Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de notre groupe, en inscrivant ce débat à l’ordre du jour, était bien évidemment de contribuer à un débat apaisé et constructif, dépourvu de polémique.

Je vous le dis très sincèrement, la seule polémique existant sur le sujet a été créée par le Président de la République le soir des résultats des élections sénatoriales !

Mme Pascale Gruny et M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !

Mme Cécile Cukierman. Il n’y a ici, de notre part, aucune malice…

Oui, il faut rétablir une autonomie fiscale et une autonomie financière, afin de redonner à l’ensemble des collectivités territoriales les moyens de répondre aux besoins des populations en assumant les investissements nécessaires et en supportant les frais de fonctionnement y afférents. C’est un impératif : il y va de la réussite d’une France qui se veut décentralisée et de la reconnaissance des élus locaux en tant qu’acteurs indispensables à même de relever, dans les prochaines années, les grands défis auxquels sont confrontés tous nos territoires : la transition énergétique ; la question sociale, notamment le problème du logement ; la mobilité ; l’accès à l’emploi pour toutes et tous.

Monsieur le ministre, de quelle liberté parlons-nous quand, dans un certain nombre de communes, la DGF équivaut à zéro ? Quand les capacités d’autofinancement atteignent quelques milliers d’euros à la fin de l’année ?

Nous l’affirmons sans polémiquer et sans cacher la réalité, la suppression de la taxe d’habitation représente un frein réel pour les collectivités territoriales, et elle le sera davantage encore dans les années à venir, en empêchant celles qui en bénéficiaient auparavant de s’inscrire dans une dynamique budgétaire positive.

Vous avez énuméré les aides accordées en 2022 aux collectivités. Mais vous avez refusé l’indexation de la DGF sur l’inflation, de même que la contemporanéité du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ; pourtant, chaque trimestre, dans les entreprises, on sait faire !

Qu’allez-vous nous proposer dans le projet de loi de finances, dont l’examen a commencé à l’Assemblée nationale et débutera dans quelques semaines au Sénat, pour redonner aux élus locaux non pas de l’argent, mais des moyens aux collectivités territoriales et d’abord aux communes ?

Ces dernières sont le premier échelon de la démocratie. Dans la plupart des territoires, elles sont le dernier endroit où une présence humaine, si chère à notre collègue Marc Laménie, est assurée. C’est en leur sein que se créent des liens de proximité, dont celui de la vie associative. C’est quand on franchit la porte de la mairie que l’on peut exprimer l’intégralité de ses soucis, auxquels les maires et leur équipe municipale doivent apporter des réponses.

Ce ne sont pas les grandes intercommunalités qui pourront jouer un tel rôle. Pas plus – nous pourrions débattre des heures pour savoir s’il faut ou non maintenir l’échelon départemental, auquel vous connaissez l’attachement de notre groupe – que les grandes régions ou autres ne régleront les problèmes quotidiens des femmes et des hommes de notre pays !

Oui, il y a urgence ! La fracture sociale et la fracture territoriale se creusent. Tous les collègues qui sont intervenus ce soir – je remercie de leur participation – l’ont dit avec leurs mots et leur sensibilité : cette double fracture ne se résorbe pas, elle s’accroît. L’hiver sera dur pour nombre de ménages. L’hiver sera dur aussi pour nombre de collectivités, car la question du prix de l’énergie, la question du prix de l’alimentation et la question du prix de la mobilité, trois éléments indispensables pour pouvoir vivre, ne sont toujours pas réglées.

Nous appelons donc de nos vœux une réforme urgente et en profondeur des finances locales, afin de réaffirmer l’égalité entre le rural et l’urbain dans le calcul de la DGF et de mettre à plat les bases d’une véritable autonomie fiscale pour l’ensemble des collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat relatif à l’augmentation de la taxe foncière.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023.

Dans le débat, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Boone, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée de lEurope. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’éprouve un immense plaisir à retrouver certains d’entre vous et à accueillir de nouveaux élus – j’adresse toutes mes félicitations aux intéressés – pour échanger, comme avant chaque Conseil européen, sur les principaux sujets qui y seront traités.

Avant tout, permettez-moi de rappeler que la France est pleinement solidaire d’Israël et se tient à ses côtés en ce moment tragique. Je tenais à adresser toutes mes condoléances aux familles touchées par ce drame effroyable et à leurs proches.

