Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2023 dote la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de moyens importants afin de mettre en œuvre plusieurs chantiers prioritaires, dans la continuité des mesures de politique sociale figurant dans les précédentes lois de finances.

Cette mission englobe de nombreux sujets d’importance.

Tout d’abord, elle comprend les financements attribués en matière de protection de l’enfance, nécessaires au bon fonctionnement de cette politique et à son organisation.

Le groupement d’intérêt public (GIP) France enfance protégée sera mis en place au 1er janvier 2023. La gouvernance de ce nouveau GIP associera l’État, les départements et des représentants des associations. Nous en avons voté la création en début d’année ; je me félicite que l’année s’achève par l’examen des crédits qui le financeront.

Je tiens à souligner les moyens mobilisés pour la protection des enfants afin de répondre, dans toute leur diversité, aux situations difficiles auxquelles ceux-ci sont confrontés.

Quelque 7,4 millions d’euros abonderont le plan de lutte contre les violences faites aux enfants, afin notamment de financer les unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger (UAPED).

De plus, 140 millions d’euros seront dédiés à la mise en œuvre de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, au travers d’une contractualisation avec les départements. Cela permettra de sécuriser le parcours des enfants protégés, de fluidifier l’accompagnement scolaire et de faciliter l’accès au logement et aux droits des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Je reviendrai sur un constat que j’avais dressé devant vous il y a maintenant deux ans : chaque année, des milliers de jeunes sont victimes de sorties sèches, faute de contrat jeunes majeurs et d’accompagnement par les départements. Les chiffres sont évocateurs : 70 % des jeunes de l’ASE sortent de leur scolarité sans diplôme et 40 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans sont passées par l’ASE.

Aussi est-il à mon sens essentiel que soient prises des mesures pour faire face à cette situation – c’est ce que nous avons fait lors de l’examen de la loi relative à la protection des enfants. Le budget qui nous est soumis flèche 50 millions d’euros vers la prévention des sorties sèches des jeunes majeurs de l’ASE. Je ne peux que me satisfaire de voir ce financement garantir la mise en application de cette loi.

Ce projet de loi de finances abonde également le financement de l’aide alimentaire, avec 60 millions d’euros supplémentaires en 2023. Nous nous devions de placer au cœur de notre action l’amélioration de la qualité de l’offre et de nous assurer que tous les moyens soient déployés pour lutter contre la précarité alimentaire.

Par ailleurs, les crédits de cette mission financeront des mesures de lutte contre la précarité menstruelle, qui concerne environ 1,7 million de femmes. Une enveloppe de 4,7 millions d’euros sera destinée à la distribution de protections aux populations précaires, à la collecte et à la redistribution par des associations, mais également à la sensibilisation de la population.

De plus, la mission comprend les crédits relatifs à la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause du quinquennat. Ces crédits augmenteront de 15 % afin de répondre aux multiples enjeux en matière d’accueil, d’orientation et de mise en sécurité des victimes, au travers de plusieurs mesures.

Le portefeuille de la mission « Solidarité, Insertion et égalité des chances » comporte également le financement de l’allocation aux adultes handicapés. L’augmentation depuis 2017 des crédits consacrés à l’AAH marque l’engagement du Gouvernement et permettra de financer sa déconjugalisation, que nous avons votée cet été.

En outre, je défends, notamment avec mes collègues Hassani et Mohamed Soilihi, un amendement visant à harmoniser les modalités d’accès à l’AAH entre Mayotte et le reste du territoire national, en étendant la déconjugalisation de l’AAH sur le territoire mahorais et en supprimant l’obligation de résidence d’un an pour pouvoir y prétendre.

Cette mission illustre la volonté du Gouvernement d’assurer pleinement l’égalité des chances, témoigne de l’ampleur des moyens mis en œuvre afin de poursuivre les actions de solidarité engagées ces dernières années et porte, enfin, une réalité derrière des mots : des petits pas et de grandes avancées pour protéger nos concitoyens, dès leur plus jeune âge, de la violence, de la précarité et de l’exclusion.

Face à ces enjeux d’envergure, les crédits proposés nous semblent adéquats afin de mener une politique publique ambitieuse sur ces questions.

