Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cela n’a strictement rien à voir, mais, tout à l’heure, Mme le rapporteur se posait la question de savoir si Juliette aimerait encore Roméo si Roméo changeait de nom.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Elle l’aimerait plus encore ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis d’accord avec vous, madame le rapporteur. Je tenais d’ailleurs à m’exprimer sur cette question précise. (Nouveaux sourires.)

Pour le reste, je suis également d’accord avec vous : cette possibilité est déjà ouverte dans le cadre du divorce par consentement mutuel. Le juge peut par ailleurs l’autoriser lorsque des intérêts professionnels sont en jeu. Je pense qu’il ne faut pas en faire un droit. C’est en tout cas ma vision.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 14.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 8 et n° 14
Dossier législatif : proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation
Article additionnel après l'article 2 - Amendements n° 12 rectifié,  n° 15 rectifié et n° 13 rectifié ter

Article 2

Le premier alinéa de l’article 61 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « N’est pas soumise à un tel intérêt la demande d’intervertir l’ordre de ses deux noms accolés choisi par ses parents, de substituer le nom de famille de l’un d’entre eux à son propre nom ou d’adjoindre à son nom, dans un ordre choisi, le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans la limite d’un nom de famille pour chaque parent. »

Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’article 2 est la disposition emblématique de cette proposition de loi de notre collègue député Patrick Vignal. Il est celui qui doit apporter la liberté de choisir son nom de famille une fois dans sa vie.

Les députés ont donc souhaité créer une procédure de changement de nom déclarative et décentralisée, afin de permettre à chaque Français majeur, sans qu’il ait à justifier de motif, d’exercer le choix dont disposent les parents à la naissance d’un enfant depuis le 1er janvier 2005.

Seraient ainsi indirectement satisfaites les demandes des personnes qui souhaitent abandonner le nom d’un parent avec lequel ils ont un passé douloureux ou ajouter le nom d’un parent pour lui rendre hommage.

La commission a estimé que les conséquences juridiques et pratiques de cette innovation étaient tout à fait incertaines. La question des mineurs, en particulier, a été occultée, alors que cette procédure reposant sur la simple volonté d’un parent entraînerait sans aucun contrôle un changement de nom automatique pour ces enfants de moins de 13 ans.

Nous avons considéré qu’il convenait de chercher un juste milieu entre la procédure de changement de nom par décret, qui est longue et très administrative, et dont l’organisation repose largement sur les services de l’administration centrale du ministère de la justice, et la procédure voulue par les députés et le garde des sceaux.

Je précise que la publication préalable au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales, que M. le garde des sceaux invoque comme symbole de la lourdeur administrative de la procédure de changement de nom actuelle, a un fondement réglementaire. Vous pourriez peut-être lever ce formalisme sans passer par une loi.

Mes chers collègues, la commission vous proposera tout à l’heure de créer une procédure de changement de nom spécifique pour laquelle le ministère de la justice pourra mettre en place une téléprocédure avec formulaire Cerfa, ce qui est, à mon sens, un gage de simplification.

La décision finale serait prise par un arrêté du garde des sceaux, et non plus par un décret du Premier ministre, comme il était initialement proposé, ce qui allégerait considérablement la procédure, cet aller-retour étant évité.

Pour empêcher toute demande irréfléchie, une confirmation de la demande initiale serait nécessaire au bout de trois mois. Il nous semble logique de prévoir un délai de réflexion de quelques mois, alors que n’importe quel consommateur dispose d’un délai de rétractation après un achat.

Par ailleurs, afin de protéger les enfants mineurs de cet effet ricochet du changement de nom de l’un de leurs parents, une telle procédure simplifiée serait ouverte aux seuls majeurs, mais avant la naissance de leurs enfants ou une fois leurs enfants âgés de plus de 18 ans.

Mme le président. L’amendement n° 24, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. L’article 2 prévoit la création d’une procédure de changement de nom déclarative et décentralisée, afin de permettre à chaque Français majeur de changer de nom à l’état civil beaucoup plus facilement, à condition, toutefois, que ce changement consiste en une adjonction ou une substitution du nom de l’un des parents, ou encore en une interversion de nom double.

