M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour la réplique.

M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, cet enjeu est important, parce que les choses bougent. Ainsi, dans la partie sud de l’océan Indien, l’île Maurice se rapproche de l’Inde, la Chine a des visées sur les Seychelles et la Tanzanie, tandis que Madagascar flirte avec la Russie. Par conséquent, les collectivités doivent être associées à ces questions géostratégiques, mais pas seulement. Ainsi, comment pouvons-nous être crédibles si nous n’avons pas une vision globale ? Par exemple, les Comores bénéficient de notre aide au développement. Or l’on sait très bien que l’émigration clandestine y est très importante, comme elle l’est depuis le Suriname vers la Guyane. Ces enjeux sont essentiels.

(Mme Laurence Rossignol remplace M. Alain Richard au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, nos outre-mer permettent à la France de disposer d’une véritable richesse en matière de biodiversité marine. Ces territoires représentent ainsi 80 % de la biodiversité nationale et englobent des enjeux particuliers, comme la protection des coraux et des mangroves.

Cette biodiversité est pourtant plus que jamais menacée par le dérèglement climatique. Ces dernières années, l’acidification des océans liée au réchauffement climatique a engendré des épisodes de plus en plus importants et récurrents de blanchiment des coraux.

Entre 2009 et 2018, 14 % des coraux de la planète ont disparu, soit 11 700 kilomètres carrés.

Ces écosystèmes jouent un rôle essentiel de nurserie pour les poissons, et leur perte provoque d’ores et déjà un véritable effondrement de la chaîne alimentaire, qui se répercute sur l’accès à la nourriture, ainsi que sur les activités économiques, comme la pêche et le tourisme.

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), si le réchauffement climatique atteint 1,5 degré, entre 70 % et 90 % des récifs coralliens pourraient disparaître, ce taux atteignant 99 % si le réchauffement atteint 2 degrés.

Notre pays dispose de la deuxième zone économique exclusive au monde, qui représente 8 % des mers du globe. À ce titre, il est de notre responsabilité d’agir en faveur de la protection de la biodiversité et de ces zones.

Depuis 2010, la France a renforcé la création d’aires marines protégées, qui ne représentaient que 0,8 % de la zone économique exclusive en 2009, contre 24 % dix ans plus tard.

Néanmoins, le rapport de la mission d’information sénatoriale met en exergue le manque de moyens humains et matériels pour protéger de manière effective ces zones. Je souhaiterais donc connaître les actions menées par le Gouvernement pour protéger cette biodiversité menacée. Quels sont, concrètement, les moyens mis à disposition des aires marines protégées ? En fait, il s’agit de garantir notre souveraineté sur nos espaces maritimes, notamment avec le concours des forces armées, mais aussi de tous ceux qui agissent pour la préservation de la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez est au cœur de nos débats. Je vais donc m’efforcer de vous apporter des éléments de réponse supplémentaires.

Oui, les outre-mer ont un rôle exemplaire à jouer dans la protection de la biodiversité. L’objectif de classer 30 % des espaces terrestres et maritimes sous juridiction française en aires protégées a déjà été dépassé grâce à l’extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, qui, avec 1,5 million de kilomètres carrés, est désormais la deuxième plus grande aire marine protégée au monde. Il nous appartient désormais de les préserver.

Autre dossier : la protection des îles Éparses de l’océan Indien. Le parc naturel marin de Mayotte est le plus grand de France.

Notre pays entend poursuivre ses efforts en la matière, dans la perspective de la prochaine conférence des Nations unies sur les océans, que notre pays organisera et accueillera, en liaison avec le Costa Rica, pays exemplaire en matière d’écologie et de défense de l’environnement.

Dans la dynamique du One Ocean Summit organisé à Brest cette année, je m’attacherai à ce que les outre-mer y prennent toute leur place.

En relation avec Françoise Gaill et Olivier Poivre d’Arvor, nous tentons de mettre sur pied une sorte de « GIEC des océans ». Ce projet, lancé voilà deux ans, est très complexe, mais je pense que nous allons pouvoir progresser.

Par ailleurs, j’ai rencontré M. Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), à qui j’ai demandé de m’indiquer dix actions exemplaires faciles à mener et qui feraient la fierté des outre-mer et la fierté de la France. À six d’entre elles j’ai donné mon agrément, même si elles nécessitent quelques financements.

