M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je tiens à remercier le groupe CRCE d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

Depuis sa création en mars 2018, la plateforme Parcoursup contribue à une refonte bienvenue du système éducatif français. Elle vise à répondre aux difficultés d’accès aux études supérieures. Après quatre ans d’exploitation, la plateforme continue à remplir la mission que le Parlement et le Gouvernement lui ont confiée, mais des ajustements restent nécessaires s’agissant des délais de réponse et de la lenteur des processus d’affectation.

La prise en compte des inégalités subies par les jeunes ruraux reste le parent pauvre de nos politiques publiques. Selon les données du ministère de l’éducation nationale, 10 millions de jeunes de moins de 20 ans grandissent dans des communes de moins de 25 000 habitants.

Comme l’a montré le sociologue Nicolas Renahy, l’enclavement a des conséquences réelles sur les opportunités offertes aux jeunes. Bien souvent, ils doivent se restreindre aux formations proposées dans leur territoire ou partir. D’autres raisons, parfois difficilement quantifiables, expliquent les difficultés d’accès aux formations post-bac : l’autocensure, le manque d’informations disponibles, les difficultés économiques et l’ensemble des freins à la mobilité.

En octobre 2018, le Gouvernement avait lancé une mission visant à « mieux prendre en compte les particularités de certains territoires, en particulier les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires ruraux ». C’était une bonne chose !

Plusieurs conclusions s’imposent.

Premier point, il faut noter que les politiques scolaires rurales ont tendance à être parcellaires et mal articulées avec les politiques d’aménagement.

Deuxième point, on constate que les inégalités territoriales se creusent. Si le zonage scolaire prend seulement en compte les difficultés sociales concentrées dans un même territoire, il oublie les difficultés « dispersées », comme les freins à la mobilité ou la fracture numérique.

Trop souvent, les inégalités scolaires ne sont appréhendées que sous l’angle des inégalités sociales. Mais n’oublions pas les inégalités territoriales, sujet auquel nous sommes attachés dans cette maison, mes chers collègues.

Ainsi, la rubrique « Activités et centres d’intérêt », complétée par les jeunes futurs étudiants pour augmenter leurs chances d’intégrer la filière de leur choix est source d’inégalités. Face à la demande croissante et au caractère non extensible des locaux universitaires, certaines écoles sont en effet tentées de sélectionner les étudiants sur des critères dépassant le simple dossier scolaire ; dès lors, deviennent parfois nécessaires des séjours linguistiques à l’étranger, un service civique, ou encore le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) : autant de facteurs censés permettre aux jeunes de se démarquer des autres.

Or les jeunes des territoires ruraux ne disposent pas des mêmes ressources que ceux des grandes agglomérations. Ils sont trop souvent démunis lorsque vient le moment de compléter leur profil sur la plateforme.

M. Pierre Ouzoulias. Très juste !

M. Jean-Pierre Decool. L’accès à un stage, à une activité extrascolaire ou l’engagement au sein d’une association sont bien évidemment plus difficiles dans les zones peu denses. Là encore, les origines géographiques restent déterminantes dans l’orientation post-bac et dans la capacité à se projeter dans l’avenir.

Dans Une jeunesse engagée, enquête sur les étudiants de Sciences Po, publiée en octobre 2022, il apparaît que pour 36 % des étudiants, ce sont les relations qui comptent le plus dans la formation de l’élite, contre 20 % en 2002. Les diplômes sont déterminants pour seulement 14 % d’entre eux, contre 36 % en 2002. Cette étude doit nous alerter.

« L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait », écrivait Georges Bernanos, un auteur que j’affectionne, car il s’est attaché à décrire les charmes de ma région, les Hauts-de-France. Nous devons dessiner une politique éducative prenant en compte l’ensemble des jeunes, leur parcours et leur territoire d’implantation. Il faut pour cela compléter les dispositifs actuels d’égalité des chances. Parcoursup, dont l’algorithme détermine le parcours de notre jeunesse, doit pouvoir y contribuer.

Les jeunes ruraux demandent tout simplement à bénéficier des mêmes chances de réussir que les autres. À nous de montrer à notre jeunesse, qu’elle soit rurale ou urbaine, que nous avons entendu cette demande et que nous prenons cette question à bras-le-corps. Il est crucial en effet que chaque jeune Français, d’où qu’il vienne, bénéficie des mêmes chances lors de son orientation post-bac.

