Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (M. Jacques Fernique applaudit.)

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où le fait politique n’est plus compris, l’élu de proximité demeure l’élu préféré des Français, nous le disons tous.

L’action concrète du maire, au plus proche du quotidien de nos concitoyens, et son écoute permanente de ses administrés forgent un des liens les plus solides qui perdurent, alors que beaucoup trop de Français sont perdus dans le « comment ça marche » d’un millefeuille territorial dont ils se demandent quelle peut être la fonction, voire parfois la légitimité.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui porte sur un des rouages clés du fonctionnement de cet échelon local si essentiel, à savoir le poste de secrétaire de mairie.

Aussi sérieux et essentiel que soit le sujet, notre groupe regrette toutefois quelque peu la manœuvre ayant conduit à l’examen de cette nouvelle proposition de loi.

Le Sénat, dans son ensemble et dans la diversité de ses groupes, est très attentif à la question du bon fonctionnement de l’échelon local. Cette préoccupation est telle que nous avons déjà pu débattre dans cet hémicycle, il y a à peine plus de deux mois, le 6 avril dernier, du sujet préoccupant de la revalorisation des secrétaires de mairie, et ce grâce à un texte de nos collègues communistes, texte d’ailleurs adopté à l’unanimité.

Il nous paraît un peu dommage que la majorité présidentielle, qu’il s’agisse des parlementaires ou des membres du Gouvernement, n’ait pas jugé utile alors d’exprimer ses positions et de proposer ses solutions sous forme d’amendements sur ce texte ; le moment était pourtant opportun, c’était un réel temps de débat parlementaire et démocratique.

Espérer, à juste titre, parvenir à un compromis bénéfique pour l’ensemble du pays devrait être le seul moteur de notre action ; refuser, en quelque sorte, que cela passe par une proposition de loi dont les défenseurs n’appartiennent pas à sa majorité n’est en revanche pas forcément, à nos yeux, un gage de bonnes intentions.

Toujours est-il que nous sommes aujourd’hui face à un nouveau texte : c’est une nouvelle chance de répondre aux attentes légitimes de nos territoires.

Je salue le sérieux dont a fait preuve notre commission en réintroduisant les dispositions relatives aux secrétaires de mairie déjà votées en avril dans le texte que nous étudions aujourd’hui.

Je veux profiter du temps qui m’est imparti dans cette discussion générale pour saluer le dévouement de ces personnes, véritables clés de voûte de l’échelon local, ces secrétaires de mairie, dont l’appui juridique, administratif et technique, particulièrement lors de la préparation des budgets, permet le fonctionnement de nos communes et le bon déroulement de leurs actions et politiques locales.

Véritable interface entre les citoyens et les élus ou l’administration communale, ce poste, occupé en très grande majorité par des femmes, ne bénéficie pas d’un cadre ou d’un statut à la hauteur des missions qui lui sont dévolues.

Le manque de reconnaissance de ce métier pourrait susciter des difficultés de recrutement dans les prochaines années, difficultés qui existent déjà au vu des quelque 2 000 postes vacants. L’urgence d’agir en faveur de la revalorisation de ces fonctions est réelle.

La contractualisation à grande échelle nous pose toujours problème, vous le savez, mes chers collègues. Comme les deux tiers de ces personnes exercent à temps partiel et que près d’un quart d’entre elles travaillent pour plusieurs communes, nous aurions préféré que s’engage une réflexion sur une éventuelle mutualisation à l’échelle intercommunale, pour partager le personnel entre les communes.

Pour autant, notons le constat partagé et la volonté commune de mieux sécuriser le fonctionnement des mairies, via la pérennisation et la valorisation des secrétaires de mairie.

La pérennisation et la visibilité dans les perspectives de carrière et de formation de ces emplois particuliers sont la clé de la consolidation et de la reconnaissance de leur travail.

Je salue également les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a formulé des recommandations très pertinentes sur le sujet. Dans une réelle démarche transpartisane, notre groupe a cosigné les amendements tendant à concrétiser dans ce texte ces travaux.