C’est pourquoi le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants soutiendra pleinement les mesures et l’orientation de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, depuis le début de l’année, la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en résulte angoissent les Français.

Selon les derniers chiffres du cabinet d’analyses IRI publiés dans le journal Le Monde, l’inflation s’élève en novembre à 11,96 %. Elle dépasse 12 % sur le rayon alimentaire et atteint même 16,9 % sur les produits frais.

Les inégalités sociales se creusent : les 20 % les plus modestes possédaient en 2019 8,7 % des richesses, alors que les 20 % les plus aisés en captent 38 %.

La mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » aurait pu être l’instrument de mesures sociales fortes et ambitieuses pour lutter efficacement contre ces inégalités.

Pour 2023, les crédits alloués à la mission s’élèvent à 29,9 milliards d’euros. En progression de 8,3 %, ils financent principalement l’AAH et la prime d’activité.

Le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », voit ses crédits augmenter de 10,08 %. Cette hausse, qui peut paraître significative, est en réalité en grande partie liée au financement de la réponse à l’urgence engendrée par la crise économique et sociale actuelle ; elle est loin de couvrir l’inflation.

Dans le cadre de ce programme, l’action n° 14, Aide alimentaire, est en hausse de 106,7 % : mauvaise nouvelle, car le nombre de bénéficiaires augmente. L’aide alimentaire concerne en France 5,5 millions de personnes ; ce chiffre est sous-estimé par rapport aux besoins réels, la demande d’aide alimentaire demeurant une démarche difficile et mal connue.

Parmi ces 5,5 millions de personnes, le réseau des banques alimentaires ne permet d’en aider que 2 millions.

Face à la flambée des prix et à l’explosion du nombre de bénéficiaires, la Fédération française des banques alimentaires nous alerte, car elle craint de ne pas pouvoir répondre à la demande.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera une augmentation des crédits alloués à l’aide alimentaire, qui serait destinée en particulier au soutien aux initiatives de solidarité alimentaire territorialisées.

L’action n° 19, Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, recevra 252 millions d’euros en 2023, soit une baisse de 23 % par rapport à 2022. Nous déplorons cette baisse, inquiétante dès lors que l’on sait que 3 millions d’enfants, soit un enfant sur cinq, vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays.

Il est donc plus qu’urgent d’agir pour que chaque enfant en France puisse vivre et grandir dignement. À cet effet, nous défendrons un amendement visant à augmenter les crédits alloués à cette action et ainsi à donner à la politique de protection de l’enfance les moyens de ses ambitions.

Nous défendrons également un amendement visant à abroger les règles restrictives d’accès au RSA jeunes afin de l’ouvrir aux 18-25 ans. Cette mesure constituerait un filet de sécurité efficace pour ces jeunes, qui subissent un taux de chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne, du fait de problèmes de formation et de mobilité. Voilà une réponse aux étudiants qui viennent rallonger les files d’attente de l’aide alimentaire.

S’agissant du programme 157, « Handicap et dépendance », 14 milliards d’euros y sont consacrés pour 2023. La hausse des crédits de ce programme tient compte de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés et de la revalorisation de celle-ci à hauteur de 4 %, actée par la loi portant diverses mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat ; nous avions largement soutenu cette mesure.

Néanmoins, le montant moyen accordé aux allocataires de l’AAH n’atteint, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), que 759 euros, sur une base de 1,28 million d’allocataires. Cela signifie que la grande majorité des allocataires de l’AAH vivent en dessous du seuil de pauvreté, évalué à 1 102 euros, alors que cette allocation est censée leur permettre de vivre dans la dignité.

Nous proposerons donc d’augmenter cette allocation pour qu’elle atteigne le seuil de pauvreté.

Les crédits alloués au programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », augmentent également, à hauteur de 54,4 millions d’euros. Les crédits alloués pour 2023 à l’action n° 25, Prévention et lutte contre les violences et la prostitution, s’élèvent à 29 millions d’euros, en hausse de 17,54 %, dont 1,6 million d’euros dédiés à la lutte contre la prostitution. Une enveloppe de 200 000 euros est notamment destinée à accroître le nombre de bénéficiaires de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (Afis). Cette aide s’élève à 330 euros par mois. Là encore, comme pour I’AAH, ce montant est trop faible pour aider les personnes en situation de prostitution à en sortir et à mener une nouvelle vie.