Dès lors, madame la ministre, j’émets le souhait, au nom du groupe Les Indépendants, que la fracture territoriale soit davantage prise en compte par la plateforme Parcoursup, afin qu’elle contribue à la réduire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, merci d’évoquer ce soir, avec l’engagement que nous vous connaissons, la question de la fracture sociale et de l’égalité d’accès aux services publics pour les jeunes, en particulier ceux des territoires ruraux.

Permettez-moi d’apporter une précision : non, Parcoursup n’est pas un algorithme qui fait ou défait l’avenir de la jeunesse. Comme je l’ai dit précédemment, le côté humain est bien présent dans la procédure.

Mais je vous rejoins complètement sur un point : Parcoursup, comme les autres dispositifs appliqués par mon ministère et celui de l’éducation nationale, doit être mobilisé pour assurer l’égalité d’accès et de réussite pour tous les jeunes. Parcoursup y contribue, croyez-le bien, d’abord en permettant à tous, quel que soit son lieu d’habitation, d’accéder à la même information sur toutes les formations de l’Hexagone.

Je vous rappelle aussi que nous donnons avec Parcoursup une visibilité sur le réseau des brevets de technicien supérieur (BTS) ou encore des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), dont on sait que le maillage fin permet de répondre aux problématiques d’attractivité des territoires ruraux.

Pour lutter contre l’autocensure, nous avons promu les cordées de la réussite, dont nous voulons qu’elles concernent aussi les territoires ruraux. Aujourd’hui, 26 000 jeunes collégiens en collèges ruraux participent à ces cordées : ils seront ainsi sans doute mieux préparés pour faire leurs choix sur Parcoursup et bénéficieront d’un accès favorisé. Nous voulons améliorer l’accès des jeunes ayant participé aux cordées de la réussite et des boursiers à l’enseignement supérieur.

Pour répondre à la problématique que vous avez soulevée, il faut, vous le savez, dépasser le seul cadre de Parcoursup : les inégalités territoriales ne découlent pas seulement de cette plateforme. C’est pour cela que ma prédécesseure a mis en place, avec le soutien des collectivités territoriales, les campus connectés, qui permettent d’associer études à distance et soutien à la réussite de proximité. Ces campus sont aujourd’hui au nombre de 80, et nous allons continuer à travailler sur le maillage du territoire en formations en présentiel, lesquelles sont tellement nécessaires pour nos étudiants.

M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE, et Pierre Ouzoulias en particulier, d’avoir organisé un débat sur Parcoursup.

Ce débat ne porte-t-il pas en fait sur la sélection à l’université, ses modalités et son acceptabilité ? Les stigmates du principe de sélection ont créé une hantise pour le Gouvernement, qui redoute une loi Devaquet bis. Cette loi de 1986 est encore dans toutes les mémoires, notamment dans celles des élus : elle a fait descendre un million de personnes dans les rues et a nécessité la mobilisation de 150 000 policiers.

Et pourtant les défis restent les mêmes.

Je disais déjà en 2018, lors du débat sur la loi ORE, que les étudiants étaient de plus en plus nombreux et que l’échec était massif en licence. Les difficultés d’APB en 2017 ont précipité les choses et imposé dans l’urgence une réforme de l’admission dans l’enseignement supérieur, car le tirage au sort était inacceptable.

Fallait-il pour autant jeter APB avec l’eau du bain ? À partir de 2008, APB comprenait un portail de coordination des admissions dans l’enseignement supérieur. À l’époque, la Cour des comptes avait souligné la nécessité de procéder à une véritable simplification de la gestion des flux, sans pour autant mettre en place d’outil d’orientation ou d’instrument de sélection.

Pour la Cour, ces observations n’étaient pas le signe d’une défaillance intrinsèque de l’outil : elle estimait simplement qu’APB était le révélateur de choix ministériels en matière d’accès à l’enseignement supérieur qui ne correspondaient pas à la réalité de la situation. La situation a-t-elle changé, madame la ministre ?

