compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Jacqueline Eustache-Brinio,

M. Loïc Hervé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

relations diplomatiques avec le maroc et l’algérie

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. Hervé Marseille. Madame la Première ministre, avec les collègues de mon groupe, j’ai souhaité attirer votre attention sur un sujet qui nous préoccupe gravement : la dégradation de notre relation avec les pays du Maghreb, et en particulier avec le Maroc.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Hervé Marseille. Je me suis rendu dans ce pays voilà peu avec le président de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon, et une délégation du groupe d’amitié France-Maroc du Sénat. Nous avons pu mesurer l’état de dégradation de la relation entre nos deux pays. Ainsi, nous avons été reçus non pas au Parlement ou dans les ministères, mais au siège des partis ou au domicile de nos hôtes, où l’accueil est, certes, chaleureux.

Depuis deux ans, le Maroc, qui est pourtant historiquement, et de longue date, un pays ami, avec lequel nous avons beaucoup d’intérêts, et qui est en quelque sorte « nos yeux et nos oreilles » dans cette région, a une relation difficile avec la France.

Cette relation n’est pas exclusive de ce que nous pouvons faire, de façon équilibrée, avec l’Algérie, comme cela a été le cas pendant de nombreuses années.

Nous avons consenti de gros efforts en direction de l’Algérie. Le Président de la République s’y est rendu. Puis, ce fut votre tour peu de temps après, madame la Première ministre ; vous étiez accompagnée d’une grande délégation. Mais, force est de le constater, ces renoncements auxquels nous avons consenti ont été couronnés de peu de succès, à en juger par les dernières mesures prises par le gouvernement algérien, qui a cru devoir réintroduire dans l’hymne national un couplet assez peu amical à l’endroit de la France. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

Le Président de la République a reçu hier Mme Giorgia Meloni. Ce qui nous lie à l’Italie, au Maroc et à l’Algérie, l’Union pour la Méditerranée, est « en rade » – il n’y a pas d’autre mot – depuis plusieurs années.

Pour affirmer la place de la France en Méditerranée, engager un dialogue utile sur les problèmes migratoires et peser au sein de l’Union européenne, il est indispensable que nous relancions l’Union pour la Méditerranée et que nous puissions travailler de nouveau, dans des conditions de confiance, avec le Maroc, parce que les Marocains sont nos amis au Maghreb. (Marques dimpatience sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Hervé Marseille. Madame la Première ministre, quelle initiative comptez-vous prendre pour relancer l’Union pour la Méditerranée et nos relations avec le Maroc ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Hervé Marseille, la France a une relation très riche, une histoire partagée et des liens humains particulièrement étroits avec le Maroc comme avec l’Algérie.

Une histoire de cette intensité n’est jamais dépassionnée. Je veux redire que nous avons un objectif clair : développer et approfondir nos liens, dans le respect mutuel, avec chacun de ces deux pays.

Avec l’Algérie, nous continuons à travailler dans l’esprit de la déclaration d’Alger, pour un partenariat renouvelé entre la France et celle-ci. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)

Vous l’avez indiqué, je me suis moi-même rendue à Alger au mois d’octobre 2022, quelques semaines après la visite du Président de la République, pour coprésider le Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN). Par ailleurs, les deux présidents échangent de manière très régulière.

Nous souhaitons aller de l’avant. Il y a bien entendu des obstacles, mais il y a surtout une volonté commune, partagée par le président Macron et le président Abdelmadjid Tebboune de regarder vers l’avenir et de le construire, au bénéfice de nos deux peuples.

Nous restons bien évidemment vigilants, notamment dans le domaine migratoire. Nous avons à cet égard un dialogue exigeant, en particulier sur la réadmission des ressortissants algériens en situation irrégulière.

Mme Nicole Bonnefoy. Et sur le Maroc ?

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La question est sur le Maroc !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Avec le Maroc, nos liens, qu’ils soient humains, économiques ou culturels, sont très forts. La relation franco-marocaine, ce sont, par exemple, plus de 46 000 étudiants marocains en France,…

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … 46 000 élèves dans les établissements français au Maroc et plus de 1 000 filiales d’entreprises françaises.

La ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, s’est rendue au Maroc au mois de décembre dernier pour une visite qui a été très positive. Le souhait de la France est de poursuivre l’approfondissement de ce partenariat d’exception au service des intérêts que partagent nos deux pays et à la hauteur de la relation que nous voulons avec le Maroc.

