Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Laissez parler les orateurs !

M. Bernard Bonne. Nous vous avons écoutés ; laissez-nous parler à présent !

Ensuite, avec le déconventionnement, le risque est que tous les médecins se rattachent au secteur 2, ou qu’ils trouvent un accord avec les mutuelles pour que le remboursement soit normal et pratiquent les prix qu’ils veulent.

J’ai toute confiance dans la convention qui va se conclure dans les six prochains mois. Il faut absolument être exigeant à cet égard, d’abord en disant au conseil de l’ordre de prendre ses responsabilités et de trouver des solutions avec les médecins pour que les installations aboutissent.

Lorsque je me suis installé, voilà un certain nombre d’années, les conditions n’étaient pas les mêmes : on travaillait durant des heures innombrables ; on ne les comptait pas. En revanche, on avait la possibilité d’aller dans des cabinets secondaires, ce qui était une bonne chose. Nous pourrions imaginer de rétablir une telle possibilité, qui a été supprimée.

Nous pourrions également envisager que des médecins puissent à la fois travailler à l’hôpital et avoir une activité libérale. Beaucoup le souhaitent, afin de ne pas être isolés.

Nous pourrions aussi prévoir, comme nous l’avions proposé, la possibilité pour des médecins d’aller exercer durant un an dans un endroit, pour voir si celui-ci lui convient, avant d’éventuellement s’y installer.

Il y a des solutions !

Laissons la discussion se dérouler avec les médecins. Mais je vous en conjure : pas de coercition ! (MM. Yves Bouloux, Pierre-Antoine Levi et Martin Lévrier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je vais retirer mon amendement n° 1023 rectifié, qui est un amendement d’appel.

Il est important de laisser la discussion se dérouler dans le cadre de la convention. Il existe six syndicats de médecins. Dans cet hémicycle, nous n’avons de cesse de dire qu’il faut écouter les partenaires sociaux et ne pas prendre de décision verticale. Or nous faisons le contraire ! Des travaux commencent ; laissons-les avancer, et mettons tous les points à traiter sur la table.

Il faut donner aux professionnels, aux syndicats et aux jeunes médecins la responsabilité d’organiser dans les territoires l’accès aux soins auquel nos concitoyens ont droit.

Pour ce qui concerne le conventionnement sélectif et la coercition, notamment, le problème n’est pas qu’il y ait ou non des zones denses ou sous-denses ; ce n’est pas une question de géographie. (Protestations sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.) Le problème, c’est le nombre insuffisant de médecins ! Dès lors, il ne sert à rien de vouloir orienter les médecins dans les territoires : c’est déshabiller Paul pour habiller Jacques ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Mes chers collègues, avez-vous entendu dans vos territoires un maire dire qu’il y avait trop de médecins ? J’ai lu dans UFC-Que choisir qu’une ville de mon département était considérée comme étant située en zone surdotée. Or je suis certaine que ce n’est pas nécessairement le point de vue de son maire…

La carte ne sera pas revue dans deux ans. Or, dans les années qui viennent, 30 % des médecins vont partir à la retraite. Le problème qui se pose est donc bien numérique. (M. Yves Bouloux applaudit.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1023 rectifié est retiré.

Qu’en est-il de l’amendement n° 335 rectifié, madame Lassarade ?

Mme Florence Lassarade. Je le retire également, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 335 rectifié est retiré.

La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Il a déjà parlé deux fois !

M. Stéphane Sautarel. Ma position n’est pas dogmatique ; elle est pragmatique. Sans faire de sémantique, j’observe que le mot « régulation » signifie pour le moins « correction ».

Le Président de la République a dit vouloir « stopper les conventionnements dans les zones qu’on considère comme déjà bien dotées. » Il me semble qu’un tel vocabulaire est clair !

À l’échelle des départements, le différentiel entre les zones les mieux dotées et les moins bien dotées est d’un à trois, selon le dernier rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

Bien entendu, le conventionnement sélectif et la quatrième année ne sont pas les seules réponses ; il y en a d’autres. Mais nous avons besoin de réponses !

