Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d’agression

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 3 rectifié

Article 1er

L’article 2-19 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« L’Association des maires de France et toute association départementale des maires qui lui est affiliée dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile dans toute instance introduite par un élu municipal pour injure, outrage, diffamation, menace ou acte d’intimidation, violences, harcèlement, exposition à un risque dans les conditions prévues à l’article 223-1-1 du code pénal, destructions, dégradations ou détériorations de bien, violation de domicile commis, en raison de ses fonctions ou de son mandat, à son encontre ou à l’encontre d’un membre de sa famille. L’Assemblée des Départements de France peut exercer ces mêmes droits pour les élus départementaux et Régions de France pour les élus régionaux, territoriaux et de l’Assemblée de Corse. » ;

1° bis (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent également exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d’atteinte volontaire à la vie d’un élu commise en raison de ses fonctions ou de son mandat. » ;

1° ter (nouveau) Le troisième alinéa est complété par les mots : « ou, si la victime est décédée du fait d’une atteinte volontaire à la vie en raison de ses fonctions ou de son mandat, de ses ayants droit. » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « l’association mentionnée » sont remplacés par les mots : « les associations mentionnées ».

Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 19 est présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission.

L’amendement n° 23 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 à 6

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

1° Le premier et le deuxième alinéas sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’infractions prévues par les livres II ou III du code pénal ou par le chapitre III du titre III du livre IV du même code ou par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse commises à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public en raison de ses fonctions ou de son mandat, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, si l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée, et avec l’accord de cette dernière ou, si celle-ci est décédée, de ses ayants droit :

« 1° Pour les élus municipaux, l’Association des maires de France, toute association nationale, reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association départementale qui lui est affiliée ;

« 2° Pour les élus départementaux, l’Assemblée des départements de France ainsi que toute association nationale, reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;

« 3° Pour les élus régionaux, territoriaux et de l’Assemblée de Corse, Régions de France ainsi que toute association nationale, reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus, et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;

« 4° Au titre d’un de ses membres, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Parlement européen ou la collectivité territoriale concernée.

« Il en est de même lorsque ces infractions sont commises sur le conjoint ou le concubin de l’élu ou le partenaire lié à celui-ci par un pacte civil de solidarité, les ascendants ou les descendants en ligne directe de celui-ci ou sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile, en raison des fonctions exercées par l’élu ou de son mandat. » ;

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 19.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article 1er.

Issu du dialogue mené avec le Gouvernement, cette proposition de loi tend à permettre à toutes les associations d’élus bénéficiant d’une ancienneté suffisante de se porter partie civile, tout en reconnaissant le rôle et l’implication de l’AMF dans la défense des élus municipaux. Ce dernier point n’était pas tout à fait perceptible, monsieur Kanner, dans l’amendement que vous aviez présenté en commission, puisque vous y faisiez fi, alors, de cette association.

Cette rédaction paraît cohérente avec l’intention de l’auteure de la proposition de loi. Elle respecte l’esprit initial de ce texte, ce qui compte beaucoup pour moi, tout autant que l’intention des auteurs des amendements adoptés en commission sur l’article 1er.

Par ailleurs, la commission a accepté d’inclure le Parlement européen – en l’occurrence, les députés européens de nationalité française et les députés étrangers victimes d’une agression en France – parmi les assemblées susceptibles de se porter partie civile lorsque l’un de leurs membres est agressé.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 23.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne surprendrai personne en disant que je suis totalement en phase avec Mme le rapporteur.

Ces deux amendements identiques visent aussi à rappeler qu’il était constitutionnellement risqué de permettre à une seule association de se constituer partie civile. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause ce que l’AMF représente pour de nombreux élus ; personne n’a l’intention de la malmener, mais ne pas considérer les autres associations revenait, j’y insiste, à prendre un véritable risque constitutionnel.

