3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

incohérence de la mise en œuvre de la politique agricole commune concernant le pastoralisme

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 329, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur les orientations du plan stratégique national de la politique agricole commune (PAC) concernant le pastoralisme.

L’importance du pastoralisme de montagne n’est plus à démontrer. Celui-ci contribue de manière essentielle, par son activité, à l’entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité, ainsi qu’à l’emploi dans des zones très isolées.

Dans le cadre de la future PAC, de nombreuses organisations, notamment des chambres d’agriculture, s’inquiètent des évolutions à venir. Les précisions qui ont été données à leur sujet ont suscité l’incompréhension.

L’exploitation collective des surfaces d’altitude, dites « d’estive », est en effet une particularité de l’agriculture de montagne. Elle fait intervenir, d’une part, les éleveurs transhumants et, d’autre part, les gestionnaires d’estive.

Le premier pilier de la PAC est destiné à soutenir les revenus des agriculteurs qui produisent de manière vertueuse. Les surfaces d’estive doivent donc être ventilées entre les différents transhumants pour l’activation et le paiement des surfaces des aides surfaciques.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir entendu la demande du monde pastoral concernant la répartition du versement de l’écorégime. Reste que le plafonnement des surfaces ligneuses via un critère de chargement plancher qui serait fixé à 0,2 unité de gros bétail (UGB) par hectare est inadapté aux territoires pastoraux.

Appliqué aux estives collectives, ce critère affecterait fortement le pastoralisme. Dans les seules Pyrénées, plus de 26 000 hectares seraient écrêtés, soit une perte d’aides de 7,3 millions d’euros par an.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il limiter l’application de ce critère de seuil aux seules surfaces fourragères ligneuses des estives, ôtant du calcul toutes les surfaces fourragères herbeuses, afin de continuer à protéger l’espace pastoral ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Michau, vous m’interrogez sur le sujet important – parfois méconnu, d’ailleurs – des surfaces pastorales dans le cadre de la PAC, en évoquant notamment la déclinaison du plan stratégique national (PSN).

Plusieurs avancées ont eu lieu, en premier lieu sur les critères d’admissibilité de ces surfaces. Alors que le postulat de départ était différent et que plusieurs voix s’élevaient pour faire évoluer ces critères, nous avons finalement maintenu le système inchangé, par souci de justice, dans la version transmise à la Commission européenne.

À cet égard, je partage totalement votre avis sur le caractère multifonctionnel du travail pastoral. Ce dernier est d’ailleurs au centre d’autres enjeux, que vous connaissez aussi bien que moi et dont nous avons déjà parlé.

Par ailleurs, nous avons fait en sorte que l’écorégime puisse s’appliquer sur les surfaces « pastorées », si j’ose dire, par l’exploitant. Il nous paraissait en effet logique de considérer l’ensemble des surfaces.

Reste la question du chargement. En réponse aux griefs de la Commission européenne sur l’actuelle programmation et sur les difficultés rencontrées lors des vérifications portant sur la réalité du pastoralisme, une évolution des critères et des modalités d’évaluation de l’admissibilité a été demandée.

Le taux de chargement proposé de 0,2 UGB par hectare caractérise un type d’élevage extensif et permet aussi d’assurer un entretien minimal de ces surfaces.

Ce critère de taux concernera uniquement les prairies composées majoritairement de ligneux, arbres, arbustes ou buissons dans 38 départements du sud de la France, ainsi que les surfaces en chênaies et châtaigneraies dans la zone Causses-Cévennes et en Corse. Il s’appliquera aux exploitations déclarant ce type de surfaces, qu’il s’agisse d’exploitations individuelles ou de gestionnaires d’estives.

Il me semble que nous avons trouvé là un bon équilibre : les surfaces éligibles restent les mêmes et les surfaces collectives exploitées en pastoralisme sont intégrées dans le mécanisme.

