Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Serge Mérillou, je tiens à vous assurer que le Gouvernement est très à l’écoute des élus locaux. Il promeut d’ailleurs, dans toutes les politiques, un développement équilibré des territoires, urbains comme ruraux, qui doit être concilié avec nos impératifs de transition écologique.

Les communes rurales représentent environ 14 % de la consommation d’espace pour 4 % de l’augmentation du nombre de ménages. Elles font donc face à des enjeux majeurs d’aménagement du territoire et ont tout intérêt à se doter d’un document d’urbanisme afin d’être pleinement maîtres de leur aménagement et de délivrer leurs permis de construire.

Ces communes disposent de plusieurs outils incitatifs en faveur de la construction de logements.

Mme Frédérique Puissat. C’est hors sol !

Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Ainsi, les dispositifs de soutien à la construction de logements locatifs sociaux concernent tous les territoires. (Mme Sophie Primas sexclame.) Le programme « Louer abordable » pour le parc existant, tel qu’il a été redéfini dans la loi de finances pour 2022, est également ouvert en zone rurale. Les systèmes d’accession sociale à la propriété en bail réel solidaire ou prêt social location-accession (PSLA) sont ouverts en zone rurale comme ailleurs. Enfin, le prêt à taux zéro est également accessible en zone détendue.

Restent trois points essentiels concernant la lutte contre l’artificialisation des sols.

Premièrement, l’objectif « zéro artificialisation nette » est fixé dans la loi à 2050. Deuxièmement, la loi Climat et résilience prévoit précisément que la division progressive du rythme de l’artificialisation des sols soit territorialisée et adaptée aux réalités locales. Troisièmement, nous avons bien entendu les inquiétudes des territoires ruraux, en particulier s’agissant de la dynamique démographique, car ceux-ci pourraient être pénalisés dans leur capacité à se développer. C’est pourquoi les préfets de département accompagneront les communes rurales qui le souhaitent dans l’expression de leur besoin de consommation d’espace.

Mme Sophie Primas. Ce ne sont pas les préfets, mais les directions départementales des territoires (DDT) !

Mme le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour la réplique.

M. Serge Mérillou. Comme beaucoup de sénateurs, j’ai participé hier soir à une réunion des maires, en présence de M. le préfet. Les élus ruraux demandent à conserver quelques terrains à bâtir, pour développer leurs communes. Dans les communes rurales, le risque, c’est la friche, pas l’artificialisation. Faites confiance aux élus locaux : ils ne sont pas irresponsables ! Pris entre l’étau des bureaux d’études et de la réglementation, ils connaissent une situation très compliquée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Madame la ministre, si, comme son titre l’indique, le débat qui nous occupe aujourd’hui a la ville pour point d’entrée principale, permettez-moi de prendre le contre-pied et d’évoquer la question du logement dans les campagnes. Nos territoires ruraux ont en effet, eux aussi, des défis à relever dans ce domaine.

Des urbains à la recherche de plus d’espace et d’un cadre de vie différent s’y installent, à la faveur du développement du télétravail et à condition de disposer d’un accès à internet fiable.

Conjuguée à la pénurie de l’offre, cette augmentation de la demande accentue une tension déjà présente. Mon département, l’Oise, connaît, en outre, une croissance démographique plus importante qu’à l’échelle nationale.

La situation des jeunes, qui souhaitent accéder à la propriété, mais aussi celle des plus fragiles, est particulièrement préoccupante, alors que le pouvoir d’achat de ces publics est souvent plus faible que dans les zones urbaines. Or, quoi que l’on ait pu entendre, la maison individuelle reste dans nos territoires, en dehors de la capitale et de sa proche banlieue, la norme et un objectif à mon sens légitime.

Des dispositifs bienvenus ont été mis en place pour la rénovation dans l’ancien ou pour les centres-bourgs, ces villes dont les centres se sont vidés ces quarante dernières années. Dans certaines d’entre elles, la douceur de vivre a endormi l’acuité visuelle et l’indolence a trop fait oublier l’essentiel : il n’y a pas d’immobilier sans vie.