Ces amendements identiques ont par ailleurs le mérite d’harmoniser et d’étendre le champ des infractions dont les élus sont victimes.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

L’Association des maires de France et toute association départementale des maires qui lui est affiliée dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans peuvent

par les mots :

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans qui se propose, par ses statuts, de défendre et représenter les intérêts matériels et moraux des élus locaux peut

et le mot :

municipal

par le mot :

local

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Nous savons, comme les collègues qui présentent les amendements suivants faisant l’objet de cette discussion commune, que l’adoption des amendements identiques nos 19 et 23 aurait pour conséquence de faire tomber tous les autres. Nous avons donc bien compris la démarche engagée, laquelle, quoi qu’en dise Mme le rapporteur, va dans notre sens.

Il est vrai que l’amendement que j’avais porté au nom de mon groupe ne mentionnait aucune association, car nous estimions que les associations dûment déclarées et ayant plus de cinq années d’existence pouvaient légitimement revendiquer la possibilité de défendre leurs élus, quels qu’ils soient.

L’AMF, l’ADF et Régions de France sont encore mentionnées dans l’amendement de Mme le rapporteur, sans qu’il soit fait mention des autres associations. Nous pensions, pour notre part, qu’il aurait été plus simple de faire référence à toutes les associations d’élus, même si, je le sais, tel n’était pas tout à fait le sens du texte initial de Mme Delattre. Cette simplification aurait permis d’éviter toute forme de concurrence entre les secteurs associatifs, à laquelle nous allons, de fait, contribuer.

Pour autant, nous adopterons l’amendement présenté par Mme Di Folco : ses dispositions nous semblent aller globalement dans la direction que nous souhaitions indiquer lorsque nous avons présenté notre amendement en commission.

Mme la présidente. Les dix amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par M. Delcros, Mme Vermeillet et MM. Canévet et Détraigne.

L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par Mme Noël, M. Laménie, Mme Thomas, M. Perrin, Mme Muller-Bronn, MM. Pointereau, Rietmann, Paccaud, Houpert, B. Fournier, Anglars, Bascher, Regnard et Savin, Mmes Richer et Joseph, M. Chatillon, Mmes Drexler, Micouleau et F. Gerbaud, MM. Paul, Joyandet et Pellevat, Mme Puissat, M. Rapin, Mme Dumont, M. Bouchet, Mme Estrosi Sassone, M. J.B. Blanc, Mme Lopez, M. Belin, Mme Belrhiti, M. Lefèvre et Mme Raimond-Pavero.

L’amendement n° 9 est présenté par M. J.M. Boyer.

L’amendement n° 10 rectifié quater est présenté par M. Mizzon, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Maurey, Mme Guidez, M. Kern, Mme N. Goulet, MM. Louault, Bonnecarrère, Laugier, Masson, Bonneau, Calvet et Saury, Mmes Gatel et Saint-Pé, M. Henno, Mme Billon, MM. J.M. Arnaud, Duffourg, Cigolotti et Frassa et Mmes Dindar, Gacquerre, Herzog et Chain-Larché.

L’amendement n° 11 est présenté par M. Longeot.

L’amendement n° 12 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Wattebled, Guerriau, Decool et Chasseing, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue et A. Marc.

L’amendement n° 14 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 15 est présenté par M. Ravier.

L’amendement n° 16 est présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 18 est présenté par Mme Havet.

Ces dix amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

L’Association des maires de France et toute association départementale des maires qui lui

sont remplacés par les mots :

Les associations nationales représentatives des maires ainsi que toute association départementale qui leur

La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.

M. Bernard Delcros. Le présent amendement vise à étendre à l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et aux associations départementales qui lui sont affiliées les droits qui sont ouverts par la présente proposition de loi aux autres associations nationales représentatives d’élus.

Cela dit, je voterai les amendements identiques nos 19 et 23, qui ont pour objet d’élargir cette possibilité à d’autres associations d’élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.

M. Marc Laménie. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié quater.

M. Jean-Marie Mizzon. Il est également défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Dany Wattebled, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié ter.

M. Dany Wattebled. Il est défendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Guy Benarroche. Nous soutenons ces amendements identiques à cause des mots suivants, qui figurent au 4° des amendements de la commission et du Gouvernement : « Il en est de même lorsque ces infractions sont commises […] sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile ».

Ces termes vagues et flous peuvent donner lieu à de nombreuses exagérations, voire à des manipulations, nous semble-t-il. En l’absence de ces mots, j’aurais volontiers voté les amendements identiques nos 19 et 23, même s’ils tendent à mentionner ADF et Régions de France.