Un travail des rectorats avec les universités, les branches professionnelles et les conseils régionaux doit être mené afin de réorienter l’offre de formation, qu’il faut adapter aux besoins présents et futurs de notre économie.

Les nombreuses inquiétudes que vous aviez formulées, mes chers collègues, lors de la réunion du 13 février 2018 de la commission mixte paritaire, dont les rapporteurs étaient Gabriel Attal pour l’Assemblée nationale et moi-même pour le Sénat, restent, je le mesure, d’actualité. Notre sens des responsabilités l’avait alors emporté et la CMP avait été conclusive, car 850 000 jeunes attendaient la mise en place de Parcoursup. La loi fut promulguée le 8 mars 2018 alors que la rentrée avait lieu six mois plus tard – certains se souviennent bien de cet épisode…

M. Max Brisson. Il y avait urgence !

M. Jacques Grosperrin. Aujourd’hui, les problèmes restent les mêmes, car la massification de la formation post-bac et la démocratisation soulèvent deux difficultés.

Elles posent tout d’abord des difficultés de fonctionnement, compte tenu des capacités d’accueil et des moyens alloués à l’enseignement supérieur. Alors que la dépense dans ce secteur atteint juste 1,5 % de sa richesse, la France est très loin de l’objectif de 2 % du PIB fixé par le livre blanc.

Elles posent ensuite des difficultés en termes d’équité et d’efficacité du système. L’inégalité d’accès et de réussite est aujourd’hui largement renseignée. Le diplôme reste la clé d’accès à l’emploi et sa valeur performative augmente avec le niveau d’études ; les grandes écoles restent donc gagnantes.

Dans ce contexte général, Parcoursup reste le symbole de nos objectifs aussi bien que de nos limites et, parfois, de nos insuffisances. Il a néanmoins permis un meilleur effort collectif d’orientation et une amélioration de la lisibilité de l’information, ce qui favorise une responsabilisation accrue des étudiants sur ce qui sera attendu d’eux.

Les critiques ont été très nombreuses depuis l’origine : système trop concurrentiel, lenteur, efficacité insuffisante, absence de transparence… Pourtant, le Conseil constitutionnel a reconnu la constitutionnalité du dispositif d’accès à Parcoursup le 3 avril 2020. Chaque établissement d’enseignement supérieur doit être en mesure de rendre compte des critères en fonction desquels sont examinées les candidatures dans le cadre de Parcoursup.

Cette décision a stabilisé juridiquement Parcoursup et légitimé le travail des universités. Dès lors, il est difficile d’imaginer la suppression de la plateforme, même si plusieurs candidats, lors de l’élection présidentielle, l’avaient préconisée. Mais quelles seraient alors les solutions de remplacement ?

À partir de là, plusieurs questions émergent. Où en est-on aujourd’hui ? Quelles pistes pour mieux gérer 2023 ? Quels objectifs chiffrés pour la prochaine rentrée et la phase de vœux qui s’annonce ? Quels indicateurs fiables sur l’efficacité du système ? Quelles pistes d’évolution pour régler le problème des listes d’attente et des lycéens qui se retrouvent sans affectation ? Comment assurer une place à tous les étudiants ?

Toutes ces questions donnent à nos jeunes une vision négative ou déformée de Parcoursup. Le baromètre de confiance montre une réelle désillusion : Parcoursup ne permettrait pas un accès équitable au supérieur. En outre, 36 % des candidats restent très insatisfaits des délais de réponse de la plateforme.

Les critiques portent également sur le fonctionnement même de la plateforme, qui impose un travail en amont difficile pour de nombreux candidats, et sur le processus de validation, qui peut pousser à des formes, quelquefois extrêmes, d’autocensure.

Comment remédier à ces critiques ? Quelles propositions pouvez-vous faire, madame la ministre, pour lutter contre les inégalités réelles, si souvent constatées, et celles qui sont ressenties ? Il faut communiquer mieux et davantage.

Parcoursup prend-il suffisamment en compte les complémentarités ? C’est toute la question de la mobilité des jeunes. Un nombre accru de lycéens quittent leur région pour étudier. Des quotas ont été mis en place et imposés, notamment aux établissements de la capitale. Pouvons-nous avoir des chiffres ? Quels sont le bilan et les conséquences de cette mobilité et quelles pourraient être les perspectives ?