Mme la présidente. Votre temps de parole est épuisé, monsieur le ministre.

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Je remercie tout d’abord la délégation sénatoriale aux outre-mer, et particulièrement son président, Stéphane Artano, d’avoir pris l’initiative d’organiser un tel débat.

Monsieur le ministre, à la suite du passage de la violente tempête Fiona en Guadeloupe les 23 et 24 septembre dernier, je souhaite vous interroger au sujet de la politique littorale menée par le Gouvernement pour prendre en compte les effets du réchauffement climatique en outre-mer.

Le réchauffement climatique constitue un des défis fondamentaux de la stratégie maritime nationale. Son impact sur l’habitat littoral est très important en outre-mer, où les rives sont de plus en plus urbanisées.

Les outre-mer sont des territoires pour la plupart insulaires, en proie à de violents aléas naturels, particulièrement d’origine maritime, désormais plus fréquents et plus dévastateurs du fait du bouleversement climatique. Aux tempêtes, il faut ajouter les échouages réguliers d’algues sargasses.

Face à cet enjeu climatique, il convient de revoir les orientations des documents stratégiques de bassin maritime (DSBM) pour y inclure une fiche sur l’habitat littoral.

Cette bande littorale, héritage du passé colonial de la France, fait encore partie du domaine maritime de l’État et bénéficie à ce titre de garanties spécifiques. Ainsi, elle ne peut pas être cédée sans une procédure de déclassement particulière.

Les agences des 50 pas géométriques sont donc des acteurs essentiels, comme l’a souligné le rapport de la délégation sénatoriale consacré au logement dans les outre-mer, qui évoque également la question de l’habitat indigne, particulièrement aux Antilles.

L’urgence est donc le relogement de ces familles sans droit ni titre exposées à un risque naturel majeur, de plus en plus prévisible compte tenu des différents aléas.

Monsieur le ministre, je souhaite connaître les actions que vous entendez engager pour clarifier et pérenniser les missions de ces agences des 50 pas géométriques, mais aussi pour protéger les familles.

Dans un rapport récent, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), préconisait de « reconsidérer le cadre de l’action publique sur les 50 pas géométriques ».

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice Jasmin, vous le savez, je connais ce sujet.

Il est prévu de reporter à 2025 le transfert de la zone des 50 pas géométriques aux collectivités territoriales. La question est particulièrement complexe à Saint-Martin.

D’ici là, il convient, d’une part, de finaliser la cartographie desdites zones, ce qui nous permettra d’engager le processus de régularisation là où c’est possible – il faut savoir ce qui est régularisable au profit des habitants –, et, d’autre part, d’engager les démarches en vue du relogement des personnes habitant en zone dangereuse.

Pour ce qui concerne Saint-Martin, je m’en suis entretenu avec le président Mussington et Mme Petrus. Je me rendrai sur place la semaine prochaine ; je ne passerai pas par la Guadeloupe, je m’en excuse (Sourires.), mais je m’y déplacerai en novembre. Le message sera celui-ci : on délimite pour régulariser et reloger, puis on transfère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui.

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le ministre, à mon tour, je tiens à saluer les travaux de nos trois collègues : ils dressent le constat que la nation française peine à valoriser cet immense potentiel, situé à 97 % dans ses outre-mer.

Je souscris pleinement aux recommandations du rapport pour faire face aux défis qui nous attendent demain, défis assurément maritimes dans notre zone.

Mon interrogation porte plus particulièrement sur la zone indo-pacifique, au vu de l’actualité dans cette partie de la planète devenue un centre de gravité stratégique, économique et financier. On ne peut que rappeler que la France détient un statut majeur dans cet espace maritime grâce à ses territoires ultramarins et à sa ZEE.

Aujourd’hui, les Américains se mobilisent fortement à nouveau dans la zone face à l’expansionnisme de la Chine. Ainsi, la semaine dernière, la Polynésie française, représentée par son président, Édouard Fritch, a été invitée par le président Biden à participer, en sa qualité de membre à part entière du Forum des îles du Pacifique, au rassemblement organisé à Washington de tous les États insulaires de la zone.

En effet, les États-Unis confirment leur appui et leur soutien financier aux États insulaires pour les aider dans leur vulnérabilité liée au réchauffement de la planète et pour une meilleure et plus grande coopération à leur développement durable.