Mme la présidente. L’amendement n° 15 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 16.

Mme Cécile Cukierman. Nous avons tous évoqué, avec force et sincérité, les expériences que nous vivons dans nos départements et la difficulté d’être élu local. Si nous sommes nombreux à déposer le même amendement, ce n’est pas pour faire durer le plaisir ! En fait, nous devons, en toute humilité, nous garder d’opposer les uns aux autres. L’agression envers un édile, quel qu’il soit – élu local, national ou européen –, est indigne.

Mme le rapporteur propose une formulation qui, je l’espère, fera consensus. Mais nous devons veiller à deux éléments.

Tout d’abord, une agression dont est victime un élu local ne saurait être source d’interprétation et servir à justifier l’existence de telle ou telle structure. Nous devons rester vigilants sur ce point.

Ensuite, si le débat politique a ses forces et ses faiblesses, nous ne devons pas renvoyer devant la justice ce qui relève du débat contradictoire et démocratique, lequel est parfois virulent.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 18.

Mme Nadège Havet. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

supprimer les mots :

qui lui est affiliée

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Il est également défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

outrage,

insérer les mots :

outrage sexiste,

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement a pour objet d’inclure l’outrage sexiste, inscrit à l’article 621-1 du code pénal, dans la liste des agressions et violences commises sur les élus pouvant donner droit à la constitution de partie civile des associations nationales d’élus.

Nous visons, au travers de cet amendement, les réflexions sur le physique, la suspicion d’illégitimité et les commentaires haineux liés au genre.

J’ouvre à cet égard une parenthèse. Participant avec les Verts de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) à la réunion portant sur le contrat de planification territoriale écologique passé entre la Première ministre et le président du conseil régional, j’ai constaté qu’étaient montés sur scène pour signer ce contrat 19 élus : 17 hommes et 2 femmes. Rien n’est donc réglé, contrairement à ce que l’on entend dire !

Le sexisme perdure en politique, et il est important d’offrir toutes les garanties de protection aux femmes politiques qui subissent ces agressions. Le réseau Élues locales a notamment révélé, en 2021, que plus de 74 % des femmes élues locales subissaient des comportements et des remarques sexistes dans le cadre de l’exercice de leur mandat.

Le cybersexisme à l’encontre des femmes politiques est également en nette augmentation. Elles sont exposées à des formes de violences amplifiées en ligne, en raison de leur genre ou de leur orientation sexuelle. Ces violences dissuadent des femmes de s’engager durablement en politique. Pour ces raisons, il est nécessaire d’aider les femmes élues qui souhaitent engager des procédures judiciaires. Il faut que les associations nationales d’élus les accompagnent tout au long de leur parcours judiciaire.

Même si cela vous semble redondant, il me semble utile de mentionner clairement l’outrage sexiste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Mon avis est bien sûr favorable sur l’amendement n° 23 du Gouvernement, identique à celui de la commission : il s’agit d’une coproduction fructueuse.

En ce qui concerne l’amendement n° 4, l’avis de la commission est défavorable, puisqu’il est satisfait par les amendements identiques nos 19 et 23.

Je demande le retrait des amendements identiques nos 5 rectifié bis, 7 rectifié bis, 10 rectifié quater, 12 rectifié ter, 14, 16 et 18, qui seraient satisfaits par nos deux amendements identiques précités.

Je demande également le retrait de l’amendement n° 6, pour la même raison.

S’agissant de l’amendement n° 13 présenté par M. Benarroche, qui vise les outrages sexistes, je rappelle que, au travers de son amendement n° 19, la commission a fait le choix de ne pas établir de liste des infractions, afin que le texte soit le plus large et le plus clair possible. L’inclusion nominale d’une infraction ne nous paraît pas souhaitable. Pourquoi viser les outrages sexistes et pas d’autres formes d’outrage ?

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Je tiens à saluer l’esprit de responsabilité des sénateurs et les synergies qui se sont établies entre le Sénat et le Gouvernement.

