compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 9 février 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

financement des services départementaux d’incendie et de secours

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 2129, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Hervé Gillé. Le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Gironde est en tension permanente : les missions de secours à la personne explosent, générant des besoins d’effectifs complémentaires et créant des conditions de travail qui pèsent sur le quotidien des pompiers girondins.

Ce sont les conséquences d’un financement déconnecté de la réalité du terrain, notamment dans ce département.

La politique volontariste du président du SDIS 33 et de l’exécutif a permis des solidarités financières départementales, mais la situation reste instable.

Les contributions communales et intercommunales distribuées aux SDIS ne prennent pas en compte l’évolution démographique des territoires. Leur mode de calcul résulte de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Ces contributions sont encadrées par l’évolution du taux annuel de l’inflation, mais ne considèrent ni l’augmentation de la population ni la hausse probable du nombre d’incendies et de risques dus au réchauffement climatique.

Un tel mode de calcul est préjudiciable pour de nombreux départements, particulièrement pour celui de la Gironde, dont la population augmente le plus chaque année – de 1,2 %, contre 0,4 % en moyenne nationale. Et je ne tiens pas compte de la population touristique ; sans quoi, ce chiffre gonflerait encore.

Au total, environ 136 000 opérations du SDIS 33 ont lieu chaque année, soit une intervention toutes les quatre minutes.

Ces chiffres ne vont pas décroître : la population continuera d’augmenter et le dérèglement climatique risque de décupler les accidents. Pour rappel, en Gironde, la forêt couvre 520 000 hectares, soit la moitié de la superficie du département. La sécurité de celui-ci dépend donc de ces contributions.

Quelles évolutions réglementaires ou législatives envisagez-vous pour permettre à l’ensemble des SDIS d’assurer leurs missions dans les meilleures conditions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, le financement des services d’incendie et de secours résulte, vous le savez, d’un équilibre entre les contributions des départements, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des communes, pour lesquelles, d’ailleurs, elles constituent des dépenses obligatoires.

Ce modèle de financement est le reflet de l’histoire des SDIS. Impliquant plusieurs acteurs, il répond à de nombreuses obligations législatives. On peut évoquer notamment l’encadrement des contributions communales et l’indice des prix à la consommation, introduits par la loi du 27 février 2002.

Cette question du financement a fait l’objet de discussions entre les deux assemblées lors de l’examen de la proposition de loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, dont l’article 54 dispose que « le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2023, un rapport portant sur le financement des services départementaux et territoriaux d’incendie et de secours ».

Mme la ministre Jacqueline Gourault, M. le ministre Gérald Darmanin et moi-même avons conjointement saisi l’inspection générale de l’administration afin de mener une mission sur le financement des services d’incendie et de secours. Les représentants des collectivités territoriales seront bien entendu pleinement associés à ces travaux et le Gouvernement rendra compte au Parlement des conclusions de la mission d’ici à la fin de l’année 2022, conformément à la volonté du législateur.

J’espère avoir répondu à votre question.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Je vous remercie, madame la ministre. Nous suivrons avec beaucoup d’attention ce sujet. Vous le savez, il suscite bien des attentes depuis de nombreuses années, d’autant que les situations sont de plus en plus dégradées sur le terrain.

parcours en alternance des jeunes porteurs de handicap accueillis en institut médico-professionnel

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 2104, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Laure Darcos. Madame la ministre, la faculté des métiers de l’Essonne (FDME) propose aux jeunes, aux salariés, aux demandeurs d’emploi et aux entreprises une offre élargie de formation par la voie de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Elle est actuellement le plus grand centre de formation d’apprentis du sud francilien : 3 000 apprentis sont formés chaque année dans de très nombreux métiers, du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au bac+5.

Parce que la faculté des métiers est consciente de son rôle essentiel en matière d’insertion, elle accorde une attention toute particulière au public en situation de handicap. C’est ainsi qu’elle a mis en place depuis plusieurs années un dispositif dit « passerelle bleue », dont l’objectif est de préparer des jeunes porteurs de handicap cognitif à se former par la voie de l’apprentissage dans un des champs professionnels proposés, notamment la restauration, la carrosserie, la vente, la boulangerie, la logistique, les espaces verts ou bien encore le bâtiment.

Durant cette année de « passerelle bleue », une adaptation pédagogique personnalisée est mise en place, qui donne lieu à une individualisation des parcours et à la réalisation d’un accompagnement médico-psychosocial.