Nous proposons donc de revaloriser cette aide à hauteur du montant du revenu de solidarité active, c’est-à-dire à 598,94 euros.

Nous saluons cette hausse globale des crédits du programme 137, mais elle est insuffisante pour lutter contre les inégalités de genre ou pour créer, par exemple, un observatoire des féminicides, qui est pourtant très attendu.

Au regard de l’ampleur des besoins, il conviendrait de redoubler l’effort de financement, d’autant qu’il s’agit d’une des priorités du quinquennat. En effet, les ressources allouées aux associations qui œuvrent dans ce domaine sont trop limitées.

C’est pourquoi nous demandons une augmentation de 1 milliard d’euros des crédits de la mission, ce qui correspond au supplément de budget nécessaire selon l’estimation des associations qui se battent au quotidien contre les violences faites aux femmes.

Globalement, les crédits alloués à cette mission demeurent largement insuffisants et ne permettront pas à nos concitoyens les plus vulnérables de vivre dignement et d’espérer sortir un jour de la précarité.

En guise de conclusion, je citerai quelques mots de Louise Michel, prononcés en 1871 : « S’il y a des miséreux dans la société, c’est que la société dans laquelle nous vivons est mal organisée. On ne peut pas admettre qu’il y ait encore des gens qui crèvent la faim quand d’autres ont des millions à dépenser en turpitudes. C’est cette pensée qui me révolte ! » Ces propos demeurent d’actualité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de la présente mission s’établissent à près de 30 milliards d’euros, en progression de 2 milliards d’euros par rapport à 2022.

Le contexte social extrêmement préoccupant dans lequel se tient l’examen des crédits de cette mission en faveur des personnes les plus fragiles – un fort taux de chômage, plus de 10 millions de personnes pauvres et un taux d’inflation de plus de 6 % – doit nous alerter.

Les prix flambent et les pertes en pouvoir d’achat sont considérables pour une large majorité de la population. Les indicateurs sont au rouge. Pourtant, le Gouvernement refuse de regarder cette réalité en face en augmentant le Smic, en rétablissant l’impôt sur la fortune, ou en taxant les superprofits.

L’augmentation, dans notre pays, des inégalités sociales entre les plus riches et les plus précaires porte un coup de canif à notre pacte social.

Pour faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a été capable de débloquer 200 milliards d’euros pour les entreprises ; aujourd’hui, alors que des millions de familles risquent de basculer dans la précarité, voire la grande précarité, seulement 2 milliards d’euros supplémentaires seront versés aux personnes handicapées, aux jeunes sans emploi et aux personnes vulnérables.

Les crédits de la mission progressent principalement en raison de la revalorisation anticipée des prestations sociales, à hauteur de 4 %, intervenue au 1er juillet 2022, alors que le niveau de l’inflation sur l’année avoisine 5 %. Cela veut dire que les ménages les plus précaires ont perdu du pouvoir d’achat en 2022.

Le niveau de l’inflation, jamais vu depuis les années 1980 selon la Banque de France, exige un investissement public à la hauteur des besoins, ce qui n’est malheureusement pas le cas.

Notre groupe ayant déposé des amendements sur cette mission, je concentrerai mon propos liminaire sur les jeunes et sur les moyens de contrôle des agences régionales de santé (ARS).

Comment pouvons-nous nous satisfaire des crédits de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, quand l’Insee indique que, dans notre pays, près de 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté et que, selon l’Unicef, 8 000 enfants vivent dans des bidonvilles ?

L’État doit garantir à toutes et à tous les moyens de vivre dignement, en particulier à nos jeunes. Nous savons que des milliers de jeunes de l’aide sociale à l’enfance sont obligés de dormir à l’hôtel en raison de l’insuffisance des moyens accordés par l’État. (M. Xavier Iacovelli proteste.)