La politique en la matière reste pourtant encore trop concentrée sur la ville. Il vous faut regarder plus loin, car on ne parviendra jamais à loger tous les ménages dans les métropoles de notre pays, à plus forte raison alors que les aspirations de nos compatriotes évoluent vers un certain retour à la nature.

Les deux facettes territoriales de la France méritent, l’une comme l’autre, tous les égards pour le logement. Il vous faut retrouver un équilibre pour donner à chacune d’entre elles les mêmes chances.

Ainsi, madame la ministre, comptez-vous aller dans ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Courtial, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la question du logement dans les territoires ruraux. Sachez que nous y sommes très attachés. C’est pourquoi nous agissons en la matière.

L’une des clés de l’aménagement en zone rurale et de la construction de logements est, pour les communes, de se doter de documents d’urbanisme afin de maîtriser l’urbanisation sur leur territoire et de délivrer des permis de construire. La très grande majorité de nos communes, y compris rurales, sont compétentes en la matière et ont élaboré un document d’urbanisme.

Sur 34 968 communes, un peu moins de 10 000 sont soumises au règlement national d’urbanisme (RNU), soit 26 %, et seulement 4 852 n’ont aucun document d’urbanisme en cours d’élaboration.

En effet, quand une commune est soumise au RNU, c’est le préfet qui instruit et délivre les permis de construire, mais uniquement en zone urbanisée. Pour toutes les communes dotées d’un document d’urbanisme, les permis de construire sont à la main du maire.

Enfin, on compte 2 500 communes de moins de 170 habitants qui sont tout de même parvenues à se doter d’un document d’urbanisme.

Ces chiffres révèlent plusieurs vérités : seules 14 % des communes n’ont aucun document d’urbanisme ; avoir une population faible n’est pas un frein pour se doter d’un tel outil ; il est faux de penser que les communes rurales n’ont pas de solution à leur disposition pour construire des logements. Les documents d’urbanisme sont la clé et peuvent prendre la forme d’une simple carte communale.

Par ailleurs, ces communes disposent de plusieurs outils incitatifs en faveur de la construction de logements que j’ai eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises.

Mme le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour la réplique.

M. Édouard Courtial. Madame la ministre, j’ai bien entendu toutes les descriptions techniques dont vous avez fait état, mais je n’ai pas senti la volonté du Gouvernement.

Je suis sans voix, mais je vais essayer de trouver des mots : bonne année aux demandeurs de logements en zone rurale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Denis Bouad applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, dans le Gard, en plus des feux de forêt, nous sommes très concernés par les risques d’inondations et, par voie de conséquence, par la carte des aléas climatiques et par le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI).

Nous sommes aussi dans un beau département, qu’il convient de protéger ; le réseau Natura 2000 nous oblige.

Enfin, comme nous sommes dans un département agréable, le télétravail s’y est largement développé au cours de ces deux dernières années. Nos terrains sont de plus en plus prisés et leurs prix augmentent !

Pourtant, les communes gardoises ont les mêmes obligations que celles d’autres départements et je suis attristé de constater que les propositions de Dominique Estrosi Sassone, votées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, aient été retirées du texte par votre majorité à l’Assemblée nationale, visiblement toujours aussi hors sol – voire hors hémicycle, comme c’était le cas hier soir ! (Mme Sophie Primas sexclame.)

Madame la ministre, les problématiques que rencontrent ces communes ne sont pas de gauche ou de droite : elles sont factuelles et il faudra leur apporter une réponse.

En somme, ne pensez-vous pas qu’il serait tout de même utile, afin de vous éviter de vous prononcer sur chaque commune de France, de faire enfin confiance, au moins, à vos préfets afin d’adapter nos ambitions à la réalité des territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Burgoa, vous nous interrogez, en quelque sorte, sur le dispositif issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

En effet, la majorité des communes soumises aux obligations SRU sont de bonne foi et font des efforts pour atteindre leurs objectifs de logements sociaux. Nous sommes en lien direct avec les élus locaux et nous le constatons.