Notre groupe votera donc ce texte et appelle à son tour le Gouvernement à se saisir enfin, pleinement et rapidement, de ces questions majeures, car nous devrions plus que jamais permettre à ces agents de travailler dans des conditions dignes et convenables afin d’assurer un service public de qualité et accessible pour tous. J’ai à cet égard bien noté les engagements pris à l’instant par M. le ministre.

Tout comme la commission des lois l’avait fait il y a deux mois, nous engageons le Gouvernement à bien prendre en compte les rémunérations et les parcours professionnels de ces personnes, dans le cadre des travaux portant sur l’accès à la fonction publique, ainsi que sur les rémunérations et les parcours professionnels en son sein, lancés le 1er février dernier par le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à notre tour, en déposant ce texte, nous avons souhaité nous engager pour remédier à un point faible de notre dispositif public, un point faible que nous avons tous identifié et qui nous a largement été présenté dans nos départements.

Nous avons voulu travailler sur la base de la première réflexion menée sur l’initiative de nos amis communistes. Chacun se rappelle le contexte de notre vote unanime en faveur de leur proposition de loi : nous considérions qu’il conviendrait de lui apporter un certain nombre de perfectionnements ou de rectifications. C’est bien ce que nous souhaitons faire aujourd’hui, dans le même esprit transpartisan, dont je suis sûr qu’il sera partagé par tous ceux qui soutiendront ce travail, auquel Didier Rambaud et moi-même nous sommes particulièrement consacrés au sein de notre groupe.

Je veux aussi saluer la contribution de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a approfondi le dossier et dont le travail sera certainement exploité cet après-midi. Je dois aussi exprimer un salut tout particulier à notre rapporteur, Mme Di Folco, dont l’excellente contribution souligne la parfaite connaissance de ces sujets d’administration et de fonction publique.

Notre souhait est que la loi consacre rapidement le classement général dans la catégorie B de la fonction publique des secrétaires généraux de mairie aujourd’hui en fonction – comme beaucoup de nos collègues, nous souhaitons que ce soit ce terme que l’on emploie à l’avenir.

Nous souhaitons aussi – ce point a suscité en commission des discussions et des oppositions que, j’espère, nous allons pouvoir surmonter – que cette intégration à la catégorie B de la fonction publique bénéficie aussi à de nouveaux entrants dans cette profession venant de la catégorie C, à condition qu’ils aient suivi une formation qualifiante.

Nous souhaitons également – c’était l’un des points nouveaux et importants de notre proposition de loi – leur garantir une progression de carrière qui corresponde aux contraintes et à la pression particulière qu’emporte cette fonction, du fait de la charge de travail et de la responsabilité qui pèsent sur ses titulaires.

Nous souhaitons enfin que la présente proposition de loi, dont j’espère qu’elle sera bientôt la loi, si nous parvenons à la faire aboutir, ne crée pas seulement une obligation de formation, mais offre aussi des possibilités réelles en la matière. On voit bien en effet que c’est, à l’heure actuelle, l’un des angles morts de la situation des secrétaires de mairie, pour lesquels il n’y a pas véritablement de qualification formellement reconnue et qui connaissent des difficultés, malgré les efforts réels du CNFPT et de ses délégations départementales, pour suivre les formations nécessaires à l’exercice de leurs fonctions.

Je voudrais par ailleurs, monsieur le ministre, mentionner à titre personnel deux sujets complémentaires qui relèvent plutôt du règlement, mais qui, à mon sens, constituent des actions nécessaires pour rendre l’emploi durablement attractif : d’une part, la possibilité pour les communes de consentir une aide au logement des secrétaires de mairie, car beaucoup d’entre eux doivent déménager lors de leur recrutement, ce qui implique de leur offrir une aide ; d’autre part, la possibilité pour les communes de consentir une aide au transport, car certaines des personnes chargées du secrétariat général de mairie doivent se déplacer fréquemment, notamment quand elles sont en service dans deux, voire trois communes.

