Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture traite de la protection des enfants face à des contenus violents, pornographiques et haineux sur internet, ce qui est loin d’être anecdotique. Le texte se trouve à l’intersection de plusieurs sujets d’importance comme le libre accès à internet, la nécessaire protection des enfants, la liberté des choix éducatifs ou encore la protection des données. Son objectif principal est simple : prévoir la présence d’un dispositif de contrôle parental préinstallé sur les terminaux permettant l’accès à internet.

Le fonctionnement du dispositif, ses spécificités techniques, le nécessaire contrôle de l’application de la mesure, la certification, tout cela est renvoyé à un décret en Conseil d’État.

Je me réjouis que la navette ait utilement enrichi ce texte. Elle a permis d’ajouter en première lecture la nécessaire protection des utilisateurs des terminaux pour que leurs données ne soient ni commercialisées ni utilisées à des fins de marketing, ce qui est loin d’être un détail, car nous connaissons l’avidité des Gafam pour ces précieuses données et leur ingéniosité à utiliser tous les moyens possibles pour les collecter.

Je me réjouis également que nos amendements concernant les terminaux vendus sans système d’exploitation, qui avaient été rejetés au Sénat, aient finalement été repris en commission mixte paritaire. Protéger le secteur de la vente des terminaux sans système d’exploitation (OS) est en effet un impératif. Il s’agit certes d’un marché limité, voire d’un marché de niche, mais celui-ci est crucial pour un grand nombre d’utilisateurs très attachés aux libertés individuelles en ligne.

Nous saluons également le fait que le texte consacre la liberté des utilisateurs de désinstaller le logiciel de contrôle parental s’ils n’en ont pas l’usage. Là encore, la mesure n’a rien d’anecdotique, puisque maintenir une couche logicielle inutile sur un smartphone consomme de la mémoire, réduit l’usage qui peut en être fait et, in fine, influence grandement la décision de l’utilisateur de remplacer ce terminal.

L’impact environnemental des pratiques numériques provient majoritairement de la consommation indécente des matières premières, en particulier des terres rares, nécessaires pour fabriquer nos appareils. Tout ce qui permet de prolonger la durée de vie des terminaux est donc une avancée.

Vous l’aurez compris, nous voterons pour cette proposition de loi, pour défendre son objectif initial et ses améliorations successives.

Cependant, on ne peut pas parler de contrôle parental sans évoquer l’éducation au numérique, qui apparaît comme la clé de tout. Nous en avons déjà débattu lors de l’étude de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire. C’est la mère de toutes les batailles dès lors que l’on veut protéger les enfants.

Non, la promesse naïve du progrès numérique sans limites, de l’innovation forcément vertueuse des licornes ne doit pas être le fondement de notre politique éducative. Il est nécessaire de développer l’esprit critique de la jeunesse à l’égard du numérique. En effet, comment utiliser internet, quel contenu éviter, quelle exposition aux écrans autoriser ? Comprendre et déconstruire le fonctionnement des algorithmes, lutter contre la désinformation et le harcèlement, tout cela s’apprend.

Faire entrer non seulement le numérique à l’école, mais aussi le questionnement sur ses usages, ses dangers et ses limites, voilà qui devrait être un objectif partagé par tous. Ce que nous voulons, c’est l’éducation populaire au numérique.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après la proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public, nous abordons un sujet que l’on peut qualifier de complémentaire et qui illustre la place croissante que prennent internet et les outils numériques dans notre quotidien, de manière toujours plus précoce.

Si le contrôle parental n’est pas une solution miracle, il est néanmoins un outil utile pour réduire le risque d’accéder à des contenus inappropriés, voire dangereux, ce qui se produit souvent de manière involontaire pour les plus jeunes. Aujourd’hui, un nombre trop important de parents sont démunis : seulement 45 % des enfants de 6 à 10 ans sont protégés par un outil de contrôle parental, et encore, pas sur l’ensemble des équipements qu’ils utilisent.

Cette proposition de loi qui vise à faciliter l’usage du contrôle parental est donc bienvenue. Elle constitue un élément important dans la politique de prévention des usages non seulement d’internet, mais aussi des écrans, comme cela a été précisé au Sénat.