Le Président de la République a exprimé lundi dernier, avec ses homologues allemands, italiens, britanniques et américains, notre soutien ferme et uni à l’État d’Israël, ainsi que notre condamnation sans équivoque du Hamas et de ses effroyables actes de terrorisme.

Les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne se sont réunis hier en urgence. Ils ont réaffirmé le droit d’Israël à l’autodéfense, dans le plein respect du droit international humanitaire. Les chefs d’État et de gouvernement reviendront évidemment sur la situation dans ce pays et sa région lors du Conseil européen.

Celui-ci se déroulera du 26 au 27 octobre prochain, trois semaines après le Conseil européen informel qui s’est tenu à Grenade le 6 octobre dernier, ville où avait aussi eu lieu, la veille, la troisième réunion de la Communauté politique européenne (CPE).

Vous le savez, l’actualité évolue vite. Aussi, les éléments et positions que je partagerai avec vous ce soir sont susceptibles d’évoluer d’ici au Conseil européen. Je serai, le cas échéant, à votre disposition pour échanger sur ces évolutions à l’occasion d’une audition en commission des affaires européennes.

Premièrement, les chefs d’État et de gouvernement échangeront sur le sujet de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine.

D’abord, ils rappelleront, dans la continuité de la réunion de la Communauté politique européenne à Grenade, leur engagement à soutenir l’Ukraine dans tous les domaines et aussi longtemps que nécessaire, y compris en matière financière, dans un contexte d’incertitudes au sujet de l’aide américaine.

Ensuite, ils évoqueront le soutien au plan de paix du président ukrainien et les moyens de renforcer nos efforts de conviction à l’égard des pays tiers.

De plus, les chefs d’État et de gouvernement discuteront des moyens de consolider les corridors de solidarité européens pour contribuer à la sécurité alimentaire mondiale en permettant aux exportations agricoles ukrainiennes d’atteindre les marchés sans entraves.

En outre, il s’agira d’ancrer notre soutien militaire dans le long terme, notamment au travers de la Facilité européenne pour la paix (FEP), afin d’appuyer l’Ukraine tout en renforçant la base industrielle de défense européenne. Pour cela, nous entendons également promouvoir les coopérations avec la base industrielle de défense ukrainienne, dans la continuité de la visite qu’a réalisée le ministre des armées à Kiev le 28 septembre dernier, en compagnie d’une importante délégation d’industriels français de défense.

De surcroît, les chefs d’État et de gouvernement reviendront sur les actions engagées par l’Union européenne et par les États membres en matière de lutte contre l’impunité des crimes internationaux commis en Ukraine et de recours aux actifs russes gelés et immobilisés.

Enfin, ils discuteront en parallèle des moyens d’accroître la pression sur la machine de guerre russe et de lutter contre le contournement des sanctions, ce qui est pour nous une priorité.

Deuxièmement, les chefs d’État et de gouvernement échangeront sur un point qui est désormais régulier lors des Conseils européens : les migrations.

Face aux drames successifs, comme récemment à Lampedusa, il faut se féliciter qu’un nombre croissant d’États soient convaincus de la nécessité d’avancer en Européens. Je n’en doute pas, vous aurez noté que Mme Meloni elle-même reconnaît que la solution ne peut être qu’européenne. Elle n’est toutefois pas encore parvenue à en convaincre ses partenaires polonais et hongrois, qui se sont – vous l’avez vu – opposés à l’adoption d’une déclaration commune à Grenade sur cette question.

Néanmoins, les échanges dans cette ville entre États membres de la CPE, puis entre États membres de l’Union européenne ont confirmé que les Européens partagent des objectifs communs.

D’abord, nous cherchons avant tout à prévenir les départs, bien entendu par des actions sur les causes profondes des migrations, mais également par une lutte contre les trafiquants et réseaux de passeurs. Nous changerons d’échelle dans notre coopération avec les pays d’origine et de transit pour nous diriger vers des partenariats plus opérationnels en déployant sur le terrain des experts de l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dite Frontex, et d’Europol, afin de combattre ensemble les trafiquants d’êtres humains.

Ensuite, l’enjeu est de mieux organiser la gestion des personnes arrivant sur le territoire européen, grâce à une politique qui allie responsabilité des États membres dans la protection de nos frontières communes et solidarité et humanité dans le traitement des demandes d’asile.