Nous aurons aussi besoin, monsieur le ministre – vos premières annonces sont encourageantes de ce point de vue –, que le Gouvernement apporte en direct un soutien à certaines dispositions ouvrant des charges financières pour les collectivités, de manière à surmonter leur irrecevabilité financière. J’insiste également pour que le Gouvernement prévoie, d’ici au prochain projet de loi de finances, un soutien particulier pour les plus petites communes, dont les ressources sont souvent comprises entre 100 000 et 200 000 euros et pour lesquelles l’effort demandé pourrait dès lors s’avérer disproportionné.

Nous comptons donc sur votre appui, monsieur le ministre, en particulier pour l’examen de cette proposition de loi par l’Assemblée nationale, qui seul permettra que ce texte devienne loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 6 avril dernier, nous débattions dans cet hémicycle, sur l’initiative du groupe CRCE, de la proposition de loi de notre collègue Céline Brulin relative aux secrétaires de mairie, qui affirmait la nécessité de revaloriser ce métier.

Deux mois plus tard, nous nous retrouvons pour débattre de la proposition de loi de notre collègue François Patriat et de son groupe sur le même sujet des secrétaires de mairie. Cela est suffisamment rare pour être relevé.

J’y vois deux raisons possibles. Selon la première hypothèse, cela traduirait l’expression de notre mauvaise conscience à l’égard des secrétaires de mairie, dont nous nous plaisons à saluer l’engagement et à embrasser la cause. Selon la seconde, cela traduirait le constat d’un travail inachevé lors de notre vote en faveur de la proposition de loi de Céline Brulin le 6 avril dernier.

Je veux vous rassurer, mes chers collègues : si nous avons parfois mauvaise conscience, ou si nous éprouvons un sentiment de travail inachevé, ce n’est fort heureusement pas de notre responsabilité. C’est la faute de l’article 40 de la Constitution, qui nous entrave, nous contraint et limite nos marges de manœuvre législatives et budgétaires. (M. Alain Richard sexclame.)

Mme Françoise Gatel. Je suis tout à fait d’accord !

M. Hussein Bourgi. C’est aussi la faute du Gouvernement, monsieur le ministre : pardonnez-moi, mais vous n’avez pas fait le choix, le 6 avril dernier, d’enrichir la proposition de loi de Céline Brulin, ce que je regrette.

Partant de ce constat, je ne peux que déplorer la position du Gouvernement sur le sujet des secrétaires de mairie : il leur témoigne de la sollicitude tout en adoptant une posture d’attente, ou plutôt, à en croire votre intervention de ce jour, une stratégie de petits pas.

Alors, monsieur le ministre, je vous le demande très simplement : quand comptez-vous présenter un projet de loi digne de ce nom, c’est-à-dire un projet de loi transversal et volontariste, englobant tous les sujets qui intéressent les secrétaires de mairie, un projet de loi qui précise aussi les moyens budgétaires alloués aux nécessaires évolutions de ce métier ?

Le 1er juin dernier, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a publié les conclusions de son rapport d’information sur le métier de secrétaire de mairie. Je souhaite ici saluer le travail remarquable de nos collègues Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain, mais surtout attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les dix-sept propositions frappées au coin du bon sens qu’ils ont formulées dans ce rapport.

Monsieur le ministre, il n’appartient qu’à vous de puiser dans cette boîte à idées que le Sénat verse au débat et met à votre disposition. Je suis certain que vous trouverez matière, dans ces 17 propositions, pour enrichir vos propres réflexions et travaux.

Je forme le vœu que le débat de ce jour nous permette d’obtenir des réponses de votre part sur l’échéance à laquelle nous sera soumis le projet de loi sur l’attractivité de la fonction publique que vous nous annoncez depuis tant de mois. Je pense que votre réponse intéressera non seulement les sénateurs et sénatrices ici présents, mais aussi les nombreux secrétaires de mairie qui suivent nos débats sur le site du Sénat ; permettez-moi de les saluer à cette occasion.

