compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Corinne Imbert,

M. Dominique Théophile.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 26 octobre 2022 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

manifestation illégale de sainte-soline (i)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Claude Malhuret. Madame la Première ministre, une fois de plus, les agriculteurs ont subi les violences, les intrusions, les saccages, les destructions, les harcèlements des bandes de casseurs, de Black Blocs et de fichés S, soutenus par les idéologues d’une écologie de la décroissance et par des parlementaires qui se déshonorent en participant à des manifestations interdites (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe GEST.) dont ils connaissent à l’avance les débordements.

Au total, 61 gendarmes blessés, certains par des boules de pétanque et des cocktails Molotov, des conduites d’eau détruites, des champs ravagés. Rien de nouveau. C’est la cinquième bassine attaquée en deux ans.

Celle de Sainte-Soline avait donné lieu à un travail de concertation exemplaire. Toutes les parties prenantes, y compris France Nature Environnement, ont validé le projet. C’est celui d’une coopérative. C’est de l’économie sociale et solidaire. Mais ils s’en fichent totalement.

Au moment où Poutine coupe le gaz, on s’aperçoit que, par leur faute, on n’a plus assez d’énergie nucléaire et que les Allemands n’en ont plus du tout. Au moment où il bloque les bateaux qui partent d’Ukraine, les mêmes veulent mettre à genoux notre agriculture. Ils ont détruit en mars dernier 1 500 tonnes d’un train de blé pour dire aux paysans qu’il faut produire moins, alors que l’Afrique attend le blé français.

Combien de temps va durer le délire antisystème d’une minorité de contestataires gavés qui achètent leurs salades en sachet dans les supermarchés sans même comprendre qu’il faut de l’eau pour les produire ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

Depuis des années, ce vandalisme se déroule dans l’indifférence. Sur les trente-cinq destructions des installations de recherche végétale, vingt-huit plaintes ont été déposées, six procès ont été engagés et une seule condamnation a été prononcée. En 2020, à Perpignan, des juges ont même reconnu « l’état de nécessité » pour relaxer les casseurs.

Madame la Première ministre, nos agriculteurs, nos éleveurs, nos chercheurs n’en peuvent plus ; l’immense majorité des Français les soutiennent, mais on ne parle que de ceux qui aspergent les chefs-d’œuvre de soupe et qui bloquent les autoroutes. Ils ont l’impression que personne ne les défend. Pouvez-vous les rassurer et leur dire que la fin de l’impunité est une priorité pour le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Malhuret, comme vous, comme beaucoup de Français, j’ai été choquée par les violences auxquelles nous avons assisté le week-end dernier à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres.

Je veux avant toute chose rendre hommage à nos forces de l’ordre. Chaque jour, policiers et gendarmes nous protègent ; ils préservent l’ordre républicain. Aucune violence contre eux n’est acceptable, et le Gouvernement sera toujours à leurs côtés.

De quoi parle-t-on à Sainte-Soline ? Un projet de bassine porté et attendu par les agriculteurs du territoire a fait l’objet de concertations longues et approfondies. Grâce à ces discussions, le projet a été fortement modifié ; je peux en témoigner en tant qu’ancienne préfète de la région Poitou-Charentes.

Ce projet s’inscrit dans le cadre du projet de territoire pour la gestion de l’eau qui a été approuvé en 2019 à la quasi-unanimité des collectivités, bien entendu, mais aussi des associations de protection de l’environnement. Il permettra de réduire les prélèvements dans les milieux naturels. C’est un projet responsable qui lie la réalisation des réserves à des engagements environnementaux pris par les agriculteurs.

Le projet est également nécessaire pour aider ces agriculteurs à faire face à la sécheresse et pour mieux réguler l’usage de l’eau. Je le dis clairement : c’est un bon projet. Il a passé toutes les étapes des processus d’autorisation. Dans le respect des règles de l’État de droit, il a pu faire l’objet de recours par les opposants, qui ont perdu devant la justice.

Malgré un projet écologiquement vertueux, comme le montrent les études du Bureau de recherches géologiques et minières, malgré un projet concerté et attendu par les agriculteurs, malgré les arrêtés d’interdiction de manifester pris par la préfecture et confirmés par la justice, des manifestations se sont tenues sur ce site le week-end dernier.

Si la majorité des manifestants étaient pacifiques, plusieurs centaines d’individus violents ont pris à partie les gendarmes qui protégeaient le site. Le bilan de leur action est lourd : des tirs de mortiers, des jets de cocktails Molotov, des destructions de véhicules de gendarmerie et une soixantaine de militaires blessés. Ces scènes sont inacceptables et profondément choquantes.