Nous avons besoin d’un chargement qui crédibilise notre démarche vis-à-vis de la Commission européenne.

préservation de la filière des huiles essentielles à base de lavande

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 103, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Ma question s’adressait initialement à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mais je ne suis pas mécontente que la réponse me soit aujourd’hui donnée par M. le ministre de l’agriculture.

En effet, la filière de la lavande a véritablement besoin du soutien de tous les ministres, particulièrement en Provence, où la concurrence est extrêmement forte, dans un contexte de changement climatique. (M. le ministre de lagriculture acquiesce.)

Pour l’heure, monsieur le ministre, je réaffirme devant vous, comme l’a fait le Sénat en adoptant à l’unanimité une résolution européenne le 5 juillet 2022, que les huiles essentielles à base de lavande sont des produits agricoles qu’il convient de préserver.

Depuis 2006, la filière de production française s’est adaptée, pour se conformer au règlement européen Reach (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of Chemicals, soit Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques). Or la Commission européenne a engagé un processus de révision de ce règlement, qui considérerait, si les premières pistes sont confirmées, les huiles essentielles comme des produits chimiques dangereux.

La révision du règlement Reach imposerait à l’ensemble de la filière des normes tellement strictes que celle-ci ne pourrait s’y conformer. Elle mettrait en péril de nombreuses productions artisanales, qui font pourtant la renommée de la Provence et, au-delà, participent du rayonnement de la France.

Ma question date de plus de six mois. Elle a été rédigée au moment où toute la filière se mobilisait contre le règlement Reach.

Monsieur le ministre, votre réponse est la bienvenue. Elle nous permettra de faire le point sur la situation qui, de mon point de vue, n’évolue pas suffisamment.

Où en sont les discussions relatives au règlement Reach ? Quelles initiatives le Gouvernement a-t-il prises en la matière et pour quels résultats ? Au-delà du règlement Reach, considérez-vous la lavande comme un produit agricole qu’il convient absolument de préserver ?

En tant que ministre de l’agriculture, vous engagez-vous à soutenir une économie qui pourrait s’effondrer si la classification des huiles essentielles de lavande en substance chimique dangereuse était confirmée ?

Cette classification donnerait un coup d’arrêt sans précédent à une activité agricole et artisanale qui, en Provence, est séculaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Carlotti, je vous remercie de votre question, qui témoigne d’abord de votre passion tout à fait légitime pour la filière lavande.

Bien que je sois plutôt du Nord, le sujet est important, je le reconnais. (Sourires.) En outre, il demeure d’actualité même si votre question a été rédigée voilà six mois.

La filière lavande non seulement revêt une importance économique – elle constitue l’activité de nombreux agriculteurs –, mais porte une part de symbolique et d’identité du territoire. Je salue donc votre implication, madame la sénatrice, tout comme celle que le Sénat a démontrée au travers de la résolution que vous avez évoquée.

Permettez-moi d’apporter quelques précisions sur les pistes de travail.

Je connais l’inquiétude que suscite la question de la classification des huiles essentielles. En ce qui concerne le règlement Reach, nous avons fait valoir nos positions. Selon nos dernières informations, la Commission a décidé de reporter ses travaux à la fin de l’année 2023, ce qui nous donne le temps d’étayer notre réponse.

Nous partageons votre disposition d’esprit : il convient de traiter la spécificité de la filière lavande en dehors du règlement Reach, en tout cas dans sa forme actuelle.

J’appelle par ailleurs votre attention sur le règlement dit « CLP », c’est-à-dire relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances chimiques et des mélanges, sur lequel nous avons transmis, le 18 janvier dernier – soit dans les délais prévus –, une proposition aux États membres.

Nous continuons d’analyser les travaux en cours, mais la rédaction actuelle ouvre la voie au dialogue sur d’éventuelles dispositions spécifiques à la lavande, me semble-t-il.