Vous avez raison, monsieur le président Marseille, l’avenir de nos relations avec l’Algérie et le Maroc, comme avec la Tunisie, s’inscrit plus largement dans notre politique pour la Méditerranée.

La France, qui est à l’origine de l’Union pour la Méditerranée, continuera à prendre des initiatives fortes pour renforcer les liens entre les deux rives et pour apporter des réponses concrètes à nos défis communs, notamment en matière d’environnement. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

politique de réduction des dépenses publiques

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, les Assises des finances publiques, que vous attendiez comme un moment fort de ce quinquennat, constituent en réalité un nouveau rendez-vous manqué au regard de votre volonté de prendre en considération la voix des collectivités territoriales.

L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France ont refusé de participer à cette grand-messe. Ils ont eu raison : selon vous, ce sont de nouveau les collectivités territoriales qui devront faire des efforts pour désendetter la France ; on parle ici de 10 milliards d’euros à 15 milliards d’euros.

Vous leur demandez de réduire de 0,5 % leurs dépenses de fonctionnement, alors qu’elles sont déjà en difficulté. En effet, les budgets des collectivités pour 2023 ont été construits dans une extrême fragilité, et ceux de 2024 le seront encore plus.

Les maires, les présidents d’agglomération et les présidents de communauté de communes nous expliquent qu’ils n’ont jamais eu autant de mal à boucler leur budget. Aujourd’hui, les municipalités ne disposent même plus de leviers fiscaux pour assurer des recettes pérennes du fait de la suppression de la taxe d’habitation, suivie de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à coups d’article 49.3…

Comme si ce n’était pas suffisant, vous augmentez le point d’indice des fonctionnaires territoriaux. C’est une bonne nouvelle, mais vous le faites, une fois de plus, sans prévoir aucune compensation financière de l’État.

Ce sont les services rendus à la population et la libre administration des communes que vous impactez par vos décisions.

Vous êtes incapable de travailler avec les collectivités territoriales sur des sujets qui affectent leur quotidien, et de dialoguer avec celles et ceux qui sont chaque jour sur le terrain : les élus locaux.

Vous leur demandez à la fois d’agir en faveur de la transition écologique et de dépenser moins que l’inflation chaque année : c’est réduire les chances de répondre aux enjeux de développement durable.

Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre en place un réel pacte financier entre l’État et les collectivités territoriales, afin de garantir le service public et de prendre en compte les réalités locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa et M. Daniel Breuiller applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Cathy Apourceau-Poly, je vous réponds comme ministre chargé des comptes publics, mais également comme élu local. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.) Je suis en effet conseiller municipal dans ma commune depuis près de dix ans.

Mme Céline Brulin. C’est de la schizophrénie !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je le dis, car ce mandat local me permet d’avoir une conviction absolue : on ne peut pas opposer l’État et les collectivités locales. (M. Michel Dagbert applaudit.)

Les collectivités locales ont évidemment besoin de l’État, notamment en étant accompagnées lors des périodes de crise. Et l’État a besoin des collectivités locales pour que l’investissement se maintienne à un bon niveau dans notre pays. Nous avons tous besoin les uns des autres pour relever le grand défi de la transition écologique, qui nécessitera un investissement public massif. C’est la raison pour laquelle nous devons avancer ensemble, y compris pour maîtriser nos dépenses publiques.

En effet, la situation de tension de nos finances publiques et l’augmentation des taux d’intérêt ont un impact non seulement sur les finances de l’État, mais aussi sur les projets d’investissements des collectivités locales. Nous devons être capables tous ensemble de relever ce défi du contrôle de nos finances publiques.

L’an dernier, Bruno Le Maire et moi-même avions présenté un programme de stabilité et une loi de programmation des finances publiques prévoyant pour les cinq ans à venir un effort des collectivités locales supérieur à celui de l’État. Nous avons eu à cet égard un grand nombre de débats dans cet hémicycle, et nous avons notamment entendu ce que vous nous avez dit, mesdames, messieurs les sénateurs.

La nouvelle copie du programme de stabilité que nous avons présentée prévoit donc, à l’inverse des mesures initiales, un effort de l’État supérieur à celui des collectivités locales : une baisse de 0,8 % des dépenses de l’État, contre une diminution de 0,5 % en volume des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Il nous appartient de construire ensemble les mécanismes et la manière dont nous allons avancer.