Ainsi, alors que l’Océanie est convoitée, alors que les enjeux géostratégiques prennent une importance grandissante, est-il envisagé un renforcement de nos bases militaires dans nos collectivités d’outre-mer, plus particulièrement en Polynésie française, où, depuis l’arrêt des essais nucléaires, les moyens maritimes de l’armée ont été redéployés en grande partie hors de notre territoire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, je me suis entretenu avec le président Fritch pendant qu’il se trouvait à Washington. Avec l’aide de notre ambassadeur Philippe Étienne, nous sommes parvenus à un accord prenant acte de la nécessaire présence de la France dans cette zone grâce à ces territoires ultramarins, en veillant néanmoins à ce qu’ils ne prennent pas parti sur certaines questions, par exemple la présence, empreinte d’activisme, de la Chine dans le détroit de Taïwan.

En tout cas, depuis le Brexit, la France est le seul pays membre de l’Union européenne présent dans la région. D’où l’importance de la coopération européenne.

Je ne peux pas me prononcer à la place du ministre des armées, mais je rappelle que la marine nationale a largement renouvelé les équipements dont elle dispose dans les territoires ultramarins : pas moins de treize navires neufs ont été mis en service, dont neuf dans la zone indo-pacifique, trois à La Réunion, trois en Polynésie et trois en Nouvelle-Calédonie.

À ce jour, pas moins de quatre frégates patrouillent dans la zone, et je ne compte pas les missions effectuées dans les zones exclusives ultramarines par les bâtiments de la marine basés dans l’Hexagone.

Au-delà de la question des moyens, l’enjeu essentiel est de renforcer les coopérations avec nos partenaires amicaux. Il faut multiplier les exercices militaires conjoints, lutter contre la pêche illégale, renforcer les moyens de réponse aux catastrophes naturelles et aux effets du changement climatique, stimuler la diplomatie économique, essayer d’impliquer davantage l’Europe dans notre stratégie régionale. Ce sera le sujet de la réunion qui se tiendra à Nouméa le 22 novembre prochain autour des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) de l’Union européenne, si la Commission accepte toujours d’accorder les crédits nécessaires à l’association qui en est à l’initiative.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus.

Mme Annick Petrus. Monsieur le ministre, à ce jour, le secteur de la pêche ne constitue pas encore une véritable filière agricole à Saint-Martin. À la fin de 2021, vingt et un pêcheurs professionnels seulement exerçaient sur l’île. La pêche constitue une activité non régulière dont une part significative est informelle ; environ un tiers.

Elle a une valeur traditionnelle et artisanale, essentiellement liée au loisir ou à la subsistance. L’île possède un marché aux poissons qui fournit les restaurateurs et les habitants en produits locaux.

Une part importante de la consommation provient également d’Anguilla, île voisine. L’absence d’équipements de transformation du poisson ne permet malheureusement pas de répondre à une demande locale croissante.

Dans le cadre de l’économie bleue, de la structuration du secteur de la pêche et de ses acteurs, le décret du 10 juin 2016 offre un cadre réglementaire à la création d’un comité territorial des pêches à Saint-Martin, en donnant notamment à la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin la possibilité d’installer, d’animer et d’organiser cette structure.

Si le comité n’existe pas à ce jour, un processus de conventionnement est en cours, et sa mise en œuvre est attendue par les professionnels du secteur, notamment le syndicat des marins-pêcheurs et des aquaculteurs.

Afin de développer le secteur du nautisme à Saint-Martin et toutes les activités qui y sont liées, la collectivité achève un programme de formation lié à aux métiers de la mer, afin de sensibiliser et de former nos jeunes saint-martinois.

Grâce au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) couvrant la période 2021-2027, il devrait être possible de dégager une enveloppe de 3,8 millions en faveur du secteur. Toutefois, l’État pourrait-il nous accompagner financièrement, notamment pour l’aménagement de deux points de débarquement, la mise en place d’une zone technique de pêche, mais aussi pour aider à l’installation de jeunes pêcheurs et dans le renouvellement et la modernisation de la flotte ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Je précise que le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa) prend la suite du Feamp. Les crédits en faveur de Saint-Martin passeront de 700 000 euros à 3,8 millions d’euros pour la période 2021-2027. J’ai confiance dans notre capacité à les déployer rapidement.

