Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 34 a pour objet la dissimulation du domicile de la victime. Comme vous le savez, mes chers collègues, malgré une ordonnance de protection, les hommes violents peuvent retrouver ce domicile, donc répéter leurs actes de violence.

L’amendement n° 31 tend à allonger les délais.

Enfin, l’amendement n° 32 vise la prise en charge des femmes non mariées et sans enfant.

Mais je ne me fais aucune illusion sur le sort réservé à ces trois amendements…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable sur les trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Rossignol, je comprends que vous souhaitiez modifier l’ordonnance dont il s’agit. Étant donné les constats que nous dressons de manière empirique, vous avez sans doute mille fois raison.

Toutefois – vous le savez très bien, et j’imagine que cela ne vous laisse pas indifférente –, ce sujet est du ressort du ministère de la justice. Les dispositions visées relèvent en effet des codes civil et pénal.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !

M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur contient un certain nombre de mesures à même de simplifier la vie des policiers et des gendarmes, et nos forces de l’ordre agissent bien sûr sous l’autorité des magistrats. Toutefois, les dispositions dont il s’agit ne touchent pas profondément aux codes relevant du ministère de la justice.

Cela étant, je relaierai vos interpellations à M. le garde des sceaux et porterai vos amendements à sa connaissance.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole dans les débats, mais tout de même, madame Rossignol !

M. le rapporteur a expliqué pourquoi la commission a donné un avis défavorable à vos amendements. Il s’agit, non pas d’une question de fond – nous avons tous conscience de l’utilité de ce que vous défendez –, mais d’une question de circonstances, de texte adapté et d’analyses supplémentaires nécessaires. Telle est la réalité des choses. Tel est notre travail à la commission des lois !

Je ne puis accepter les propos que vous avez tenus, qui consistent à faire du chantage à vos collègues.

M. Laurent Burgoa. Tout à fait !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je vous demande de les retirer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je ne retirerai aucun de mes propos, monsieur le président.

Je n’ai fait aucun chantage. J’ai simplement indiqué que, comme je suis destinataire de nombreux dossiers démontrant les insuffisances de l’ordonnance de protection et comme le rapporteur a souligné que le texte ne conduisait pas à auditionner sur ce sujet, je ferai circuler, pour garantir une bonne information du Sénat, les dossiers que je reçois. Ce n’est en rien un chantage, ni même une menace.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je ne veux pas allonger les débats sur le sujet. Nous reprendrons les propos que vous avez tenus devant l’ensemble de nos collègues, madame Rossignol : ils constituent bien un chantage.

Si je dois vous envoyer la définition de ce terme, je le ferai sans délai. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je croyais siéger dans une assemblée raisonnable et sage…

Monsieur le président de la commission des lois, personnellement, je n’ai pas ressenti les paroles de Laurence Rossignol comme un chantage. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Chers collègues, nous pouvons défendre des interprétations différentes : cela ne veut pas dire que vous n’avez pas perçu ces propos d’une autre manière ! Pourquoi vous offusquez-vous de cette remarque ? Un certain nombre de nos collègues ont d’ailleurs le même ressenti que moi.

Selon moi, Laurence Rossignol a fondamentalement raison sur le fond : MM. les rapporteurs et M. le ministre l’ont eux-mêmes relevé.

Nous reconnaissons tous qu’il faut agir en ce sens, mais nous ne savons pas quand. Or, d’ici là, un certain nombre d’événements peuvent se produire et, en un sens, nous en sommes tous comptables. En tout cas, il est normal que nous en soyons informés.

Les propos de Laurence Rossignol me semblent donc logiques : personnellement, je voterai ces amendements et, bien entendu, je ne lui demande pas d’excuses.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je regrette cette tension soudaine, qui plus est sur un sujet qui nous préoccupe tous.

Nous connaissons l’engagement des uns et des autres face à ces problèmes, qu’il s’agisse de M. Hervé, membre de la délégation aux droits des femmes, ou de Mme Rossignol – ce combat est au cœur de son parcours politique.