Enfin, il convient d’accélérer les retours pour les personnes qui n’ont pas vocation à rester sur le territoire européen.

Il faut saluer plusieurs avancées sur lesquelles nous travaillons depuis longtemps.

En premier lieu, le pacte sur la migration et l’asile a fait l’objet d’un accord au Conseil, la semaine dernière, sur l’ensemble de ses composantes avec l’adoption d’un mandat pour le règlement sur les situations de crise. La condition était indispensable pour que les négociations avec le Parlement puissent se poursuivre. Nous aurons un accord interinstitutionnel et l’adoption du pacte avant les élections européennes si nous maintenons cette dynamique, et la France y prendra toute sa part.

En second lieu, les enjeux de dimension extérieure, c’est-à-dire les actions à l’égard des pays d’origine et de transit, rassemblent la totalité des États membres, comme en témoigne le large soutien assuré au mémorandum d’entente signé avec la Tunisie au mois de juillet dernier. Il convient désormais d’en assurer la mise en œuvre avec un pilotage robuste qui s’appuie sur des objectifs précis et avec des contreparties clairement exprimées et vérifiées.

La conclusion de ces partenariats, mutuellement bénéfiques avec les États tiers, permettra de maîtriser les flux migratoires en traitant les causes profondes des migrations, en prévenant les départs pour éviter des drames humains et en renforçant la coopération en matière de réadmission de leurs ressortissants. Nous restons vigilants quant à la mise en œuvre rapide du mémorandum avec la Tunisie, et nous participons activement avec d’autres États membres au renforcement de notre dialogue migratoire avec les États tiers. Concrètement, M. Schinas, vice-président de la Commission européenne, a déjà eu des entretiens constructifs en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, plus récemment poursuivis en Gambie et en Mauritanie.

Troisièmement, les chefs d’État et de gouvernement aborderont des sujets économiques.

Le premier sujet est la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. La France – vous le savez – se montre très vigilante quant à l’élaboration et au suivi du budget européen. Dans ce contexte, et en cohérence avec nos objectifs budgétaires nationaux, il nous faut trouver les bons équilibres entre la soutenabilité des finances publiques et les moyens à donner à nos priorités politiques.

La première de nos priorités est le soutien à notre voisin ukrainien pour assurer sa résilience, sa reconstruction et sa modernisation. La nouvelle facilité pour l’Ukraine proposée par la Commission européenne est, même si je vous épargne les chiffres, un signal fort : nous continuerons à soutenir politiquement, économiquement et financièrement ce pays, aussi longtemps que nécessaire.

La seconde priorité est celle de notre souveraineté industrielle. La prise de conscience est réelle face à la loi sur la réduction de l’inflation (IRA, Inflation Reduction Act) aux États-Unis. Elle doit désormais se traduire par un soutien résolu à la compétitivité de nos entreprises européennes. À cet égard, la plateforme, proposée par la Commission, Technologies stratégiques pour l’Europe, dite Step (Strategic Technologies for Europe Platform) devrait nous permettre d’encourager les investissements dans les technologies dites critiques, comme celles de rupture dans le digital, dans les clean-techs ou dans les biotechnologies, mais aussi, ce qui est important, d’améliorer la visibilité des financements de l’Union européenne pour nos entreprises européennes de pointe.

Par ailleurs, dans le contexte de pression migratoire que j’évoquais, la Commission européenne propose de renforcer les moyens existants consacrés à notre politique en la matière. Une partie de ces abondements doit accompagner la conclusion, puis la mise en œuvre du pacte, tandis que des financements seront également fléchés vers la coopération avec les pays tiers.

Ainsi, l’Union européenne doit bénéficier de moyens adéquats pour répondre aux crises actuelles et pour se renforcer durablement. La France est attachée au fait qu’un accord ambitieux intervienne sur la révision du CFP, mais nous sommes vigilants pour que les hausses proposées soient strictement nécessaires.

Nous sommes ainsi en faveur d’une priorité à donner aux redéploiements de fonds peu ou pas consommés avant d’envisager de nouvelles contributions des États membres. De même, nous ne pouvons pas accepter la proposition de la Commission d’augmenter les dépenses administratives de l’Union européenne.