Nous considérons que le texte issu des travaux de la CMP est équilibré : l’information des parents est confortée ; cet outil de contrôle n’est pas automatiquement activé et doit pouvoir être désactivé ; enfin, la mesure prévoyant la distinction entre les fabricants d’équipements et les fournisseurs de systèmes d’exploitation, que le Sénat a ajoutée, a été conservée afin de permettre la responsabilisation de chaque acteur et actrice.

Certes, il faut aussi rappeler, comme le souligne la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), que « certaines fonctionnalités assez intrusives tendent à transformer le contrôle parental en une forme de surveillance qui comporte certains risques : le risque d’altérer la relation de confiance entre les parents et le mineur […] ; le risque d’entraver le processus d’autonomisation du mineur […] ; le risque d’habituer le mineur à être sous surveillance constante. »

Toutefois, comme nous l’avions dit en première lecture, les enfants ne sont pas des utilisateurs comme les autres. À ce titre, plus ils sont jeunes, plus ils doivent être protégés et informés face à la multiplication de contenus dangereux ou inappropriés. Pornographie, violence, contenus haineux, cybermalveillance, jeux d’argent, la liste des contenus pouvant avoir un effet délétère sur les enfants et les adolescents est toujours plus importante.

Le modèle économique d’internet étant basé sur la rétention de l’attention, la publicité, donc l’audience, conduit à ce que ces contenus soient de plus en plus faciles d’accès et gratuits. De la même manière, les mineurs doivent être protégés d’une exposition trop importante aux écrans, elle-même addictive. Il s’agit non seulement d’une question sociétale majeure, mais aussi d’un enjeu de santé publique.

De plus, le Sénat a insisté sur la nécessité de protéger les données personnelles des mineurs. Ce sujet est central tant les enfants font l’objet d’un ciblage publicitaire et de techniques de marketing féroces.

Certes, la loi ne réglera pas tout ; il est indispensable d’encourager les actions de prévention, notamment en milieu scolaire, et de mettre en œuvre une démarche globale d’accompagnement des usages numériques des enfants, en particulier autour des contenus.

Toutefois, nous pensons que les travaux de nos assemblées ont produit un texte équilibré, permettant un meilleur accompagnement des familles. C’est pourquoi nous voterons en faveur des conclusions de cette CMP et nous saluons le travail de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi quau banc des commissions – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste.

Mme Amel Gacquerre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la séance du 9 février 2022, le Sénat a voté les apports de notre commission des affaires économiques sur la proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur internet. L’équilibre trouvé et validé dans le cadre de la commission mixte paritaire reprend les principales avancées du Sénat : nous pouvons nous en féliciter.

J’ai l’honneur de faire partie de cette assemblée depuis seulement quelques semaines. Il s’agit de ma première expérience comme chef de file pour le groupe Union Centriste, et ce sur un texte dont le sujet est majeur, puisqu’il s’agit de la protection des enfants face aux dangers du numérique. L’enjeu dépasse l’esprit partisan et je me réjouis d’avoir assisté à un travail collaboratif et constructif avec les députés et le Gouvernement. Je remercie en particulier notre rapporteure Sylviane Noël d’avoir porté nos réflexions communes.

Les apports du Sénat ont été substantiels. De manière synthétique, j’en citerai quelques-uns, notamment l’interdiction d’utiliser les données personnelles des enfants à des fins commerciales, ce qui est essentiel pour leur protection ; l’intégration de l’amendement de notre collègue Catherine Morin-Desailly visant à prévenir le danger à la surexposition précoce des enfants aux écrans ; la garantie de pouvoir acquérir sur le marché des équipements dits « nus », exempts de systèmes d’exploitation et de contrôle parental, pour répondre à l’inquiétude des professionnels et des particuliers qui font ce choix ; enfin, la responsabilité engagée du revendeur de matériel d’occasion, qui devra s’assurer de la présence d’un logiciel de contrôle parental.

Le contrôle parental sera donc un outil supplémentaire pour protéger nos enfants des dangers de l’internet.