Notre mission, sous la responsabilité de notre cher Max Brisson et avec l’ensemble de tous les sénateurs ici présents, aura pour rôle de se pencher sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vais répondre à vos questions en vrac, mais, tout de même, quels progrès a permis Parcoursup ! Je le redis : aujourd’hui, les admissions sont plus nombreuses et les évolutions et les améliorations sont continues et réelles, même si, et j’y insiste, beaucoup reste à faire pour diminuer le stress des jeunes, leur offrir davantage d’accompagnement et faciliter leur accès à l’enseignement supérieur. Mais, les chiffres le montrent, 93 % des lycéens reçoivent au moins une proposition : c’est une réalité !

Les candidats sont accompagnés tout au long de la procédure. Je le rappelle, onze campagnes téléphoniques permettent de joindre, par SMS ou téléphone, les candidats un par un lors de la procédure de Parcoursup. À cet égard, je salue le travail des CAES : 160 lycéens étaient encore sans proposition à la fin de la procédure, mais ont continué à être accompagnés. Il n’y a pas longtemps, 33 jeunes restaient sans proposition d’accès. Nous n’arrêtons pas notre accompagnement après les CAES.

Je veux aussi vous donner des chiffres sur les rapports, pour répondre à votre demande de transparence. Pour 2022, nous avons reçu 11 732 rapports, qui seront rendus publics sur Parcoursup et utilisés ensuite par les étudiants pour choisir leur orientation.

En matière de lutte contre les inégalités, le taux d’accès des boursiers a augmenté de cinq points, comme on l’a vu, passant de 20 % à 25 %. La mobilité est plus grande grâce à l’aide de 500 euros destinée à accompagner les boursiers concernés. J’insiste, améliorer l’accès, c’est permettre aux jeunes d’accéder à un premier cycle de proximité si tel est leur souhait, mais aussi à la formation souhaitée où qu’elle se trouve en France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous évoqué l’échec massif en licence. C’est une réalité, on le sait, mais pour savoir si l’on est bon ou mauvais, il faut se comparer aux autres. À cet égard, je vous invite à lire le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), car il nous permet de nous situer par rapport aux autres pays européens s’agissant des échecs en premier cycle et du taux de 2 % du PIB. Certes, des progrès peuvent encore être faits, mais vous constaterez que, dans le classement des établissements européens, l’enseignement supérieur français tient sa place.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour mettre en perspective et conclure notre débat du jour, vous me permettrez de faire un petit rappel historique.

Comme chacun sait, le baccalauréat est à la fois le premier diplôme de l’enseignement supérieur et le sésame pour accéder à ce niveau. Chaque année, plus de 600 000 jeunes bacheliers aspirent à poursuivre des études qui correspondent à leurs ambitions et, si possible, à leurs capacités. Tout le monde peut le comprendre, cette grosse machine nécessite un minimum d’organisation pour être efficace.

Pour relativiser les griefs, qui peuvent être légitimes, contre le système actuel, j’évoquerai un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. (Sourires.) Beaucoup d’entre nous ont connu une procédure d’affectation, avant l’ère du numérique, qui consistait, pour les filières dites sélectives, à envoyer son dossier par la poste à l’établissement de formation souhaité, puis en cas de réponse négative, toujours par courrier, à répéter la procédure pour chacun des vœux suivants. Rigoureusement, cela s’appelle, cher Pierre Ouzoulias, un algorithme, et vous conviendrez qu’il n’était pas optimal, y compris sur le fond, puisqu’aucune justification n’était exigible.

Depuis, la massification de l’accès au baccalauréat, la croissance quasi ininterrompue du taux de réussite et la multiplication des cursus post-bac ont considérablement alourdi la tâche de ceux qui sont chargés d’examiner les dossiers et de faire, en toute conscience professionnelle, les choix d’affectation. Un système entièrement manuel n’était plus tenable. APB est alors apparu et a su répondre, globalement, quoi qu’on en dise, à cette situation.

