Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la députée Sandrine Josso à l’origine de cette proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche, ainsi que notre rapporteur, Martin Lévrier.

Cette initiative parlementaire permet de lever un tabou sur les fausses couches vécues chaque année par 200 000 femmes dans notre pays, ce qui représente près de 15 % des grossesses. En répétant qu’une femme sur dix est confrontée à une interruption spontanée de grossesse, on permet à ces femmes de mettre fin à un sentiment d’isolement.

Cette première étape doit être assortie d’une meilleure information et d’un véritable accompagnement des femmes et de leur conjoint, comme le prévoit ce texte.

Nous souscrivons donc à l’instauration d’un parcours par les agences régionales de santé, qui associe les professionnels médicaux et les psychologues hospitaliers et libéraux, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire, pour mieux accompagner les femmes et leur partenaire.

Il semble opportun de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse et d’améliorer le suivi médical de ces femmes.

Nous regrettons cependant de devoir attendre septembre 2024 pour que ce parcours soit mis en œuvre. De même, nous espérons que la suppression du délai de carence, qui est une très bonne chose, entrera en application bien avant le 1er janvier 2024.

L’extension par la commission des affaires sociales du Sénat de la suppression du délai de carence aux travailleurs indépendants est également très positive.

Enfin, nous avons de sérieux doutes sur la capacité de MonParcoursPsy à répondre à l’enjeu que constitue l’accompagnement psychologique des patientes et de leur partenaire, cet accompagnement étant pourtant au cœur de la proposition de loi.

Un an après son lancement, malgré l’opposition de la profession, son bilan est plus que mitigé. Considérant que ce dispositif n’est adapté ni aux réalités du métier ni aux besoins des patientes et des patients, seulement 7 % des psychologues se sont conventionnés pour s’inscrire sur la plateforme.

Toutes et tous dénoncent une tarification au rabais de cette prestation, une mise sous tutelle médicale, dans un contexte où l’accès direct est favorisé, un nombre de séances réduit et prédéterminé, contrairement à ce que doit être une approche thérapeutique.

De même se pose la question du devenir et de la prise en charge des patientes et des patients au-delà de ces huit séances, notamment pour les plus modestes d’entre eux.

Très fortement mobilisés depuis plus de deux ans contre MonParcoursPsy, les psychologues dénoncent un mépris total de leur profession et une forme d’ubérisation des soins. Notre groupe avait d’ailleurs voté contre l’article créant ce dispositif dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Cette vision comptable de la prise en charge de la santé mentale s’oppose à la fois à la réalité de la prise en charge globale des patientes et des patients, mais également à la situation économique des Françaises et des Français, dont près de 3 millions n’ont ni complémentaire santé ni aide à la complémentaire santé.

Madame la ministre, alors qu’un rapport vient d’être remis, notamment à Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et qu’un audit est en cours dans le cadre du Printemps de l’évaluation, mené par les députés Sébastien Peytavie et Pierre Dharréville, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure le Gouvernement tiendra compte des critiques émises sur ce dispositif ? Cette politique à l’égard des psychologues doit être repensée.

Cela étant, cette proposition de loi est un premier pas, que nous soutenons.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour souligner qu’il est urgent de revoir la rémunération des personnels de santé, notamment celle des sages-femmes. Alors que l’on confie à ces dernières, et à juste titre, de nouvelles prérogatives, elles ne bénéficient d’aucune reconnaissance financière.

En conclusion, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera la proposition de loi. J’espère, madame la ministre, que mes remarques critiques seront suivies de réponses positives. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE, INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que notre rapporteur nous l’a rappelé, 200 000 femmes sont concernées chaque année en France par une interruption spontanée de grossesse. C’est beaucoup ! En moyenne, une grossesse sur quatre se termine par une fausse couche. C’est un taux élevé.

Cet événement violent n’est pas vécu de la même manière par toutes les femmes : certaines le surmontent, quand d’autres le vivent comme un drame et sont profondément, et durablement, affectées.

L’éducation à la santé et l’accompagnement des couples jouent un grand rôle dans la perception qu’ont les femmes de leurs fausses couches et dans leurs potentielles séquelles psychologiques.

Chers collègues, résistons à la tentation de considérer toutes ces femmes courageuses comme des victimes ; regardons-les plutôt comme des patientes et donnons-leur les moyens de rebondir.