Les amendements identiques présentés par Mme le rapporteur et par le Gouvernement ont été rédigés de concert. Notre avis est donc évidemment favorable sur l’amendement n° 19.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 4, présenté par le président Kanner, je précise que la mention de l’AMF ne crée pas de rupture d’égalité, d’autant qu’elle figure dans le code de procédure pénale depuis qu’elle y a été introduite par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.

Notre critère de décision est l’efficacité. L’AMRF pourra-t-elle soutenir les élus victimes en se constituant partie civile ? La réponse est oui.

Je demande donc le retrait de cet amendement, au profit des amendements identiques de la commission et du Gouvernement.

Les sept amendements identiques suivants étant satisfaits par les amendements nos 19 et 23, j’en demande également le retrait, même si je partage la volonté de leurs auteurs d’étendre la possibilité de se constituer partie civile.

Je sollicite enfin le retrait des amendements nos 6, et 13.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Je n’étais pas opposée par principe au fait de mentionner l’ensemble des associations d’élus.

Je souhaite remercier l’AMF, l’ADF et Régions de France, qui ont travaillé avec moi depuis le début sur cette proposition de loi, un texte que nous avons amélioré grâce à Mme le rapporteur et au Gouvernement. Telle est l’utilité des niches parlementaires et du travail approfondi que nous effectuons au sein de nos commissions !

Je salue le travail de coconstruction mené avec le Gouvernement et l’élégance de Mme le rapporteur, qui a bien voulu me demander mon avis, en tant qu’auteure de la proposition de loi, avant de déposer son amendement.

Je suis d’accord avec toutes les améliorations que nous avons apportées, ensemble, quel que soit le groupe du Sénat auquel nous appartenons. J’espère qu’elles seront défendues avec la même force et la même conviction à l’Assemblée nationale, au nom de l’efficacité de la loi et pour que justice soit rendue à nos élus.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter les amendements identiques nos 19 et 23.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Je vais retirer mon amendement n° 4, qui est globalement satisfait par les amendements identiques de la commission et du Gouvernement. Permettez-moi néanmoins de souligner une petite originalité desdits amendements.

La proposition de loi de Mme Nathalie Delattre, sauf erreur de ma part, visait en premier lieu à protéger les élus locaux. Or, au 4° de l’amendement de la commission, cette protection est étendue aux membres du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Parlement européen.

Si vous voulez être efficaces, mes chers collègues, n’oubliez pas les membres de la troisième chambre de la République, le Conseil économique, social et environnemental (Cese),…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ses membres ne sont pas élus !

M. Patrick Kanner. … ou les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui, eux, sont élus !

Étendre la protection prévue dans un texte dont l’objectif initial était de défendre les élus locaux pourra susciter des interrogations. Je tenais à le faire remarquer.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.

La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Je souhaite soutenir l’amendement n° 13 de mon collègue Guy Benarroche.

Mes chers collègues, pardonnez-moi pour la violence des propos que je vais citer : il ne s’agit pas de mes mots, ce sont des extraits des messages que je reçois quotidiennement via les réseaux sociaux : « Grosse pute » ; « Pute woke » ; « Retourne à la cuisine, connasse » ; « Retourne sucer de l’enturbanné, connasse islamo-gaucho » ; « Connasse de laïcarde de Lesbos » – vous le voyez, c’est assez équilibré ! – ; « T’as un problème avec la religion chrétienne ? » ; « Ferme ta gueule, écologiste de merde » ; « Les gens comme toi, vous êtes cuits, vos têtes seront sur des piques » ; « Mange-merde que tu es, tu chies là où tu manges » – là, je comprends moins… – ; « Les gens comme moi n’attendent qu’une chose : le signal pour faire la peau aux gens comme toi »… (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous avez sans doute eu envie de me couper, madame la présidente, et je vous comprends. C’est inacceptable et, comme toutes et tous ici, je considère que ces propos sont intolérables. Pourtant, ce n’est qu’un infime échantillon des insultes et des menaces que je reçois quotidiennement, notamment sur les réseaux sociaux. Et je suis très loin d’être la seule !