Ces jeunes subissent la violence des réseaux de prostitution et de racket. Il faut donc plus de moyens pour mieux les protéger.

La situation de nos anciens n’est guère meilleure. Le Gouvernement se vante d’augmenter les crédits alloués aux ARS pour le personnel chargé du contrôle des Ehpad, après l’affaire Orpea, mais les 50 inspectrices et inspecteurs qui seront recrutés en 2023 ne remplaceront pas les 2 000 postes supprimés depuis 2010, dont 400 entre 2014 et 2021.

En vingt ans, la politique de réduction de personnel a conduit à une baisse de 30 % des effectifs des corps d’inspection et à une baisse de 39 % du nombre de médecins inspecteurs. Or le renforcement des contrôles commande de revoir à la hausse les moyens des ARS pour compenser ces pertes ; il faudrait également renforcer les effectifs des agents des conseils départementaux, chargés du financement des Ehpad.

L’avancée que représente la déconjugalisation de l’AAH, pour laquelle nous nous sommes battus et que nous saluons, ne contrebalance malheureusement pas les éléments négatifs que je viens d’évoquer.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre les crédits de la mission pour 2023. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Alain Duffourg. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Alain Duffourg. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » répond au devoir d’humanité qui est au cœur de nos politiques publiques de cohésion sociale et de solidarité envers les personnes les plus vulnérables. C’est l’une des missions les plus importantes du budget de l’État, comme l’a souligné la présidente de la commission des affaires sociales.

Les crédits demandés au titre de cette mission s’élèvent pour 2023 à 29,9 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8,3 % par rapport à la loi de finances pour 2022. L’importante dynamique constatée cette année sur les dépenses de la mission, due à l’inflation et à la revalorisation des prestations, illustre le rôle majeur de cette mission pour faire face à l’urgence sociale. Nous ne pouvons que soutenir les dépenses d’intervention au bénéfice des personnes les plus fragiles, sans pour autant occulter le ressenti de l’inflation par les populations les plus fragiles, qui excède le taux d’inflation constaté.

Toutefois, comme le soulignent nos rapporteurs, les crises successives mettent en lumière la vulnérabilité de notre modèle social lui-même, le budget de l’État ne pouvant seul absorber les chocs sociaux. Les interventions répétées en cours de gestion soulignent les failles de notre système de prestations de solidarité dans son rôle de stabilisateur. Quels enseignements le Gouvernement tire-t-il de ces crises successives ? Quelles réponses pérennes apportera-t-il aux urgences sociales ?

Des quatre programmes de la mission, le programme 304, qui comporte les crédits de la prime d’activité, et le programme 157, où sont décomptés ceux de l’allocation aux adultes handicapés, sont les deux postes principaux, représentant les trois quarts des crédits. La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu la déconjugalisation de l’AAH – évolution soutenue de longue date par le Sénat et initialement refusée par le Gouvernement. Celle-ci entrera en vigueur au 1er octobre 2023.

Le programme 157, « Handicap et dépendance », qui contribue aussi à soutenir les établissements et services d’aide par le travail (Ésat), à hauteur de 1,5 milliard d’euros, connaît une hausse de 6,4 % de ses crédits, due notamment à l’augmentation du Smic. L’année 2023 verra la réalisation des mesures bienvenues du plan de transformation des Ésat.

Dans un contexte économique des plus difficiles pour nos concitoyens, touchés par la hausse du prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qui s’ajoute aux conséquences de la crise du covid-19, l’aide alimentaire constitue une question majeure.

Au lendemain des collectes de dons pour les banques alimentaires, auxquelles nous sommes nombreux sur ces travées à avoir participé dans nos territoires, nous avons pu mesurer la générosité des Français, mais aussi l’inquiétude suscitée par l’augmentation du nombre de ménages précaires.

Les associations d’aide alimentaire, de plus en plus sollicitées, voient évoluer le profil des bénéficiaires : étudiants, personnes seules, travailleurs modestes… Parmi ceux-ci, sept personnes sur dix sont des femmes. La demande a ainsi augmenté de 9 % au premier semestre 2022 pour les banques alimentaires, et de 15 % pour les Restos du Cœur, selon les chiffres de la commission des affaires sociales.