Les discussions seront également denses autour des progrès à faire ou à poursuivre en matière de compétitivité économique.

Le premier volet en la matière est bien sûr celui de l’énergie ; nous en avons longuement discuté dans cet hémicycle. Quelques jours après la réunion des ministres concernés, les chefs d’État et de gouvernement échangeront ainsi sur les politiques en cours d’élaboration concernant les prix de l’énergie.

À ce titre, la réforme du marché de l’électricité représente un enjeu majeur pour l’ensemble de l’Union européenne. Alors que le niveau et la volatilité des prix sont amenés à s’accroître et que certains de nos partenaires assument une forme de protectionnisme, l’Europe doit se montrer réactive et forte en prenant les décisions qui s’imposent pour préserver sa compétitivité énergétique et son indépendance. Pour atteindre ces objectifs, la réforme du marché de l’électricité doit ainsi permettre de décorréler le prix de notre électricité des énergies fossiles et, en même temps, de créer un cadre plus incitatif pour accélérer le déploiement de moyens de production d’électricité décarbonée. Notre énergie sera ainsi plus fiable, plus abordable et plus verte, tout en restant dans le cadre d’un marché transfrontalier solidaire qui a montré toute sa pertinence ces derniers mois.

Le deuxième volet est la politique industrielle. Il faut se féliciter du fait que ce qui était perçu comme un concept français soit à présent unanimement reconnu par l’Europe. Le discours sur l’état de l’Union de la présidente de la Commission européenne, où la politique industrielle des transitions verte et numérique tenait une place centrale, a bien montré cette prise de conscience. Nous attendons d’ailleurs le résultat d’une première évaluation de la stratégie européenne en la matière, que la Commission européenne devrait publier prochainement et qui permettra de raffiner cette politique.

Nous avons déjà des avancées concrètes. D’une part, le dispositif prévu dans le règlement européen sur les semi-conducteurs (European Chips Act) est à présent une réalité. D’autre part, le règlement pour une industrie « zéro net », dit NZIA (Net-Zero Industry Act), favorisera l’implantation de capacités domestiques de production de technologies vertes et assurera un approvisionnement diversifié, résilient et durable en matières premières critiques. Les deux textes sont en cours de discussion. Les chefs d’État et de gouvernement devraient se prononcer pour leur adoption rapide.

Le troisième volet de la compétitivité est la sécurité économique.

La semaine dernière, la Commission européenne a établi la liste d’un certain nombre de technologies critiques, comme les semi-conducteurs de pointe, les technologies quantiques ou l’intelligence artificielle. Les Européens doivent désormais se coordonner pour mieux protéger ces technologies, de façon souveraine et indépendamment de ce que font les États-Unis.

La partie du Conseil européen réservée aux sujets divers sera consacrée aux préparatifs de la COP28 et au Sahel.

L’objectif de la COP28, qui aura lieu à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, est de mobiliser nos partenaires, notamment européens, afin d’obtenir des engagements forts de la part des grands émetteurs. Il s’agit en particulier de chercher à fixer une trajectoire de sortie des énergies fossiles.

Enfin, le Conseil européen abordera la question du Sahel. Nous devons tirer toutes les conséquences du cycle des coups d’État intervenus dans plusieurs pays et réfléchir collectivement à une nouvelle approche de l’Union européenne dans la région.

Cette approche doit être non pas punitive, mais réaliste : si ces États ne veulent pas travailler avec nous, pourquoi devrions-nous nous y maintenir ? Tant que les autorités de facto de ces trois États ne feront pas de gestes clairs – des actes et non pas des paroles –, nous n’aurons aucune raison de continuer à dépenser autant de ressources pour des partenaires qui ne veulent pas de nous.

Les événements au Niger, au Mali et au Burkina Faso montrent toute la pertinence d’un engagement accru de l’Union européenne au profit d’autres partenaires, demandeurs de coopération, comme les pays du golfe de Guinée. Nous devons concentrer nos efforts en direction de ces partenaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont, en quelques mots, les enjeux de ce Conseil européen. Je ne doute pas que, comme à l’accoutumée, vos interventions me permettront de préciser certains points. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Karine Daniel et M. Ahmed Laouedj applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord, au nom de l’ensemble des membres de la commission des affaires étrangères, à réaffirmer notre soutien au peuple israélien, victime d’attaques terroristes du Hamas d’une ampleur sans précédent depuis ce week-end, et à lui faire part de notre solidarité.