Actuellement, sur les 2 000 communes soumises à la loi SRU, environ 1 000 sont encore en déficit, 500 n’ont pas rempli leurs objectifs triennaux 2017-2019 et seulement 280 sont carencées. Cela démontre donc cette bonne foi des élus.

C’est précisément en tenant compte de ce bilan et de l’impératif de continuer à construire des logements sociaux dans les territoires qui en manquent, tout en prenant en compte les contraintes locales, que le Gouvernement a proposé la pérennisation et l’adaptation du dispositif SRU dans le projet de loi 3DS. Il a ainsi supprimé la date butoir de 2025 et fixé un taux de rattrapage par période triennale de 33 % du déficit, ce qui est réaliste et atteignable. Enfin, il a créé des contrats de mixité sociale (CMS) signés par le préfet, la commune et l’intercommunalité, afin de déterminer les moyens et les modalités de déploiement de la trajectoire de rattrapage de la commune.

Ces contrats peuvent prévoir, durant deux périodes triennales au maximum, un taux dérogatoire de rattrapage du déficit limite limitée à 25 %, pour tenir compte des spécificités et des contraintes locales que vous avez évoquées. (Mme Sophie Primas sexclame.)

L’examen parlementaire a permis de procéder à un certain nombre d’ajustements, en particulier de recourir à un CMS fixant un taux de rattrapage dérogatoire sans limite de durée pour les communes ayant une part importante de leur territoire grevée d’inconstructibilité, ainsi que pour les communes de moins de 5 000 habitants.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous agissons en responsabilité en tenant compte des spécificités des territoires, tout en répondant à l’impératif de construction de logements.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention, mais vous ne m’avez pas du tout convaincu.

M. Roger Karoutchi. Allons bon… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Les maires de nos départements respectifs nous disent tous la même chose : ils ont la volonté de produire du logement social, mais leur problème, c’est le foncier. Aidez-les à faire du foncier !

Il y a en outre quelques aberrations. Un exemple gardois : le maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas produit du logement social, mais l’État attaque le permis de construire devant le tribunal administratif, alors que la commune est carencée. Voilà qui est extraordinaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Garnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Garnier. Madame la ministre, chaque année, 17 000 personnes s’installent en Loire-Atlantique. Ce département français est ainsi le troisième en termes de dynamisme démographique.

C’est aussi le deuxième département français en termes de surface de marais – nous avons notamment l’estuaire de la Loire, le lac de Grand-Lieu et les marais de Brière.

La loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral, s’applique à l’ouest du département, tout comme s’applique la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, autour des agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire. La conséquence en est simple : le coût du foncier augmente. J’en donnerai trois exemples.

Dans la commune du Bignon, située dans le vignoble nantais, le prix du foncier a augmenté de 67 % en quatre ans.

À Saint-Père-en-Retz, dans le pays de Retz, le prix des terrains a été multiplié par trois ces deux dernières années.

Sur le littoral, dans la commune de la presqu’île guérandaise de Mesquer, une maison achetée 1,2 million d’euros l’année dernière a été revendue 2,3 millions d’euros cette année !

Bien sûr, le « zéro artificialisation nette » (ZAN) vient ajouter de la contrainte à la contrainte. Tous les maires partagent cet objectif, mais ils font face à des injonctions contradictoires qui deviennent impossibles à tenir. Ils voient arriver dans leur commune des ménages aux revenus confortables, tandis que les jeunes quittent leur territoire.

Madame la ministre, ma question est simple : pourquoi avoir voulu imposer par le haut ce zéro artificialisation nette ? Comment entendez-vous faire appliquer cette loi de la même manière dans un département qui perd des habitants et dans un département qui en gagne 17 000 chaque année ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Madame la sénatrice Garnier, ayant déjà répondu sur la question du foncier, je reviendrai sur celle de l’artificialisation des sols.

Permettez-moi de vous redonner quelques chiffres : aujourd’hui, 3,5 millions d’hectares sont artificialisés en France. Ramené à la population, c’est 15 % de plus qu’en Allemagne et 57 % de plus qu’au Royaume-Uni ou en Espagne.