J’entends que les rapporteurs n’ont pas été en mesure d’étudier ces thématiques. Toutefois, monsieur le ministre, gardons à l’esprit que ce sujet majeur est encore et toujours sur la table : les nombreuses lois votées jusqu’à ce jour n’ont pas été à même d’inverser les statistiques des violences intrafamiliales. Voilà pourquoi nous devons explorer les pistes de progrès qui nous sont soumises.

De l’intervention de Mme Rossignol, je retiens donc avant tout les propositions formulées.

Messieurs les rapporteurs, ces propositions sont utiles. Elles n’ont peut-être pas leur place dans ce texte, mais il va falloir que l’on s’en saisisse.

Mme Vérien nous a rappelé la mission dont elle était chargée sur ce sujet, avec l’une de nos collègues députées. Pour ma part, je suis pleinement convaincue de l’utilité d’une juridiction spécialisée pour lutter contre les violences intrafamiliales. Cela étant, laissons la mission travailler avant d’examiner ses conclusions.

J’espère que cette intervention aura permis de rétablir un peu de sérénité sur les travées de notre hémicycle.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. Mes chers collègues, reconnaissons-le : parfois, nous avons le sentiment que nos votes sont inutiles. Malgré les mesures prises, on déplore toujours de nouvelles victimes, au point que l’on se sent presque coupable : pourquoi n’a-t-on pas mieux rédigé telle ou telle disposition ?

Toutefois, ce que j’ai compris à la commission des lois, c’est que l’on y fait du droit, rien que du droit,…

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Pas seulement !

Mme Marie Mercier. … et que, dans certains cas, nous devons savoir mettre notre émotion dans notre poche. Ce que les praticiens voudraient ou pourraient faire dans le secret professionnel de leurs cabinets médicaux, on ne peut pas forcément l’écrire dans la loi.

Bien entendu, j’approuve pleinement ces préoccupations de fond : il faut accroître la protection des enfants et des femmes. La délégation aux droits des femmes y travaille effectivement, à l’instar de la commission des lois, avec toute l’écoute du président Buffet et, pour ce qui concerne ce texte, l’attention de MM. les rapporteurs.

Évidemment, on voudrait toujours faire mieux, mais il y a une chose que l’on ne changera pas par la législation : ce sont les mentalités.

Souvent, les lois existent, mais elles ne sont pas toujours très bien appliquées, car elles restent mal connues. C’est, pour nous, un sujet de profonde tristesse, mais nous devons rester fidèles à notre méthode, en préservant ce fil directeur : plaçons les dispositions que nous voulons adopter dans le véhicule législatif qui convient. Sinon, nous prêterons le flanc à des critiques par trop faciles.

Nous devons œuvrer à la protection des enfants ensemble et de notre mieux : elle fera l’objet d’un texte spécifique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. J’ai beaucoup de respect pour Laurence Rossignol, ainsi que pour son travail, et je sais avec quelle fougue elle défend les sujets qui lui tiennent à cœur.

Sans qu’elle s’en rende forcément compte, certains ont pu se sentir visés par ses propos, même si, sur le fond, nous sommes tous d’accord : il faut lutter contre les violences intrafamiliales. Quant à l’intervention de M. Buffet, elle a été de nature à restaurer la sérénité de notre débat.

Monsieur Benarroche, je vous invite à mon tour à respecter toutes les voix qui s’élèvent dans cet hémicycle. Chacun s’exprime à sa façon. On peut évidemment être emporté par sa fougue ; mais concevez que certains aient pu être atteints par les paroles de Mme Rossignol. (M. Guy Benarroche le concède.)

J’y insiste : nous sommes tous parfaitement d’accord quant aux objectifs. Pour ce qui est des moyens à employer, M. le rapporteur et M. le président de la commission ont apporté des explications on ne peut plus claires.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Mes chers collègues, je tiens à vous faire part du sentiment de gêne que je ressens depuis le début de la matinée.