Nous partageons la souffrance des familles des victimes et celles des personnes qui sont encore, à l’heure où nous parlons, retenues captives par les terroristes.

Ces actes, dont le monde entier est le témoin horrifié, constituent une violence non seulement ignoble en soi, mais encore parfaitement sans issue, car nul ne saurait soutenir que les terroristes servent les intérêts des Palestiniens.

Dans ces circonstances d’épouvante, le soutien de la France à la démocratie israélienne, dont la sécurité n’est pas négociable, doit être sans faille. Au-delà, c’est toute l’Union européenne qui doit s’exprimer avec force en ce sens à l’occasion de la réunion du Conseil européen.

Notre pays, dont la blessure ouverte par le terrorisme islamiste n’est pas encore refermée, sait la difficulté de réagir à un tel drame.

Cette crise n’en est malheureusement qu’à ses débuts, mais nous croyons indispensable qu’Israël mette tout en œuvre pour s’assurer du respect du droit international humanitaire dans sa riposte.

Réunis hier après-midi, les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept ont décidé de maintenir l’aide financière versée par l’Union européenne à la Palestine. Nous en prenons acte, madame la secrétaire d’État, mais nous voulons aussi des garanties que ce soutien ne sert pas indirectement au financement du terrorisme, lequel est, à l’évidence, bien entretenu par certains acteurs régionaux.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères. J’en viens au programme initial du Conseil européen des 26 et 27 octobre prochain. Celui-ci a été précédé par le sommet de la Communauté politique européenne qui s’est tenu à Grenade le 5 octobre, préalablement au Conseil européen informel de la semaine dernière, dont les réflexions doivent préfigurer l’agenda stratégique pour la période 2024-2029.

Ceux que cette frénésie de cogitation étourdit un peu retrouveront leurs esprits en lisant le communiqué relatif à l’ordre du jour du sommet de Grenade : les décideurs de tout le continent ont discuté des moyens de « rendre l’Europe plus résiliente, prospère et géostratégique ».

En termes compréhensibles par tous, la stratégie européenne repose depuis le mois de février 2022 sur un triptyque : renforcer nos efforts de défense communs, réduire notre dépendance énergétique et rendre notre économie plus robuste.

Madame la secrétaire d’État, le bilan n’est guère rassurant !

Nos efforts de défense communs sont à la peine.

Au mois de mars dernier, le président Cambon vous interrogeait déjà sur le risque d’accroître notre dépendance à l’égard de l’industrie américaine.

Six mois plus tard, la coopération franco-allemande a subi de sérieux revers ; la Finlande, la Roumanie et la République tchèque ont annoncé l’achat de dix douzaines de chasseurs F-35, et la Pologne, qui a pour ambition de se doter de l’armée terrestre la plus puissante d’Europe, dépense plus de 4 % de son PIB en matériel principalement américain.

Dans le domaine énergétique, nous saluons l’ambition du plan REPowerEU, qui vise à se défaire de la dépendance au gaz russe.

Toutefois, à la lumière de ce que viennent de subir les Arméniens du Haut-Karabagh, il faut reconnaître que l’accord passé par la présidente von der Leyen avec le président d’Azerbaïdjan au mois de juillet 2022 pose d’inconfortables questions. Voilà pour la résilience !

Sur la prospérité, ayons le courage de la vérité : les indicateurs de croissance, de confiance et de robustesse industrielle européens sont plutôt mauvais.

Nous souhaitons, enfin, que vous nous précisiez l’analyse du Gouvernement sur les perspectives d’élargissement et, surtout, sur les conditions auxquelles cet élargissement serait envisageable. À quel horizon le voyez-vous ? Quels changements exigera-t-il ?

Par exemple, pouvez-vous nous dire quel jugement vous portez sur le rapport, publié par douze politologues à la mi-septembre, qui préconise une fédéralisation accrue ? L’adhésion des peuples fait-elle seulement partie du débat ouvert par ce rapport d’experts franco-allemands, lequel n’a été publié, dois-je le rappeler, qu’en anglais ?