Malgré la grande violence de l’agression, les gendarmes ont tenu et, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, ils ont maintenu l’ordre républicain. Je veux de nouveau les remercier, leur rendre hommage et exprimer également toute ma solidarité et celle du Gouvernement aux gendarmes blessés.

Je le dis clairement, l’opposition à un projet ne justifie jamais la violence. La justice est saisie, et – je peux vous l’assurer, monsieur le président Malhuret – il n’y aura aucune impunité pour ces auteurs de violences. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

manifestation illégale de sainte-soline (ii)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, je reviens sur le week-end terrible que nous avons vécu à Sainte-Soline, dans mon département des Deux-Sèvres. Je tiens à associer à mon propos mon collègue Gilbert Favreau ici présent.

Cela a été évoqué, durant deux jours, cette commune de 350 habitants a vu déferler près de 4 000 personnes participant à une manifestation interdite par la préfecture, contestant la réalisation d’une réserve de substitution.

Malheureusement, comme cela était prévisible, et pressenti, environ 400 extrémistes violents ont été associés à cette manifestation, qui était également cautionnée, par leur présence, par des élus de la République appelant aujourd’hui à la désobéissance civique. (Scandaleux ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous avons vécu des scènes de violence inouïe. Comme vous l’avez fait, madame la Première ministre, je tiens à saluer l’engagement des forces de l’ordre, à apporter tout mon soutien aux personnels blessés et à féliciter la préfète des Deux-Sèvres. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

Vous l’avez dit, le projet de réserve contesté par les manifestants avait été validé par l’ensemble des acteurs : l’État, le monde agricole, les associations environnementales, les élus locaux. Il est aujourd’hui financé et légalement autorisé.

Malgré cela, la manifestation a été orchestrée au nom de l’écologie, mais ce n’est qu’un prétexte politique pour instituer un système de violence et d’anarchie. Depuis vingt-quatre heures, Sainte-Soline a retrouvé un peu de calme. Contrairement à ce qui a été évoqué par les médias, il n’y a pas de zone à défendre (ZAD). Mais les agriculteurs et les habitants qui ont été harcelés et qui méritent tout notre soutien aspirent à la tranquillité.

Monsieur le ministre, face à ce type d’événements inquiétants pour notre société, quelle réponse judiciaire et politique apporter ? Comment faire pour que demain, à Sainte-Soline comme partout en France, nous puissions réaliser sereinement un projet d’aménagement démocratiquement autorisé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Mouiller, comme Mme la Première ministre et vous-même venez de le faire, je veux remercier les 1 700 gendarmes mobilisés. Vous le savez, plus de 60 d’entre eux ont été blessés, dont quelques-uns très gravement, avec des mâchoires fracassées, et certains sont encore à l’hôpital au moment où nous parlons.

Les faits qui se sont déroulés dans votre département ne relèvent pas de la petite délinquance. Il s’agit d’attaques graves contre les responsables de l’ordre public, alors même que la manifestation avait été interdite et que cette interdiction avait été validée par la justice.

Je veux également remercier Mme la préfète du département, qui a été courageuse et présente ; elle a, je le crois, communiqué à bon escient, sans provocation, tout en étant proche des agriculteurs. Car, je tiens à le dire, c’est l’outil de travail des agriculteurs qu’on a voulu casser. Mais ceux-ci auront toujours le Gouvernement – j’associe à mon propos le ministre de l’agriculture et le ministre de la transition écologique – à leurs côtés.

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement doit connaître de ces « manifestations » extrêmement violentes. D’autres gouvernements avant le nôtre ont eu à les gérer ; je pense notamment à celui dont faisait partie Bernard Cazeneuve. Je tiens à le rappeler, si nous pouvons aujourd’hui ficher « S » un certain nombre de personnes ultraviolentes, ultracontestataires ou de l’ultragauche suivies par les services de renseignement, c’est bien parce qu’un gouvernement précédent, celui du président Hollande, avait considéré que l’ultraviolence de l’ultragauche était une menace pour la Nation et l’ordre républicain.

C’est grâce aux moyens du renseignement que nous avons pu envoyer 1 700 gendarmes sur place, et empêcher ainsi la ZAD d’exister. Je constate, même si plus personne n’en parle, que quelques dizaines de personnes seulement restent près du site. Les engins vont reprendre le chemin du chantier pour construire cette bassine. Nous suivrons particulièrement cette difficulté que représentent les manifestations spontanées, violentes et parfois extrêmement radicalisées pour assurer l’ordre public « nouvelle formule », si je puis dire.