La difficulté porte sur le problème théorique des mariages stables, consistant à trouver par exemple, étant donné n hommes, n femmes et leurs listes de préférences, une façon stable de les mettre en couple. Le problème fut résolu en 1962 par l’algorithme de Gale et Shapley, lequel servira à l’élaboration de la plateforme APB. Mais il y a un biais majeur : la fonction de préférence qui privilégie un groupe plutôt que l’autre. Le parti pris pour APB, comme d’ailleurs pour Parcoursup, qui présente les mêmes caractéristiques techniques, c’est de donner la priorité aux préférences de l’établissement.

Qu’est-ce qui nécessitait une refonte de cette procédure ? Essentiellement, la hiérarchisation des vœux et leur grand nombre, compte tenu de la multiplicité des combinaisons possibles.

Les grandes nouveautés de Parcoursup, institué avec la loi ORE en 2018, sont l’extension de la procédure aux universités et à plus de 15 000 formations et la publication d’attendus pour mieux informer chaque candidat et le diriger vers les choix les plus pertinents. Mais beaucoup reste à faire en termes d’orientation, et c’est sur ce point que j’insisterai.

Comme l’avait pointé la Cour des comptes en 2020, l’orientation des élèves est identifiée comme une priorité par les pouvoirs publics, mais la mise en œuvre de cette politique se heurte à des obstacles majeurs.

La stratégie d’orientation dans le supérieur commence sans doute plus tôt aujourd’hui qu’il y a plusieurs années, et le fait même d’évoquer une « stratégie » laisse entrevoir toutes les difficultés auxquelles peuvent être confrontés certains jeunes et leurs familles. Les inégalités sociales se creusent donc au niveau bac-3, puisque les milieux les moins favorisés se reposent quasi intégralement sur les équipes éducatives pour prendre en charge l’orientation de leurs enfants.

Pour répondre à ce problème, la Cour des comptes et l’inspection générale de l’éducation pointent un besoin croissant en matière d’information et de professionnalisation des différents acteurs du processus d’orientation. Cela vaut pour les établissements scolaires, mais également pour les formations de l’enseignement supérieur dans leur processus de recrutement.

Nous espérons, madame la ministre, que des actions concrètes seront entreprises dans ce domaine pour permettre à Parcoursup d’atteindre l’un de ses objectifs essentiels mis en avant en 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Madame la ministre, si vous le désirez, vous pouvez répondre à M. Piednoir, puis poursuivre avec votre conclusion.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, puisque vous me le permettez, je livrerai ma conclusion, qui me permettra également d’apporter à M. Piednoir les réponses à ses questions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour ce débat et pour la qualité de vos interventions, dans lesquelles vous avez identifié et évoqué de nombreux points pertinents.

Je l’ai dit, Parcoursup n’est qu’une plateforme, mais une plateforme qui doit être au service des futurs étudiants. Sur cette plateforme, les formations ont une responsabilité première, bien évidemment. Au fond, ce qu’il faut rappeler au moment de clore ce débat, c’est que la procédure de Parcoursup assure un échange entre les lycéens et les enseignants des formations post-bac, avec l’aide – et c’est fondamental – des professeurs principaux, qui sont au plus près des lycéens.

La loi du 8 mars 2018 a organisé Parcoursup autour de plusieurs ambitions, qui sont, je n’en doute pas, partagées sur toutes les travées de cet hémicycle : celle de renforcer l’accompagnement à l’orientation au lycée pour en faire un tremplin vers l’enseignement du supérieur ; celle de mettre fin aux inscriptions par ordre d’arrivée, comme vous l’avez dit, dans la nuit ou par tirage au sort, en fixant des règles transparentes – j’y reviendrai –, connues de tous ; celle aussi d’améliorer la réussite de tous les étudiants ; et, enfin, celle de renforcer la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur.

Sur chacun de ces points, que de chemin parcouru depuis cinq ans ! Au lycée, l’accès à l’enseignement supérieur est devenu un enjeu majeur, qui mobilise toutes les équipes éducatives, avec le souci de sécuriser, mais aussi d’accompagner, le parcours des lycéens. En 2022, davantage de bacheliers ont reçu des propositions d’admission et ils les ont eues beaucoup plus vite, comme le montrent les enquêtes et différentes statistiques.

Grâce aux rectorats – je tiens ici à saluer leur travail, ainsi que celui des enseignants du secondaire et du supérieur –, le nombre de lycéens sans solution à la fin de la procédure a été considérablement réduit au cours des années : ils étaient, je l’ai dit, 160 en septembre 2022 et nous avons continué à les suivre pour réduire encore leur nombre, parce que chaque étudiant est important pour tous.