L’approvisionnement est également source d’inquiétude, en raison de la hausse du prix de l’énergie, qui touche singulièrement les associations, et des tensions sur les marchés agricoles observées depuis le début de la guerre en Ukraine.

Dans la programmation 2021-2027, la France dispose de 647 millions d’euros du FSE+ pour l’aide alimentaire. Cette manne est toutefois fragilisée par l’inflation et la multiplication de lots infructueux, ce qui prive les associations de denrées d’une valeur de 67 millions d’euros depuis 2021, même si la loi de finances rectificative compense ces pertes à hauteur de 40 millions d’euros.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour améliorer l’approvisionnement et simplifier les procédures, qui font peser un cadre normatif très contraignant sur les associations ?

La création, prévue pour 2023, d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, comprenant un volet national et un volet territorial, afin de développer les réseaux des solidarités alimentaires et les liens avec les producteurs locaux, semble encore incertaine. Pouvez-vous en préciser le calendrier et les modalités de fonctionnement ?

Enfin, en ce qui concerne le programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », qui représente une part modeste de la mission, je tiens à souligner la hausse de ses crédits de 14 % par rapport à 2022 et leur doublement depuis 2019.

La priorité donnée à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes, à l’accueil et à l’aide à la mobilité des victimes, ainsi que le renforcement du réseau d’écoute et de la plateforme téléphonique sont autant d’appuis au programme.

Mon groupe parlementaire soutient pleinement ces mesures, ainsi que la proposition de loi de Valérie Létard qui a été adoptée le mois dernier. Sur l’initiative de ma collègue Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avons déposé des amendements visant à revaloriser la subvention allouée aux centres d’information sur les droits des femmes et des familles, ainsi que l’ensemble des métiers financés par ce programme.

Dans ces conditions, le groupe de l’Union Centriste votera les crédits de cette mission qui vise à lutter contre la précarité, à réduire les inégalités et à protéger les personnes les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans la période de crise économique et sociale que nous traversons, il est important de porter un regard particulièrement exigeant sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Les chiffres, nous les avons sous les yeux. Aussi, plutôt que de me réjouir d’un budget s’élevant à 29,9 milliards d’euros pour 2023, j’aimerais comprendre pourquoi le programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », n’est pas plus important.

Compte tenu de la diversité des sujets englobés par cette mission, je m’attarderai principalement sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les enjeux sont immenses. Comment expliquer que, dans notre société, des femmes meurent encore parce qu’elles sont des femmes ? Depuis le début de l’année 2022, 121 féminicides ont été commis, dont 62 féminicides conjugaux.

Les moyens accordés pour lutter contre ce phénomène sont certes en hausse, mais demeurent insuffisants. Emmanuel Macron, vendredi dernier, a lui-même avoué que nous avions « l’obligation de faire mieux » pour lutter contre les violences conjugales.

Il y a quelques semaines, j’ai rendu visite à l’association Halte Aide aux Femmes battues. J’y ai rencontré un personnel associatif et des bénévoles incroyables, engagés et prêts à tout pour aider ces femmes brisées.

Toutes les associations de lutte contre les violences faites aux femmes vous réclament, depuis plusieurs années déjà, un milliard d’euros. En réponse, vous n’augmentez même pas les crédits alloués au dispositif du 3919, alors même que la Fédération nationale Solidarité Femmes, qui gère ce service téléphonique, a fait état d’une hausse de 14 % des appels par rapport à 2019.

Quelle est donc votre logique budgétaire ? Où est votre promesse de faire de la cause des femmes votre priorité ?

Si la crise inflationniste ne distingue pas les genres, force est de constater que l’inflation affecte davantage les femmes que les hommes. En effet, celles-ci représentent près de 64 % des récipiendaires de l’aide alimentaire et 72 % des personnes qui recourent aux colis et aux épiceries sociales.