Il existe cependant d’ores et déjà une procédure permettant de changer de nom de famille, avec, en l’état, des garde-fous.

Le dispositif proposé par le présent article est susceptible d’introduire un désordre généalogique, alors même que l’état civil est et doit demeurer une source de stabilité. Ce n’est pas du tout une question accessoire, comme j’ai pu l’entendre tout à l’heure lors de la discussion générale. L’état civil est même constitutif de notre identité et participe de notre construction personnelle.

Par ailleurs, l’élément central de la doctrine dite « de l’état de droit » réside dans l’impératif de sécurité juridique, c’est-à-dire de généralité, de stabilité et de publicité de la norme.

Dès lors, ce texte appelle un certain nombre de questions. Quelles seront les répercussions pour les services de l’État ? Quelles conséquences sur la paix des familles aura cette nouvelle liberté ? Combien de contentieux la justice devra-t-elle supporter ?

Enfin, cette réforme comporte un vice initial regrettable, monsieur le garde des sceaux : pourquoi le Gouvernement n’en a-t-il pas assumé l’initiative, ne serait-ce que pour apporter les garanties formelles d’un projet de loi au travers de l’étude d’impact, qui fait ici défaut ?

Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer cet article.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, vous voulez supprimer l’article 2, mais nous avons retravaillé ce dispositif pour en faire une procédure centralisée qui garde un certain formalisme. Je pense que l’on ne parle pas assez des vertus du formalisme…

Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 30 de la commission, qui tend à proposer une nouvelle rédaction cet article. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je suis assez surpris de votre dernier argument.

Vous vous étonnez, au fond, que je soutienne un texte qui est une initiative parlementaire. C’est curieux ! Je rappelle que vous avez vous aussi un droit d’initiative en matière législative. D’ailleurs je pense avoir ici défendu avec ferveur la proposition de loi de Mme Billon, devenue la loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, par exemple. Je me suis aussi associé à un texte sur les conditions indignes de détention qui était porté, sauf erreur de ma part, par M. le président de la commission des lois.

Vous devriez au contraire vous féliciter de ce que le Gouvernement soit sensible au travail parlementaire !

Pour le reste, vous comprendrez évidemment que je sois totalement défavorable à votre amendement, puisqu’il vise à mettre en pièces ce texte, auquel je crois. Ce n’est pas plus compliqué que cela, et, dans ces conditions, point n’est besoin de disserter davantage, monsieur le sénateur.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je suis tout prêt à entendre notre rapporteur, qui nous dit qu’elle a apporté quelques garanties formelles, ce qui est tout à fait vrai.

Monsieur le garde des sceaux, vous me reprochez d’oublier que le Parlement dispose d’un droit d’initiative. Je ne l’ignore pas, mais il n’empêche que ces deux véhicules législatifs n’ont pas tout à fait la même valeur en l’espèce.

Vu l’importance de la réforme qui nous occupe aujourd’hui, le Gouvernement aurait dû prendre l’initiative d’un projet de loi, avec une véritable étude d’impact qui nous permette d’en évaluer les conséquences à moyen et long termes.

À mon sens, c’est le défaut initial de ce texte, et, quels que soient les réserves ou l’enthousiasme que cette réforme peut vous inspirer, on ne peut aujourd’hui prédire avec précision les conséquences dans les prochains mois et les prochaines années, de cette liberté nouvelle que vous alléguez à chacune de vos interventions.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l’article 311-21. » ;

2° Après le mot : « fixées », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « au présent article s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de treize ans et sous réserve de leur consentement au-delà de cet âge. »

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. L’amendement n° 28 rectifié a pour objet de rétablir quasiment à l’identique la formulation proposée par l’Assemblée nationale pour simplifier la procédure de changement de nom, qui aujourd’hui est fastidieuse et longue et qui passe par un décret.

Je sais que la commission des lois a supprimé l’exigence d’un intérêt légitime pour changer de nom dans certains cas. Mais, avec la procédure actuelle, aucun délai légal n’est imparti à la direction des affaires civiles et du sceau pour rendre sa décision. Aussi, les personnes peuvent attendre jusqu’à six ans.