Nous avons reçu les associations d’élus ; trois réunions techniques ont eu lieu au niveau ministériel au cours des dernières semaines. Nous allons continuer à travailler avec elles, avec un objectif – avancer ensemble au service du pays et des investissements que nous devrons réaliser en faveur de la transition écologique – et une méthode : la confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous irez le dire aux élus locaux !

pénurie d’effectifs des contrôleurs aériens en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des outre-mer.

Monsieur le ministre, la Guadeloupe s’apprête à affronter une hausse du trafic aérien, notamment lors des vacances estivales. S’il s’agit bien d’une aubaine pour notre territoire après deux ans de crise covid, une nouvelle difficulté s’ajoute et perturbe d’ores et déjà les usagers de l’aéroport Guadeloupe-Pôle Caraïbes, qui doit faire face à une pénurie de contrôleurs aériens.

Faute d’effectifs suffisants, cet aéroport, qui est la principale plateforme reliant notre territoire avec le monde en matière de transport de personnes – une infrastructure essentielle en matière de continuité territoriale pour notre région –, sera fermé du 23 au 25 juin. J’ajoute que nous avons déjà connu une fermeture le 21 et le 22 février dernier.

L’aéroport dispose à ce jour d’un effectif de 24 agents, dont 19 sont totalement opérationnels, alors que 31 postes sont nécessaires pour assurer un fonctionnement dit normal. Les conséquences sont graves et importantes : des vols et rotations reportés, des passagers non acheminés et, parfois, des évacuations sanitaires annulées.

Face à l’urgence de la situation, les réponses ne sont pas au rendez-vous. Notre territoire ne peut pas attendre la formation de nouveaux contrôleurs d’ici à dix-huit mois !

D’autres solutions sont envisageables. Je pense à la recherche sur le plan national d’autres agents, au transfert d’effectifs à partir de plateformes proches, comme Fort-de-France, ou à la mutualisation des effectifs entre la Guadeloupe et la Martinique.

Monsieur le ministre, dans ce contexte exceptionnel, et pour prévenir d’autres perturbations qui pourraient se révéler plus graves en matière de sécurité, le Gouvernement pourrait-il mettre en place des mesures d’urgence, afin de renforcer les effectifs de contrôleurs aériens en Guadeloupe ? Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard ? (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Théophile, vous interrogez le Gouvernement sur la pénurie d’effectifs des contrôleurs aériens et sur ses conséquences en termes de sécurité civile en Guadeloupe. Je connais votre mobilisation sur le sujet.

Vous avez raison, le service de navigation aérienne Antilles-Guyane se trouve actuellement dans une situation difficile de sous-effectifs, ce qui l’a contraint à fermer les services de contrôle aérien durant la nuit, et en matinée chaque fois que l’effectif en journée n’est pas suffisant. En réaction, le directeur compétent a engagé un important travail de dialogue social, notamment pour garantir, d’une part, un maintien du service et, d’autre part, des conditions d’exercice satisfaisantes pour les contrôleurs.

Je tiens à dire ici que le transport d’urgence, et notamment sanitaire, est garanti par l’hélicoptère de la sécurité civile, Dragon 971, qui est en mesure d’intervenir 24 heures sur 24. Il n’y a donc pas de danger en termes de sécurité civile.

La direction des services de la navigation aérienne (DSNA) travaille d’arrache-pied pour établir un nouveau tour de service prévoyant, à effectif constant, un élargissement et une sécurisation de l’offre de service sur la plage horaire allant de six heures quarante-cinq à vingt-trois heures, comme le demandent les compagnies aériennes.

Par ailleurs, et c’est là le principal, sept contrôleurs aériens sont actuellement en formation sur place, et six nouveaux contrôleurs aériens devraient arriver d’ici à la rentrée, et non pas dans dix-huit mois ; je me suis entretenu à ce sujet ce matin même avec le directeur général de l’aviation civile (DGAC). Le ministre chargé des transports travaille par ailleurs sur des mesures de fidélisation et d’optimisation des temps de formation locale.

La situation n’affecte en rien la sécurité, et je pense qu’elle devrait s’améliorer d’ici à quelques semaines pour ce qui concerne les vols civils. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

assises des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)

M. Vincent Éblé. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite associer Rachid Temal, sénateur du Val-d’Oise, à ma question.