M. Laurent Burgoa. Et alors ? Ce ne sont pas les mêmes territoires !

Mme Nadia Hai, ministre déléguée. Quelque 5 % des communes sont responsables de 39,7 % de la consommation d’espace.

Face à ce constat, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, a fixé un objectif ambitieux : réduire de moitié le rythme auquel nous consommons des espaces naturels et agricoles afin d’atteindre le zéro artificialisation nette, non pas dès aujourd’hui, madame la sénatrice, mais en 2050.

Soyez assurée que le Gouvernement est extrêmement attaché au respect des prérogatives de chacun, notamment des élus locaux – je l’ai rappelé en réponse à une autre question.

Le mécanisme que nous avons fixé pour les dix prochaines années est pragmatique, puisqu’il permet de réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers tout en laissant aux collectivités le temps de s’adapter à la nouvelle nomenclature des surfaces artificialisées.

Par ailleurs, les territoires n’ayant pas les mêmes besoins – vous êtes bien placée pour le savoir, madame la sénatrice –, nous avons inscrit dans la loi la prise en compte des efforts déjà réalisés par les territoires.

Enfin, pour répondre aux inquiétudes des associations de collectivités, nous avons introduit dans le projet de loi 3DS un allongement du délai pour décliner l’objectif dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), portant celui-ci à trente mois au total. Les schémas de cohérence territoriale (SCoT) disposeront pour leur part de quatorze mois pour faire des propositions sans pour autant revenir sur le calendrier global de lutte contre l’artificialisation des sols.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.

Mme Laurence Garnier. Madame la ministre, vous évoquez le projet de loi 3DS, qui vise à décentraliser et à simplifier. Avec le ZAN, vous faites tout le contraire : vous recentralisez et vous complexifiez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la ministre, mes collègues ayant déjà largement abordé la situation du logement en France, j’aborderai la question sous un angle un peu plus spécifique, celui du logement dans les territoires frontaliers.

En effet, ces territoires se trouvent dans des situations critiques en matière de logement en raison de leur proximité avec des pays plus riches, où les salaires sont plus élevés. C’est en particulier le cas des départements qui se trouvent à côté de la Suisse et du Luxembourg.

Cette proximité entraîne une hausse des loyers très importante. De ce fait, les personnes qui ne travaillent pas dans un pays frontalier rencontrent de très grandes difficultés à trouver des logements à des prix abordables.

Cette hausse des prix des logements entraîne des difficultés de recrutement pour les entreprises, mais aussi et surtout dans les services publics. En effet, les fonctionnaires ne souhaitent plus s’installer dans ces régions, car ils savent qu’ils ne pourront pas y vivre dignement du fait des loyers exorbitants.

Tous les professionnels sont touchés : saisonniers, agents administratifs, personnels de santé, policiers et j’en passe. La situation commence à devenir critique et il est de notre devoir de trouver des solutions.

Sur le principe, je suis favorable à la mise en place d’une prime de vie chère – nous en avons discuté avec Olivier Dussopt. Toutefois, il est clair que l’effet d’une telle mesure ne sera pas suffisant. J’estime que des solutions axées directement sur le logement auront des effets plus bénéfiques.

À l’occasion de son déplacement, à Noël, nous avons évoqué avec Amélie de Montchalin la possibilité que des collectivités prennent la main sur leur destin et aménagent, construisent et louent des logements sur du foncier qui leur appartient pour la durée de l’engagement.

Par ailleurs, le dispositif prévu par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dit Pinel, ayant pris fin au 1er janvier, il peut être envisagé de mettre en place un dispositif similaire prévoyant des crédits d’impôt en contrepartie d’un engagement à louer à prix modéré dans les zones frontalières où la situation du logement est tendue.

De plus, il est urgent de réviser le classement en zone tendue, car plusieurs villes frontalières dans lesquelles les prix ont explosé ne bénéficient pas de ce classement.