Bien entendu, les internes que nous rencontrons ne souhaitent pas suivre une année d’études supplémentaire. Qui le souhaiterait ? Mais, en même temps, ils comprennent les enjeux. Et s’ils sont pressurés, ce n’est pas à cause de l’année supplémentaire. C’est la conséquence de la manière dont ils sont traités dans les hôpitaux ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)

La question qui se pose est donc beaucoup plus large que celle de la médecine générale.

Par ailleurs, monsieur le ministre, selon une récente étude de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’espérance de vie est inférieure de deux ans et demi dans les départements les moins bien dotés. Nous avons une responsabilité !

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à faire preuve de courage et à prendre conscience du sens de votre vote. Nous sommes attendus sur ce sujet ; on nous regarde. Nous devons apporter une réponse aux 6 millions de Français qui ne sont pas couverts et qui n’ont pas accès à un médecin généraliste. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je souscris aux propos de notre collègue ; il ne s’agit effectivement pas de défendre une position dogmatique.

Je suis très à l’aise pour parler du numerus clausus : dans ma première question écrite en tant que sénatrice, voilà douze ans, j’en demandais déjà la levée. Tout le monde m’avait expliqué que ce n’était pas possible. Mais si nous avions pris cette mesure à l’époque, il y aurait plus de médecins aujourd’hui !

On nous dit que le conventionnement sélectif ne marchera pas. De toute manière, en France, c’est toujours ce que l’on dit lorsque quelqu’un propose un nouveau dispositif…

M. Laurent Duplomb. Exactement !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais on n’a pas essayé !

Ce qui a été essayé jusqu’à présent n’a pas marché, et vous nous proposez d’attendre qu’un accord intervienne. Si une très bonne convention est signée avec les médecins, elle finira par s’imposer !

Il faut que de ce débat budgétaire sorte un acte politique permettant d’ouvrir plusieurs pistes – il n’y en a pas qu’une ! –, parmi lesquelles le conventionnement sélectif, la libéralisation, un accès plus facile aux centres de santé et la possibilité pour les médecins d’être salarié, à la fois, d’un hôpital et d’un centre de santé.

Monsieur Jomier, je veux bien que l’on m’explique qu’il ne faut pas pénaliser notre jeunesse. Je suis sensible à cet argument. Mais je pense que c’est l’ensemble du pays et du corps médical qui doit faire des efforts.

Pour ce qui concerne les médecins déjà installés, nous devons débattre de nouveau de la fameuse loi qui a supprimé l’obligation de garde ; nous savons que c’est une fragilité sur le terrain.

Pour les jeunes médecins qui arrivent, il faut entrer dans la logique du conventionnement sélectif, qui, je rappelle, n’est pas le goulag !

Réfléchissons bien à cette citation d’Olof Palme : « La société doit être forte […]. »

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue !

La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

M. Jean-François Rapin. Je reprends à mon compte les propos de Bernard Jomier et d’Alain Milon sur le spectacle que nous offrons aux jeunes médecins ce soir. Leur donne-t-on envie d’être médecins demain ?

Pour travailler un peu avec de jeunes médecins, je puis vous dire que lorsqu’ils s’installent dans un territoire, ils ont besoin de sécurité, de la présence de spécialistes et d’une structure.

M. Serge Mérillou. Il y a les maisons de santé !

M. Jean-François Rapin. Ils ne sont pas incités à rejoindre les déserts médicaux, dans lesquels nous souhaiterions qu’ils s’installent. Ce qui importe, c’est non pas seulement le cadre de vie, mais aussi – on oublie de le dire – le plateau technique.

Ne faisons pas peser sur les épaules des jeunes médecins la responsabilité de la situation actuelle ! Par ailleurs, on parle seulement des généralistes, et pas des spécialistes… Nous devons vraiment faire un effort de réflexion.

Monsieur le ministre, je suis d’accord avec mes collègues sur la question de la convention. Il faudra batailler dur pour obtenir des solutions qui soient favorables pour nos territoires.