Il devient en effet urgent de légiférer en la matière, car le métier de secrétaire de mairie est un métier sous tension : agents polyvalents, à la fois rédacteurs, juristes, fiscalistes, trésoriers, urbanistes, mais aussi parfois assistantes sociales et conseillers en informatique ou en orientation scolaire, les secrétaires de mairie représentent bien souvent le premier visage du service public municipal.

C’est un service public à visage humain, qui n’oblige pas à prendre rendez-vous ou à passer par une plateforme dématérialisée.

C’est un service public au sens noble du terme, accessible à toutes et tous.

Au quotidien, les secrétaires de mairie permettent à nos villages de fonctionner en tant qu’entités administratives et politiques.

Au quotidien, ces dizaines de milliers de femmes et d’hommes concourent à la mise en œuvre des politiques publiques communales et à leur efficience.

Disons-le sans ambages : sans les secrétaires de mairie, les communes, notamment en milieu rural, n’existeraient plus.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous : les secrétaires de mairie aiment leur métier ; mais, pour nombre d’entre elles et d’entre eux, ce métier est aujourd’hui synonyme de manque de reconnaissance, de quête de sens, d’isolement.

Les auditions menées par Mme la rapporteure Catherine Di Folco à l’occasion de l’examen de ces deux propositions de loi nous ont permis d’entendre des témoignages mettant en exergue le manque d’attractivité d’un métier pourtant crucial. Les raisons en sont nombreuses : manque de statut propre au métier, précarité des contrats, temps partiels, faible rémunération.

Cette réalité est en totale inadéquation avec la multiplicité des missions à accomplir et avec la complexité des tâches administratives et réglementaires qui pèsent sur les communes et les intercommunalités.

Ce manque d’attractivité a déjà des conséquences : au 10 mars 2023, on comptait 1 919 postes de secrétaires de mairie vacants en France. Les petites communes sont, hélas, les plus touchées.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est-il à la hauteur des enjeux ? Assurément, non. Cette proposition de loi est nécessairement parcellaire, car ses auteurs ont dû composer avec les contraintes de l’article 40 que j’évoquais il y a quelques instants. La rédaction issue des travaux en commission des lois a néanmoins permis d’en améliorer et d’en bonifier la teneur.

Je souhaite, au nom de mon groupe, saluer la rapporteure Catherine Di Folco, dont les apports ont immanquablement enrichi la qualité du texte de Céline Brulin comme de celui de François Patriat.

La présente proposition de loi met l’accent tant sur la formation des secrétaires de mairie que sur leurs évolutions de carrière, soit deux leviers essentiels pour relancer un peu l’attractivité de ce métier. Ces mesures sont bienvenues et nous y sommes favorables.

La rémunération reste, pour l’heure, l’angle mort de nos travaux, alors même que nos collectivités locales peinent à recruter, car elles ne peuvent proposer des salaires aussi attrayants qu’elles le souhaiteraient.

Il semble évident qu’un concours de l’État est nécessaire, particulièrement dans les petites communes du monde rural.

Monsieur le ministre, je me tourne vers vous. Vous avez la maîtrise de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je n’ai qu’une requête à formuler : pouvez-vous vous engager à ce que ce texte y soit voté avant la fin de la présente session parlementaire, afin que les dispositions contenues dans ces deux propositions de loi, aussi modestes soient-elles, entrent pleinement en vigueur dans les mois qui viennent ?

Les secrétaires de mairie le demandent. En le faisant, vous feriez œuvre utile. Nous comptons sur vous. Les secrétaires de mairie comptent sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Richard et Mmes Évelyne Perrot et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d’être rappelé, il y a quelques mois, notre groupe, qui est petit, mais efficace, vous présentait une proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.

Avec l’appui de notre rapporteure, Mme Catherine Di Folco, et du fait de son état d’esprit constructif, nous étions parvenus, unanimement, à poser une première pierre, certes modeste, mais nécessaire, pour la reconnaissance de ces femmes – je le redis, ce sont pour plus de 90 % des femmes – indispensables à la vie de nos petites communes.