Autre sujet : avant la fin du mois, je l’espère, nous notifierons à Bruxelles le détail du régime d’aide au renouvellement de la flotte de Saint-Martin, ce qui n’avait été fait jusqu’à présent.

Certes, le même problème d’effectivité se posera, mais nous serons alors dans le cadre du projet global que je négocie avec Bruxelles.

Il faut donc, premièrement, pour ce qui concerne le fonds de 3,8 millions d’euros, que nous agissions avec le comité que vous avez évoqué, deuxièmement, que Saint-Martin entre dans le système d’aide au renouvellement de la pêche – à cette fin, commençons par notifier le régime d’aides afin qu’il s’applique à ce territoire –, et, troisièmement, que ce système fonctionne. Je vous renvoie à ma précédente intervention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre, les îles Éparses, situées dans le canal du Mozambique et dépendantes de l’administration des TAAF, représentent seulement 43 kilomètres carrés de surface terrestre cumulée. Mais leurs eaux sous juridiction française totalisent plus de 640 000 kilomètres carrés, soit environ 6 % du territoire maritime français.

De par leur isolement, ces îles n’ont jamais été perturbées par l’activité humaine. Elles sont de ce fait des sanctuaires pour une exceptionnelle biodiversité marine et l’étude d’écosystèmes encore fonctionnels. Les arrêtés de 1975 et de 1994 les classent en réserves naturelles et y interdisent toute pêche.

Cette zone est l’une des régions d’aire primaire constituant l’avenir du patrimoine mondial marin. Elle doit être protégée et préservée, ce que la France s’attache à faire grâce au déploiement d’une présence militaire permanente.

Or, depuis cinquante ans, les îles Éparses font l’objet d’une double contestation territoriale de la part de Madagascar et de l’île Maurice. Leurs ressources halieutiques, énergétiques et minières, que la France s’est attachée à ne pas exploiter, suscitent des convoitises et des revendications.

Les îles Éparses sont donc devenues, pour la France, un enjeu de souveraineté. Entendez-vous poursuivre les efforts engagés par le président François Hollande et son homologue malgache pour négocier une solution équilibrée répondant aux enjeux de sécurité, de défense de la biodiversité et de lutte contre la pêche illicite dans cette zone ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la sénatrice, l’ensemble des îles du canal de Mozambique sont effectivement une richesse extraordinaire. La possession française fait l’objet de contestations territoriales.

Sur ce sujet, le président Macron est clairement sur la même ligne que le président Hollande : la défense de la souveraineté française.

La commission mixte avec Madagascar se réunira très prochainement pour parler de ce différend territorial ; nous n’allons pas déclencher une guerre tout de suite ! Parallèlement, une feuille de route applicable à l’ensemble des organismes de recherche actifs sur les îles Éparses sera signée très bientôt.

Vous l’avez souligné, l’armée française, notamment notre armée de terre, y est présente. Il n’est absolument pas dans l’intention du Président de la République de baisser la garde, tant s’en faut. Négocions avec Madagascar – c’est l’objet de la commission mixte qui va se réunir – et rendons ces îles utiles en matière de recherche. La feuille de route sera signée dans les tout prochains jours ou, du moins, avant la fin de l’année.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le ministre, avec trois de mes collègues sénateurs, j’ai participé à la tournée de souveraineté dans les îles Éparses. J’ai pu constater combien ces territoires, petits, mais précieux, qui aiguisent les appétits des puissances étrangères, sont directement liés à la place stratégique de la France.

Je suis d’accord avec vous : nous devons nous montrer vigilants, poursuivre notre gestion avec détermination et réaffirmer la souveraineté de la France sur ces îles.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, les précédents orateurs l’ont rappelé : grâce à ses forces de souveraineté, la France est présente sur tous les océans. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux 8 500 personnels militaires déployés sur l’ensemble des océans et, au-delà, à tous les personnels civils qui contribuent à l’accomplissement de leurs missions.

Les zones de responsabilité permanente dont nous avons la charge concernent une quarantaine de pays avec lesquels nous entretenons des partenariats et coopérations. Ces États sont souvent en voie de développement.