Je souhaite accompagner nos travaux d’une réflexion sur les effets néfastes de l’exposition des tout-petits aux outils connectés. Pour l’illustrer, je citerai la pédiatre Anne-Lise Ducanda, qui nous explique que, « quand un écran s’allume, un enfant s’éteint ». Oui, plus de 5 000 études prouvent que la présence d’objets connectés a des effets délétères sur les tout-petits. Elles démontrent ainsi que le cerveau, lorsqu’il est privé des bonnes stimulations, peine à créer de bonnes connexions cérébrales.

Les appareils à écran dans l’environnement de l’enfant, y compris ceux des parents et de la famille, captent fortement l’attention de celui-ci. Cela bouge, cela fait du bruit et l’enfant est privé de ses besoins vitaux… Éloignés de la vie réelle et des interactions humaines, de plus en plus de jeunes enfants montrent des troubles de l’attention et de l’oralité, et développent des comportements agressifs ainsi qu’un retard cognitif ou de motricité.

Les pédopsychiatres et les infirmières scolaires tirent la sonnette d’alarme depuis des années, tant ils relèvent d’effets néfastes accrus sur les enfants soumis à la violence des images ou des vidéos.

La question de la mise en garde des parents, qui est au fondement de ce texte, est importante, mais quels moyens avons-nous de la mettre en œuvre ? Il nous faut encore réfléchir à des mesures d’accompagnement, tel est notre rôle de législateur.

Comme je le développais dans ma précédente intervention, au-delà des sites déjà existants de sensibilisation des parents, l’accompagnement pédagogique de l’enfant est essentiel. Il est nécessaire de favoriser le dialogue avec les plus jeunes et de développer leur sens critique quant au bon usage d’internet dès un âge précoce. Pour cela, l’école est un lieu opportun.

Je souhaite rappeler brièvement mes deux propositions, celle de réévaluer et de repenser le dispositif du « permis internet », déjà expérimenté en classe de CM2, et de le rendre obligatoire afin de former nos enfants à l’éducation numérique dès le primaire.

Dans la mesure où la loi, une fois votée, s’appliquera dans un cadre ciblé, il sera également nécessaire de sensibiliser et de développer le sens critique de nos enfants à l’égard de nouvelles technologies extrêmement évolutives, tels les robots et l’intelligence artificielle.

À l’issue du vote de ce texte, monsieur le secrétaire d’État, nous devrons continuer de nourrir notre réflexion, notamment sur les conséquences de l’article 2, qui prévoit de nous en remettre à l’Agence nationale des fréquences (ANFR) pour procéder au contrôle du respect par le fabricant et les distributeurs des obligations du dispositif voté. L’agence disposera-t-elle de tous les moyens nécessaires ?

Enfin, la question de la protection des enfants et de la stratégie employée pour cela doit bien évidemment se poser au niveau européen. Du fait de la libre circulation des biens et des personnes, il paraît essentiel d’harmoniser ce type de mesures au niveau de l’Union européenne. Voilà un sujet de plus à traiter dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.

Le groupe Union Centriste se félicite toutefois du pas franchi aujourd’hui et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, concilier la neutralité du web et la protection des mineurs face aux dangers de la toile, tel était l’objectif de cette proposition de loi et je me réjouis de l’issue conclusive de la commission mixte paritaire.

Lors de la première lecture, j’avais insisté sur plusieurs éléments : tout d’abord sur la forte présence des 11-14 ans sur internet et sur les multiples possibilités de contourner le contrôle parental – nous ne réglerons pas cela aujourd’hui ; ensuite, sur les dangers réels que les mineurs et les jeunes majeurs encourent avec l’ubérisation de la prostitution, phénomène nouveau, mais qui prend une ampleur considérable, conduisant de jeunes filles exploitées par des proxénètes à vendre leur corps sur les réseaux sociaux.

Cet état de fait, nous le constatons et nous le dénonçons depuis de nombreuses années sur ces travées, sans toutefois trouver de solution miracle pour y remédier et protéger nos adolescents.

En ce qui concerne l’effectivité de cette proposition de loi, je le répète, le droit ne peut pas tout. La lutte contre les différentes dérives d’internet n’est possible qu’avec davantage de moyens accordés à la sensibilisation des parents comme des enfants.