Les délais sont incommensurables ; le demandeur n’est pas informé de l’avancement de son dossier ; l’administration peut bloquer des demandes sans raison apparente. Au fond, on voit bien que cela ne marche pas très bien, puisque peu de gens parviennent à changer de nom chaque année.

La possibilité de simplifier et de décentraliser le changement de nom est vraiment la disposition phare du texte. Le cadre proposé est tout de même assez strict, puisque la procédure est réservée aux parents, les enfants mineurs étant exclus. Rassurez-vous, nous ne sommes pas en train de forger un monde où chacun pourrait prendre le nom de sa voisine ou de son ex-copine du collège ! La simplification des conditions me paraît vraiment indispensable.

C’est pourquoi nous demandons le retour au texte de l’Assemblée nationale.

Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 22 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 26 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l’article 311-21. Sans préjudice de l’article 61, ce choix ne peut être fait qu’une seule fois. » ;

2° Après le mot : « fixées », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « au présent article s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de treize ans et sous réserve de leur consentement au-delà de cet âge. »

La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 22.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avec cet amendement, je propose de rétablir le dispositif de la proposition de loi, telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, avec un ajustement.

Sur le cœur du dispositif, à savoir le changement de nom de famille, votre commission a refusé purement et simplement la réforme.

La proposition initiale permettait à un adulte de substituer ou d’ajouter à son nom le nom du parent qui ne lui a pas été transmis, et cet amendement tend à rétablir cette possibilité, avec la modification suivante : par un renvoi à l’article 311-21 du code civil, la rédaction proposée clarifie les possibilités ouvertes par la proposition de loi.

Ainsi, le nom qui pourra être choisi correspond à l’un des noms permis en application de cet article, sans limiter le dispositif aux seuls enfants qui sont nés après 2005. La procédure de changement de nom par décret, longue et bureaucratique, je le répète, se justifie pleinement dès lors qu’il s’agit de prendre un nom qui n’est pas celui de l’un ou de l’autre des parents, et tel n’est pas le cas ici.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à adopter cet amendement de rétablissement.

Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.

M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 2 porte cette impérieuse nécessité de faciliter la mise en œuvre de la volonté de certaines personnes de ne plus porter le nom du parent qui leur a transmis, pour des motifs affectifs, de violence ou de délaissement parental, notamment.

Le texte de notre commission s’est rabattu sur la seule exonération pour ces demandes de l’exigence de justification des motifs légitimes, tout en conservant l’application de la procédure par décret en vigueur, une procédure longue, complexe, intrusive et mal adaptée à ces situations douloureuses.

Pourtant, à rebours de toute idée d’un état civil à la carte, le texte de l’Assemblée nationale limitait l’application de la procédure simplifiée aux seules demandes tendant, pour la personne majeure, à prendre le nom du parent qui n’a pas transmis le sien. Il s’inscrivait ainsi dans le strict cadre familial et dans la filiation.

Cette simplification était en outre cohérente avec le droit en vigueur s’agissant de la dévolution du nom. Elle ne faisait ainsi pas entrer dans l’inconnu les officiers de l’état civil, comme cela a été précisé.

Enfin, des garanties étaient prévues : la possibilité de changer de nom pour prendre le nom du parent qui n’a pas transmis le sien ne pouvait être mise en œuvre qu’une seule fois sur le fondement de cette procédure simplifiée et l’officier d’état civil pouvait, en cas de difficulté, saisir le procureur de la République.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons donc de rétablir l’article 2 dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, sous réserve d’un ajustement permettant d’en simplifier la rédaction.

Mme le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Bourgi, Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et Sueur, Mmes Artigalas et Monier, M. Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom, par inversion de l’ordre des noms choisi par les parents, par substitution ou adjonction à son propre nom du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans l’ordre choisi par elle, dans la limite d’un nom de famille pour chacun des parents. Sans préjudice de l’article 61, ce choix ne peut être fait qu’une seule fois. » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « aux quatre premiers alinéas s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de treize ans » sont remplacés par les mots : « au présent article s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire si celui-ci en fait explicitement la demande lorsque lesdits enfants sont âgés de moins de treize ans et sous réserve de leur consentement dans le cas contraire » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret précise quel service d’état civil est compétent pour traiter les demandes émanant des Français nés à l’étranger ainsi que celles des Français vivant à l’étranger. »

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Il s’agit, comme l’ont indiqué les auteurs des amendements précédents, d’en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, en précisant deux choses.