En quoi et comment l’Agence française de développement (AFD) vient-elle en soutien de nos forces de souveraineté ? De quelle manière coopère-t-elle avec elles au profit des pays avec qui elles sont en relation ? Et parvient-elle, ce faisant, à faciliter l’exercice de leurs missions par une meilleure acceptation et compréhension de leur présence ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, je suis en relation fréquente avec l’AFD, notamment avec son directeur général, M. Rioux, et je donne la priorité à son action dans les territoires ultramarins. Je pense notamment au Pacifique, où nous avons réellement besoin de cet organisme.

Avec M. Rioux et Mme la ministre Catherine Colonna, nous sommes convenus de travailler précisément à ces coopérations pour aider les pays concernés.

C’est l’un des sujets du dossier de l’immigration. D’après mes informations, à Madagascar, le SMIC chargé est d’environ 40 euros. Je ne sais même pas si le SMIC existe dans les îles des Comores. À Saint-Domingue, le salaire chargé d’un travailleur du tourisme s’élève à 400 euros. En Guadeloupe, monsieur Lurel, on est un peu au-delà, et heureusement !

C’est l’intérêt de la France de travailler avec ces pays pour qu’ils se développent et pour que les salaires y augmentent. À cette fin, nous devons mieux insérer les économies ultramarines dans leur zone régionale.

L’action de l’AFD doit être coordonnée avec notre propre objectif de développement. Je me suis accordé sur ce point avec M. Rioux, au-delà de l’amélioration de l’action de l’AFD sur un certain nombre de points, dans les territoires eux-mêmes.

Ainsi, je travaille actuellement avec lui à un système d’affacturage public qui permettrait aux petites entreprises de bénéficier d’un apport de trésorerie dans l’attente de leur paiement par les collectivités territoriales. En général, ces dernières payent, mais elles mettent un peu de temps à acquitter leurs factures, ce qui entraîne d’importants écarts de trésorerie. Cet affacturage public apporterait un bol d’air considérable aux économies ultramarines.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous soyez en relation avec l’AFD, mais – pardonnez-moi de vous le dire – cela ne suffit pas.

Je me suis rendu il y a peu à La Réunion. J’ai remis ce matin à la commission des finances un rapport sur l’engagement de nos forces de souveraineté.

Ce qui m’a été dit très clairement, c’est que les difficultés que nous pouvons rencontrer avec les pays voisins pourraient être largement atténuées si l’action de nos forces de souveraineté et, de manière plus générale, la présence française étaient mieux coordonnées avec la politique de coopération, en particulier avec le travail de l’AFD.

J’entends votre engagement, mais il y a beaucoup de progrès à faire : je compte sur vous !

Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez.

Mme Vivette Lopez. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse du débat qui nous rassemble aujourd’hui.

La mer, ses richesses et les perspectives qui y sont liées méritent de s’inscrire profondément dans notre pays. La stratégie maritime 2023-2029 doit s’y employer.

À cet égard, je m’attacherai plus particulièrement à la préconisation n° 7 du rapport de notre délégation aux outre-mer : il s’agit de développer les classes Enjeux maritimes dans les établissements scolaires, par des partenariats avec les grandes fondations et les personnalités engagées dans le monde maritime.

En effet, il serait judicieux de pousser notre jeunesse vers le large en l’incitant, par le biais de projets scolaires, à s’inscrire dans des démarches de sensibilisation aux enjeux maritimes. C’est souvent grâce aux jeunes vocations que les projets décisifs prennent vie, qu’ils aient trait à la science, à l’industrie, à l’aménagement du territoire ou encore à la défense.

Je tiens d’ailleurs à saluer le commandant et l’équipage du Marion-Dufresne, qui, en collaboration avec l’Ifremer, ont embarqué avec eux une centaine de jeunes de Mayotte et de La Réunion pour mieux leur faire connaître la mer et les métiers qui s’y rattachent. Leur aventure a duré un mois.

Les classes Enjeux maritimes sont nées au lycée français de Barcelone de la rencontre de deux femmes issues du monde de l’enseignement et de l’industrie navale. Elles ont pour vocation de faire prendre conscience à des élèves de quatrième, de troisième et de seconde qu’ils sont les citoyens d’une grande puissance maritime. Il s’agit également de leur donner les clés de lecture pour comprendre que les mers et les océans sont les théâtres de tous les défis de demain, qu’ils soient écologiques, économiques ou géopolitiques.