Le couple maire-secrétaire de mairie est reconnu par nos concitoyens, qui y voient le pilier de la vie de nos communes rurales, bien plus sans doute que le couple maire-préfet tant vanté durant la crise sanitaire.

Ensemble, ils font vivre ces communes, qui constituent le premier, mais parfois aussi le dernier, des services publics dans nombre de nos territoires et qui, à ce titre, doivent faire face à des attentes et à des besoins toujours plus grands à mesure que l’État abandonne ces territoires.

Lors de l’examen de notre texte, qui avait été sollicité sur toutes les travées de cet hémicycle, vous aviez consenti, monsieur le ministre, à poursuivre ce travail de manière transpartisane. Nous avions même pris date afin que le projet de loi de finances pour 2024 permette de concrétiser d’indispensables mesures salariales.

Moyennant quoi, nous voilà aujourd’hui devant une nouvelle proposition de loi, déposée par le groupe RDPI. La proximité des élections sénatoriales y serait-elle pour quelque chose ?

Mme Nathalie Goulet. Mais non… (Sourires.)

Mme Céline Brulin. Notre groupe est fort attaché à l’initiative parlementaire, nous reconnaissons évidemment ce droit à chacun des groupes, fût-il d’inspiration gouvernementale.

Mais nous pensions, peut-être un peu naïvement, que cette nouvelle proposition de loi, à laquelle, j’imagine, vous avez apporté une petite contribution, monsieur le ministre, permettrait d’aller beaucoup plus loin dans la reconnaissance des secrétaires de mairie.

Nous pensions que des mesures d’ordre réglementaire, que vous avez le pouvoir de prendre, notamment des mesures salariales, seraient mises à l’ordre du jour beaucoup plus rapidement.

Nous pensions que le travail effectué par Cédric Vial, Catherine Di Folco et Jérôme Durain au nom de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation serait mis à profit. En effet, au-delà de la légitime reconnaissance des secrétaires de mairie, il faut lutter contre la pénurie que nous connaissons et qui risque de s’accroître, compte tenu du départ à la retraite prochain – même si vous en avez reculé l’âge – de nombre d’entre elles : un tiers d’ici à 2030.

La présente proposition de loi, telle que l’a retravaillée Mme la rapporteure, va permettre d’accélérer la promotion interne des secrétaires de mairie, qui appartiennent aujourd’hui majoritairement à la catégorie C, vers la catégorie B. C’est une bonne chose, et nous ne mégoterons pas notre soutien à cette mesure.

Mais on pourrait imaginer, si vous n’étiez pas si « accro » à l’article 40 de la Constitution, monsieur le ministre, que cela permette aussi à celles d’entre elles qui appartiennent de longue date à la catégorie B de rejoindre la catégorie A.

On pourrait imaginer un plan de « déprécarisation » de la profession. Certes, la pénurie oblige à recruter des contractuels, mais rien n’empêche de travailler à leur intégration à la fonction publique territoriale.

On pourrait imaginer que l’amélioration du sort des secrétaires de mairie devienne un modèle pour l’amélioration globale de la situation des fonctionnaires, notamment territoriaux. Vous l’avez d’ailleurs évoqué fort justement, madame la rapporteure.

Or, monsieur le ministre, vous ne proposez qu’une revalorisation de 1,5 % du point d’indice, enjolivée de primes non renouvelables, non prises en compte pour le calcul de la retraite. Ainsi, vous mécontentez de nouveau l’ensemble des organisations syndicales ainsi que les associations d’élus, qui n’ont pas été associées à la démarche, alors que les collectivités doivent concrétiser ces mesures au sein de leurs budgets serrés.

On pourrait enfin imaginer, par exemple à l’occasion de la présentation du plan France Ruralités, que soient prises des mesures de compensation pour ces communes, afin précisément qu’elles puissent faire œuvre utile en matière de salaire pour les secrétaires de mairie.

On est malheureusement encore loin de tout cela !

Certes, je ne doute pas que le Sénat parvienne à améliorer encore un peu les choses. Mais ne considérez pas, monsieur le ministre, que cela vaudra pour solde de tout compte : avec les pouvoirs dont vous disposez, vous pouvez faire beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel. (M. Guillaume Chevrollier applaudit.)

