M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. le président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Jean-François Rapin, qui se trouve actuellement en Allemagne.

Nous sommes confrontés à un paradoxe : la contribution de la France au titre du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne va diminuer l’année prochaine ; pourtant, dans le même temps, nous savons que le budget de l’Union va fortement monter en puissance au cours des années à venir. Financer les transitions écologique et numérique ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine, dans un contexte de forte inflation et de taux d’intérêt élevés et avec le devoir de rembourser l’emprunt européen levé au sortir de la pandémie : tout cela impose que la trajectoire du budget européen soit à la hausse.

À mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2020-2027, la Commission européenne propose déjà de rallonger celui-ci de 66 milliards d’euros et, même si, parallèlement, elle met sur la table de nouvelles ressources propres, force est de constater que le compte n’y est pas.

Ce nouveau train de ressources propres n’a en réalité qu’un seul wagon : la création d’une ressource statistique temporaire fondée sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Surtout, cette ressource propre n’en est pas une : il s’agit plutôt d’une nouvelle forme de contribution nationale, à l’image de la ressource assise sur le revenu national brut (RNB) ou de la contribution plastique.

Or il y a urgence : sans nouvelles ressources propres, les dépenses supplémentaires de l’Union alourdiront mécaniquement les contributions des États membres. Selon la Cour des comptes, en l’absence de nouvelles ressources propres, la contribution de la France augmenterait ainsi de 2,5 milliards d’euros par an pendant trente ans à partir de 2028 et, attention, ce n’est qu’une projection à Union européenne constante, mais il est peu probable qu’elle reste à vingt-sept si longtemps !

En effet, nous ne pouvons ignorer qu’un élargissement à neuf nouveaux États membres augmenterait le budget européen de plus de 20 %. Madame la secrétaire d’État, quel en serait l’impact pour la contribution française ? Comment la France envisage-t-elle durablement le financement du projet européen et où en sont les négociations sur les ressources propres ?

Par ailleurs, s’il nous faut voir loin, nous devons aussi veiller dès aujourd’hui au bon usage du budget européen. Or, sur ce sujet, la Cour des comptes européenne s’est récemment montrée très critique : en 2023, pour la quatrième année consécutive, elle a émis une opinion défavorable sur la légalité et la régularité des dépenses de l’Union de l’exercice précédent. Elle estime ainsi le taux d’erreur des paiements à 4,2 % des dépenses.

À propos du plan de relance et de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), elle a émis une opinion avec réserves, soulignant que onze des treize subventions versées aux États membres dans ce cadre présentaient des problèmes de régularité.

Lutter contre ces irrégularités s’impose avant même d’envisager de nouvelles hausses, d’autant qu’elles se répètent d’année en année. Comment expliquer ces trop nombreuses irrégularités ? Serait-ce la trop grande complexité des règles d’attribution des aides européennes ? Madame la secrétaire d’État, que propose le Gouvernement sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de souligner l’importance de la participation française au budget de l’Union européenne. En tant que deuxième contributeur net, la France assume une responsabilité significative au sein de l’Union.

Pour l’exercice budgétaire 2024, la contribution française connaît une légère baisse, de 4 milliards d’euros. Cette diminution découle principalement d’un décalage dans l’exécution des crédits de la politique de cohésion, des effets de l’inflation sur l’évolution du RNB des États membres et de l’augmentation des droits de douane en raison de la reprise du commerce international.

Malgré cette baisse ponctuelle, la contribution française connaît une augmentation constante depuis vingt ans. Ce constat m’amènera d’ailleurs à évoquer la nécessité d’accroître l’autonomie budgétaire de l’Union européenne par la recherche de nouvelles ressources propres.

D’abord, cette discussion sur la contribution française au budget de l’Union européenne nous amène inévitablement à évoquer la question pressante de la révision du cadre financier pluriannuel de l’Union qui doit avoir lieu à mi-parcours. Les récents événements, tels que la guerre en Ukraine et la hausse significative de l’inflation et des taux d’intérêt, soulignent la pression croissante sur le budget de l’Union européenne et la complexité de la planification à moyen terme. La Commission européenne, confrontée à cette réalité, a présenté en juin dernier une proposition de révision du CFP incluant 66 milliards d’euros supplémentaires.