Je vous remercie d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir voté la loi de programmation du ministère de l’intérieur : vous avez pris en considération cette menace et vous avez donné à mon ministère les moyens d’y répondre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le ministre, nous avons besoin de l’État. Nous ne voulons pas revivre Notre-Dame-des-Landes. Il faut que chacun se mobilise ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

blocage des céréales ukrainiennes

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Évelyne Perrot. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur.

Aujourd’hui même, en fin de matinée, la Russie a annoncé reprendre sa participation à l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, après avoir reçu des « garanties écrites » de la part de l’Ukraine sur le retrait militaire du couloir de transport. Nous ne pouvons que saluer cette excellente nouvelle.

Le monde entier retient son souffle : avec la suspension de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, nous ne sommes peut-être pas passés loin d’une catastrophe économique et humanitaire. Cet accord est aujourd’hui vital pour la sécurité alimentaire mondiale. On n’ose imaginer ce qui se serait passé si la suspension avait duré. Dimanche, un navire chargé de 40 tonnes de céréales aurait dû partir pour l’Éthiopie ; il est resté à quai. Lundi, un autre bateau affrété par le Programme alimentaire mondial (PAM), chargé de 30 000 tonnes de céréales destinées à Djibouti, est aussi resté bloqué.

Cet épisode montre que la Russie fait peser une épée de Damoclès sur la sécurité alimentaire mondiale. Une suspension durable provoquerait une famine en Afrique et une nouvelle flambée des prix alimentaires.

Se prépare-t-on à une telle éventualité ? Sur le plan intérieur, comment éviter qu’une envolée des cours mondiaux de céréales n’atteigne l’élevage hexagonal, qui dépend essentiellement du maïs et des oléagineux ukrainiens ? La présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) nous a récemment exprimé ses craintes à ce sujet.

Sur le plan international, pourrait-on, en cas de crise, débloquer avec nos partenaires européens et américains une aide alimentaire exceptionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord vous prier d’excuser l’absence de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna.

Vous l’avez dit, madame la sénatrice Perrot, la Russie a annoncé aujourd’hui reprendre sa participation à l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes. Nous la prenons au mot. En suspendant sans aucun fondement sa participation à la fin de la semaine dernière, la Russie avait engagé, avec un cynisme dramatique, son chantage alimentaire, et délibérément choisi de se servir de la faim comme d’un moyen de pression et d’une arme de guerre.

Soyons clairs : l’initiative sur les exportations de céréales en mer Noire, portée par le secrétaire général des Nations unies, est un succès. Depuis le 22 juillet dernier, 9 millions de tonnes de céréales et d’autres produits alimentaires ont été exportées par la voie maritime.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a confirmé que les prix du blé avaient baissé sous l’effet de la reprise des exportations. C’est le meilleur moyen de maîtriser le prix sur les marchés. C’est une bonne chose pour assurer notre propre sécurité alimentaire.

Dans sa guerre absurde et dramatique, la Russie est plus isolée que jamais. La dernière résolution de l’assemblée générale des Nations unies en soutien à l’Ukraine, approuvée par 143 États, en atteste. Les conséquences de la guerre inquiètent, et d’ailleurs pas seulement chez nous : c’est le cas sur tous les continents. L’ensemble des membres du Conseil de sécurité, y compris la Chine, avaient vivement regretté d’ailleurs lundi dernier la décision du Kremlin de suspendre l’accord sur les céréales.

Je rappelle que la France est à l’initiative pour endiguer la crise alimentaire. Nous continuerons donc à nous mobiliser avec nos partenaires européens pour la mise en œuvre des voies de solidarité, qui ont permis l’exportation de près de 13 millions de tonnes de céréales et d’autres produits alimentaires.

Nous soutenons également la création prochaine d’un mécanisme d’urgence d’achats groupés d’engrais pour l’Afrique et l’acheminement par le Programme alimentaire mondial des céréales vers l’Afrique. Le Gouvernement est à la manœuvre pour faire en sorte que les prix restent contrôlés et que les approvisionnements soient effectifs, y compris sur nos marchés nationaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour la réplique.

Mme Évelyne Perrot. Monsieur le ministre, aujourd’hui, nous ne pouvons que nous réjouir que le blocus ait cessé. Mais nous avons tous en tête les images atroces de la famine en Éthiopie : plus jamais ça ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

situation dans les transports

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, partout en France, les réseaux de transports en commun se dégradent, et c’est la galère quotidienne pour les usagers !