Ces questions ont déjà été débattues dans notre hémicycle, lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Nous avions alors déposé un certain nombre d’amendements ayant pour objet l’accueil des victimes au moment du dépôt de plainte, leur accompagnement par un avocat ou par le membre d’une association agréée, l’information de la victime tout au long de la procédure ou encore les actes commis après le jugement.

À cette époque, le garde des sceaux nous a dit de nous adresser au ministre de l’intérieur. Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur est au banc du Gouvernement. Mais, lorsque nous lui posons ces questions, il nous répond : « C’est en dehors de mon périmètre. Adressez-vous au garde des sceaux ! » (M. le ministre proteste.)

Faisant mien l’un des vœux émis par un orateur du groupe Les Républicains lors de la discussion générale, je conclus donc : vivement un projet de loi qui nous permette d’interroger concomitamment, au banc du Gouvernement, le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur !

Nous avons besoin de les voir siéger l’un à côté de l’autre pour qu’ils nous apportent de véritables réponses. Il faut mettre un terme à cette stratégie de la défausse, consistant à renvoyer à plus tard et à l’autre les questions que nous posons.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit !

M. le président. Monsieur Bourgi, il ne vous aura pas échappé que, lorsqu’un texte arrive en séance après avoir été travaillé par la commission, il n’y a pas lieu d’ouvrir de nouveaux débats, qui plus est lorsqu’ils sont improvisés.

Par ailleurs, le Gouvernement est un. Par définition, il a une position sur chaque texte et sur chaque élément de texte.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

M. le président. Évidemment, le fait que l’on découvre une partie du texte en séance publique ne facilite pas le déroulement du débat.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Bourgi, jusqu’à présent, j’avais le sentiment que nous travaillions dans le respect des uns et des autres, sans attaque personnelle ou politicienne.

Mme Laurence Rossignol. C’était avant que j’arrive…

M. Gérald Darmanin, ministre. Cela n’a rien à voir avec vous, madame la sénatrice !

Monsieur Bourgi, vos propos me semblent à la fois déplacés et faux.

Peut-être avez-vous oublié que j’étais là quand M. le garde des sceaux a présenté au Sénat le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. J’ai répondu avec lui à vos interrogations. Je me souviens même très bien avoir accepté, dans la suite du débat devant votre assemblée, de modifier par le biais d’un sous-amendement une disposition évoquée tout à l’heure avec M. Favreau. Il s’agit de la présence de l’avocat et de la personne majeure dans les services de police.

Ces attaques politiciennes ne me semblent pas dignes de notre débat d’aujourd’hui. Depuis avant-hier, j’ai effectivement relevé qu’un certain nombre de questions posées étaient, en fait, d’ordre interministériel. Elles dépassaient donc le seul champ d’attribution du ministre de l’intérieur.

Quel que soit le délai de communication des amendements, il me semble indispensable de passer par la commission.

Pour ma part, j’échange beaucoup avec vos rapporteurs, comme avec le président de la commission des lois. Je vous rappelle que j’ai invité l’intégralité de cette dernière à venir me rencontrer au ministère de l’intérieur voilà quinze jours.

Vous n’en avez pas fait état, mais tous les membres de la commission étaient conviés, quel que soit leur groupe politique : nous aurions pu travailler en amont un certain nombre de points.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je me doutais ainsi que M. Durain évoquerait les rodéos urbains : il m’a interpellé à ce sujet lors de notre rencontre.

Le ministère de l’intérieur est ouvert à tout le monde. Peut-être pourrions-nous collectivement améliorer notre méthode de travail en matière législative, y compris avec votre groupe politique. Je suis prêt à apporter ma pierre à l’édifice. Mais n’y a pas d’un côté les méchants et de l’autre les gentils.