Cependant, nous regrettons que cette proposition ne soit pas à la hauteur des besoins, n’intégrant pas suffisamment les nouvelles réalités telles que les implications du programme américain Inflation Reduction Act (IRA) et la nécessité d’un soutien massif à la transition écologique. Il est impératif que l’Europe ne fléchisse pas dans la course à la décarbonation et que non seulement elle investisse dans l’innovation et la recherche, mais également qu’elle amplifie la production à grande échelle des technologies existantes.

La révision du cadre financier pluriannuel doit donc être plus ambitieuse, prenant pleinement en compte les enjeux de la transition écologique et de la compétitivité. Cette nécessité, soutenue par les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), est indéniable : la transition écologique coûtera cher, mais bien moins que l’inaction.

Malheureusement, lors de la réunion du Conseil européen d’octobre dernier, les Vingt-Sept ont exprimé leur opposition à la rallonge de 66 milliards d’euros demandée par la Commission européenne, privilégiant l’idée de redéploiements. Cette position nous inquiète et souligne la nécessité de développer de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne.

Dans cette perspective, les propositions de nouvelles ressources, telles que le marché carbone européen, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou le pilier 1 de l’accord sur la fiscalité internationale du G20 et de l’OCDE, représentent une avancée cruciale pour renforcer les moyens financiers de l’Union européenne. Il est donc inacceptable que le Conseil retarde toute décision sur ce paquet, pourtant proposé par la Commission européenne il y a presque deux ans.

De même, nous nous réjouissons de la proposition d’une nouvelle ressource statistique temporaire fondée sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Il s’agit d’une première étape significative vers la réalisation de ce qui pourrait constituer un impôt européen sur les sociétés, même si, à ce stade, il s’agirait en fait d’une contribution des États.

Il est impératif d’aller plus loin et plus rapidement dans cette direction. Telle est la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui, en outre, propose la taxation des profits exceptionnels des entreprises au-delà du seul secteur de l’énergie, la mise en place d’un ISF vert européen et une augmentation du taux de la taxe sur les multinationales.

Enfin, mes chers collègues, il est essentiel d’évoquer la nécessité d’une révision équilibrée du pacte de stabilité et de croissance, soutenant les investissements publics dans les transitions climatiques et numériques, tout en assouplissant les contraintes budgétaires imposées aux États membres. Cette révision doit impérativement intégrer des règles budgétaires transparentes prenant en considération la spécificité des situations nationales. Sans une transparence adéquate de la part de la Commission européenne, il sera difficile d’évaluer la nouvelle méthode de calcul annoncée, notamment en ce qui concerne la prise en compte des spécificités nationales. De plus, il est crucial de garantir la possibilité d’exclure certains investissements du solde structurel ; c’est ce que nous proposons pour les investissements dans la transition écologique.

Mes chers collègues, l’Union européenne se trouve à la croisée des chemins, elle est appelée à faire des choix décisifs : ne rien changer reviendrait à renoncer à notre idéal européen, alors que relever le défi du financement des enjeux de demain est le seul chemin pour répondre aux doutes d’une partie de notre population.

Il est impératif que la France assume son rôle moteur sans céder aux « frugaux », ces États « austéritaires » qui freinent les dépenses nécessaires à la compétitivité et à la transition écologique. Dégager de nouveaux financements est désormais une nécessité absolue pour préparer l’avenir de notre continent. À ma place l’an dernier, mon collègue Patrice Joly évoquait la citation de Jean Monnet, affirmant que l’Europe se construirait au fil des crises. Une fois de plus, nous sommes témoins de cette réalité et nous devons en tirer les conséquences.