La première, c’est que l’autorisation explicite doit être demandée aux enfants de moins de 13 ans. Aujourd’hui, vous le savez, lorsque des parents se séparent, il est de plus en plus courant que l’avis des enfants soit requis pour ce qui les concerne, que ce soit l’éducation ou l’organisation du mode de garde. Il nous semble donc normal que les enfants, qui sont en construction à cet âge-là, puissent être associés à cette démarche et qu’ils n’apprennent pas du jour au lendemain qu’ils ont un nouveau nom, car l’un de leurs parents en a décidé ainsi.

La seconde précision que nous avons souhaité apporter concerne les Français résidant à l’étranger, mais notre collègue Yan Chantrel, sénateur représentant les Français établis hors de France, aura l’occasion d’y revenir tout à l’heure.

Mme le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 61-3-1 du code civil est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne majeure peut demander à l’officier de l’état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom, par inversion de l’ordre des noms choisi par les parents, par substitution ou adjonction à son propre nom du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans l’ordre choisi par elle, dans la limite d’un nom de famille pour chacun des parents. Sans préjudice de l’article 61, ce choix ne peut être fait qu’une seule fois. » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « aux quatre premiers alinéas s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de treize ans » sont remplacés par les mots : « au présent article s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils sont âgés de moins de treize ans et sous réserve de leur consentement dans le cas contraire ».

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Une récente étude de l’IFOP vient de nous prouver à quel point ce texte répond aux attentes d’un grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens : 22 % d’entre eux souhaiteraient changer de nom si cette loi leur en donnait la possibilité.

Un autre point relevé par l’étude est particulièrement frappant : alors que, dans 82 % des cas, le nom du père est transmis à la descendance, les personnes exprimant leur souhait de changer de nom le feraient, pour 47 % d’entre elles, afin de prendre celui des deux parents ; 23 % le feraient pour le nom du père et 30 % pour celui de la mère, ce dernier cas atteignant 45 % pour les 18-24 ans.

Faciliter le changement de nom, c’est donc répondre à une véritable attente sociétale. C’est aussi donner aux femmes toute la place qui leur revient. Les Françaises et les Français le demandent, surtout les plus jeunes.

Or, vous le savez, la procédure actuellement en vigueur est, selon les mots mêmes du ministre de la justice, « longue et humiliante », en plus d’être coûteuse, dissuasive et, dans 35 % des cas, non concluante.

L’article 2 adopté par nos collègues à l’Assemblée nationale allait dans le bon sens. La commission des lois du Sénat ne devrait pas rester sourde aux besoins de changement dans notre société. En le rejetant, elle a fait perdre à ce texte toute sa substance, notamment en supprimant la possibilité de recourir à la procédure simplifiée déclarative.

Je demande donc par cet amendement de réintroduire cette procédure, qui, contrairement à ce que certains de mes collègues avancent, ne met pas en péril le bon fonctionnement de notre état civil.

Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les masques doivent se porter sur le nez !

L’amendement n° 30, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 61-3-1 du code civil, il est inséré un article 61-3-… ainsi rédigé :

« Art. 61-3-…. − Toute personne majeure peut demander à changer de nom en vue de porter l’un des noms prévus par les premier et quatrième alinéas de l’article 311-21. La demande est transmise au ministre de la justice et confirmée trois mois après son dépôt. Elle n’est pas recevable lorsque le demandeur a des enfants mineurs.

« Sans préjudice de l’article 61, cette faculté ne peut être exercée qu’une seule fois.

« Le changement de nom est autorisé par arrêté du ministre de la justice. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Chers collègues, je vous ai déjà plus ou moins présenté cet amendement. La commission propose une solution médiane pour assouplir cette procédure de changement de nom, tout en conservant le formalisme et en maintenant un caractère centralisé.

Ce qui m’importe, en l’occurrence, c’est que l’intérêt des enfants soit préservé : la décision serait prise uniquement par des adultes et ne pourrait pas les concerner, puisque, soit ils ne seraient pas nés, soit ils auraient plus de 18 ans.