Je remercie notre collègue députée Sandrine Josso d’avoir inscrit à notre agenda politique le sujet de l’accompagnement des couples – et singulièrement des femmes – confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Sa proposition de loi va dans le bon sens : elle facilite grandement l’accès des patientes à un suivi psychologique et améliore leur suivi médical.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a utilement amendé le texte en étendant aux femmes confrontées à une fausse couche le bénéfice d’indemnités journalières sans délai de carence pendant toute la durée de leur arrêt maladie.

Je salue également le travail de notre commission des affaires sociales, et en particulier celui du rapporteur Martin Lévrier, qui a notamment permis de renforcer l’information des couples sur l’interruption spontanée de grossesse et sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.

L’information et l’éducation sont en effet la clé d’une approche apaisée de la fausse couche, très souvent naturelle et normale dans la vie d’une femme, bien que toujours difficile.

Chers collègues, ce texte, je le répète, va dans le bon sens. Le groupe Union Centriste y est donc favorable. Mais nous aurions souhaité pouvoir prendre plus de hauteur sur la problématique du parcours de santé des femmes enceintes, en particulier des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse.

Ce texte aurait gagné à s’articuler avec la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, adoptée en commission mixte paritaire le 6 avril dernier. Dans certains territoires, nous manquons cruellement de gynécologues obstétriciens. Pourtant, sages-femmes et infirmiers en pratique avancée demeurent largement écartés de l’administration des soins, notamment des médicaments, aux femmes concernées par une fausse couche. Cette situation paradoxale contraint de nombreuses femmes à se rendre aux urgences, ce qui accroît d’autant la durée de leur prise en charge et son coût pour la société.

Mes chers collègues, apprenons à faire confiance aux professionnels de santé. Apprenons à faire confiance aux infirmiers en pratique avancée, qui mériteraient d’être plus impliqués dans le protocole d’accompagnement des couples concernés par une fausse couche. Apprenons à faire confiance aux sages-femmes, qui suivent déjà intégralement 40 % des grossesses et sont sans doute les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.

Tel est le sens de l’amendement déposé par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail.

Il ne nous faut pas seulement faire confiance, il nous faut nous aussi être dignes de confiance. Rendons-nous dignes de la confiance des professionnels de santé en ouvrant le débat sur la situation matérielle et économique des structures et du monde médical dans notre pays. Force est de constater que cette question est absente du texte examiné aujourd’hui.

Les efforts récents ne compensent pas les rationalisations du passé. Il faut avancer et soutenir notre système de santé. Il faut sortir de l’annualité budgétaire délétère et anticiper les changements induits par l’innovation en santé. Les avancées portées par l’industrie pharmaceutique ou celles des dispositifs médicaux doivent être prises en compte pour adapter notre système en temps voulu.

Sur le plan humain, les pédiatres et les sages-femmes nous ont prévenus : notre politique prénatale et postnatale souffre de la faible valorisation des personnels et des difficultés de recrutement qui en découlent.

Et pourtant de belles initiatives existent. Les maternités détentrices du label Initiative hôpital ami des bébés (IHAB) traitent avec la plus grande bienveillance les femmes et les jeunes mamans ; je pense par exemple à la maternité du centre hospitalier du Chinonais, dont la réputation est excellente et qui attire les futures mères bien au-delà de sa zone géographique.

À l’inverse, au cours des dernières années, des établissements de santé ont été contraints de concentrer l’activité des sages-femmes en salle de naissance, rognant sur l’accompagnement des patientes avant et après l’accouchement. Le nombre très élevé d’accouchements programmés et le taux important d’épisiotomies dans ces établissements doivent tous nous alerter.

De plus, par manque de moyens et de personnels, les hôpitaux sont parfois obligés de mettre en place des programmes de sortie ultra-précoce, moins de vingt-quatre heures après l’accouchement. C’est paradoxal : les parents sont presque suraccompagnés lors de la préparation à l’accouchement, mais une fois sortis de l’hôpital, c’est le néant !

Enfin, n’oublions pas que 13 départements sont dépourvus de gynécologues et que 77 départements se situent en dessous de la moyenne de 2,6 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter.

Chers collègues, ne nous faisons pas d’illusions : l’accompagnement des patientes ne pourra être complet que si nous y mettons les moyens, en revalorisant notamment la filière des sages-femmes et en impliquant davantage ces dernières dans les protocoles de soins.

Nous devons reconnaître et rémunérer à leur juste valeur ces professionnels de santé, qui bénéficient d’une expérience exceptionnelle et d’une formation qualifiante.

En somme, nous appelons de nos vœux une vaste réflexion sur l’accompagnement et la prise en charge au sein de l’hôpital et par l’hôpital, madame la ministre.