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans doute les secrétaires de mairie sont-ils une sorte de tube de l’été, puisque nous sommes sur ce sujet depuis avril ; en tout cas, je souhaiterais vraiment, comme plusieurs des orateurs qui m’ont précédée, qu’il aboutisse avant l’été !

Si nous sommes aujourd’hui aussi nombreux, aussi intéressés par ce sujet, c’est sûrement parce qu’il le vaut bien, et la paternité de l’ouvrage auquel nous travaillons sera sans doute difficile à établir. Quoi qu’il en soit, je veux saluer le travail excellent de Céline Brulin et de ses collègues du groupe CRCE, ainsi que le travail remarquable de sérieux et de rigueur de notre rapporteur Catherine Di Folco et, naturellement, celui de mes collègues de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le trio formé par Catherine Di Folco, Jérôme Durain et Cédric Vial, qui ont produit un rapport extrêmement intéressant et de grande qualité sur les secrétaires de mairie.

Je veux enfin saluer toutes et tous les secrétaires de mairie : nous en connaissons beaucoup, nous savons ce qu’est leur vie au quotidien, nous savons combien ils ou elles sont un peu plus encore que la cheville ouvrière de l’action publique.

Aussi, monsieur le ministre, il n’y a que vous que je n’ai pas encore salué. Je vais donc le faire, mais très franchement et sans arrière-pensées, un peu comme Mme Brulin l’a fait, sous la forme de la notation de fin d’année que l’on donne à un élève : celui-ci est bon, appliqué, il peut mieux faire, il doit accélérer et ainsi nous permettre de conclure ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, nous avons aujourd’hui dans notre pays 23 000 secrétaires de mairie, mais 1 900 postes sont vacants et plus de 30 % de ces personnes partiront à la retraite d’ici à la fin de la décennie.

Le poste de secrétaire de mairie est unique par sa responsabilité. J’ai eu l’occasion, dans mon département, de connaître la douleur d’une secrétaire de mairie et de son maire quand le plan local d’urbanisme de leur commune, qui était en voie de finalisation, a fait l’objet d’un recours victorieux parce que la secrétaire de mairie n’avait pas pu envoyer le fameux document officiel à la date prévue : il y avait un retard de 24 heures !

La responsabilité est donc énorme ; comme quelqu’un parmi nous l’a dit avant moi, les secrétaires de mairie sont des fabricants de possible quand les maires sont des inventeurs de possible. Or si nous n’avons plus de secrétaires de mairie, monsieur le ministre, nous n’aurons plus de maires ! Il faut donc savoir attirer ces secrétaires de mairie, les former et les accompagner, parce qu’elles travaillent souvent dans une grande solitude. Il faut aussi savoir leur offrir de la reconnaissance.

Quand nous parlons des secrétaires de mairie, nous parlons des communes et des maires. Nous ne cessons, ici comme ailleurs de déplorer le désenchantement des maires, de nous en attrister : nous compatissons, nous saluons, nous rendons hommage, c’est encore heureux, mais cela ne suffit pas ! Or ce désenchantement des maires, s’il est dû à plusieurs causes, découle notamment de ce qu’ils font trop souvent face à une complexité énorme sans recevoir l’appui d’une secrétaire de mairie, qui est une sorte de couteau suisse. On doit donc considérer ce métier dans sa particularité.

Pour ma part, je suis déconcertée par l’usage qui est fait de l’article 40 de la Constitution et je veux, si je puis dire, faire un billet d’humeur à son sujet. Cet article de notre Constitution exprime un principe de précaution : nous n’allons pas encourager les maires à engager des dépenses, nous essayons d’être vertueux. Seulement, cette norme de précaution est aujourd’hui transformée en objectif. Dès lors, à cause de l’article 40, on ne pourrait pas permettre à un maire de faire passer sa secrétaire de mairie de la catégorie B à la catégorie A. Cela coûterait, pour un emploi à temps complet, 1 800 euros par mois. S’ajoutent d’autres verrous : le principe de libre administration des collectivités et celui d’équilibre du budget de fonctionnement. Sincèrement, je pense que, en nous montrant incapables de surmonter, tous ensemble, le carcan d’une norme qui devient contre-productive, nous ne servons ni l’intérêt public ni l’efficacité de l’action publique : c’est inexplicable auprès des élus locaux !