Le temps manque pour évoquer le soutien à l’Ukraine, dans l’incertitude de l’appui américain, ou la question brûlante de la gestion des migrations en Méditerranée. Peut-être y reviendrez-vous dans votre réponse.

Madame la secrétaire d’État, de sombres nuages s’amoncellent au-dessus de notre monde. Nos concitoyens attendent que la France propose à nos partenaires européens un cap clair qui permette de défendre nos intérêts ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aborderai pour ma part deux sujets : la révision du cadre financier pluriannuel, d’une part, la réforme des règles budgétaires européennes, d’autre part.

La révision du cadre financier pluriannuel me semble incontournable au regard, tout d’abord, de la progression des taux d’intérêt induite par l’inflation, ensuite, des nouvelles dépenses rendues nécessaires par la guerre en Ukraine.

Le projet proposé par la Commission européenne au mois de juin dernier comprend notamment une facilité pour l’Ukraine, une augmentation du budget européen pour faire face aux défis liés aux migrations et une nouvelle plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe, dite Step.

Madame la secrétaire d’État, ne craignez-vous pas que cette révision du budget de long terme de l’Union européenne ne se fasse au détriment d’autres politiques communes ?

Par ailleurs, afin de répondre à ces besoins de financement supplémentaires, cette révision du cadre financier serait accompagnée d’un nouveau paquet de ressources propres. Il est ainsi question d’une ressource propre fondée sur les bénéfices des entreprises, d’une révision du système d’échange des quotas d’émission et d’une modification du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les retards pris dans la mise en place du précédent panier de ressources devraient nous inciter à la prudence.

Madame la secrétaire d’État, quel est le calendrier de la mise en place de ces nouvelles ressources propres ? Celles-ci vous paraissent-elles à la hauteur de la révision du cadre financier ?

J’en viens à mon second point : la réforme des règles budgétaires européennes. La suspension du pacte de stabilité et de croissance décidée lors de la crise sanitaire prendra fin en 2024, que les États membres se mettent d’accord ou non sur un nouveau cadre.

Les imperfections du cadre budgétaire actuel sont bien connues. Tout d’abord, ces règles budgétaires sont très – voire trop – complexes, car elles reposent sur des variables économiques non observables. Ensuite, leur application trop uniforme ne prend probablement pas assez en compte les différences de situations entre les États membres. Enfin, elles ne sont pas suffisamment souples pour permettre de différencier les dépenses qui doivent évidemment être maîtrisées de celles qui sont nécessaires pour faire face aux défis d’avenir.

Dans sa communication du mois de novembre 2022, la Commission européenne a proposé que les États s’engagent sur des trajectoires pluriannuelles de moyen terme en décrivant leurs cibles budgétaires ainsi que les réformes et investissements envisagés, de tenir compte des investissements prévus pour la transition écologique, le numérique et la défense et de différencier les objectifs prévus pour chacun des États en fonction de la situation de leurs finances publiques.

Toutefois, dans ses propositions plus récentes d’avril 2023, la même Commission européenne, à la demande des États frugaux, dont fait partie l’Allemagne, a ajouté à ces orientations la mise en place de mesures de sauvegarde. Celles-ci intègrent notamment une réduction minimale du déficit à hauteur de 0,5 % du PIB par an pour les États dont le déficit annuel est supérieur à 3 %, ce qui est le cas de notre pays.

Or les projections de l’application de ces nouvelles règles à la France montrent que, si elles étaient mises en œuvre dès 2024, la France devrait ajuster son solde primaire structurel de 1,1 point de PIB par an entre 2025 et 2028, soit 30 milliards d’euros d’économies chaque année !

Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, je m’interroge sur la crédibilité de la France pour participer à la renégociation de ces règles. Je rappelle en effet que la dette publique de notre pays a dépassé en 2023 le montant de 3 000 milliards d’euros et que le déficit français ne devrait pas repasser sous la barre des 3 % du PIB avant 2027 au regard du prochain projet de loi de finances. La France est malheureusement à ce stade le plus mauvais élève de l’Europe. Il apparaît ainsi très probable qu’une procédure pour déficit public excessif sera – ou serait – ouverte contre la France au printemps prochain.

Madame la secrétaire d’État, partagez-vous cette analyse ? Pensez-vous que l’état de nos finances publiques nous permette de peser, de façon décisive, dans la renégociation des règles budgétaires européennes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)