Oui, quand on est une femme en politique aujourd’hui, on se fait harceler dès que l’on existe un peu – exagérément, selon certains – dans l’espace public. Cela pose un problème démocratique, parce que cela conduit de nombreuses femmes à s’autocensurer et à disparaître des réseaux sociaux, par peur pour leur vie ou pour se protéger mentalement, et parce que les femmes élues, qui sont déjà minoritaires partout, sont moins visibles et audibles à cause de ces violences.

J’entends très bien que vous considériez l’inscription dans la loi de l’outrage envers un ou une élue comme étant, sur le plan juridique, suffisante. Mais, vous venez de l’entendre, cet outrage est spécifique tant par sa violence et sa fréquence que par sa nature même, qui est d’être le fruit de la domination patriarcale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voilà pourquoi je vous demande de voter cet amendement porté par le groupe écologiste, visant à inclure les spécificités de l’outrage sexiste dans la liste des agressions et violences dont vous entendez, au travers de cette proposition de loi, protéger les élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je me rallierai bien entendu à l’avis de Mme le rapporteur de la commission des lois, et retirerai donc l’amendement n° 7 rectifié bis.

Je souhaite néanmoins dire quelques mots de l’amendement n° 13, qu’a présenté M. Benarroche et que l’on peut comprendre.

Le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes est réellement d’actualité, et l’on peut partager ces préoccupations, surtout lorsque l’on est membre, comme moi, de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Pour autant, il y a eu tout de même une évolution au sein des conseils municipaux, départementaux et régionaux : la place des femmes y est importante, tout comme au Sénat, où nous avons des collègues sénatrices de très grande qualité. (Exclamations amusées. – Mmes Françoise Gatel et Nathalie Delattre applaudissent.) Je le dis sincèrement !

Cette évolution est positive, même si, il faut le dire, l’égalité n’est pas encore complète.

Je salue l’initiative de notre collègue Nathalie Delattre, ainsi que le travail de concertation qui a été réalisé sur ce sujet. Beaucoup critiquent les élus, de tous niveaux ; or ceux qui le font parlent bien souvent sans savoir et sans connaître toutes les formes d’agressivité et de violence dont les édiles sont victimes, et qui ont été soulignées.

Le combat permanent et collectif contre les violences mérite d’être respecté et reconnu ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je vais peut-être casser l’ambiance, mais j’assume… À toujours vouloir détailler et faire des listes à la Prévert, on bascule dans des excès que nous voudrions pourtant empêcher. (M. Philippe Bas approuve.)

Je partage votre indignation, ma chère collègue Mélanie Vogel, quant aux propos que vous venez de rapporter. Ces mots relèvent d’une attaque personnelle à l’égard d’une sénatrice. Face à cela, il y a deux solutions.

La première est le combat politique. Quand nous allons au combat, nous donnons des coups et, par conséquent, nous acceptons d’en recevoir.

La seconde est de considérer, ma chère collègue, qu’il s’agit d’une attaque personnelle, injustifiée dans le cadre de l’exercice de votre mandat, et alors il faut porter plainte.

Toutefois, ce ne peut pas être l’un ou l’autre ! Je vous le dis, il n’est pas possible d’alterner, selon ce qui nous arrange, entre dénoncer nos accusateurs et se servir de ceux qui chantent nos louanges.

Oui, il est difficile de faire aujourd’hui de la politique dans une société fracturée, dans laquelle la violence n’a jamais été aussi forte, car nous sommes inévitablement les catalyseurs de cette violence !

Je m’emporte, mais nous vivons toutes et tous des situations similaires. Chacun d’entre nous a un rapport différent aux réseaux sociaux, parce que nous gérons différemment la violence qui peut s’y exercer. Ce que je ressens à un moment donné pourrait être vécu comme un non-événement par un autre.

Les propos que vous rapportez sont violents. Je pourrais aussi vous raconter mon histoire, et vous dire que j’ai davantage souffert en arrivant ici d’avoir été une jeune sénatrice qu’une femme sénatrice… À chacun sa vie !

Sachons raison garder. S’il s’agit d’une attaque personnelle contre un élu, la justice est là, et les associations d’élus doivent être au rendez-vous. En revanche, si cette attaque appartient au champ et au combat politiques, alors l’arène démocratique nous est ouverte : affrontons-nous, menons nos combats et ne renonçons jamais à nos idéaux ! (Vifs applaudissements.)