En accord avec les engagements de la France, notre groupe votera en faveur de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le prélèvement sur les recettes (PSR) du budget général de l’État en faveur de l’Union européenne est constitué de plusieurs composantes : une ressource TVA, qui correspond à un prélèvement de 0,3 % sur une assiette harmonisée pour tous les États membres ; une contribution calculée sur le revenu national brut ; et une nouvelle ressource créée en 2021 sur les emballages plastiques non recyclés, dite ressource plastique.

En 2023, le montant du PSR était de 24,6 milliards d’euros. Pour 2024, il est estimé en légère diminution, à hauteur de 21,6 milliards d’euros. En ajoutant au PSR les ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, collectés directement au profit de l’Union européenne, l’ensemble constitue la contribution de la France au budget européen. À titre d’information, les ressources propres traditionnelles représentaient en 2023 environ 3 milliards d’euros. Depuis 2010, seul le PSR fait formellement l’objet d’un vote du Parlement. C’est le sens même de cet article 33 du PLF 2024.

Le budget européen pour 2024 est le quatrième du cadre financier pluriannuel portant sur les années 2021 à 2027. Ce cadre pluriannuel a prévu un plafond global de dépenses de plus de 1 200 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans. Il doit notamment permettre à l’Union européenne de répondre aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de covid-19, grâce au plan de relance européen Next Generation EU d’un montant de plus de 750 milliards d’euros. Il dote également l’Union européenne de moyens d’action élargis en matière de politique étrangère, ce qui s’avère précieux dans l’aide apportée à l’Ukraine depuis bientôt deux ans.

Nous sommes donc réunis aujourd’hui pour discuter de ce budget européen, mais la marge d’action des parlements nationaux est – vous l’imaginez bien – faible. Sauf à vouloir « casser la baraque » européenne, nous voterons cet article 33, tant l’exercice est convenu. Cependant, cela ne nous dispense pas de certaines remarques.

Avec 24 milliards d’euros en 2023, la France est, derrière l’Allemagne, le deuxième contributeur d’un budget de l’Union européenne de plus de 180 milliards d’euros. Sans rien remettre en question de nos engagements auprès de nos partenaires européens, il est permis de s’interroger sur le ratio coût-bénéfice de notre contribution.

Ce débat est ancien et comporte de nombreux biais, j’en suis consciente. Notre pays fait partie des plus importants contributeurs nets. Dans la période d’endettement et de déficit record que nous traversons, un delta de 10 milliards d’euros entre le montant que nous donnons par rapport à celui que nous recevons n’est pas anodin. Il n’est pas anodin, car il faut tenir compte du contexte national et de l’inflation. Il est perçu par le contribuable français comme une sorte de double peine : au niveau national, assommé de taxes et peinant à en voir les effets ; au niveau européen, large contributeur net pour des retombées somme toute peu visibles. Nos concitoyens se questionnent sur le sens d’une telle disparité et il faut être capable non seulement de l’entendre, mais aussi de l’expliquer.

Un point positif cependant : le soutien que nous recevons de l’Union européenne est investi dans deux spécificités françaises qu’il convient de défendre. Il s’agit d’une part des aides de la politique agricole commune (PAC) versées à hauteur de 9 milliards d’euros par an jusqu’en 2027. Première puissance agricole de l’Union européenne, il est essentiel que la France en soit la première bénéficiaire. C’est un soutien vital pour nos agriculteurs. Je me permets d’insister sur ce point, car nous ne devrons pas l’oublier lorsqu’il s’agira d’aborder le dossier de l’élargissement. Il s’agit d’autre part des aides apportées aux régions ultrapériphériques (RUP) que sont nos territoires d’outre-mer. La Commission européenne s’est engagée dans un partenariat stratégique renouvelé et renforcé avec ces régions. Il s’agit d’un soutien substantiel, la France détenant le deuxième espace maritime mondial via ses territoires ultramarins.

Mes chers collègues, dans un exercice assez convenu, il nous est demandé de nous prononcer sur cet article 33. En Européenne convaincue, je voterai pour. Néanmoins, restons attentifs aux interrogations légitimes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La droite et la gauche sont deux détaillants qui ont le même grossiste, l’Europe. » C’est ainsi que s’exprimait Philippe Séguin à propos de l’Union européenne, lui qui fustigeait l’abandon de la souveraineté nationale, pourtant consubstantielle de notre nation, au profit d’une putative souveraineté européenne, abandon accompagné avec ardeur par la gauche et la droite depuis trente ans.