Au terme de celle-ci, les jeunes poursuivent leur formation par leur entrée en CAP. La signature d’un contrat d’apprentissage avec une entreprise sensibilisée à la problématique du handicap permet la formation en alternance. Or les jeunes des instituts médico-professionnels se trouvent face à une injustice tout à fait intolérable qui m’a été signalée par cette faculté des métiers. En effet, lorsqu’ils décident de préparer un CAP, ils rencontrent un obstacle pour accéder au statut d’apprenti et, ce faisant, de salarié.

Cette difficulté d’accès au statut d’apprenti représente un facteur d’exclusion sociale et professionnelle inacceptable à l’heure où se mène le combat pour une société plus inclusive.

Aussi, ma question est la suivante, madame la ministre : quelle réponse pouvez-vous proposer pour mettre fin à une situation douloureusement vécue, comme vous pouvez l’imaginer, par les jeunes concernés ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, je vous réponds au nom de Mme Sophie Cluzel, retenue par d’autres obligations.

Je veux tout d’abord saluer votre engagement, que chacun connaît, sur ce sujet. L’apprentissage est l’une des priorités du Gouvernement ; en témoigne le prolongement jusqu’en juin 2022 de la prime octroyée, dans le cadre du plan France Relance, aux entreprises qui recrutent un apprenti.

Il est vrai que, pour les personnes en situation de handicap, l’apprentissage est un véritable levier vers l’emploi durable. Il permet non seulement d’améliorer leur niveau de formation initiale, mais aussi de mettre en place des parcours de reconversion professionnelle pour des adultes dont le handicap est survenu en cours de vie ou bien s’est aggravé.

Plus que d’inciter les employeurs, notre ambition est d’éviter de mener une politique « à part » pour ces personnes. Les centres de formation d’apprentis (CFA) de droit commun doivent pouvoir accueillir toutes les personnes, quelle que soit la situation de handicap rencontrée.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel oblige tout CFA à avoir un référent handicap chargé de mettre en œuvre des adaptations techniques, matérielles et pédagogiques, des heures de soutien individualisé, un aménagement des sélections, etc. Depuis la réforme de la formation professionnelle, ces accompagnements sont financés et ne sont plus à la charge des CFA.

Nous déployons également un accompagnement spécifique vers l’emploi pour éviter les ruptures professionnelles, lequel est particulièrement adapté au public de la « passerelle bleue » puisqu’il vise des situations de handicap psychique – troubles de l’autisme et du neurodéveloppement ou déficience intellectuelle.

Un expert de ces troubles suit la personne tout au long de son parcours, en amont, en apprentissage, puis en poste. Il fait le lien avec son environnement professionnel, qui ne sait pas toujours bien appréhender ces handicaps invisibles.

Enfin, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, pose le principe d’une délivrance automatique de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour les jeunes de plus de 16 ans déjà accompagnés dans le cadre des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Il s’agit précisément de faire en sorte que soient mis en place dès leur entrée en apprentissage tous les moyens nécessaires à la sécurisation de leur parcours de formation.

Ces mesures commencent à porter leurs fruits. Les derniers chiffres du chômage confirment la baisse continue du nombre de demandeurs d’emploi handicapés, entamée depuis novembre 2019, tandis que le nombre d’apprentis en situation de handicap a bondi de 79 % entre 2019 et 2021.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. J’accompagnais votre collègue Sophie Cluzel lors de sa visite à la faculté des métiers de l’Essonne ; malheureusement, ce n’est qu’après notre venue que m’a été rapportée cette injustice.

De fait, vous n’avez pas totalement répondu à ma question ; c’est pourquoi je la poserai une nouvelle fois à votre collègue. Il importe que les jeunes issus des instituts médico-professionnels puissent accéder, au moment de l’obtention de leur diplôme, au statut d’apprenti, puis de salarié. C’est là qu’il y a un « trou dans la raquette ». J’insiste donc, en vous demandant de relayer ce message à votre collègue. Vous souhaitez tout comme nous que notre société soit véritablement plus inclusive ; or, en l’espèce, quelque chose ne va pas.

conditions de détention au centre pénitentiaire de bordeaux-gradignan

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 2063, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Laurence Harribey. Dans son avis du 4 juin 2020, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté rappelait que le nombre de personnes admises dans un lieu de privation de liberté ne doit jamais excéder le nombre de personnes que ce lieu est en mesure d’héberger.

Dans sa tribune du 7 février dernier, publiée dans le journal Le Monde, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dresse un inventaire inquiétant : insalubrité des cellules, surpopulation en hausse de 11 % en 2021 générant des atteintes aux droits fondamentaux des détenus, notamment en matière de soins et de formation.