Enfin, la filière lavande souffre, comme vous l’avez rappelé, de problèmes sanitaires et d’accès à l’eau liés au dérèglement climatique. Cela crée une concurrence nouvelle, y compris dans un territoire comme le mien, où l’on voit apparaître des paysages qui ne sont pas tout à fait ceux que nous connaissions, mais qui ressemblent plutôt à ceux que vous connaissez.

Nous travaillons actuellement avec la filière pour que je puisse formuler des propositions visant à la fois à résoudre les problèmes phytosanitaires et à renforcer le volet économique.

Au-delà des règlements européens, je vous rejoins, madame la sénatrice, sur le nécessaire accompagnement de la filière. Nous y travaillons depuis plusieurs mois déjà.

gestion de la compétence en matière d’eau et d’assainissement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la question n° 317, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la ministre, l’obligation de transfert aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la compétence eau et assainissement a été introduite par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Elle s’applique aux communautés d’agglomération au 1er janvier 2020 et aux communautés de communes au plus tard au 1er janvier 2026.

Or, quatre ans plus tard, l’article 14 de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 a assoupli cette contrainte, en autorisant les communautés de communes et les communautés d’agglomération à déléguer tout ou partie des compétences liées à l’eau, l’assainissement des eaux usées ou la gestion des eaux pluviales aux communes ou aux syndicats infracommunautaires existants au 1er janvier 2019.

Si la loi dite 3DS du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale maintient l’échéance du 1er janvier 2026 pour le transfert, elle impose que les communautés de communes et les communes qui les composent organisent un débat sur la tarification des services publics de l’eau et de l’assainissement, ainsi que sur les investissements liés aux compétences transférées.

Madame la ministre, les élus locaux ne veulent pas, à juste titre, que la compétence eau et assainissement soit gérée à l’échelle intercommunale.

Les conseils municipaux souhaitent conserver ce levier, qui a aussi une dimension sociale. Le coût varie en fonction du mode de gestion : régie, concession, délégation de service public (DSP), etc. Il dépend également des investissements effectués par les collectivités locales en matière de qualité du service apporté à la clientèle, ainsi que des contraintes géographiques.

Il faut tenir compte du fait que, dans les zones rurales, les coûts d’entretien par habitant des réseaux de distribution et de collecte ne sont pas les mêmes que dans les agglomérations.

Comment une intercommunalité peut-elle gérer de façon efficiente ce type de difficultés ? Ne pas comprendre cette situation reviendrait à être hors-sol.

C’est dans cet esprit pragmatique que, sur l’initiative de Bruno Retailleau, un texte d’équilibre a été voté au Sénat le 23 février 2017. Il ne supprime pas le transfert, mais le rend facultatif, selon le principe de compétence optionnelle. Ce texte a, depuis lors, été transmis à trois reprises à l’Assemblée nationale : le 24 février 2017, le 6 juillet 2017 et, plus récemment, le 11 juillet 2022.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de loi et savoir si vous soutiendrez ce texte lors de son examen à l’Assemblée nationale, afin de permettre aux communes de conserver leurs prérogatives dans les domaines de l’eau et de l’assainissement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Panunzi, le Gouvernement est pleinement engagé dans la poursuite du transfert des compétences eau et assainissement.

Comme l’a indiqué le 29 septembre dernier le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires lors du lancement du premier chantier de la planification écologique consacré à la gestion de l’eau, ce transfert à l’échelon intercommunal répond en effet aux enjeux actuels et futurs liés au changement climatique.

Aujourd’hui, en France, près de 11 000 services gèrent l’eau potable et plus de 12 000 l’assainissement collectif. Cet émiettement est un facteur d’inefficacité et de dilution de l’ingénierie, qui fait obstacle à la bonne connaissance du réseau, à son rendement et à sa bonne gestion.

Le passage à l’échelon intercommunal permettra de disposer de services ayant la taille critique pour assurer une bonne maîtrise et la performance des services d’eau et d’assainissement.