Nous discutons ce jour de la participation de la France au budget de l’Union européenne, participation injuste à tous égards, qui s’élève donc à 21,6 milliards pour 2024.

Injuste d’abord, car la France a toujours payé rubis sur l’ongle sa participation, incitée à le faire sans contrepartie aucune par les dirigeants les plus européistes du continent, alors que le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, les Pays-Bas ou encore le Danemark ont bénéficié pendant des décennies d’un rabais ou d’un rabais sur le rabais, simplement parce qu’ils étaient gouvernés par des politiques soucieux de leur intérêt propre, laissant reposer sur la France le poids de l’utopique construction européenne. Ce sont des milliards d’euros que les contribuables français ont payé et continuent à payer pour les autres, alors que nous sommes déjà le pays le plus taxé au monde !

M. Aymeric Durox. Injuste ensuite, car la contribution nette de la France au seul budget de l’Union européenne de 2000 à 2023 aura coûté plus de 175 milliards d’euros à notre pays. C’est l’équivalent du coût de construction d’une dizaine d’EPR (European Pressurised Reactors), dont nous aurions tant besoin aujourd’hui, après que l’État a laissé détruire notre filière nucléaire pour faire plaisir aux Verts (M. Thomas Dossus ironise.). C’est aussi l’équivalent d’une bonne soixantaine de gros hôpitaux ou d’une cinquantaine de porte-avions nucléaires.

Pis, l’argent que l’Union européenne daigne nous redonner est fléché et nous ne pouvons pas l’utiliser comme nous le souhaitons. C’est donc la double peine – cette expression a déjà été utilisée – qui nous est appliquée. L’Union européenne nous coûte « un pognon de dingue » pour des résultats économiques par ailleurs médiocres !

Après 175 milliards d’euros, que nous a apporté l’Union européenne ? Notre agriculture se porte-t-elle mieux ? Notre accès, dit privilégié, au marché unique a-t-il protégé nos entreprises ? A-t-il empêché les délocalisations ou le dumping social provoqué par les travailleurs détachés ? Notre sécurité aux frontières est-elle mieux assurée ? Après 175 milliards d’euros, il est temps de faire le bilan et celui-ci est sans appel pour le camp des européistes béats…

Pourtant, cette contribution ne va qu’augmenter dans les années à venir en raison de deux facteurs. D’une part, il y aura l’intégration probable et souhaitée par le Président Macron et les instances européennes de nombre de pays des Balkans et du Caucase. Ces adhésions feront nécessairement augmenter la note pour la France, comme après l’entrée des pays de l’Est. D’autre part, le départ définitif de Londres ainsi que le remboursement du plan de relance covid-19 adopté par les Vingt-Sept en 2020 et qui a été mal négocié pourraient alourdir la note pour notre pays à partir de 2028 de plus de 2,5 milliards d’euros par an pendant trente ans, selon la Cour des comptes.

Bref, il faut mettre fin à ce tonneau des Danaïdes européen sans cesse comblé par le contribuable français. Il faut une contribution plus juste et plus respectueuse de nos intérêts, ce que votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, est incapable d’assurer.

Vous pourrez compter sur les sénateurs du Rassemblement national pour défendre l’intérêt de notre pays et les prochaines élections européennes feront office de juge de paix sur la question. Vox populi, vox dei ! (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la participation de la France au budget de l’Union européenne pour 2024 est en forte baisse par rapport à 2023 : plus de 3 milliards d’euros, avant notre examen. La justification conjoncturelle ne nous a pas échappé.