Surtout, quelle que soit la solution que nous retiendrons ce soir, en responsabilité, comme parlementaires, ne pénalisons pas les jeunes et donnons-leur encore envie de pratiquer ce métier ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je récuse le simplisme. J’ai donc écouté avec intérêt Bernard Jomier, Jean-Luc Fichet, Patrice Joly et tous les autres… Mais une phrase que j’ai entendue m’oblige à intervenir. Elle reprenait l’argument éculé selon lequel si l’on force les médecins à s’installer à tel endroit, ils vont faire de la mauvaise médecine. J’ai encore entendu cela !

Tout le monde peut comprendre pourquoi cet argument est aberrant. Cela reviendrait à dire qu’un instituteur envoyé à l’autre bout de son département ferait mal son travail, qu’un professeur nommé dans une banlieue difficile enseignerait mal les mathématiques, qu’un notaire dans la même situation ferait de mauvais actes ou qu’un pharmacien auquel on demande de respecter ces règles ferait de la « mauvaise pharmacie »… Cela ne tient pas ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Derrière cet argument, il y a une conception de la société selon laquelle la régulation naturelle par le marché fait le bien commun. Non, ce n’est pas la réalité ! Et si l’on refuse toute organisation de la société, ce n’est pas la peine de s’engager en politique. La politique n’a de sens que si l’on cherche à maîtriser le cours des choses.

Certains ont peur ; ils nous annoncent la révolte des médecins, la révolte des internes. Mais savez-vous ce qui arrivera dans ces déserts médicaux, où les gens n’ont pas accès aux soins ? Il y aura la révolte des populations !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas la peine d’inscrire le mot « égalité » sur le fronton des mairies s’il n’y a pas d’égalité pour la santé de nos concitoyens ! (Vifs applaudissements sur des travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Pour que les choses soient bien claires, je précise que je ne suis pas médecin.

Lorsque je suis arrivé au Sénat, en 2017, l’une des premières auditions auxquelles j’ai participé fut celle du syndicat des jeunes médecins. J’ai été très surpris par leur discours : ils m’ont dit très clairement et en toute simplicité qu’ils avaient envie de travailler 35 heures,…

M. Laurent Duplomb. D’être des fonctionnaires !

M. Martin Lévrier. … d’avoir des congés, et que beaucoup d’entre eux préféreraient être salariés. On peut toujours dire que ce n’est pas bien, qu’ils ne sont pas de bons médecins, peu importe ; ce sont leurs propos.

Un autre de mes étonnements est bien plus récent. Il date d’un déplacement en Suède que j’ai effectué avec les membres de la commission des affaires sociales voilà un mois et demi. Alors que je pensais que nous y trouverions des solutions extraordinaires, je suis revenu en me disant que nous avions vraiment de la chance de vivre en France.

J’en donnerai un simple exemple. Il y a en France à peu près un médecin pour 900 habitants. En Suède, c’est un médecin pour 1 800 habitants. Dans ce pays, il faut entre trois et huit jours pour consulter un médecin, et il n’existe pas de médecin référent.

Le problème est mondial ! Se persuader que l’on va trouver la solution franco-française, voire entre les territoires, est un non-sens, puisque cela nous touchera tous, et pendant longtemps.

Le troisième point que je souhaite aborder concerne la situation dans mon territoire. Très régulièrement, j’y vois des communes et des villes voisines se faire concurrence pour s’arracher les médecins, parce que leurs médecins sont âgés, qu’elles ont peur et qu’elles veulent préparer les années à venir.

J’y insiste, la coercition ne marchera pas ! Et je vous invite, mes chers collègues, à croire dans la convention qui va se construire. Il nous reste six mois pour y arriver ; nous y parviendrons ! (Mmes Véronique Guillotin et Annick Jacquemet applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, je ne suis pas médecin, mais il m’arrive d’être malade. (Sourires.)

Plus sérieusement, nous parlons non pas d’un bien de consommation, mais d’un bien essentiel. (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

Nous rencontrons des difficultés pour toutes les raisons qui ont été invoquées, mais aussi parce que nous avons érigé une société du loisir. Et les médecins ont envie, comme tout le monde, d’avoir des horaires moins lourds.

Nous pourrions parler pendant des années du numerus clausus. Mais, pour moi, la question de la sélection des étudiants se pose.