Ajoutons à cela que les femmes représentent près des trois quarts des bas salaires. En effet, 62 % des personnes touchant le Smic en France sont des femmes. Ce chiffre est pour le moins révélateur de notre modèle social et démontre, une nouvelle fois, que nous sommes loin de répondre à l’exigence d’égalité entre les hommes et les femmes, pourtant garantie par notre Constitution depuis 1946.

Mesdames les ministres, le combat contre les inégalités salariales et sociales n’est pas dépassé et mérite d’être accentué par plus d’efforts, plus de moyens et plus d’ambition. Je m’abstiendrai sur cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en janvier dernier, le Président de la République déclarait : « Nous devons lutter contre un enracinement de la pauvreté qui instille une peur du quotidien et ôte toute perspective d’avenir. »

C’est dans cet esprit que la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » mobilise des crédits indispensables pour affronter les crises et assurer aux plus fragiles d’entre nous une certaine dignité.

En 2023, les crédits de la mission augmentent et atteignent un peu plus de 29 milliards d’euros, notamment pour financer des mesures contre l’inflation telles que la revalorisation de 4 % des aides sociales ou la déconjugalisation de l’AAH.

Toutefois, dans un contexte social préoccupant, la question du non-recours aux prestations sociales est prégnante. Aussi me paraît-il plus que jamais indispensable d’aller chercher celles et ceux qui ne savent pas et qui renoncent face à la complexité ou à l’illectronisme.

Des campagnes mieux ciblées et plus volontaires s’imposent. En 2021, 25 % des plus jeunes n’ont pas eu accès à une aide à laquelle ils avaient pourtant droit.

J’espère que l’expérimentation « Territoires 100 % accès aux droits et aux soins » permettra d’enrichir notre arsenal de lutte contre le non-recours, mais je pense que nous devons nous diriger vers une automatisation des premiers versements quand cela est possible, vers des déclarations et des guichets uniques pleinement décentralisés et contrôlables. Les politiques publiques de la solidarité s’en trouveraient renforcées.

Mes chers collègues, je formulerai trois remarques sur des programmes spécifiques de la mission.

Tout d’abord, nous nous félicitons de l’entrée en vigueur de la déconjugalisation de l’AAH, même si celle-ci n’interviendra qu’au mois d’octobre 2023. Nous regrettons que nos amendements visant à revaloriser le montant de cette allocation, au moins au niveau du seuil de pauvreté, aient été déclarés irrecevables.

Ensuite, les crédits de la lutte contre les violences faites aux femmes connaissent une augmentation de 14 %, liée en particulier à la mise en œuvre du « pack nouveau départ », proposé aux femmes qui doivent être accompagnées pour une nouvelle vie. Or les femmes victimes de violences conjugales en milieu rural sont les grandes oubliées de la lutte contre les violences faites aux femmes. Elles souffrent d’un isolement à la fois géographique et moral qui les fragilise plus encore. Une enquête régionale montre ainsi que 50 % des féminicides survenus en Nouvelle-Aquitaine auraient lieu dans ces zones rurales où ne vit pourtant qu’un tiers de la population de la région. À mon sens, les 600 000 euros dédiés en 2023 à ces actions dans la ruralité ne sont pas tout à fait à la hauteur de la protection due à ces femmes.

Enfin, alors que les banques alimentaires viennent d’assurer un week-end de collecte plus difficile que prévu et que le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) du mois de novembre 2022 atteste d’une hausse des prix des produits alimentaires de 10 % au mois de septembre dernier et évalue que celle-ci atteindra 12 % au mois de décembre prochain, l’urgence est bien là. Les boucliers que constituent les associations et les collectivités locales ne peuvent prendre le relais quand la vague est trop forte.

Or la question du chèque alimentation durable est sur la table depuis le 3 novembre dernier. Le fonds pour une aide alimentaire durable, doté de 60 millions d’euros, que la Première ministre appelait de ses vœux, devait être géré à travers des projets locaux. Nous demandons que cette mesure annoncée puisse entrer rapidement en vigueur. Je souhaite également que ces chèques puissent être utilisés pour payer la restauration collective et les cantines scolaires, permettant ainsi aux enfants les plus fragiles d’avoir au moins un repas équilibré par jour.

Nonobstant ces remarques, notre groupe votera les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».