Il permettra d’assurer un service durable, à un coût maîtrisé pour les usagers, par la création d’économies d’échelle issues d’une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers.

Cette mesure de transfert n’est d’ailleurs pas nouvelle. Elle a déjà fait l’objet de nombreux ajustements, afin, d’une part, d’adapter les textes aux réalités concrètes du terrain et, d’autre part, de favoriser la concertation entre les différents échelons de collectivités.

Permettez-moi de vous communiquer trois éléments importants.

Premièrement, devant les difficultés d’application rencontrées sur le terrain et mises en évidence par les responsables locaux, la date du transfert obligatoire a été reportée, pour les communautés de communes, du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026.

Deuxièmement, la loi Engagement et proximité a ouvert aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération la possibilité de déléguer, par convention, tout ou partie de ces compétences à l’une de leurs communes membres.

Troisièmement, et enfin, la loi 3DS autorise les EPCI à mobiliser plus facilement leur budget principal, pour financer les compétences eau et assainissement, et prévoit l’organisation, dans l’année qui précède le transfert obligatoire, d’un débat préparatoire avec les communes membres.

C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas revenir en arrière sur les transferts des compétences eau et assainissement.

À l’occasion des travaux de planification écologique, le Comité national de l’eau a d’ailleurs exprimé la nécessité d’une stabilité de la législation à ce sujet, les reports successifs ayant entraîné de la part des collectivités récalcitrantes une posture d’attentisme, qui est préjudiciable à la bonne gestion de l’eau.

conditions du transfert de voies non concédées du réseau routier national aux régions, départements et métropoles

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 309, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Jérôme Bascher. Madame la ministre, ma question porte sur les transferts des routes nationales, notamment aux départements.

Dans les Hauts-de-France, le préfet de région a demandé par écrit aux départements de se prononcer avant la fin de l’année sur l’intérêt de prendre la compétence des routes.

Le problème est que la question se résumait ainsi : « Voulez-vous, oui ou non, prendre la compétence ? » Elle n’était accompagnée d’aucun élément chiffré. Or quand on passe un contrat, on aime en connaître les conditions…

Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? Pourquoi, d’ailleurs, cela n’a-t-il pas été fait jusqu’à présent ? Le temps n’a en effet pas manqué…

Par ailleurs, la loi 3DS comporte une dimension de différenciation. Le département de l’Oise est le seul des départements de l’Île-de-France à s’être prononcé favorablement, a priori et sous conditions, pour prendre la compétence des routes nationales. Pourra-t-il réellement le faire ?

Ce département gère actuellement 4 080 kilomètres de routes départementales. Sur 151 kilomètres de routes nationales, il est prêt à reprendre environ 120 kilomètres, mais il aimerait disposer des éléments techniques nécessaires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Bascher, l’article 38 de la loi 3DS du 21 février 2022 permet à une collectivité de décider des parties de réseau sur lesquelles elle souhaite se porter candidate, notamment au regard de la complexité technique de gestion de ces ouvrages.

Selon les règles bien établies pour les transferts, le droit à compensation des collectivités territoriales bénéficiaires du transfert sera calculé à partir d’une moyenne des dépenses constatées sur une période de cinq ans précédant le transfert, pour les dépenses d’investissement, et sur une période de trois ans, pour les dépenses de fonctionnement.

Le décret qui doit fixer ces périodes de référence en application de l’article 150 de la loi 3DS est en cours de signature. Le 16 novembre 2022, il a été soumis pour avis à la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC), composée à parité d’élus et de représentants de l’État, et a fait l’objet d’un avis favorable à l’unanimité.

Concernant la méthode de calcul du droit à compensation, un certain nombre d’informations ont déjà été communiquées, via les préfets, aux collectivités territoriales dès le mois de juillet 2022, par une instruction du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Ainsi, les préfectures ont été en mesure de donner les éléments financiers permettant d’estimer le droit à compensation des collectivités territoriales intéressées par le transfert de compétence.