Toutefois, le texte examiné aujourd’hui constitue indéniablement une avancée : le groupe Union Centriste le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour l’ensemble de vos interventions et je me réjouis de leur caractère transpartisan. Je salue Mme la députée Sandrine Josso, dont je n’avais pas vu la présence en tribune.

L’accompagnement prévu dans le texte est fondamental pour le droit des femmes et pour leur santé, quel que soit leur statut. Tel qu’il a été enrichi, ce texte concerne désormais toutes les femmes. Il permet aussi d’accompagner les couples, dans un moment difficile et douloureux.

Enfin, le texte prévoit une mesure de bientraitance : les femmes qui subiront une fausse couche, ou plutôt une interruption spontanée de grossesse, seront désormais indemnisées dès le premier jour.

Continuons nos travaux de manière aussi transpartisane. (Mme Colette Mélot applaudit.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse dite fausse couche
Après l'article 1er A

Article 1er A

I. – Après le chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE II BIS

« Interruption spontanée de grossesse

« Art. L. 2122-6. – Chaque agence régionale de santé met en place un “parcours interruption spontanée de grossesse” qui associe des professionnels médicaux et des psychologues hospitaliers et libéraux, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire visant à mieux accompagner les femmes et, le cas échéant, leur partenaire confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

« Ce parcours a pour objectifs de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse, d’améliorer l’orientation des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire qui y sont confrontés, de faciliter leur accès à un suivi psychologique et d’améliorer le suivi médical des femmes qui ont subi une interruption spontanée de grossesse. Il vise à systématiser l’information des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire sur le phénomène d’interruption spontanée de grossesse, les possibilités de traitement ou d’intervention et les dispositifs de suivi médical et d’accompagnement psychologique disponibles. »

II. – Le I s’applique à compter du 1er septembre 2024, après recensement, par les agences régionales de santé, des modalités de prise en charge spécifiques mises en place par les établissements et les professionnels de santé de leur ressort pour accompagner les femmes et, le cas échéant, leur partenaire confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1 rectifié quinquies, présenté par Mmes Jacquemet et Guidez, MM. Canévet, Le Nay et Henno, Mmes Billon, Saint-Pé et Perrot, M. Longeot, Mme Gatel, M. Duffourg, Mme Sollogoub, MM. Détraigne et J.M. Arnaud, Mmes Doineau et Devésa et M. Chauvet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2122-6…. – L’interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme, profession médicale à part entière, quel que soit le lieu où elle exerce.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Cet amendement vise à renforcer l’ambition de cette proposition de loi en permettant une prise en charge globale de l’interruption spontanée de grossesse par les sages-femmes.

Je rappelle que 40 % du suivi des grossesses est actuellement assuré par une sage-femme et que ce chiffre est en constante augmentation du fait de la démographie décroissante des gynécologues obstétriciens.

Les sages-femmes assurent déjà le suivi des grossesses physiologiques, le suivi gynécologique de prévention et les interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses et instrumentales.

Pourtant, lorsqu’une patiente présente une fausse couche, la sage-femme n’est pas habilitée à lui administrer les médicaments adéquats, car les textes n’ont pas évolué en même temps que ceux qui concernent l’IVG. Une sage-femme peut donc administrer les médicaments appropriés lorsque la patiente décide elle-même d’interrompre sa grossesse, dans le cas d’une IVG médicamenteuse, mais il n’est pas possible de le faire lorsqu’il s’agit d’une fausse couche, alors même que les médicaments sont identiques et à la disposition de la sage-femme.

Cette situation accroît l’angoisse des patientes, redirigées vers les urgences, et crée un surcoût pour la sécurité sociale.

S’il était adopté, cet amendement permettrait une meilleure prise en charge des personnes concernées par un professionnel de santé de leur choix qu’elles connaissent, lequel pourrait ensuite les recevoir plus facilement et surveiller leur état psychologique.

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2122-6…. – L’interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme, quel que soit le lieu d’exercice.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Depuis des années, notre groupe demande à revaloriser le métier et les rémunérations des sages-femmes. La mobilisation de leurs organisations syndicales, que nous avons relayée régulièrement dans cet hémicycle, porte ses fruits puisque de nombreuses compétences supplémentaires leur sont dévolues, ce qui est une reconnaissance.

Néanmoins, nous regrettons, comme je l’ai indiqué en discussion générale, que l’addition de nouvelles compétences ne fasse pas l’objet, en parallèle, d’une revalorisation de leur rémunération. Nous espérons donc que des négociations salariales seront prochainement menées avec le ministère de la santé et que le numerus apertus en maïeutique sera relevé pour faire face aux besoins actuels et futurs.