Cette création est très récente, mais vingt-sept projets sont déjà lancés à l’échelle nationale. Dans mon département, trois établissements se sont engagés. En revanche, je constate avec regret qu’une seule classe est répertoriée à ce jour dans l’ensemble de nos territoires d’outre-mer.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Vivette Lopez. L’éducation nationale prend actuellement toute sa part de cette ambition maritime.

Pouvez-vous m’indiquer les orientations que vous entendez prendre pour créer de telles classes outre-mer…

Mme Vivette Lopez. … et ainsi développer cet attrait ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame Lopez, je constate que la Vidourle est devenue un enjeu ultramarin, et je m’en réjouis ! (Sourires.)

Les outre-mer montrent la voie – c’est bien normal – du développement des classes Enjeux maritimes dans les établissements scolaires.

Vous avez salué l’initiative Écoles bleu outremer, et je vous en remercie. Le mérite de ce projet en revient avant tout au ministère de l’outre-mer, qui l’a organisé de A à Z, avec, bien sûr, l’aide de tous les participants.

Nous allons tenter de renouveler, d’autant que ce fut un succès, d’ailleurs suivi d’une réunion des divers chefs de service, qui ont ainsi été sensibilisés au sujet. C’était, de plus, sur le canal de Mozambique, dont beaucoup ici se préoccupent.

Je vous signale le projet de construction d’un lycée de la mer à La Réunion. L’ouverture de cet établissement est prévue pour la rentrée 2027. La construction d’un lycée professionnel maritime est également prévue à Mayotte, pour une ouverture prévue en 2028.

Nous sommes en train de réformer notre système de subvention aux diverses associations. Pour en savoir davantage, il vous suffit de téléphoner au ministère et de demander ma directrice adjointe de cabinet, qui est chargée de tous les sujets éducatifs. Je puis vous assurer que vous recevrez un bon accueil.

Enfin, je suis prêt à me rendre dans le Gard – vous savez combien ce département est cher à mon cœur – pour expliquer tout l’intérêt de cette démarche dans les établissements scolaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Au terme de ce débat, je souhaite évoquer le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, texte qui arrivera au Sénat dans quelques jours et dont je suis le rapporteur. En effet, je voudrais aborder la place des énergies marines renouvelables dans les territoires ultramarins.

Manque de gisements fonciers, faible interconnexion aux réseaux électriques continentaux, dépendance aux énergies fossiles importées, vulnérabilité face au changement climatique… tous ces facteurs rendent l’accélération de la transition énergétique plus urgente encore en outre-mer que dans l’Hexagone.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif d’autonomie énergétique des départements d’outre-mer d’ici à 2030, via une croissance rapide des énergies renouvelables.

Force est de constater que cet objectif ne sera pas atteint : en moyenne, les énergies renouvelables représentent toujours moins de 30 % du mix électrique dans ces territoires, avec de fortes variations que l’on peut évidemment comprendre. En Guyane, le mix électrique est composé à plus de 50 % d’énergies renouvelables, tandis qu’à Mayotte et à la Martinique, le taux demeure inférieur à 10 %.

D’après une étude menée en 2020 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’autonomie énergétique serait atteignable dans nos outre-mer d’ici à 2035, à condition d’accompagner dans la durée le développement des énergies renouvelables, non seulement terrestres, mais maritimes, en particulier l’éolien offshore et l’énergie thermique des mers.

Selon cette étude, au maximum de leur potentiel, les énergies marines renouvelables pourraient représenter jusqu’à 30 % du mix électrique à Mayotte et en Guyane, 10 % à La Réunion, en Guadeloupe et à la Martinique.

Or, pour l’heure, ces énergies occupent une place très marginale dans nos territoires ultramarins, alors même que la France leur doit la richesse de son domaine maritime. Il existe pourtant un vaste potentiel, qu’il s’agisse de l’éolien offshore posé ou d’énergies plus émergentes comme l’éolien flottant, l’énergie houlomotrice et hydrolienne ou l’énergie thermique des mers.

Les expériences novatrices existent, mais elles sont rares et se heurtent à des difficultés techniques et financières. En parallèle, la nécessité d’adapter les technologies aux spécificités de chaque territoire ralentit le développement de filières industrielles pérennes.

Monsieur le ministre, à l’heure où nos outre-mer œuvrent à la révision de leurs programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), que prévoit le Gouvernement pour accentuer le développement des énergies marines renouvelables, au-delà du texte qui s’annonce, dans l’ensemble de ces territoires ?