Enfin, compte tenu du caractère critique de la situation, il pourrait être opportun de mettre en place des loyers de référence, comme cela se pratique à Lille et à Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pellevat, permettez-moi de corriger votre propos sur un point. Vous avez indiqué que nous avions mis fin au dispositif Pinel ; nous l’avons au contraire prolongé jusqu’en 2024. Il me paraît utile de le préciser.

Je rappelle également que des mécanismes d’incitation fiscale pour la location à prix modéré existent d’ores et déjà : le dispositif Pinel pour les logements neufs dans les zones tendues, et le dispositif « Louer abordable » pour les logements déjà existants.

Ce dernier dispositif a été largement révisé dans le cadre de la loi de finances pour 2022, précisément pour le rendre plus attractif. Ainsi, comme je l’indiquais précédemment, les plafonds de loyers seront fixés à l’échelle de la commune pour assurer une bonne adéquation avec les marchés locaux et une égalité de traitement de l’ensemble des propriétaires. De plus, ce dispositif a été transformé en une réduction d’impôt dont le taux est directement lié à l’effort de loyer consenti par le propriétaire.

Concernant l’éligibilité au dispositif Pinel et le zonage, vous avez cité l’exemple de la Haute-Savoie, mais de nombreuses communes de ce département sont d’ores et déjà éligibles au dispositif Pinel. De plus, à l’occasion du congrès des maires de Haute-Savoie, le Premier ministre a annoncé une révision du zonage ABC spécifique à ce département, encore une fois afin de tenir compte des particularités locales. Le ministère du logement travaille en lien avec Bercy et le préfet pour définir la liste des communes qui seront retenues.

J’en viens au logement des fonctionnaires. Aujourd’hui, selon le droit en vigueur, 5 % des logements locatifs sociaux agréés sont réservés par l’État et les ministères peuvent acquérir des droits de réservation supplémentaires.

Enfin, par le projet de loi 3DS, le Gouvernement souhaite renforcer l’accès au logement social des travailleurs dits essentiels.

Mme le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie de votre réponse madame la ministre.

Vous avez cité tout un tas de dispositifs, mais aujourd’hui, ils ne suffisent pas. Il faudra donc introduire des dispositifs spécifiques dans le cadre du projet 3DS. Comme je l’ai indiqué précédemment, certaines collectivités de Haute-Savoie disposent de foncier et sont prêtes à mettre la main à la poche. Toutefois, cela suppose d’imaginer un modèle économique différent, fondé sur les besoins des collectivités.

Conclusion du débat

Mme le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un chiffre donnera la mesure de la crise du logement que connaît notre pays : selon l’OCDE, l’acquisition d’un logement de 100 mètres carrés par un ménage français nécessite aujourd’hui treize années de revenu disponible, contre huit en 2000. Nos voisins, l’Allemagne et l’Italie par exemple, n’ont pas connu un tel renchérissement du coût du logement.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de superficie, mais aussi, plus généralement, de perte de qualité des logements, comme l’a montré le rapport remis par la mission Girometti-Leclercq au mois de septembre dernier.

Dans le même temps, les inégalités entre les territoires persistent. Jean-Louis Borloo l’a souligné dans un rapport qui a connu un retentissement important, mais qui n’a guère été pris en compte par ce gouvernement, qui l’avait pourtant commandé : sur les 1 500 quartiers classés quartiers prioritaires de la politique de la ville, 216 connaissent des difficultés urbaines, 60 sont en risque de fracture et 15 en risque de rupture, de sorte que 10 millions de nos concitoyens se considèrent comme relégués.

La difficulté de nos concitoyens à trouver un logement se répercute jusqu’à l’hébergement d’urgence : 200 000 personnes sont hébergées dans des structures d’urgence, plus de 70 000 l’étant dans des hôtels.

L’ensemble de la chaîne de la politique du logement paraît bloqué : on construit moins de 350 000 logements par an et de l’ordre de 100 000 logements sociaux, alors qu’environ 2,2 millions de ménages sont en demande de logement, soit une augmentation de 20 % en huit ans.