La France, c’est environ 18 % des contributions des États membres. Nous sommes contributeur net. Là encore, je ne vous apprends rien. En revanche, je formule le vœu qu’un jour nous puissions quantifier ce que l’Union nous rapporte en retour de manière directe et indirecte. Cela tordrait le cou à bien des idées reçues ; nous venons d’en entendre plusieurs…

Je le répète à chaque examen de l’article du PLF relatif à la contribution française, l’Union européenne n’est pas une option, c’est un levier indispensable pour répondre aux enjeux qui sont devant nous, et ils sont nombreux !

Est-ce que la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 nous fait craindre des hausses de contributions pour les prochaines années ? Oui, comme tout le monde dans cet hémicycle.

Est-ce que nous accueillons favorablement le nouveau panier de ressources propres proposé par la Commission européenne en juin dernier, dont celle qui repose sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises ? Oui, et nous souhaitons des ressources propres renforcées en prévision des prochains efforts que l’Union européenne devra fournir.

Est-ce que l’augmentation des rabais d’autres États membres, au premier rang desquels l’Allemagne, nous indigne ? C’est une troisième fois oui, et la solution n’est certainement pas d’obtenir nous-mêmes un rabais ; c’est plutôt de convaincre les autres d’abandonner les leurs. Quand on est Européen, on l’est entièrement, pas au rabais !

Pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires, la réponse à toutes ces questions, c’est l’Union européenne. J’évoquais la solidarité l’an dernier. Cette année, je pense que le mot qui devrait qualifier notre action d’Européens, c’est « puissance ». En effet, si nous acceptons de contribuer, il est temps de nous poser la question : pour quoi ? Que décidons-nous de faire en Européens ? C’est à nous, et seulement à nous, de donner l’impulsion à l’Europe.

À ce titre, je vous invite tous à suivre avec attention la prochaine réunion du Conseil européen, en décembre. Le menu est appétissant, avec entre autres la renégociation du CFP – on parle d’une hausse de 66 milliards d’euros – ou encore les questions de l’élargissement et de la réforme de notre système. La Commission européenne vient de se prononcer en faveur de l’ouverture formelle des négociations d’adhésion avec l’Ukraine. Sommes-nous prêts ?

Au-delà de la restauration de notre indépendance, de la reconstruction de nos industries, il va falloir que l’Union européenne se pense en puissance. Les conflits récents, à nos portes, nous y exhortent. Nous devons impérativement réformer l’Union européenne. Les peuples européens méritent mieux. Soyons enfin ce que nous devons être ! Que notre contribution y participe !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024 porte sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce prélèvement sur recettes du budget de l’État représente un montant de 21,6 milliards d’euros auquel il faut ajouter les droits de douane. Ces derniers étant estimés à 2,33 milliards d’euros net des frais de perception, la contribution française serait donc de 23,94 milliards d’euros environ pour l’année 2024.

Si nous pouvons constater une baisse relative de cette contribution entre 2023 et 2024, il s’agit, en réalité, d’une stabilisation conjoncturelle en vue de futurs engagements financiers, notre pays demeurant d’ailleurs le deuxième contributeur derrière l’Allemagne.

Néanmoins, ces données, en apparence intéressantes, ne doivent pas occulter certains facteurs politiques et économiques favorisant la hausse systématique, voire systémique, de la contribution française par rapport au cadre financier pluriannuel précédent. Il y a, par exemple, les difficultés pour analyser l’impact de la nouvelle taxe plastique mise en place en 2021 ou encore les effets des différents rabais négociés par cinq États membres – l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark. Ce dernier point doit particulièrement faire l’objet de notre attention. À une époque où l’idée de solidarité européenne est usée à tout-va, ces dérogations budgétaires tendent toujours à favoriser la défiance, voire la mésentente entre les États membres.

Le budget de l’Union européenne pour l’année 2024 s’élève, quant à lui, à 142,6 milliards d’euros en crédits de paiement et à 189,4 milliards d’euros en crédits d’engagement. Pour rappel, ce budget s’inscrit dans un cadre pluriannuel fixé pour sept ans. Il permet de prévoir à moyen terme là où l’Union européenne doit concentrer ses dépenses ; il fixe ainsi les montants maximaux sur lesquels elle peut s’engager chaque année pour financer ses politiques. Pour la période 2021-2027, ce plafond a été fixé à 1 074,3 milliards d’euros et s’accompagne d’un plan de relance inédit de 750 milliards d’euros intitulé Next Generation EU afin de répondre aux conséquences économiques de la pandémie de covid-19.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, le 20 juin 2023, ses propositions pour une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Cette proposition s’explique en partie par la hausse des dépenses découlant du conflit ukrainien, par la tendance inflationniste actuelle dans l’ensemble de l’Europe, mais également par les besoins en matière de transition énergétique et numérique.