Dans toutes les régions, les autorités organisatrices sont confrontées aux mêmes difficultés. Avec l’ouverture à la concurrence, les recrutements sont de plus en plus difficiles et les démissions sont légion. Le service se dégrade et les trains express régionaux (TER) sont pleins. En Île-de-France, les rames de métro, les trams et les RER sont bondés. Le pire touche le réseau de bus, qui est en grande souffrance ; des bus sont annulés sans raison et sans solution de report.

Je vous livre quelques exemples franciliens : il y a 80 minutes d’attente pour le bus 545 à Noisy-le-Sec ou encore 61 minutes pour le bus 322 à Montreuil ! Se rendre à l’école, au travail, à tout type d’obligation est devenu un parcours du combattant.

Pire : en plus d’avoir un service dégradé, les régions qui voient leur budget de plus en plus contraint et qui refusent d’augmenter le versement transport des entreprises envisagent une hausse du prix des abonnements des usagers. En Île-de-France, le passe Navigo pourrait passer de 75 euros à 100 euros par mois. C’est insupportable pour les millions d’usagers !

Monsieur le ministre, quels moyens supplémentaires sont prévus pour rétablir des transports en commun fonctionnels partout dans le pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Fabien Gay, je vous rejoins sur le fait que, en Île-de-France, la situation des transports publics n’est pas à la hauteur de la première métropole d’Europe.

Aujourd’hui, beaucoup de nos concitoyens vivent des galères, ici à Paris et partout en Île-de-France. Cet état de fait a été renforcé, disons-le clairement, par une pénurie de conducteurs. Nous pouvons partager le détail des constats, mais la situation n’a pas grand-chose à voir avec l’ouverture à la concurrence.

M. Clément Beaune, ministre délégué. D’ailleurs, celle-ci n’est que très partiellement effective. Les secteurs ouverts à la concurrence connaissent exactement les mêmes difficultés que ceux qui ne le sont pas.

Face à une telle situation, il faut essentiellement de la responsabilité et de la coopération.

La responsabilité, c’est de dire qui fait quoi. Avons-nous besoin de rappeler que c’est la région, avec Île-de-France Mobilités, qui est chargée de l’offre de transport, doit la définir, l’améliorer et fixer les prix ? Vous pouvez le déplorer ou vous en satisfaire, mais il n’appartient pas au Gouvernement de fixer le prix du passe Navigo…

M. Rachid Temal. C’est la droite !

M. Clément Beaune, ministre délégué. … ou du ticket pour les transports publics franciliens.

Mme Sophie Primas. Et les 700 millions d’euros ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Il y a aussi besoin de coopération, car nous devons résoudre le problème ensemble.

Pendant la crise de la covid-19, l’État a fait pour l’Île-de-France – c’était légitime, mais cela mérite d’être rappelé – un effort, qui n’a été consenti pour aucune autre région, de plus de 1,3 milliard d’euros, dont 150 millions d’euros de subventions, et le reste en avances remboursables.

Nous devons aujourd’hui améliorer les choses, par exemple chez nos grands opérateurs, comme la RATP et la SNCF. C’est la raison pour laquelle, et j’appuie cette initiative, la RATP met en place, avec le soutien – enfin ! – de la région, des primes supplémentaires et un plan de recrutement de 1 500 chauffeurs est déployé pour résoudre une partie des difficultés.

Nous devons donc prolonger nos investissements et continuer à préparer l’avenir.

Nous devrons négocier dans les prochaines semaines un nouveau contrat de plan État-région (CPER). L’État a participé – là aussi, c’est inédit – à hauteur de 40 % dans le précédent CPER avec l’Île-de-France. Nous serons au rendez-vous pour le prochain contrat, dont la discussion va bientôt commencer.

Nous devons aussi continuer d’investir dans la préparation de l’avenir. Le Sénat débattra du budget très prochainement ; je rappelle qu’un investissement de 1 milliard d’euros a été prévu pour l’amélioration des transports publics, au titre du développement de nouvelles lignes au travers de la Société du Grand Paris.

M. le président. Il faut conclure !

M. Clément Beaune, ministre délégué. Nous devons trouver des solutions. Je suis ouvert à d’autres options. Ensemble, et en responsabilité, nous devons dire qui fait quoi, dans une démarche de coopération. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Sophie Primas. Rendez les 700 millions !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, c’est tout un modèle économique qu’il faut revoir. Ce n’est pas aux usagers de payer l’ouverture à la concurrence !

Vous voulez recruter des chauffeurs de bus ? Alors, augmentez les salaires ! Augmentez le versement transport des entreprises ! Et faites voter dans le prochain budget une aide supplémentaire à l’Île-de-France – il manque 700 millions d’euros – pour que les autorités organisatrices puissent investir dans les transports en commun ! (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est une urgence sociale et écologique pour éviter que des millions d’usagers ne reprennent leur voiture individuelle.