Monsieur le ministre, expliquez-moi pourquoi tant d’étudiants brillants s’engagent dans des études médicales, puis sont recalés à la fin de première année. N’y a-t-il pas un problème à considérer ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Par ailleurs – et je vais peut-être en choquer certains ici –, quels que soient mon respect pour les médecins et ma satisfaction de voir des jeunes s’engager dans ce métier, j’ai le regret de devoir rappeler qu’un médecin de ville n’exerce pas vraiment une profession libérale ! Un médecin, aussi éminent soit-il, est rémunéré aussi grâce à la sécurité sociale. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, SER et GEST.) Il est donc grand temps de travailler, au moins, sur l’obligation de garde.

Nous avons tous envie de profiter de la vie, mais il faut rappeler qu’il n’y a pas de société sans responsabilité. De ce point de vue, il en est des médecins comme de tous les professionnels.

Vous nous dites, à l’instar de M. Lévrier, que nous aurons la solution dans six mois grâce à la convention. Je veux bien ; c’est mon côté centriste. Je vous dis donc : banco ! Rendez-vous dans six mois, mais en ayant expliqué aux médecins que s’ils ont des droits et des envies, ils ont aussi des devoirs, comme nous tous. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. J’ai l’impression de me trouver dans un cabaret et d’assister à un spectacle de magie !

Le problème, c’est que l’on manque de médecins : il y a des zones pourvues, des zones insuffisamment pourvues et des zones pas du tout pourvues. Mais il n’y a pas de zones « sur-pourvues » !

Si l’on manque de médecins, c’est à cause du numerus clausus, que les conseilleurs – nous savons bien que ce ne sont jamais les payeurs – ont recommandé aux ministres. Ainsi, on réduit le nombre de médecins.

Au lieu de voir la réalité, nous regardons le chapeau que nous montre le prestidigitateur pendant qu’il cache le lapin… Il en est ainsi du numerus clausus, dont on nous dit qu’il a été supprimé, alors qu’il ne l’a pas été ; il a juste été remplacé par autre chose. Et l’on continue à ne pas « fabriquer » assez de médecins !

Les anciens médecins, qui prennent leur retraite aujourd’hui, avaient des cabinets. Le nôtre, dans mon territoire, ouvrait son cabinet à six heures et demie du matin jusqu’à neuf heures, puis partait faire ses visites à domicile ; il revenait à treize heures trente et, à quatorze heures ou quinze heures, il rouvrait jusqu’à dix-neuf heures trente, voire vingt ou vingt et une heures. Ce n’était pas une vie ! Et je comprends que les jeunes médecins ne souhaitent pas vivre cette vie de bagnard.

Mais le fait est que, pour remplacer un médecin parti à la retraite, il en faut trois nouveaux ! (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.) Le problème est là, et pas ailleurs !

Il est donc temps de ranger le chapeau et de montrer le lapin que l’on nous cache depuis le début de notre discussion ! (Sourires. – Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Nous savions que nous aurions un débat animé sur l’article 22.

On entend souvent dire qu’à la commission des affaires sociales, il y a naturellement des médecins qui veulent se protéger et faire du corporatisme. Si tel était le cas, nous aurions supprimé l’article 22 ! Or nous n’avons pas fait ce choix.

Nous ne l’avons pas fait, parce que nous avons constaté, au travers de cette négociation entre les caisses primaires d’assurance maladie et les syndicats sur les tarifs conventionnels, qu’il y avait enfin une prise de conscience : celle de la nécessité de se réunir autour de la table pour trouver des solutions et améliorer l’accès aux soins.

Il n’y a pas de zones surdotées…

M. Patrice Joly. Si, il y en a !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi ! Il n’y en a pas ! Il existe simplement quelques zones où les médecins sont un peu plus nombreux.

À cet égard, Paris est une sorte de désert médical ; le problème ne concerne pas seulement le fin fond d’un département rural. Dans certaines villes, il y a des quartiers où l’on ne trouve pas de médecin. Il faut arrêter d’opposer les territoires ruraux et les territoires urbains, et les zones entre elles !