Quant au cœur du texte, nous restons pleinement favorables à l’article 1er, qui prévoit l’obligation pour les fabricants d’installer un système de contrôle parental.

Nous saluons la bonne tenue de cette CMP, qui a permis de conserver en grande partie la rédaction du Sénat, notamment sur l’amélioration des dispositifs de prévention des fabricants à destination des usagers ou sur la protection des données personnelles des mineurs.

Au sujet de l’accessibilité du dispositif, rappelons que c’est la principale condition de sa réussite. La gratuité prévue à l’article 3 est donc bienvenue : toute personne qui souhaitera se saisir du dispositif pourra ainsi en bénéficier.

Finalement, nous aboutissons à un texte équilibré, qui responsabilise aussi bien les fournisseurs des systèmes d’exploitation que les fabricants, tout en garantissant les droits des consommateurs. Il nous reste donc à attendre le verdict de la Commission européenne quant à sa conformité au droit de l’Union européenne et au principe du bon fonctionnement du marché intérieur.

La période que nous connaissons et les élections à venir doivent nous mobiliser dans la lutte contre la propagation des contenus haineux et des fake news, en particulier contre les effets qu’ils peuvent avoir sur les plus jeunes.

Nous sommes conscients que cette proposition de loi ne réglera pas tout, mais elle est un pas supplémentaire pour faire évoluer la situation. Aussi le groupe RDSE approuvera les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie l’auteur de cette proposition de loi sur le contrôle parental de son initiative particulièrement pertinente au regard des évolutions technologiques des terminaux qui sont aujourd’hui à la disposition de nos enfants mineurs et de leurs usages.

Je rappellerai ici deux chiffres : 92 % des 12-17 ans ont un téléphone portable, mais, plus troublant encore, pour 35 % des parents interrogés, il paraît difficile de restreindre le temps d’écran d’un enfant de moins de 14 ans.

Face à ces usages et pratiques de plus en plus précoces, seuls 46 % des parents indiquent avoir mis en place des solutions de suivi de l’activité de leur enfant.

De fait, le contrôle parental est un moyen, même le moyen essentiel, de protéger l’enfant de l’exposition aux contenus violents, aux sites internet non adaptés ou aux adultes mal intentionnés, autant de situations auxquelles les plus jeunes ne sont pas forcément préparés. Si ce contrôle ne doit pas se substituer à la discussion avec les adultes responsables sur les dangers d’un temps d’écran trop long et de la consultation de contenus dérangeants, voire malveillants, il reste nécessaire que des réglages et des logiciels y contribuent.

La présente proposition de loi prévoit que les équipements ou services permettant d’accéder à internet fassent l’objet d’obligations renforcées afin de rendre plus systématique, simple et convivial l’usage par les parents des dispositifs de contrôle. Elle est adaptée aux pratiques numériques de nos enfants et de nos adolescents. Elle cible une grande diversité d’appareils qui permettent d’accéder à internet, qu’il s’agisse des smartphones, des tablettes, des ordinateurs, des consoles de jeux vidéo ou de certains objets connectés, tout en incluant les appareils reconditionnés.

Nos échanges au Sénat ont permis de répondre à plusieurs interrogations. La question de la commercialisation des équipements sans système d’exploitation a été soulevée. Une précision utile, qui a permis de clarifier le sujet, a été apportée et cette commercialisation demeure possible.

Sur la question de la désinstallation du dispositif de contrôle parental, le Sénat, après en avoir là encore explicitement débattu, est parvenu à trouver un équilibre entre les contraintes des acteurs économiques et la nécessité de faire progresser les droits des utilisateurs. La désinstallation doit être gratuite pour l’utilisateur lorsqu’elle est techniquement possible, ce qui n’est pas toujours le cas, notamment lorsque le contrôle parental est directement intégré dans les paramètres.

Dans le cas où le fabricant est aussi le fournisseur du système d’exploitation, il lui appartient d’intégrer un dispositif de contrôle parental à ses équipements terminaux. En revanche, lorsqu’il sous-traite entièrement cette tâche à un tiers, alors il semble logique que ce tiers soit responsable de l’intégration d’un tel dispositif. Il certifiera alors au fabricant que son système d’exploitation est conforme à la loi, à charge pour ce dernier de communiquer ce certificat aux autres acteurs de la chaîne économique.