En 2023, en intégrant dans le dossier Parcoursup les notes des épreuves finales des enseignements de spécialité, nous redonnerons toute sa légitimité au baccalauréat et nous renforcerons l’objectivité de l’analyse des candidatures, mais aussi l’articulation bac–3/bac+3, que Parcoursup a fait progresser comme jamais auparavant.

La transparence, vous l’avez tous rappelé, est un objectif majeur au service de l’orientation des lycéens. Nous avons encore des progrès à faire, mais jamais autant de données n’ont été rendues publiques par mon ministère. Les règles de Parcoursup sont simples et publiques : l’obligation faite aux formations de rendre compte de leurs critères et de leurs choix est effective. Pour cette session 2022, les chefs d’établissement ont rempli 11 732 rapports, que nous rendrons tous accessibles.

Le tirage au sort n’est plus utilisé depuis cinq ans et l’automaticité que la Cnil avait reprochée à APB a pris fin.

Cessons d’affirmer que, avec Parcoursup, la sélection se serait accrue à l’université. Oui, les règles d’admission ont évolué. Oui, l’examen des dossiers est la règle, parce que cela sert la méritocratie, mais aussi, in fine, la réussite de nos étudiants.

La réussite étudiante a progressé d’au moins 5 points depuis la mise en place de Parcoursup – sans tenir compte des résultats sans doute exceptionnels de l’année 2020. La tendance est claire, aussi la personnalisation des parcours doit-elle devenir – et elle le devient – une réalité dans les universités.

De même, la démocratisation a progressé depuis 2018. Le comité éthique et scientifique de Parcoursup l’a souligné à plusieurs reprises : le nombre de lycéens boursiers admis est en augmentation de cinq points, la mobilité des étudiants est plus grande, les bacheliers professionnels et technologiques ont un accès renforcé aux filières professionnalisantes…

Cette dynamique d’amélioration doit bien sûr se poursuivre. Je m’y engage, tout comme le Président de la République, qui a promis de « rendre Parcoursup plus prévisible, en donnant des résultats précis des années précédentes et en accompagnant mieux les familles ».

Le ministre de l’éducation nationale et moi-même souhaitons mieux prendre en compte le ressenti des lycéens. En effet, même s’ils portent une appréciation positive globale sur leur expérience de Parcoursup, les lycéens manifestent encore des attentes en matière de réduction du stress et de transparence de la procédure.

C’est pourquoi nous effectuerons des améliorations s’articulant autour de quatre axes stratégiques, qui seront alimentés par des éléments de notre discussion de ce soir.

Tout d’abord, nous renforcerons l’accompagnement à l’orientation pour aider les lycéens et leurs familles à faire leurs choix et pour favoriser la réussite des étudiants.

Ensuite, nous rendrons l’examen des candidatures plus transparent et les résultats d’admission sur Parcoursup plus prévisibles.

Par ailleurs, nous améliorerons l’efficacité de la phase principale pour réduire l’attente des candidats et le stress qu’elle provoque.

Enfin, nous prolongerons le continuum de réussite du lycée vers l’enseignement supérieur pour favoriser la réussite étudiante, mais aussi l’insertion professionnelle après le cycle licence.

Nous engagerons ces progrès en lien avec les acteurs de l’enseignement supérieur, car rien ne pourra se faire sans celles et ceux qui donnent de leur temps pour les journées portes ouvertes ou pour l’examen des candidatures sur Parcoursup. Je sais, pour avoir été l’une d’entre eux, que ces derniers n’ont qu’un seul but : accueillir les futurs étudiants, les former et les faire réussir tout au long de leurs études. Il est normal que nous fassions tout pour apporter de la sérénité durant ces périodes de choix.

Nous étudions actuellement les processus d’amélioration, en collaboration avec le ministre de l’éducation nationale, pour qu’ils soient mis en œuvre dès cette année. J’espère pouvoir vous les présenter dans le détail l’année prochaine, lors d’un bilan présentant une réelle amélioration du système Parcoursup. À cet égard, les chiffres sont déjà évocateurs et le seront encore davantage l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Conclusion du débat