Enfin, le 10 novembre prochain, aura lieu une journée d’action des salariés de la RATP et de la SNCF pour exiger plus de moyens ! Nous serons à leurs côtés (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), et nous continuerons à porter cette proposition et à dire qu’il ne faut pas augmenter le prix des abonnements des usagers ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !

titre de séjour « métiers en tension »

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Martin Lévrier. Ma question s’adresse à Olivier Dussopt, le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Aide à domicile, aide-soignant, agent d’entretien, serveur, maçon, plombier-chauffagiste, ouvrier des travaux publics, employé de libre-service : tous ces métiers ont en commun d’être sous tension, et le phénomène est accentué par une reprise économique post-covid plus rapide et plus forte.

On ne compte plus les secteurs qui font actuellement face à de telles pénuries de main-d’œuvre ; chacun d’entre nous le constate au quotidien dans son territoire. Nous sommes nombreux à être saisis par des employeurs qui peinent à recruter et qui sont en manque de solutions concrètes.

De premières mesures ont été mises en œuvre par le Gouvernement : bonus-malus, alternance, apprentissage… Cependant, au regard de la complexité de certaines réalités locales, cela ne suffit pas.

Pour résoudre ces difficultés de recrutement, une autre piste pourrait être envisagée : le recours à la main-d’œuvre étrangère déjà présente sur le territoire national. Il importe de rappeler que le taux de chômage de ce public avoisine les 15 %, alors qu’un grand nombre de personnes concernées ne demandent qu’une chose : travailler et avoir une situation stable, régulière et sécurisée. En un mot, s’intégrer par le travail.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la réflexion sur le futur projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration, que prévoyez-vous pour encourager cette insertion par le travail ? (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Et enfin, pour répondre à la problématique des métiers sous tension, vous avez évoqué dans une interview donnée avec M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, une deuxième idée : créer un titre de séjour « métiers en tension ». Pourriez-vous nous en préciser les contours ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le sénateur Lévrier, vous l’avez dit, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, et moi-même avons rendu publiques les premières orientations, les premières pistes de travail dont nous aurons l’occasion de discuter avec vous à l’occasion d’un débat parlementaire avant la fin de l’année, puis dans le cadre de l’examen d’un futur texte relatif à l’immigration.

Nos objectifs sont en réalité très simples : il s’agit à la fois de mieux faire respecter les règles et de faire en sorte que les décisions de justice et les décisions administratives soient mieux appliquées. Cela nécessite de la fermeté et des moyens pour leur application. Mais il faut aussi œuvrer pour que les étrangers présents en France soient mieux intégrés.

Nous sommes convaincus que le travail est le premier outil d’intégration des étrangers vivant sur notre sol. Cela a longtemps été le cas. Mais, depuis le chômage de masse, le lien entre le travail, l’immigration et l’intégration s’est distendu. Nous devons remettre ce chantier en ordre, afin que le travail redevienne une valeur d’intégration.

Notre système actuel ne le permet pas. Nous avons des trappes à inactivité. Un certain nombre de demandeurs d’asile, dont nous savons pertinemment qu’ils viennent de pays suffisamment dangereux pour que l’asile leur soit accordé, doivent attendre très longtemps avant d’avoir le droit de travailler. Des immigrés qui bénéficient d’un titre de séjour pour raisons professionnelles doivent solliciter une autorisation administrative pour chaque contrat de travail. Il faut leur simplifier la vie.

Il y a aussi – nous le savons – des travailleurs en situation irrégulière qui travaillent, parfois depuis longtemps, dans des métiers en tension, comme dans le secteur de la restauration et parfois du bâtiment. Nous avons d’ores et déjà procédé à un certain nombre de régularisations : je pense à l’application de la circulaire prise par Manuel Valls, qui concerne 7 000 admissions exceptionnelles au séjour.

Mais ces régularisations nécessitent un engagement et un accompagnement de l’employeur. Nous voulons que ces travailleurs en situation irrégulière, dont nous avons tant besoin, puissent eux-mêmes solliciter leur régularisation. Il ne s’agit pas d’une régularisation massive : ce sera du cas par cas, après étude des dossiers. Il faudra prouver une ancienneté sur le territoire, l’exercice d’un métier apparaissant sur la liste des métiers en tension.

Cela permettra de répondre, à la fois, aux besoins de l’économie et, plus profondément, à un besoin et une volonté de construire un projet personnel, familial, et de faciliter ainsi l’intégration de ces hommes et de ces femmes qui travaillent sur notre sol et qui vivent avec nous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

lutte contre le gaspillage alimentaire