Pourtant, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en janvier 2020 pour traitement inhumain et dégradant.

Cette situation pèse sur le personnel. J’ai été alertée par celui du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, où la situation est critique : 779 détenus pour 434 places, 94 matelas à même le sol dans le bâtiment, plus de dix cellules individuelles de neuf mètres carrés où logent trois détenus. Cette promiscuité est d’autant plus grave en période d’épidémie.

Le personnel est en souffrance et démuni. Certes, les annonces de revalorisation salariale sont bienvenues, mais celle-ci sera insuffisante si les conditions structurelles ne s’améliorent pas. Parmi les représentants du personnel que j’ai entendus, on m’a dit : « J’espère vraiment que vous porterez nos voix pour que notre ministre prenne réellement conscience de notre mal-être. » Que leur répondez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux, retenu par d’autres obligations, m’a chargée de répondre à votre question.

La surpopulation carcérale est l’une des priorités du ministère de la justice, parce qu’elle porte des enjeux liés au respect de la dignité des personnes incarcérées, à l’efficacité de la peine en matière de prévention et de récidive, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail des personnels – chacun connaît l’engagement fort d’Éric Dupond-Moretti sur ce sujet.

Concernant le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, sur lequel vous attirez l’attention du Gouvernement, la densité carcérale y est effectivement excessive, spécialement dans le quartier maison d’arrêt. Pour remédier à cela, les services du ministère de la justice ont procédé en 2021 à soixante transferts dits « de désencombrement » vers des centres pénitentiaires voisins, ce qui a permis une baisse du taux d’occupation.

Le garde des sceaux a annoncé un budget de 409 millions d’euros en 2022 pour le programme immobilier, qui devient ainsi le plus ambitieux depuis trente ans, avec la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. En outre, un budget de 138 millions d’euros est consacré aux opérations de maintenance et d’entretien des établissements existants.

De nouveaux projets immobiliers sont prévus en région Nouvelle-Aquitaine. Ainsi, l’établissement de Bordeaux-Gradignan bénéficie d’un chantier de création de 250 places supplémentaires. La première phase de livraison aura lieu dès 2023.

La construction d’un nouvel établissement à Pau entrera également en phase opérationnelle en 2022, tandis que deux structures d’accompagnement vers la sortie ont été ouvertes : en 2020 à Poitiers et en 2021 à Bordeaux-Gradignan.

Enfin, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire comporte des dispositions qui permettent de désengorger les prisons tout en assurant une exécution encadrée de la peine. Je pense notamment à la libération sous contrainte de plein droit pour les peines de moins de deux ans, au renforcement de l’assignation à résidence sous surveillance électronique en lieu et place de la détention provisoire.

Soyez certaine, madame la sénatrice, de pouvoir compter sur l’action de notre Gouvernement et sur la détermination de nos services à mener une politique volontariste de régulation carcérale.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, j’accompagnais le garde des sceaux, l’année dernière, lors de sa visite de l’établissement de Bordeaux-Gradignan. Je dois le dire, celle-ci avait suscité un espoir, le ministre s’étant alors engagé à améliorer les choses. Le problème, c’est que rien n’a changé et, surtout, que le dialogue social avec le personnel n’existe pas vraiment. Face à l’une des situations les plus graves auxquelles a pu être confronté un établissement pénitentiaire, en France, un petit geste serait bienvenu pour garantir au personnel que la situation est en voie de s’améliorer.

situation de la justice en france

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 2113, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Lherbier. Madame la ministre, des magistrats et des personnels de greffe se sont mobilisés en décembre 2021 pour dénoncer l’état de la justice dans notre pays.

Au cours du mois de janvier 2022, les personnels du siège, du parquet et les agents de greffe du tribunal judiciaire de Lille ont prononcé, dans une motion commune, une « impossibilité de faire » judiciaire. À Lille, par exemple, ils déploraient un an de délai, en moyenne, pour qu’un justiciable soit convoqué par le tribunal correctionnel. Cette attente peut durer jusqu’à huit ans devant une cour d’assises.

Leurs conditions de travail sont particulièrement difficiles : le tribunal peut juger jusqu’à quinze dossiers de violences conjugales sur une matinée ; les juges des enfants lillois suivent chacun la situation de mille mineurs.