En attendant, cet amendement, qui est proche de celui que vient de présenter ma collègue centriste, reprend une proposition de l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF) afin que l’interruption spontanée de grossesse soit traitée par la profession. Les sages-femmes ne doivent pas être limitées à un rôle de prescription de l’accompagnement psychologique : elles doivent véritablement prendre en charge dans leur globalité les fausses couches.

Cette prise en charge, comme cela a été souligné, s’inscrirait à la suite de l’accompagnement déjà existant du suivi des grossesses, du suivi gynécologique de prévention et des IVG médicamenteuses et instrumentales. Ainsi, les sages-femmes seraient habilitées à administrer les médicaments à la patiente confrontée à une fausse couche au même titre que dans les cas d’IVG médicamenteuses.

Tel est le sens de notre amendement, dont l’objet est quasi similaire aux deux autres que défendent des collègues d’autres groupes.

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 2122-6…. – L’interruption spontanée de grossesse peut être traitée par un médecin ou une sage-femme.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. L’amendement du groupe SER va dans le même sens puisque nous aussi nous défendons depuis plusieurs années l’importance du rôle des sages-femmes, soulignant que ce métier est à caractère médical et non paramédical.

Nous avons aussi travaillé à la mise en place d’une sixième année d’études, qui était souhaitée par les sages-femmes pour disposer d’une formation complète. Vous savez que leur rôle actuel est celui de la prévention, avec une vision holistique de la santé des femmes.

Au-delà des situations liées aux fausses couches elles-mêmes, les sages-femmes sont amenées à assurer 40 % du suivi des grossesses. On ne peut que constater que ce taux est en augmentation : assurant le suivi des grossesses physiologiques, le suivi gynécologique de prévention et les IVG alors que la démographie gynéco-médicale ne fait que fondre à vue d’œil, leur rôle est de plus en plus important.

Il paraît donc contradictoire qu’une sage-femme ne puisse pas administrer pour une fausse couche spontanée les médicaments qu’elle a le droit de prescrire aux patientes qui décident d’interrompre elles-mêmes leur grossesse. Ce vide juridique a de lourdes conséquences sur le parcours de soins des intéressées puisque les sages-femmes sont obligées de les renvoyer vers des médecins, voire aux urgences.

Alors qu’un amendement vise à inclure dans le « parcours fausse couche » les infirmiers en pratique avancée exerçant au sein des services d’urgences, il serait contradictoire de le refuser aux sages-femmes. Cela ne fera que renforcer l’angoisse et la détresse des patientes concernées tout en imposant un examen médical supplémentaire, ce qui n’est pas bénéfique pour les comptes de la sécurité sociale.

Cet amendement répond à une forte demande des sages-femmes, qui paraît absolument justifiée. Il serait donc opportun d’aller dans cette direction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Pour répéter ce que j’ai indiqué en commission, nous comprenons très bien l’intention des auteurs de valoriser les compétences des sages-femmes dans la prise en charge de la santé des femmes et de favoriser un meilleur accès aux soins. Évidemment, nous partageons tous cet objectif.

Pour autant, une telle extension doit, selon nous, faire l’objet d’une réflexion plus approfondie. Si les sages-femmes sont, depuis 2016, compétentes pour prendre en charge les IVG médicamenteuses, comme vous le souligniez, elles ne sont toutefois pas autorisées à pratiquer les interruptions de grossesse pour motif médical, conformément à l’article L. 2213-3 du code de la santé publique. De plus, elles ne sont autorisées à pratiquer des IVG instrumentales qu’à titre expérimental, après avoir suivi une formation théorique obligatoire ainsi qu’une formation pratique consistant en l’observation de trente actes d’IVG instrumentale et en la réalisation de trente autres.

Par ailleurs, les interruptions spontanées de grossesse trouvant souvent leur origine dans une anomalie embryonnaire ou dans des problèmes de santé de la mère, un diagnostic médical peut s’avérer nécessaire, ce que ne peut assurer une sage-femme.

Dans ces conditions, il semble précipité de légiférer sur ce point en ouvrant aux sages-femmes une compétence inconditionnelle à prendre en charge les interruptions spontanées de grossesse. Cette question mérite d’être approfondie à l’occasion d’un prochain texte afin d’établir les conditions dans lesquelles les sages-femmes pourront être davantage impliquées dans la prise en charge des patientes.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Nous saluons bien sûr tout le travail effectué par les sages-femmes au quotidien ; je les salue particulièrement en cette veille de Journée internationale des sages-femmes. Je précise que leur statut a été revalorisé à l’occasion du Ségur de la santé puisqu’elles ont vu leurs revenus augmenter de 500 euros mensuels.