Pour tenir compte de ces effets, la Commission européenne a proposé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel de l’ordre de 66 milliards d’euros en crédits d’engagement sur la période 2024-2027. Ces nouveaux crédits devraient permettre de financer notamment deux dispositifs : une nouvelle facilité pour l’Ukraine, absolument nécessaire compte tenu de l’enlisement de ce conflit, et une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe (Step). Le premier dispositif vise à participer à la reprise, à la reconstruction et à la modernisation de l’Ukraine, qui subit toujours les assauts de l’armée russe dans l’est de son territoire. Le groupe Union Centriste réaffirme le soutien indéfectible de la France à l’Ukraine contre l’agresseur russe. Quant à la plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe, elle a pour objectif de décarboner le secteur industriel afin d’atteindre la neutralité climatique de l’Union européenne à l’horizon de 2050.

Comme tout exercice budgétaire, le budget de l’Union européenne pour 2024 s’accompagne d’un lot de défis à relever.

Tout d’abord, l’instauration de nouvelles ressources propres est un impératif absolu. La Commission européenne a présenté, en juin dernier, une proposition relative à la nouvelle génération de ressources propres. Toutefois, il n’est pas certain que les recettes tirées desdites ressources soient suffisantes pour couvrir, à la fois, le remboursement du plan de relance et de ses intérêts et l’abondement du Fonds social pour le climat, un fonds absolument nécessaire pour accompagner la transition énergétique et climatique.

Je souhaite insister sur ce point. L’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre dans le territoire de l’Union européenne d’ici à 2030 se financera par l’affectation d’une partie des recettes tirées des nouvelles ressources propres au Fonds social pour le climat. Ces dernières seront donc parallèlement fléchées vers deux initiatives ambitieuses. C’est pourquoi la viabilité budgétaire et financière de cette architecture budgétaire doit susciter la vigilance de la Haute Assemblée.

En adoptant un prisme plus global, le budget de l’Union européenne doit être un outil au service des aspirations européennes ; je pense notamment à deux d’entre elles.

En premier lieu, il s’agit de renforcer la cohésion entre les États. Récemment, la Commission européenne a rappelé à l’ordre quatre États membres, dont la France, en raison du niveau élevé de leurs dépenses publiques. Le respect des règles budgétaires communes est l’un des piliers de la solidarité européenne.

En second lieu, cette solidarité s’entretient également par une convergence politique dans des secteurs stratégiques. À titre d’illustration, la nouvelle PAC a posé les fondations d’une agriculture différenciée entre les États, source de disparités économiques, tout en s’inscrivant dans une réduction de la production agricole, alors que la souveraineté alimentaire est un enjeu stratégique pour l’avenir des populations d’Europe.

Il y a donc encore du travail, même si dans d’autres domaines les efforts produisent des résultats. Je pense notamment à la future réforme du marché de l’électricité.

Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes : « Après les pompiers, l’Union européenne attend les architectes ! » On assiste plutôt, pour l’instant, à la montée des populismes. Les derniers résultats constatés hier à l’occasion des élections législatives aux Pays-Bas démontrent le danger qui nous guette et qui risque de fragiliser et de fracturer l’Union européenne.

Il est temps que nous réaffirmions fermement nos convictions européennes ; contrairement à ce que j’ai entendu à cette tribune il y a quelques instants, l’Union européenne a agi : elle a garanti la paix, ce qui est extrêmement précieux quand on voit l’agression russe en Ukraine ou la situation au Moyen-Orient. Ne l’oublions jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Fernique applaudit également.)