J’en viens aux autres amendements en discussion.

L’amendement n° 28 rectifié, les amendements identiques nos 22 et 26 rectifié et les amendements nos 10 et 6 visent tous, peu ou prou, à rétablir la rédaction de l’article 2 issue de l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 28 rectifié de Mme Vogel tend à supprimer la limitation de l’usage de cette procédure simplifiée à une fois dans la vie, ouvrant ainsi la possibilité de plusieurs changements de noms successifs.

Les amendements identiques nos 22 et 26 rectifié du Gouvernement et de M. Mohamed Soilihi ont pour objet de préciser quel nom pourra être choisi, tout en maintenant la limite d’un seul changement.

Avec l’amendement n° 10, Hussein Bourgi entend limiter l’effet ricochet du changement de nom sur les enfants mineurs au seul cas où le demandeur en fait la demande expresse. Il ajoute également une disposition visant à ce qu’un décret désigne précisément les services de l’état civil compétents pour les Français nés à l’étranger ou résidant à l’étranger.

Enfin, avec l’amendement n° 6, Mme Benbassa reprend à l’identique la rédaction issue de l’Assemblée nationale.

Je ne vais pas revenir sur la position de la commission, que je viens de vous exposer.

Je relève qu’Hussein Bourgi a tenté de répondre à la question des mineurs : le changement de nom ne serait plus automatique pour les enfants de moins de 13 ans du demandeur ; c’est à la demande expresse de ce dernier qu’il en serait ainsi. Toutefois, cette option ne semble pas apporter une sécurité suffisante aux enfants, qui pourraient se retrouver dans des situations où ils ne portent plus le nom ni de leur père ni de leur mère. Je me demande vraiment si c’est mieux !

En résumé, la commission émet un avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis évidemment favorable aux amendements identiques nos 22 et 26 rectifié et défavorable à tous les autres.

Mme le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Je souhaite intervenir en soutien à l’amendement n° 10, dont certaines dispositions sont relatives aux Français nés à l’étranger ou vivant à l’étranger.

Tout d’abord, vous l’imaginez bien, mes chers collègues, les lourdeurs et les difficultés qu’entraînent les rigidités actuelles du code civil sont décuplées pour les Français établis hors de France qui souhaitent changer de nom ou adopter le patronyme de leur deuxième parent. C’est notamment le cas pour celles et ceux à qui l’on demande de faire la preuve d’un intérêt légitime, alors même que c’est souvent une pratique courante et bien plus facile dans les pays où ils résident. Les témoignages que nous recevons en la matière sont légion.

Ensuite, il existe une seconde difficulté bien plus spécifique aux Français établis hors de France : savoir quel service d’état civil est compétent pour traiter leur demande.

En effet, les Français établis hors de France subissent les transferts des services d’état civil des consulats européens vers la France, tout comme, d’ailleurs, les suppressions d’emplois dans les postes consulaires, et, bientôt, la suppression même des métiers de la diplomatie. Ce délitement, accentué sous ce quinquennat, rend les procédures d’état civil pour les Français établis hors de France de plus en plus difficiles depuis 2017.

Pour rappel, les services consulaires ne sont plus dépositaires des actes d’état civil, qui sont désormais transférés au service central d’état civil (SCEC), à Nantes, un service qui n’a pas d’officier d’état civil et qui fait seulement fonction de dépositaire.

Cette proposition de loi nous donne donc la possibilité de préciser quel service d’état civil est équivalent à la mairie pour les Français nés à l’étranger.

La centralisation à Nantes semble l’option la plus intéressante, à la condition qu’il y ait un officier d’état civil dépositaire de cette compétence et que soit mise en place une procédure permettant de transmettre les demandes via les postes consulaires ou de manière décentralisée, afin de contourner les problèmes liés aux services postaux, inexistants ou dysfonctionnels dans certains pays et d’éviter l’exclusion de concitoyens touchés par la fracture numérique.

Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Je vais aller dans le sens de la sagesse exprimée par Mme le rapporteur.

Monsieur le garde des sceaux, il ne faudrait pas que j’aie plus de difficultés administratives pour déclarer le fusil de chasse que mon grand-père m’a légué voilà trente ans que pour changer de nom ! (Sourires.)