En réponse aux sollicitations de tous les professionnels qui concourent au service de la justice, le garde des sceaux met en avant l’augmentation historique de son budget. Il est vrai que des recrutements ont été effectués et que des moyens techniques ont été mis à disposition des juridictions. Force est de constater que ces mesures, certes nécessaires, ne sont pas suffisantes et ne permettent toujours pas aux personnels de rendre une justice de qualité sans s’épuiser face à l’ampleur de la mission régalienne qui leur est confiée.

Les professionnels de justice constatent encore un décalage entre, d’une part, l’ampleur des missions qui leur sont confiées et les attentes croissantes vis-à-vis de l’institution, d’autre part, les ressources humaines et matérielles dont celle-ci dispose pour y faire face.

Qu’entend faire le Gouvernement pour répondre à ces professionnels ? Quelles dispositions sont mises en œuvre pour mesurer leur souffrance au travail ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer leurs conditions de travail et permettre aux Français de bénéficier d’une justice à la hauteur de leurs attentes, d’une justice humaine et à l’écoute ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux, retenu, m’a demandé de répondre à votre question.

Comme vous le savez, entre 2017 et 2021, 698 magistrats nouveaux sont arrivés en juridiction, ce qui représente une augmentation de 9 % des effectifs globaux. Le seuil historique des 9 000 magistrats a été atteint en 2020, tandis que 870 greffiers supplémentaires sont également venus renforcer les effectifs entre le 1er septembre 2017 et le 1er septembre 2021, soit une hausse de 9,4 %.

En y ajoutant le recrutement de 2 000 contractuels dans le cadre de la mise en œuvre de la justice de proximité, on en arrive rapidement à la conclusion arithmétique qu’il n’y a jamais eu autant de personnels dans les juridictions et que ce gouvernement a fait énormément en la matière.

Pour autant, nous n’ignorons pas les difficultés qui perdurent en juridiction et que vous soulignez. La situation n’est en effet pas pleinement satisfaisante en matière d’effectifs : nous devons poursuivre les efforts de recrutement qui ont été amorcés. C’est la raison pour laquelle le garde des sceaux a annoncé l’ouverture d’un nombre record de places au prochain concours d’accès à l’École nationale de la magistrature, avec le recrutement de 460 magistrats – 380 au titre des concours d’accès dits « classiques » et 80 autres au titre des concours complémentaires. Ainsi, la prochaine promotion d’élèves magistrats sera la plus importante de l’histoire.

Le Gouvernement a aussi pérennisé 1 414 emplois de contractuels recrutés au titre de la justice de proximité.

Le garde des sceaux ne méconnaît pas les difficultés du tribunal judiciaire de Lille. Au cours des deux dernières années, neuf postes ont été créés spécialement à son profit. Les effectifs des magistrats du siège sont au complet, tandis qu’un poste est vacant au parquet.

S’il est exact que les effectifs de la juridiction sont régulièrement grevés par plusieurs arrêts maladie temporaires et des congés légitimes, les chefs de cour bénéficient toutefois d’un renfort de trente magistrats placés, qu’ils peuvent temporairement déléguer en soutien de la juridiction.

En ce qui concerne les fonctionnaires, au 1er mars 2022, le tribunal judiciaire de Lille accusera un déficit de vingt postes, situation de vacance trop importante que nous allons nous attacher à combler au cours de ce semestre, grâce à l’entrée en fonction de deux directeurs des services de greffe, de huit greffiers et de deux adjoints supplémentaires administratifs.

En outre, la mise en œuvre du plan de soutien à la justice de proximité a permis le recrutement de seize contractuels, dont deux de catégorie A et quatorze de catégorie B.

garantir l’accueil scolaire et périscolaire des élèves atteints de troubles physiques ou psychiques

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la question n° 1897, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, ma question porte sur l’accueil individualisé à l’école des enfants atteints de troubles physiques ou psychiques.

La circulaire ministérielle du 10 février 2021 précise que l’accueil de ces enfants s’étend dorénavant au temps périscolaire et qu’il revient à la collectivité territoriale concernée d’assurer sa mise en œuvre.

Si cette continuité est une absolue nécessité pour une école réellement inclusive, les moyens de sa mise en œuvre posent une vraie question.

En effet, la charge financière qui incombe aux collectivités territoriales fait courir le risque d’une école inclusive à deux vitesses. Les communes qui ont accepté la mise en place de ces dispositifs d’accueil dans les écoles au sein desquelles sont scolarisés des enfants orientés par les services de la MDPH ou par ceux de l’éducation nationale n’ont pas le choix de l’affectation : les enfants y sont scolarisés, qu’ils soient de la commune ou pas, ce qui est tout à fait normal dans l’école de la République.