Mme Rossignol l’a souligné avec raison : les questions que vous évoquez doivent être traitées de manière rapide, car un certain nombre de faits continuent de se produire. Mais, par définition, le temps de la loi est un temps long. (Mme Laurence Rossignol acquiesce.)

Je l’entends volontiers, mais, je vous en prie, ne faites pas de politique politicienne ici. Je sais en faire moi aussi – je ne vous apprends rien (Sourires.) –, peut-être avec moins de talent. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas venu devant vous dans cet état d’esprit : chacun le constate depuis trois jours.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je me contenterai de formuler trois remarques, de manière très respectueuse et tranquille. (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

Tout d’abord, la procédure accélérée n’est pas le fait des auteurs de ces amendements : nous sommes tous d’accord sur ce point.

Ensuite, personne n’entend remettre en cause le droit d’amendement en séance. On pourrait décider, un jour, de ne traiter dans l’hémicycle que des amendements examinés en commission : c’est la responsabilité, non du ministre, mais du Sénat. À mon sens, nous devons préserver une certaine souplesse entre l’expertise des commissions, dont chacun salue la qualité, et le droit d’initiative de tous les parlementaires.

Enfin, avec ces trois amendements, nous examinons des questions importantes : la non-applicabilité de l’ordonnance de protection en cas de dissimulation de l’adresse ; l’allongement, de six mois à un an, de la durée d’application de ladite ordonnance ; enfin, les conditions d’accès à cette prolongation pour une femme non mariée ou sans enfant. Ce sont là autant de questions graves, qui méritent d’être tranchées par un vote.

Pour leur part, les membres de notre groupe soutiennent ces trois amendements. J’y insiste, il faut laisser une certaine souplesse à l’initiative parlementaire. (M. Roger Karoutchi proteste.) Ces amendements seront adoptés ou non : nous sommes face à un choix de nature politique, et il n’y a rien de grave à cela.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Monsieur Buffet, avec tout le respect que je vous dois pour votre travail à la tête de notre commission, nous traitons ces sujets graves dans la sérénité.

Les questions que soulève Mme Rossignol nous sont familières, et il n’y a pas lieu de s’offusquer de ses propos. Elle n’a pas voulu se livrer à un quelconque chantage, loin de là.

Cela étant, il ne faut pas nous prendre pour des enfants de chœur. Nous ne serions là que pour faire du droit : je m’en étonne ! Nous faisons aussi de la politique.

Mme Rossignol défend certains droits et certaines causes, que je respecte bien entendu, tout en faisant de la politique. Je défends aussi le travail de notre commission, mais il ne faudrait pas tomber dans la sensiblerie.

Revenons-en à l’essentiel : j’invite les uns et les autres à poursuivre l’examen de ce texte dans la bonne humeur.

M. Roger Karoutchi. Et dans la joie ! (Sourires.)

Mme Esther Benbassa. Nous servons nos concitoyens par nos discussions intellectuelles, et ces derniers aiment aussi nous entendre nous opposer. Il n’y a rien de grave à cela.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas membre de la commission des lois et je ne m’estime pas spécialement compétent en la matière ; mais, M. Bourgi ayant fait allusion aux propos que j’ai tenus lors de la discussion générale, je me dois d’intervenir.

J’ai proposé – follement ! (Sourires.) – des États généraux de la police et de la justice. En revanche, je n’ai jamais demandé au garde des sceaux et au ministre de l’intérieur de venir ensemble dans notre hémicycle. D’ailleurs, ils peuvent parfaitement le faire de leur propre chef.

Madame Rossignol, je suis quelque peu gêné par l’inversion des termes de notre débat. Un ministre représente l’entièreté du Gouvernement : c’est la règle. Mais il peut difficilement prendre des décisions, accepter des votes ou émettre une opinion sur des amendements quand il ne s’agit pas de son secteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Évidemment !