Dans son habituelle sagesse, le Sénat a souhaité que les fabricants contribuent à la diffusion de l’information disponible sur les risques liés à l’exposition précoce des enfants aux écrans. La mesure fait reposer une obligation somme toute modérée, mais très utile sur les fabricants, dès lors que celle-ci ne se traduit pas par un marquage de l’ensemble des appareils vendus en France, ce qui ne serait pas conforme au droit de l’Union européenne.

En outre, le Sénat a renforcé la protection des données à caractère personnel des personnes mineures. Le sujet est important, car nos enfants et nos adolescents naviguent de plus en plus jeunes et de façon de plus en plus autonome sur internet, sans toujours être conscients de ce qu’ils acceptent.

Enfin, l’article 3 bis, introduit par le Sénat, conditionne l’entrée en vigueur du texte à la réponse de la Commission européenne attestant sa conformité avec le droit de l’Union européenne. Le texte final sera donc de nouveau notifié à la Commission européenne afin de s’assurer de sa compatibilité avec le bon fonctionnement du marché intérieur.

Par conséquent, au nom de l’intérêt de l’enfant, de sa protection et de celle de l’adulte qu’il deviendra, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se félicitent de l’issue donnée par le Parlement à cette proposition de loi. Ils voteront en faveur des conclusions de cette CMP. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Evrard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Marie Evrard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quinze jours seulement après l’examen en première lecture, nous nous retrouvons, prêts à apposer notre signature commune en bas de ce texte, bientôt promulgué : c’est peu dire que le Sénat et l’Assemblée nationale ont développé des approches identiques pour offrir la meilleure protection possible à nos enfants et à nos adolescents devant leurs écrans.

Il y a urgence : selon un rapport de 2017 de Santé publique France, les enfants passent en moyenne quatre heures et onze minutes par jour devant les écrans, bien plus que le temps recommandé par les spécialistes du sujet. Ils peuvent donc voir beaucoup de choses !

L’objet de cette proposition de loi est précisément d’empêcher les enfants d’accéder à des contenus « susceptibles de porter atteinte à leur intégrité morale ou physique ».

Les sites pornographiques sont évidemment les premiers visés. Je pense également à l’ultraviolence, ainsi qu’au harcèlement sur les réseaux sociaux et les messageries. La toile multiplie les contenus et interactions directement accessibles aux plus jeunes.

Il ne s’agit pas ici de mettre fin à certains contenus haineux ; cela sera l’objet de défis à venir. À cet égard, les travaux de la députée Laetitia Avia doivent nous inspirer.

La présente proposition de loi peut s’assimiler à une clé transmise aux parents pour interdire, s’ils le souhaitent, certains accès à leurs enfants. Sur ce point, elle apporte des réponses salutaires.

Les modalités d’approche conviennent tant à nos collègues députés qu’au Sénat, dont les apports ont d’ailleurs été nombreux et bénéfiques. J’en profite pour saluer les travaux transpartisans de notre rapporteure, élaborés dans des temps particulièrement contraints.

Comme vous le savez, ce texte impose que soit proposée l’activation d’un contrôle parental lors de la mise en service des terminaux permettant d’accéder à internet. Tous les outils sont ciblés : les téléphones, les tablettes, les ordinateurs, les télévisions connectées, les consoles, mais aussi les appareils d’occasions reconditionnés – une belle avancée obtenue par le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. Tous les systèmes d’exploitation sont également concernés – Mac OS, iOS, Android, Windows ou Linux.

Les fournisseurs de systèmes d’exploitation sont responsabilisés. Concrètement, un magasin n’aura pas le droit de distribuer un appareil sans proposer cette solution au démarrage. Toutefois, notre rapporteure a apporté une précision utile : les dispositions de cette proposition de loi ne s’appliqueront pas aux ordinateurs vendus sans système d’exploitation. Cela va dans le bon sens, car de nombreuses personnes craignaient que cette loi ne précipite la fin du marché des ordinateurs vendus « nus », sans système d’exploitation, qui sont appréciés des « libristes ».