Là où il y avait autrefois un médecin, les modes d’exercice de la médecine sont désormais différents.

Comment se fait-il que même des médecins ayant suivi la filière de médecine générale ne s’installent pas ? Il y a plusieurs raisons : leur conjoint doit trouver un emploi ; ils ont fait leur vie dans la ville où ils ont étudié.

Ce qu’il faut, c’est leur donner des conditions d’exercice satisfaisantes là où ils s’installeront. Cela peut tout à fait se faire en dehors du milieu urbain. Il y a dans certains territoires, départements et zones très rurales situées loin de la préfecture, une formidable dynamique des médecins. Pourquoi ? Parce qu’ils bénéficient de conditions d’exercice très intéressantes, qu’ils travaillent avec l’hôpital, qu’ils peuvent avoir des stagiaires… Et cela fonctionne.

Une véritable dynamique médicale est nécessaire. Mais elle ne peut se créer qu’en donnant aux médecins de l’espoir et de bonnes conditions d’exercice, et en leur disant que l’on a confiance en eux.

Pour autant, je suis très favorable à la quatrième année. À un moment donné, il faut dire aux jeunes médecins : « Banco ! On va vous donner des conditions d’exercice et du temps médical. »

Je soutiens donc l’idée que la convention médicale est une bonne occasion. Mais si on la soutient, il faut lui accorder un délai de quelques mois et lui fixer des objectifs ainsi que des défis qu’elle devra relever.

En effet, les médecins ont aussi une responsabilité, notamment en termes d’obligation de garde. Je partage l’idée selon laquelle tous les médecins doivent remplir cette obligation. Il fut un temps où l’on a été très souple sur les gardes, et l’on en paye le prix maintenant.

Il faut donner sa chance à la convention médicale pendant six mois. Si l’on nous donne d’ores et déjà les conclusions de cette convention, ce n’est pas la peine de faire des textes !

Nous parlons toujours de la nécessité du dialogue social, en déplorant la mainmise dans le seul sens descendant et l’absence de dialogue. C’est la raison pour laquelle nous serons opposés à tous les amendements visant à poser cette condition d’une convention déjà ficelée et bouclée.

La commission, qui a demandé des scrutins publics, maintient son avis défavorable sur tous les amendements. (M. Bernard Bonne et Mme Élisabeth Doineau applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Braun, ministre. J’espère que le fait que je sois, comme vous le savez, médecin – hospitalier, ce qui me donne quelques excuses ! – n’est pas une tare m’empêchant de parler du sujet. (Sourires.)

Vous avez parlé de courage. Pour moi, le courage, c’est de prendre les bonnes décisions et de les assumer. Soyez-en sûrs, ce sera ma ligne de conduite : en aucun cas, je ne ferai croire aux Français qu’il existe une solution miracle – alors que je sais qu’elle ne marchera pas – et que tout s’arrangera dans les mois qui viennent.

Bien entendu, j’entends la souffrance qui est celle des élus, des maires et de nos concitoyens dans les zones qui manquent de médecins. Tous les territoires sont accueillants ; je le sais pour faire de nombreux déplacements dans le cadre du Conseil national de la refondation pour la santé, dont l’enjeu est justement de répondre à ce problème de manque de médecins.

J’ai l’habitude de le dire : les problèmes sont dans les territoires, les solutions aussi. Si le diagnostic est partagé partout, les solutions ne sont pas les mêmes. Je m’en rends compte tous les jours avec ce qui remonte du CNR Santé. Les principales problématiques évoquées dans ce cadre sont de quatre types. Vous avez reçu, me semble-t-il, un courrier à ce sujet, mais je veux les rappeler : le manque de médecins, notamment traitants, en priorité pour les patients les plus fragiles qui sont en affection de longue durée ; la permanence des soins à l’échelle des territoires ; l’attractivité des territoires ; la prévention.

Énormément d’idées nous sont proposées. Je reviendrai vers vous, si vous le souhaitez, à la fin de l’année ou au début de 2023, pour faire la synthèse de ce CNR.