M. Roger Karoutchi. Au temps glorieux où j’étais, au sein du Gouvernement, chargé des relations avec le Parlement, le Président de la République prenait soin de me répéter ce que je devais moi-même rappeler à chaque ministre : « Restez dans votre secteur et n’empiétez pas sur celui des autres. Vous pourriez commettre des erreurs ou donner des réponses que le ministre compétent trouverait techniquement insuffisantes. » (Mme Marie Mercier acquiesce.)

Sur le fond, les dispositions proposées par Mme Rossignol ne me dérangent absolument pas. Si nous débattions d’un texte relatif à la justice, je les voterais sans difficulté, mais prenons garde : la loi peut devenir tellement bavarde que son contenu ne correspond même plus à son titre…

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas du bavardage !

M. Roger Karoutchi. … et qu’elle s’en trouve fragilisée lors de son examen devant le Conseil constitutionnel – je me permets de le rappeler au passage. Cela n’a pas de sens.

On s’est engagé à travailler ces amendements dans la perspective d’un prochain texte, que doit présenter le garde des sceaux : nous devrions pouvoir nous en tenir là.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cette discussion est assez intéressante, même si elle est pour ainsi dire interne au Sénat. Monsieur le ministre, je vous remercie d’autant plus de bien vouloir y assister ! (Sourires.)

En l’occurrence, le Gouvernement n’est pas en cause. Pour un ministre, je comprends qu’il soit difficile de se prononcer sur un amendement dont le contenu est du ressort de l’un de ses collègues, d’autant plus quand il s’agit de l’intérieur et de la justice. Je sais aussi que, ces amendements ayant été transmis il y a plusieurs heures au ministère de l’intérieur, vos services ont sollicité l’avis de la Chancellerie.

Mes chers collègues, dans cette assemblée, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui ont des émotions et, de l’autre, ceux qui font du droit. Tout le monde fait du droit.

En outre, mes amendements ne sont pas bavards : ils sont extrêmement rigoureux – d’une certaine manière, ils sont même secs – et visent à résoudre un problème de droit.

Je ne suis certes pas membre de la respectée commission des lois. Mais, en tant que parlementaire, j’ai toute légitimité à déposer des amendements sur tous les textes que je veux. Pour passer un certain nombre d’heures à la place où se trouve ce matin le président Alain Richard, je puis vous l’assurer : je ne suis pas la seule à m’écarter un peu, parfois, de l’objet du texte, tout en échappant à l’article 45 de la Constitution.

Je ne crois pas m’être livrée à un chantage : de quelle nature aurait-il bien pu être ? Je ne crois pas davantage m’être montrée menaçante. Je souligne simplement que le Gouvernement n’est pas seul responsable.

Quand un drame éclate, on va chercher les responsabilités de la police et de la justice. Des inspections sont menées. Les ministres sont mis en cause au motif qu’ils sont garants du bon fonctionnement de leurs services.

Pour notre part, nous sommes responsables de nos votes, même si notre responsabilité n’est pas souvent mise en cause. En nous prononçant pour ou contre telle ou telle mesure, nous prenons part, nous aussi, au bon fonctionnement de notre pays en général et de sa justice en particulier. Nous aurons donc une responsabilité en refusant ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous sommes tous responsables de nos votes et de nos propositions. Pour notre part, en tant que rapporteurs de ce texte, nous sommes également responsables des avis proposés à la commission des lois et votés par elle à deux reprises : nous n’avons pris personne en traître.

Mettez-vous un instant à notre place. Imaginez que nous décidions de réformer l’ordonnance de protection et de toucher au code civil sans avoir jamais pris l’attache du garde des sceaux, entendu les juges aux affaires familiales (JAF) et mené les auditions nécessaires, y compris pour entendre les représentants de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et les différents parlementaires impliqués sur ces sujets : un tel précédent pourrait nous être reproché dans de nombreux autres domaines.