Enfin, la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) prépare actuellement, en lien avec la direction générale des collectivités locales, un projet de décret fixant les modalités précises du calcul du droit à compensation, sans s’écarter des principes fixés dans la loi.

Les assiettes de dépenses relatives aux différents postes de prestations seront ventilées selon les unités d’œuvre correspondantes. Ainsi, les dépenses de chaussées seront ventilées au prorata des surfaces de chaussées, les dépenses d’ouvrages d’art au prorata des surfaces d’ouvrages d’art, etc.

Une décomposition du réseau routier en trois grandes catégories – routes bidirectionnelles, routes à chaussées séparées, routes à chaussées séparées à fort trafic – et la prise en compte des particularités des routes à hiver rigoureux, ainsi que des itinéraires de montagne, permettront de déterminer un droit à compensation au plus près des besoins réels de l’infrastructure, sans empêcher la mise en œuvre de règles homogènes au niveau national.

Avant sa publication, ce projet de décret devra faire l’objet d’une nouvelle consultation de la CCEC, qui devrait intervenir au cours du premier trimestre de 2023.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.

M. Jérôme Bascher. J’y insiste : le département de l’Oise est aujourd’hui le seul à être preneur de la compétence.

L’État doit pouvoir accorder le transfert aux départements qui le souhaitent, et pas seulement, d’un seul bloc, aux régions. Cela ne doit pas être tout ou rien ! Au demeurant, un tel principe est inscrit dans la loi de différenciation.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Absolument !

avenir des communes après le rapport de la cour des comptes du 26 octobre 2022

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 256, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Christine Herzog. Madame la ministre, à l’occasion de la présentation du rapport de la Cour des comptes du 26 octobre 2022, son président, Pierre Moscovici, a déclaré : « Il ressort d’une façon générale et unanime que le sort de l’avenir des communes semble décidé. La dotation globale de fonctionnement, la célèbre DGF, va devoir aller vers les intercommunalités en sa totalité. On se dirige donc vers une collectivité territoriale à part entière et à fiscalité propre. »

Le rapport de la Cour des comptes ne tarit pas d’éloges sur le bien-fondé de l’intercommunalité et sur ses bénéfices pour la solidarité territoriale, grâce à ses outils de créativité et d’inventivité. Ce serait un véritable couteau suisse, madame la ministre !

Aujourd’hui, les maires sont des assistantes sociales. Ils connaissent des malheurs en tous genres : arrêt des contrats aidés et du reversement de la taxe d’habitation ; suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ; fin de la récupération de la TVA sur les aménagements consécutive à l’automatisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ; tarifs de l’énergie incontrôlables ; fermeture d’écoles et de services ; factures de transfert d’enfants résidents vers d’autres communes à plus de 2 400 euros par enfant ; chats et chiens errants ; incivilités, etc.

Pour y faire face, les maires disposent de compétences et de moyens en diminution constante. Ils en sont réduits à rechercher l’implantation de parcs éoliens ou photovoltaïques pour collecter les maigres 20 % de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer), alors qu’ils en subissent toutes les nuisances.

La France compte 34 950 communes et 1 250 EPCI. Ma question est simple, madame la ministre : que prévoyez-vous, rapidement et à terme, pour le devenir des maires et des communes françaises ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Herzog, vous m’interrogez sur l’une des propositions formulées dans le rapport de la Cour des comptes, réalisé à la demande du Sénat, tendant à verser la DGF aux seuls EPCI en leur laissant ensuite la possibilité de procéder à une répartition de droit commun ou dérogatoire entre l’EPCI et ses communes.

Plus globalement, vous vous interrogez sur la place et le rôle des communes et des EPCI dans notre organisation institutionnelle et territoriale.