Mme la Première ministre a avoué lundi dernier que le Gouvernement n’avait pas suffisamment associé les collectivités territoriales à la réflexion sur la question du point d’indice. En effet, cette décision impose aux assemblées locales, dont le budget est voté depuis le 15 avril, de revoir leur copie deux mois plus tard. Cette méthode est un manque de considération notoire vis-à-vis des élus locaux, d’autant plus irritant que le coût est loin d’être anodin : annoncé à un milliard d’euros le matin de l’annonce, ce montant a doublé l’après-midi !

Depuis 2017, les décisions imposées sont nombreuses : suppression de la taxe d’habitation contre l’avis des associations d’élus ; contrats de Cahors et loi de programmation, par lesquels 13 milliards d’euros d’économies ont été imposés ; augmentation du point d’indice dès 2022, sans plus de consultation ni de compensation ; plan eau et plan vélo annoncés unilatéralement, en laissant les élus locaux assumer seuls leur mise en œuvre. La liste pourrait s’allonger, mais le temps manque…

Le Gouvernement a démontré son incapacité à contenir le déficit public « et en même temps » demande aux collectivités de participer à un plan d’économie de 10 milliards d’euros, dont il sait que l’État est incapable de le réaliser.

La ministre chargée des collectivités territoriales s’inquiétait au mois de février dernier de la frilosité à investir face aux conséquences de l’inflation « et en même temps » – contradiction ! –, le ministre de l’économie propose la mise en place de l’autoassurance pour les collectivités, ce qui va mettre l’investissement local en danger.

Nous devons parler réellement des prélèvements obligatoires, de leur niveau, de leur assiette et de leur pertinence, notamment pour recréer un lien entre les industries et les territoires « et en même temps », vous élevez un totem dédié à la baisse des impôts, et vous lancez le hashtag #BalanceTonMaire et la consultation En avoir pour mes impôts, initiatives populistes qui mettent en danger le consentement à l’impôt.

Que comptez-vous mettre en place pour répondre enfin à l’exigence de justice pour les territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, je vous remercie de la mansuétude avec laquelle vous avez accepté que je supplée Gabriel Attal pour répondre à cette question. Je veux également saluer la Haute Assemblée et le sénateur Éblé.

La question des relations entre les collectivités locales et l’État n’est pas nouvelle. Vous pointez, monsieur le sénateur, les marges d’amélioration en termes de dialogue… Beaucoup ici se souviennent que le totem de la baisse des dotations, cher à des gouvernements que vous avez soutenus entre 2012 et 2017, avait conduit à amoindrir les finances des collectivités territoriales à un niveau bien plus considérable. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains. – M. Rachid Temal sexclame.)

Vous avez évoqué un certain nombre de sujets qui, de mon point de vue, doivent être distingués.

La même difficulté se pose chaque année pour trouver un dispositif dès lors que la hausse du point d’indice, déterminée par l’État, vaut pour toutes les fonctions publiques et que, jusqu’à présent, nous n’avons pas considéré utile de prévoir des trajectoires distinctes en fonction des employeurs. Dans le scénario actuel, c’est donc l’État qui décide. Lors de la consultation qui se déroule en coulisse, il est rare que les collectivités s’opposent à des revalorisations de points permettant de compenser l’inflation. Il y a par ailleurs un jeu des demandes de compensation budgétaire.

Je ne pense pas, monsieur le sénateur, que vos propos visaient à regretter l’augmentation de 1,5 %, au 1er juillet prochain, du traitement des fonctionnaires dans le contexte que nous connaissons ! (Sourires sur les travées du groupe RDPI.)

M. Rachid Temal. Un peu de sérieux !

M. Christophe Béchu, ministre. Derrière l’artifice de la présentation que vous avez choisie, je sais qu’il y a une question plus sérieuse sur le niveau de dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Je veux vous dire que ce rendez-vous approche, précisément dans le cadre de la planification écologique.

J’ai ainsi eu l’honneur de présider une réunion sur le sujet, à la demande de la Première ministre, avec toutes les associations d’élus. La question posée était de savoir comment donner aux collectivités les moyens d’accélérer l’atténuation des dépenses, ainsi que l’adaptation au titre de la planification, et avec quel partage des responsabilités et des contraintes. Les sénateurs seront bien évidemment associés à la réflexion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour la réplique.

M. Vincent Éblé. Monsieur le ministre, les collectivités ne veulent plus de transferts de compétences sans concertation et sans compensation, surtout en période d’inflation.

Elles demandent davantage d’autonomie, et ne veulent pas de discours condescendant de la part de l’État. Elles exigent son soutien pour affronter les besoins et les difficultés du quotidien. Or elles n’obtiennent pas de réponse.

