’éolien, à commencer par la demande expresse faite aux préfets d’être extrêmement vigilants à la cohérence territoriale et à l’acceptabilité des projets passant par le guichet préfectoral.

Au-delà de cela, je citais précédemment les comités régionaux de l’énergie, qui seront chargés de favoriser la concertation locale, notamment avec les collectivités ; la loi Climat et résilience renforce également le rôle du maire, en imposant que soit adressé à ce dernier, préalablement au dépôt de la demande d’autorisation, le résumé non technique de l’étude d’impact du projet, afin qu’il puisse adresser ses observations au porteur de projet, en tenant le préfet informé. Le porteur du projet est alors tenu de répondre.

Un réseau de conseillers sur le photovoltaïque et l’éolien sera également mis en place, afin de soutenir les collectivités dans le développement de leurs projets. En parallèle de ces actions, pour améliorer la concertation et l’implication des collectivités et pour donner aux préfets un rôle renouvelé en matière d’énergies renouvelables, un arrêté de 2020 renforce les exigences sur le recyclage des éoliennes, qui est aussi un sujet important. Cet arrêté rend ainsi obligatoire l’excavation complète des fondations et impose de travailler sur les nuisances lumineuses.

Toutes ces mesures techniques, en associant mieux les élus sous l’égide du préfet, devraient permettre d’atteindre les objectifs ambitieux de la PPE en matière d’énergies renouvelables.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Je vais préciser mon propos, madame la ministre.

Quelles sont les lignes directrices pour prendre en compte le photovoltaïque sans diminuer les surfaces agricoles productives ? Quels seront les critères d’éligibilité pour la méthanisation, au regard par exemple des enjeux de transports des intrants et du digestat ? Quels seront les critères pour optimiser le positionnement des unités sur le réseau de raccordement ? Quelles seront les recommandations pour le cadre de pilotage collectif départemental : société d’économie mixte, coopérative ou autre ? Comment faire en sorte que le maximum de valeur revienne aux agriculteurs et aux autochtones et n’échappe pas aux territoires ?

Sur ces points et sur d’autres, l’« État local » doit apporter son concours pour garantir plus d’efficacité collective !

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. Madame la ministre, voilà un an, l’exécutif annonçait son plan Hydrogène : plus de 7 milliards d’euros pour soutenir cette filière, qui permet de décarboner l’industrie et les transports. Cet engagement était attendu, tant il permettra d’accélérer notre transition écologique tout en réduisant notre dépendance vis-à-vis des importations d’hydrocarbures.

Passé l’effet d’annonce, il a toutefois fallu attendre la semaine dernière pour entendre le Président de la République déclarer le retour en grâce de l’énergie nucléaire. Nous étions nombreux à juger cette attente incompréhensible : plaider en faveur de l’hydrogène bas-carbone, c’est nécessairement avoir recours à des quantités massives d’électricité.

Si cette conversion récente du chef de l’État constitue en soi une bonne nouvelle, le flou qui l’entoure doit rapidement être levé. Je m’associe pleinement à la demande formulée par nos collègues de la commission des affaires économiques, qui exigent de la clarté, en particulier sur les arrêts des réacteurs existants et sur la construction d’EPR ou de SMR.

Si un cap clair et de long terme est indispensable à l’échelon national, il ne saurait être suffisant. La défense du nucléaire passe aussi par Bruxelles.

Guidée par quelques États membres, qui n’investissent pas, ou plus, dans l’industrie nucléaire, la Commission européenne considère que la filière n’est pas durable. Or notre capacité de production d’hydrogène alimentée par des énergies renouvelables n’étant suffisante ni aujourd’hui ni dans un avenir proche, cela pourrait se traduire par de nouvelles obligations très contraignantes et très coûteuses pour nos entreprises françaises.

A fortiori, les acteurs de la chaîne de production hydrogène risquent de prendre du retard et d’être dépassés par leurs concurrents, notamment asiatiques – je pense notamment à la Chine, qui, coûte que coûte, décide de développer les usages et les produits manufacturés.

L’argent ne suffira pas au développement rapide d’une filière hydrogène compétitive à l’international si nos partenaires européens ne considèrent pas le nucléaire comme un allié indiscutable de la transition écologique. Lui seul offre, à l’heure actuelle, une capacité de production d’hydrogène suffisante pour répondre à l’enjeu écologique, technologique et économique. Évitons, comme pour la production des batteries, de perdre la guerre sans mener la bataille.

Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre pour convaincre ses partenaires européens et assurer, dans les plus brefs délais, cette indépendance technologique qui manque tant à la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Perrin, l’hydrogène est effectivement un outil très important pour accélérer la décarbonation de notre mix énergétique. S’il est produit à partir d’une énergie non carbonée, il s’agit d’une solution de stockage d’énergie pertinente. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement lui consacre un plan de 7 milliards d’euros jusqu’en 2030.

La stratégie française repose sur une production nationale d’hydrogène à partir de notre mix électrique décarboné, composé de nucléaire et d’énergies renouvelables, ce qui doit nous permettre de réduire notre dépendance vis-à-vis de l’importation d’hydrocarbures.

La France veut atteindre une capacité de 6,5 gigawatts d’électrolyseurs installés en 2030. Cet objectif ambitieux est cohérent avec la disponibilité d’électricité bas-carbone, d’origine tant nucléaire que renouvelable, que nous prévoyons dans le cadre de notre politique pluriannuelle de l’énergie.

La disponibilité d’une électricité bas-carbone, au-delà de 2030, est un enjeu bien identifié. Dans son étude, RTE analyse plusieurs évolutions possibles du marché de l’hydrogène décarboné et les conséquences sur les besoins en électricité. Ces études seront prises en compte avec le plus grand sérieux pour élaborer la prochaine PPE, après l’adoption de la loi qui vous sera soumise en 2023.

L’une des priorités de la stratégie française pour l’hydrogène décarboné réside dans le soutien à la recherche, à l’innovation et au développement de compétences.

À ce titre, la question de l’augmentation du rendement du processus d’électrolyse est essentielle. L’électrolyse haute température figure parmi les pistes étudiées : certains acteurs considèrent que la chaleur nécessaire à cette solution pourrait être produite par des réacteurs nucléaires. C’est un enjeu de recherche, qui nécessite d’être examiné en détail.

Compte tenu de la maturité de telles solutions, leur déploiement à une échelle industrielle apparaît encore peu probable à l’horizon de 2030.