Sur le premier point, je rappellerai simplement les propos qu’a tenus Christophe Béchu au Sénat lors de son audition devant la commission des lois le 9 novembre 2022 : « J’ai lu le rapport de la Cour des comptes, et je dois vous dire mon hostilité totale à l’idée que l’on pourrait transférer la DGF aux intercommunalités. […] Remonter toute la DGF à l’intercommunalité, ce serait créer un dispositif qui créerait un remède pire que le mal. J’y suis donc totalement opposé. » Je vous le confirme : c’est aussi mon cas.

Cette position s’est également traduite, madame la sénatrice, dans la loi de finances pour 2023 récemment adoptée, qui a abondé la DGF des communes de 320 millions d’euros, dont 200 millions d’euros pour les communes les plus rurales et les plus fragiles.

Je rappelle également que, depuis 2017, l’engagement du président de la République de maintenir la DGF du bloc communal a été tenu, après cinq années de forte baisse.

Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place, au moment de la crise de la covid-19, puis de la poussée inflationniste, différents filets de sécurité et dispositifs de soutien, largement discutés et amendés par les parlementaires, afin d’aider les collectivités, notamment celles dont les ressources sont les plus contraintes, à traverser cette période si complexe.

Nous ne mettons absolument pas en opposition frontale les communes et les EPCI. Au contraire, nous avons fait le choix de les accompagner en un même mouvement.

Au-delà de cas particuliers problématiques, l’intercommunalité a fait ses preuves à maintes reprises. Vecteur de solidarité financière et territoriale important, elle favorise le développement et le dynamisme des communes.

L’intercommunalité est un formidable instrument lorsque les élus communaux qui en assurent la gouvernance recherchent le consensus et s’accordent pour mettre en place les outils de solidarité territoriale qui, en vertu du principe de libre administration, sont à leur entière disposition.

lutte contre les constructions illégales en zones protégées

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Didier Rambaud. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les constructions illégales en zones protégées, qu’elles soient naturelles, agricoles ou soumises aux risques naturels.

Nombre de communes sont confrontées sur ces zones à des installations sauvages, souvent réalisées au vu et au su des autorités. Les auteurs des infractions se savent, la plupart du temps, à l’abri des poursuites et des sanctions du fait des contraintes légales et budgétaires qui pèsent sur les collectivités pour faire constater et cesser ces infractions.

La loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a mis en place un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions aux règles d’urbanisme qui complète fort utilement les poursuites pénales. Je tiens à le souligner.

Toutefois, ce mécanisme se heurte, dans la réalité, à de multiples obstacles de mise en œuvre, qui vont de la difficulté de faire constater l’infraction face à l’hostilité des occupants illégaux jusqu’à l’impossibilité de faire recouvrer le montant des astreintes, ces mêmes occupants ayant bien souvent organisé leur insolvabilité.

Certaines communes pensaient avoir trouvé la parade en préemptant, quand c’était financièrement faisable, des terrains sensibles lorsqu’une vente était annoncée. Mais désormais, ces terrains sont loués avec un bail emphytéotique, qui n’est pas soumis à la publicité foncière. La transaction passe ainsi sous les radars.

À l’heure du « zéro artificialisation nette » (ZAN), la colère des élus locaux face à ces installations sauvages est compréhensible. Ils demandent que des moyens renforcés soient attribués à la justice et à la police de l’environnement, pour que ces dossiers soient traités rapidement, notamment dans les cas de mise en danger des personnes et de destruction de zones naturelles et agricoles.

Les délais de procédure sont tels aujourd’hui qu’un dossier pour déboisement illégal, par exemple, ne sera toujours pas jugé quand le terrain sera totalement remblayé, viabilisé, construit et habité. Les dommages sont souvent irréversibles, et une fois un terrain habité, il sera pratiquement impossible de déloger un foyer installé.

Aussi, madame la ministre, comment entendez-vous venir en appui des collectivités, pour que ce problème majeur soit traité efficacement et pour que la loi soit respectée dans sa plénitude ?