Les collectivités et les élus réclament plus de respect et de considération. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)

agression, psychiatrie et addiction

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Delattre. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

« Insupportable » est le premier mot qui vient à l’esprit pour qualifier l’ignoble attaque subie avant-hier par une famille bordelaise. Mes pensées vont vers cette petite fille, sa grand-mère et leur famille, après l’agression dont elles ont été victimes en rentrant à leur domicile. Mes remerciements vont aux forces de l’ordre pour l’interpellation rapide, mais qualifiée de difficile, de l’agresseur.

« Se faire agresser, ça arrive à tout le monde ; moi aussi, cela m’est arrivé. » Telle est la réponse sidérante apportée lors d’une réunion publique voilà quelques jours par une adjointe au maire de Bordeaux, banalisant ainsi l’explosion de l’insécurité dans notre ville.

Je pourrais questionner M. le ministre de l’intérieur, une fois encore, sur l’absolue nécessité d’affecter une unité de compagnies républicaines de sécurité (CRS) à demeure à Bordeaux.

Je pourrais réinterroger M. le garde des sceaux sur la suspension récente des incarcérations des hommes au centre pénitentiaire de Gradignan en raison de la surpopulation carcérale, qui a eu pour effet de laisser des individus dangereux sur la voie publique.

Il est vrai que de nombreux détenus se retrouvent en prison alors qu’ils auraient avant tout besoin d’être admis dans des hôpitaux psychiatriques. C’est donc vers vous, monsieur le ministre de la santé, que je me tourne une fois de plus.

J’avais été à l’initiative, avec mes collègues Philippe Bas et Jean Sol, d’une mission sénatoriale d’information sur l’expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale, considérant que notre société et son pacte républicain dans les domaines de la police et de la justice étaient de plus en plus menacés par la sous-estimation des problèmes psychiatriques, souvent couplés à des addictions liées à la drogue ; les faits divers quotidiens en attestent malheureusement.

Il faut de nouveaux hôpitaux psychiatriques, ainsi qu’une politique en matière de psychiatrie ambitieuse et financée. Je vous ai demandé ici même voilà quelques semaines que ce sujet soit déclaré grande cause nationale. Combien de drames faudra-t-il égrener pour vous convaincre de cette nécessité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Delattre, comme vous, je tiens tout d’abord à exprimer ma solidarité, ainsi que celle du Gouvernement tout entier envers les victimes de cette odieuse agression, et je sais que l’ensemble des parlementaires partagent ce sentiment.

Vous avez eu raison de mentionner mes collègues Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, car nous travaillons de concert sous l’autorité de la Première ministre sur le sujet, qui doit être traité de manière globale. Il s’agit en effet d’une question de société, de rapport à l’autre, de civilité et de rapport à la violence. Nous devons mobiliser tous les outils, en particulier notre capacité à identifier et à traiter les problèmes psychiatriques ou psychologiques.

Nous le savons, notre système de santé rencontre des difficultés – c’est notamment le cas de la psychiatrie –, à la suite de décennies de gestion comptable aveugle. Pour autant, dès 2018, nous avons agi en mettant en œuvre une feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, ambitieuse, qui a été renforcée en 2021 par les premières Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, lancées et présidées par le Président de la République.

Les réponses que nous construisons en priorité s’inscrivent dans le temps long. Je pense par exemple à l’élargissement de la prévention, à la formation de 43 000 secouristes en santé mentale, au développement des compétences psychosociales à l’école, aux actions de prévention du suicide avec le numéro national 3114, qui a reçu plus de 300 000 appels depuis sa création, et au dispositif de vigilance.

J’évoquerai aussi la prise en charge de plus de 130 000 patients grâce au dispositif #MonSoutienPsy, qui a permis d’assurer 300 000 consultations.

Il faut citer enfin le développement des centres médico-psychologiques des maisons des adolescents ; il y en a désormais une par département. Depuis un peu moins d’un an, elles ont accompagné plus de 100 000 adolescents en difficulté, ainsi que leurs familles.

Toutes ces mesures ne sont évidemment pas suffisantes au regard des enjeux de santé mentale auxquels tous les pays développés sont confrontés. Soyez assurée de ma détermination à agir sans faille avec l’ensemble des professionnels et – je le sais – l’ensemble des parlementaires, afin que nous puissions trouver des solutions à ces difficultés. (M. François Patriat applaudit.)

décarbonation de l’aérien