Il est impossible d’évoquer la régulation du numérique sans évoquer le droit communautaire. Nous devons nous assurer que ce texte est bien compatible avec la législation européenne. Or une telle notification, effectuée après son dépôt à l’Assemblée nationale, pouvait paraître prématurée. Nous saluons donc l’insertion de l’article additionnel visant à notifier de nouveau la proposition de loi à la Commission européenne, gage essentiel de sécurité juridique.

Nous entendons le choix de ne pas retenir l’activation par défaut du contrôle parental, qui aurait restreint par principe l’accès à internet. Quel signal aurions-nous adressé au regard de nos libertés ? La question reste ouverte.

Pour conclure, notre groupe salue l’atterrissage en douceur de cette proposition de loi utile et gage de sécurité pour les parents. Toutefois, comme l’a très bien indiqué Bruno Studer, ce texte « ne remplacera jamais le rôle des parents dans le dialogue et la compréhension à l’égard de leurs enfants. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions. Mme Amel Gacquerre et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous réjouissons de l’accord trouvé sur ce texte lors de la commission mixte paritaire. Celui-ci n’est pas le fruit d’un simple consensus, mais bien d’une conviction commune : protéger nos jeunes face au danger du numérique, tout en leur permettant de continuer à profiter des possibilités que leur offre cette technologie.

Une autre proposition de loi que nous avons examinée aujourd’hui visait à renforcer la cybersécurité des Français en imposant la publication des résultats du diagnostic de sécurité. Nous avons amélioré l’information et la protection de tous nos compatriotes.

Le présent texte s’inscrit dans la même dynamique : il s’agit de préserver les jeunes internautes des contenus pouvant nuire à leur épanouissement. En 2019, une étude démontrait qu’en moyenne les enfants détenaient un smartphone dès l’âge de 10 ans. Compte tenu du développement intensif des technologies numériques, celui-ci devient une porte d’accès facile au vaste espace que constitue internet.

Ainsi, les enfants sont, en moyenne, exposés à des contenus qui ne leur sont pas destinés dès l’âge de 11 ans. À 12 ans, un tiers d’entre eux a déjà accédé à des contenus à caractère pornographique. Or nous savons bien que l’accès précoce et non préparé à la pornographie peut emporter des conséquences très graves sur la vie affective et sexuelle de nos adolescents.

Il existe également d’autres menaces, telles que le cyberharcèlement, de plus en plus répandu chez les mineurs, notamment par le prisme des réseaux sociaux. Près de 20 % des enfants de 8 à 18 ans ont déjà été confrontés à une situation de harcèlement via les réseaux sociaux, où la première inscription se fait en moyenne à l’âge de 8 ans.

Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en 2021, 82 % des enfants de 10 à 14 ans allaient sur internet sans leurs parents : il ressort de cette utilisation autonome du réseau l’impérieuse nécessité de mieux former les parents.

La présente proposition de loi imposera l’installation d’un contrôle parental dans les équipements permettant d’accéder à internet. Une fois celui-ci activé, les jeunes internautes ne pourront plus consulter des contenus susceptibles de leur porter préjudice. Cette fonctionnalité sera disponible sur tous les appareils, y compris ceux vendus d’occasion. Nous donnons ainsi des moyens aux parents de mieux protéger leurs enfants : à eux de s’en saisir. En effet, il reviendra aux parents d’activer la fonction de contrôle parental sur les dispositifs utilisés par leurs enfants. Sur l’initiative du Sénat, le texte précise en outre que les données personnelles recueillies lors de l’activation de cette fonction ne pourront pas faire l’objet d’une exploitation commerciale.

Ce texte constitue donc une étape supplémentaire visant à faire d’internet un espace civilisé et régulé. D’autres lois, notamment européennes, sont en cours de préparation. Ce travail est indispensable pour garantir la liberté et la sécurité de nos concitoyens dans le cyberespace.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est très attaché à ce qu’internet soit soumis aux mêmes règles que les autres espaces de notre République. Nous voterons donc en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. Permettez-moi de conclure en saluant le travail de Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions.)