Monsieur le ministre, vous avez entendu le soutien unanime, la polyphonie extrêmement positive, le travail rigoureux accompli par tout le monde. Pour ma part, je ne sous-estime pas votre bonne foi ni votre volonté, je les reconnais, mais il faut vraiment conclure et avancer sur ce sujet. Monsieur le ministre, il faut parfois être disruptif et se dégager des carcans normatifs ! En la matière, je pense que le statut de la fonction publique est trop normatif pour être équitable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sens des responsabilités, le service de proximité, la souplesse, la fidélité : voilà des qualités que tout employeur s’arracherait. Ce sont celles de la plupart des secrétaires de mairie, postes en très grande majorité occupés par des femmes. Pourtant, à ce jour, cette fonction n’attire pas, car elle est sursollicitée, peu rémunérée et peu valorisée. Leur humilité silencieuse les a trop longtemps confinées dans l’oubli du législateur. Il est temps que cela change !

Si les communes rurales sont la clé de l’équilibre des territoires, les secrétaires de mairie sont la clé des communes rurales. Plus la commune est rurale, plus les secrétaires de mairie sont polyvalentes et primordiales pour le bon fonctionnement local.

Elles occupent notamment, souvent seules, une fonction stratégique dans la gestion des opérations électorales. Elles sont ainsi les garantes de la vitalité démocratique de la France périphérique, elles constituent donc le lien de confiance entre le peuple et le pouvoir, entre les administrés et l’administration.

Elles ont aussi la charge du bon déroulement des moments les plus importants de la vie des habitants, puisqu’elles assistent l’officier d’état civil qu’est le maire. Pour ce faire, elles sacrifient de leur temps, les samedis et dimanches. L’élargissement de leurs compétences, de manière générale, crée des journées à rallonge qu’elles acceptent avec abnégation.

Ces couteaux suisses à la française apprennent leur métier sur le tas et s’adaptent à la multiplication et à la complexification des normes. Elles sont les premières victimes du « harcèlement textuel » évoqué dans un récent rapport sénatorial, ainsi que des injonctions contradictoires des différents codes.

Elles ont aussi un rôle d’appui auprès du maire, de son conseil municipal et des services qu’elles coordonnent. Elles assurent un soutien permanent et sont le pivot entre les interlocuteurs. D’ailleurs, les élus changent plus souvent que les secrétaires de mairie, qui ont donc aussi un rôle de mémoire et de continuité des institutions communales.

Ce guichet humain, cette oreille désintéressée et à accessible, ni le numérique ni l’intelligence artificielle ne pourront les remplacer.

Aujourd’hui, pourtant, on subit une pénurie de secrétaires de mairie. Nous sommes donc appelés à trouver des réponses à la hauteur de l’enjeu. Il y a 2 000 postes à pourvoir, c’est-à-dire 2 000 communes en urgence vitale. Plus la commune est petite, plus l’importance de la fonction est cruciale. Là où tous les services publics ont disparu, le secrétaire de mairie maintient une présence au service du public.

Il y a donc là un véritable enjeu d’avenir, spécialement pour la ruralité.

C’est pourquoi je soutiendrai ce texte, ainsi que les amendements qui tendent à permettre une meilleure formation et une revalorisation salariale et statutaire. Je pense aussi qu’il est plus que temps que la loi s’adapte à l’évolution des fonctions des secrétaires de mairie, en requalifiant les agents de catégorie C en catégorie B.

Je serai heureux de pouvoir voter avec vous, mes chers collègues, en faveur d’une meilleure reconnaissance des secrétaires de mairie, qui tiennent notre nation debout en cimentant son socle communal de leur présence bienveillante.