Monsieur Sautarel, vous souhaitiez des explications sur les différences d’espérance de vie. J’aimerais vous faire part d’un fait, que vous pourrez bien entendu vérifier. Le département de la Mayenne est connu pour avoir un taux de médecins rapporté à la population extrêmement bas. Dans les Alpes-Maritimes, un autre département souvent cité en exemple, on considère, pour faire simple, qu’il y a trop de médecins. Je vous le donne en mille : on vit un an de plus en Mayenne que dans les Alpes-Maritimes. (Exclamations ironiques.)

M. Xavier Iacovelli. Il y a trop de soleil !

M. François Braun, ministre. N’en déduisez pas que moins on voit de médecins, mieux on se porte ! (Sourires.)

Par cet exemple, je veux vous montrer que l’évocation du taux de médecins sur un territoire relève toujours de la vieille logique de l’offre de soins, et absolument pas du besoin de santé de la population.

Ce qui m’intéresse, c’est de répondre à ce besoin,…

Mme Laurence Cohen. Nous aussi !

M. François Braun, ministre. … et non de me référer à des chiffres qui ne sont pas opérants.

Sur la disparition du numerus clausus, je ne peux pas laisser dire qu’il n’y a pas plus d’étudiants en médecine : cette mesure a entraîné une hausse de 13 % de leur nombre.

Madame Cohen, je suis ravi de vous avoir entendu dire qu’il n’y avait pas de solution unique, et qu’il fallait une boîte à outils permettant d’apporter différentes réponses. Je souscris totalement à cette idée, même si ce que vous proposez ne trouve pas sa place dans ma boîte à outils.

Je suis donc certain que vous approuverez : l’article 24, qui prévoit des consultations en zones sous-denses et un guichet unique pour simplifier les aides ; l’article 23, sur la quatrième année ; le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), sachant je me suis engagé à ce qu’il y en ait sur tout le territoire national d’ici à la fin de l’année prochaine ; l’exercice partagé ; les expérimentations d’accès direct de l’article 24 ; l’accroissement du nombre d’assistants médicaux, qui permettent d’augmenter de 10 % la patientèle de chaque médecin, et la simplification de leur mise en place ; le cumul emploi-retraite ; et l’article 25, sur la « libération » des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Voilà des solutions issues de la boîte à outils qui vont fonctionner !

Un autre sujet est fréquemment évoqué : celui des autres professions, notamment les pharmaciens. Nous n’avons actuellement pas de pénurie de pharmaciens, mais nous risquons malheureusement d’en avoir une demain. Je vous rappelle qu’ils sont soumis à des règles d’installation, qui ne s’apparentent pas à de la coercition : il faut un volume minimum de patientèle pour s’installer.

Les professions d’infirmier et de kinésithérapeute ne connaissent pas non plus de pénurie.

Je suis ravi de vous apprendre que la coercition existe pour l’installation de certains médecins. C’est le cas des médecins hospitaliers, comme moi, qui sont assimilés à des fonctionnaires. Ces médecins ne s’installent pas où ils veulent ; ils s’installent là où des places sont disponibles : ils ne disposent pas de la liberté d’installation des médecins libéraux.

Vous vous êtes demandé pourquoi ne pas tenter une solution qui n’a jamais été essayée. Je l’ai dit, cette solution a déjà été mise en œuvre, notamment au Royaume-Uni et au Québec, où l’on est heureusement revenu en arrière, parce que le remède était pire que le mal. En tant que médecin, quand je sais que le remède est pire que le mal, je ne l’essaie même pas ; sinon, le malade finira par mourir, et ce n’est pas ce que nous voulons.

Nous évoquerons la quatrième année quand nous aborderons l’article concerné.

Vous m’avez proposé de revenir devant vous dans six mois, à l’issue de travaux sur la convention avec les médecins généralistes, pour vous en présenter les résultats. J’accepte bien volontiers ; mieux, je m’y engage. Vous avez certainement pris connaissance de la lettre que la ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo et moi-même avons envoyée au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie pour définir les bases de cette convention : le principe des droits et des devoirs figure très clairement. (M. Bernard Fialaire et Mmes Véronique Guillotin et Élisabeth Doineau applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 883.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)