La commission a débattu de cette question à deux reprises. Sa ligne est constante, et il n’y a pas de raison qu’elle change ce matin. Un certain nombre de travaux sont en cours. Le Gouvernement a confié à deux parlementaires une mission sur ces sujets : n’anticipons pas sur leurs conclusions. Ils viendront nécessairement devant le Parlement, donc devant nous.

En responsabilité, je maintiens cette ligne.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 7 - Amendements n° 31 et n° 32
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Article 7 bis (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes de La Gontrie, Rossignol et Meunier, MM. Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Gillé, Mme G. Jourda, M. Jacquin, Mmes Carlotti, Conconne et Artigalas, MM. Cardon et Cozic, Mmes Le Houerou et Monier, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er décembre 2022 un rapport permettant d’évaluer les effets relatifs à la création d’une juridiction spécialisée en charge des violences sexuelles, intrafamiliales et conjugales, compétente pour juger les faits de viol, d’inceste et d’agressions sexuelles, d’outrage sexiste, de harcèlement, de recours à la prostitution, des violences physiques, sexuelles et morales commises au sein du couple ou sur un enfant de la cellule familiale.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à demander un rapport traitant des juridictions spécialisées.

Plusieurs ministres ont pris des engagements à cet égard. En outre, deux parlementaires ont été chargés d’une mission, dont notre collègue Dominique Vérien. Je l’en félicite, d’autant qu’elle connaît bien ces sujets.

Ma chère collègue, nous nous inquiétons simplement des conditions dans lesquelles votre rapport sera communiqué au Parlement, donc de la manière dont nous serons associés à ce travail et des suites sur lesquelles il débouchera.

Je crois savoir que la commission demandera le retrait de cet amendement. Mais peut-être Dominique Vérien et Annick Billon peuvent-elles nous dire un mot du travail en cours ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. Suivant une position constante du Sénat, nous sommes défavorables aux demandes de rapport.

De surcroît, le Gouvernement a d’ores et déjà confié le travail dont il s’agit à deux parlementaires en mission, nommés par ses soins. Ce rapport va donc bien voir le jour !

Voilà pourquoi, je le confirme, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. C’est la première fois que je prépare un rapport pour le Gouvernement, avec notre collègue députée Émilie Chandler, qui, je le précise, est comme moi membre de la délégation aux droits des femmes et de la commission des lois de son assemblée.

C’est bien sûr avec plaisir que nous viendrons présenter nos travaux à la délégation sénatoriale aux droits des femmes, si sa présidente, Annick Billon, veut bien nous y inviter. Nos deux délégations parlementaires se penchent d’ores et déjà sur ces sujets et, à mon sens, elles doivent évidemment travailler ensemble.

Ces différentes questions relèvent plutôt du champ judiciaire. Toutefois, j’ai bien noté l’ensemble des demandes formulées au travers des amendements de Mme Rossignol. Et puisque Mme Chandler et moi-même sommes toutes deux parlementaires, nous devons travailler en étroite collaboration avec le Parlement.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Il nous paraît indispensable d’avancer vers la création d’une juridiction spécialisée. Notre délégation a déjà eu l’occasion d’auditionner à ce sujet des magistrats espagnols, qui nous ont présenté leur organisation. Nous avons ainsi pu mesurer l’efficacité de ce dispositif.

Toutefois, et je rejoins sur ce point Marie Mercier, nous pourrons voter tous les textes que nous voudrons, nous n’avancerons pas si la société n’avance pas. C’est tout l’objet de nos débats.

Notre délégation a récemment publié un rapport intitulé Porno : lenfer du décor. J’en reste persuadée : nous n’avancerons pas dans la lutte contre les violences intrafamiliales sans avancer sur ce sujet de l’industrie pornographique. Laurence Cohen, Laurence Rossignol, Alexandra Borchio Fontimp et moi-même, qui avons rédigé ce rapport, allons d’ailleurs adresser nos recommandations au Gouvernement.

Bien entendu, nous inviterons nos deux collègues parlementaires en mission au sein de la délégation.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 27 est-il maintenu ?