Néanmoins, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, ces amendements dépassent le champ des compétences des sages-femmes puisque les fausses couches peuvent être dues à des anomalies embryonnaires ou à des problèmes de santé de la mère. Je reprends le code de la santé publique : l’article L. 4151-3 indique très clairement qu’« en cas de pathologie maternelle, fœtale ou néonatale pendant la grossesse, […] la sage-femme doit faire appel à un médecin ».

Il faut rappeler que les interruptions spontanées de grossesse exposent les femmes à des risques importants ; à ce titre, ce domaine entre dans le champ des pathologies. Un médecin permet donc d’apporter des solutions.

Par ailleurs, j’apporterai quelques précisions à la suite de votre interpellation, monsieur le sénateur Burgoa. Je rappelle que le misoprostol bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché uniquement pour les IVG médicamenteuses. Il n’est possible de le prescrire pour une fausse couche qu’au titre d’une procédure dérogatoire relevant de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU), prescription ouverte, en l’état, aux seuls médecins. Cette restriction vise à réduire les risques pour les femmes, en particulier les risques hémorragiques.

Tout cela est fixé par un décret dont on peut envisager une révision. Il faut néanmoins mener un travail préalable approfondi, c’est-à-dire qu’il faut consulter l’ensemble des parties prenantes, notamment les autorités sanitaires, et envisager un complément de formation pour les sages-femmes.

Au vu de tous ces éléments, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra ces trois amendements, dans la continuité des batailles que nous menons, nous aussi, depuis des années pour la reconnaissance pleine et entière de la compétence médicale des sages-femmes.

Parmi les compétences de ces dernières, il y a, madame la ministre, le fait d’avoir les connaissances permettant de déterminer quand la grossesse physiologique ou la fausse couche nécessite un diagnostic médical. Cette capacité d’orientation fait partie de leur savoir : en cas de grossesse pathologique, les sages-femmes réorientent les patientes quand elles pensent que c’est nécessaire pour des raisons médicales. D’une certaine manière, vous niez ce savoir-là.

J’en profite pour indiquer que le référentiel métier des sages-femmes doit être repris parce que vous savez que, désormais, elles suivent une année d’études supérieures supplémentaire : leur parcours comprend un troisième cycle et la possibilité d’obtenir un doctorat en maïeutique. Puisque vous parliez de formation complémentaire, il conviendra de la prendre en compte, comme l’ensemble des années d’études.

En conclusion, si elle était refusée aux sages-femmes, il serait inadmissible, quoi qu’on en pense, d’accorder la compétence de mener une ISG aux infirmières en pratique avancée aux urgences. Peut-être en reparlerons-nous, mais ces dernières ont encore moins de légitimité au regard de leur formation. Si l’on refuse cette compétence aux sages-femmes, ce qui risque de se produire, il ne faut pas l’octroyer aux IPA aux urgences.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour explication de vote.

Mme Brigitte Devésa. Monsieur le rapporteur, après avoir entendu vos explications, je retire cet amendement proposé par ma collègue Annick Jacquemet.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié quinquies est retiré.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je ne retirerai pas l’amendement parce que j’ai un peu de mal à comprendre vos explications, monsieur le rapporteur.

Vous indiquez qu’une fausse couche spontanée qui relève de malformations embryonnaires est de nature pathologique. Nous sommes bien d’accord. Je rappelle d’ailleurs que les fausses couches spontanées liées à une anomalie chromosomique, souvent, ne sont même pas diagnostiquées, parce que très précoces, et sont considérées comme un simple retard de règles par la patiente, qui n’a même pas fait son propre diagnostic de grossesse.

Si la fausse couche spontanée est pathologique, relevant donc de la médecine, les sages-femmes – je répète ce qui vient d’être dit – ont toute la compétence nécessaire : leur activité est reconnue comme ayant un caractère médical et non paramédical, comme les infirmières en pratique avancée, soit dit en passant. Il faut tenir compte, comme l’a rappelé ma collègue Raymonde Poncet Monge, de la modification des maquettes de formation, cette dernière se faisant non plus en cinq ans, mais en six ans.

Je veux bien admettre qu’on n’accepte pas notre proposition aujourd’hui, puisque la commission semble être sur cette position, mais je crois qu’il est indispensable que cette compétence soit reconnue dès que la nouvelle maquette de formation des sages-femmes sera effective.