Le Gouvernement a annoncé l’agrément de 250 000 logements sociaux en deux ans, mais cet objectif ne sera clairement pas atteint, et le déficit de l’année 2020 ne sera probablement pas rattrapé.

Un élément parmi d’autres : la hausse annoncée du taux du livret A au 1er février 2022 renchérit mécaniquement le coût des prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations aux bailleurs sociaux et pèsera nécessairement sur le modèle de financement des projets sans pour autant rendre le livret A véritablement intéressant pour les épargnants modestes en raison du niveau de l’inflation.

Loin du choc d’offre annoncé, la politique du logement semble s’être concentrée sur la promotion de la rénovation des logements, qui est, elle, en forte croissance. Si cette politique doit être approuvée dans ses objectifs, car elle est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques, elle ne répond pas au besoin fondamental de logement qui est de plus en plus difficile à satisfaire dans notre pays.

Or les cinq années passées ont surtout été marquées par la recherche d’économies : la contribution de l’État au financement des APL est passée de 15,5 milliards d’euros en 2007 à 13 milliards d’euros en 2022, tandis que le cofinancement assuré par les employeurs demeurait stable.

Les APL consacrées à l’accession à la propriété ont été supprimées, alors qu’elles jouaient un rôle important dans l’acquisition de logement par des ménages modestes. Les locataires ont vu leurs APL diminuer de 5 euros en 2017, tandis que les bailleurs ont, pour leur part, été contraints de rogner sur les frais d’entretien ou d’investissement du fait de la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Cette année, c’est le versement contemporain des aides qui, après plusieurs années de retard et quelques dysfonctionnements, a été mis en place. L’État s’est ainsi désengagé en partie du soutien au logement des Français modestes, de même qu’il a cessé ses contributions budgétaires au financement des logements sociaux au travers du Fonds national des aides à la pierre (FNAP).

L’État se repose donc sur les bailleurs sociaux et sur des acteurs tiers, notamment Action Logement qui a régulièrement été appelé à contribuer au financement des principaux dispositifs de la politique du logement et de la ville. Or les marges financières de cet organisme sont désormais largement entamées, et la question du financement des aides à la pierre doit, par exemple, être posée, si Action Logement n’apporte plus 350 millions d’euros au FNAP à partir de 2023.

Tout en réduisant les financements, l’État accroît les contraintes pesant sur l’ensemble des acteurs : le coût de l’ensemble des réglementations, notamment thermiques, est de plus en plus élevé pour les acteurs du bâtiment, qui sont également soumis à la hausse des coûts de l’énergie et à une crise d’approvisionnement de certains matériaux.

En outre, nous l’avons évoqué, un nouvel enjeu s’impose, celui de la lutte contre l’artificialisation des sols. La loi Climat et résilience fixe une nouvelle norme allant plus loin encore que les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat.

Les collectivités locales sont soumises à des injonctions difficiles à concilier : accroître la production de logements de qualité pour la population, notamment afin de remplir les critères de la loi SRU, et favoriser le développement économique local, mais sans utiliser plus de terrain qu’aujourd’hui.

Cependant, contrairement à la rénovation énergétique, la lutte contre l’artificialisation ne s’accompagne que d’un faible soutien : l’action de l’État passe essentiellement par la fixation de normes que d’autres, au premier rang desquels les collectivités, devront appliquer.

Comme l’a démontré le succès du fonds pour le recyclage des friches qui a dû être doublé, les besoins sont importants et les collectivités ne manquent pas de projets. Toutefois, ce fonds n’épuise pas le sujet, tant s’en faut. L’État doit mieux accompagner les collectivités face à ces défis, par exemple pour la révision de leurs documents d’urbanisme.

Trois grands axes devront donc être posés : la production de logements nouveaux, l’amélioration de la performance énergétique du stock de logements et l’annulation progressive de toute artificialisation nouvelle des sols. Ces trois objectifs sont dispersés au travers d’un ensemble de mesures de toute nature reposant à la fois sur l’État, les collectivités et les acteurs privés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)