L’ambition d’une école réellement inclusive passe aussi par la revalorisation du statut des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) – à 93 % des femmes – pour qui le temps partiel reste la règle.

Si le Gouvernement a la volonté de mettre en œuvre une démarche réellement inclusive à l’école, alors il doit s’en donner les moyens. Cela nécessite, à mon sens, la création d’un corps de fonctionnaires correspondant aux besoins permanents du service de l’éducation, alliant formation et évolution des carrières. Il faut également augmenter le temps de travail des AESH en étendant leur contrat aux activités périscolaires, pourquoi pas sur la base de conventions avec les communes.

Afin d’accueillir ces enfants dans les meilleures conditions, il conviendrait aussi de réduire les effectifs en classe, de manière à pouvoir agir efficacement sur la qualité de l’accompagnement.

Compte tenu de l’impact de ces dispositifs sur les collectivités territoriales, quelles mesures d’accompagnement le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour faciliter le déploiement des moyens scolaires et périscolaires adaptés aux besoins spécifiques de ces élèves et pour pouvoir ainsi garantir l’égalité d’accès à l’enseignement public ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée auprès du ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports. Madame la sénatrice, l’une des missions fondamentales de l’école de la République est de veiller à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction.

Comme vous le rappelez, le projet d’accueil individualisé (PAI) vise à garantir un accueil et un accompagnement individualisés, en structure collective, des enfants et des adolescents atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période et qui nécessitent donc des aménagements.

La circulaire du 8 septembre 2003 prévoyait déjà la mise en œuvre du PAI par les collectivités territoriales et précisait les conditions d’accueil dans les centres de vacances et les centres de loisirs sans hébergement ou encore dans les structures d’accueil des jeunes enfants – crèches, haltes-garderies ou jardins d’enfants.

La circulaire du 10 février 2021, que vous citez, abroge celle de 2003 et introduit la notion de parcours de vie pour faciliter l’accueil du jeune enfant en structure collective. Elle favorise la mise en œuvre des dispositions qu’elle encadre sur l’ensemble des temps de l’enfant et la prise en compte de la diversité des troubles et des situations. Elle rappelle également que le PAI s’adosse systématiquement à une démarche concertée entre les personnels des structures collectives, que ce soit sur le temps scolaire et extrascolaire qui relève de l’éducation nationale ou de l’enseignement agricole, ou bien sur le temps périscolaire, qui dépend des collectivités territoriales.

Sachez que cette nouvelle version de la circulaire a été rédigée avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives des médecins, des infirmiers, des personnels de direction et des directions d’école. Ce texte apporte une plus grande sécurité juridique aux personnels de l’éducation nationale en cas de non-remise par la famille des documents valides. Il décrit également avec précision le rôle et les responsabilités de l’ensemble des acteurs concernés.

Les directeurs d’école, en lien avec l’inspecteur de l’éducation nationale, les chefs d’établissement et les responsables des collectivités territoriales organisent l’information à destination de l’ensemble des personnels concernés, afin d’expliciter les traitements et les gestes à prodiguer aux enfants atteints de troubles de la santé.

Notre mission, je le réaffirme, est d’assurer une scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction.

difficultés de scolarisation liées au manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 2082, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Alain Marc. De nombreuses familles sont confrontées à des difficultés de scolarisation liées au manque d’accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH. En effet, les élèves disposant d’une notification de la maison départementale des personnes handicapées demeurent sans accompagnement ou insuffisamment accompagnés au regard de leurs besoins spécifiques et de leur singularité.

Il peut arriver que ces élèves attendent des mois, voire des années, avant que soient affectés auprès d’eux les personnels grâce auxquels ils pourront évoluer et s’épanouir dans leur environnement scolaire.

Cette situation a des conséquences lourdement pénalisantes, non seulement pour les enfants, qui ne peuvent pas avoir accès à un enseignement adapté à leur handicap et qui subissent des retards d’apprentissage, mais également pour les parents, qui, en plein désarroi, renoncent à leur activité professionnelle afin de prendre en charge leur enfant.

Or la construction d’une école pleinement inclusive doit être une priorité absolue et offrir à tous les élèves une scolarisation de qualité. L’article L. 111-1 du code de l’éducation dispose que « le service public de l’éducation […] contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative. Il reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction […]. »

Aussi, il est particulièrement urgent d’agir en faveur de toutes ces familles d’enfants en situation de handicap. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre afin de garantir la scolarisation de chaque élève nécessitant un AESH ?