M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l’ai évoqué dans mon propos introductif, je souhaiterais, au regard des récents événements tragiques qui ont ébranlé le monde du football, aborder la question de l’efficacité des mesures mises en place pour endiguer les violences.

Je fais référence notamment à l’interdiction de déplacement des supporters, une mesure qui est largement débattue et qui est appliquée dans des circonstances variées. Toutefois, malgré son adoption de manière répétée, force est de constater que les incidents violents, aussi bien à l’intérieur des stades que dans leurs alentours, continuent de se produire avec une régularité alarmante.

Dans ce contexte, madame la ministre, j’aimerais connaître votre position sur l’efficacité réelle de ces interdictions. Pensez-vous qu’elles constituent une solution durable et efficace pour réduire la violence, ou ne sont-elles qu’un pansement temporaire sur une plaie plus profonde ?

En outre, j’aimerais attirer votre attention sur une proposition récente du président du Stade Lavallois,…

M. Stéphane Piednoir. Excellent club !

M. Pierre-Antoine Levi. … Laurent Lairy, qui suggère de mettre fin aux « parcages » des supporters visiteurs.

Selon lui, ces espaces réservés aux supporters visiteurs ne font qu’exacerber les tensions et contribuent à l’escalade de la violence. Il préconise plutôt de disperser les supporters dans les stades pour atténuer cette excitabilité collective.

Cette proposition soulève plusieurs questions importantes. Tout d’abord, comment évaluez-vous l’impact potentiel d’une telle mesure sur la réduction de la violence dans les stades de football ?

Est-il envisageable de repenser l’organisation des espaces dans nos stades pour favoriser une meilleure cohabitation entre les supporters des équipes rivales ?

Enfin, quelle pourrait être la position du ministère des sports sur cette proposition novatrice ?

Ces questions sont cruciales, madame la ministre. L’enjeu est, je l’espère, de trouver des solutions plus efficaces et durables pour garantir la sécurité et l’intégrité de tous les participants aux événements sportifs.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Levi, nous avons connu, vous en souvenez, durant les derniers mois de 2023, dans un court laps de temps, un enchaînement d’incidents particulièrement graves : il a déjà été question du match entre l’Olympique lyonnais et l’Olympique de Marseille, mais je pourrais aussi citer celui entre Montpellier et Brest, où un bus a été caillassé, ou encore ce tragique Nantes-Nice.

Il fallait donc absolument taper du poing sur la table et envoyer un signal très fort de notre détermination à faire en sorte que cette situation ne se prolonge pas. Nous avons ainsi décidé de durcir les interdictions de déplacement de supporters, et de les prononcer de manière plus récurrente. Ces mesures relèvent de la compétence du ministère de l’intérieur.

Globalement, dans le cadre du moratoire à visée temporaire, nous avons été conduits, pour les matchs les plus à risques, durant trois journées de championnat, à prendre des mesures d’interdiction de déplacement de supporters pour moins de 50 % des matchs de Ligue 1, pour un match de Ligue 2, pour trois matchs sur quarante-six de la Coupe de France, et pour un match européen, le Lens-Séville.

Certes, notre décision n’a pas été entièrement validée par le juge, mais, je le dis sans ambages, je préfère la casse juridique à la casse humaine !

Finalement, l’objectif qui était visé a été atteint. Le signal que j’évoquais dans mon propos liminaire a été perçu : le dialogue a été renoué, les positions ont commencé à bouger de nouveau, et nous avons la volonté de mettre en place l’initiative globale dont je vous parlais et que nous dévoilerons très bientôt.

Le moratoire a pris fin avec la trêve hivernale. Nous ne souhaitons pas prolonger cette fermeture des parcages, sauf dans le cas des matchs qui sont, selon la DNLH, particulièrement à risques.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, vous n’avez pas répondu sur la proposition du président du Stade Lavallois, qui préconise de supprimer les parcages des supporters visiteurs. Qu’en pensez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Le problème, c’est que les supporters aiment bien être ensemble…

Une voix à droite. Surtout les Marseillais et les Parisiens !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. J’aimerais que cela soit vrai et que l’on ne voie plus se reproduire le quart d’heure d’horreurs qui avait eu lieu au Parc des Princes…

Je vous promets, monsieur le sénateur, que nous mettrons cette proposition à l’étude. Elle ne figure pas à l’heure actuelle dans le plan d’action, mais je pense qu’elle mérite qu’on en parle. Les membres de mon cabinet en discuteront avec l’Association nationale des supporters, et je reviendrai ensuite vers vous.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, qui sera la première femme à intervenir dans ce débat. (Sourires.)

Mme Laurence Harribey. Je vous remercie de le souligner, monsieur le président !

Madame la ministre, après la mort, le 2 décembre dernier, d’un supporter nantais, vous avez parlé d’un « électrochoc », estimant que celle-ci devait constituer un coup d’arrêt. Vous l’avez très bien dit lors de la séance plénière du 18 décembre dernier de l’INS, où je représente le Sénat. Je peux témoigner de la gravité des propos et de l’esprit de responsabilité qui a prévalu de la part de tous les acteurs.

Vous avez multiplié les arrêtés d’interdiction de déplacement, mais ceux-ci ont souvent été pris au dernier moment, ce qui a empêché quelquefois les associations de supporters et les clubs de s’organiser.

Le Conseil d’État, comme vous venez de le reconnaître avec honnêteté, a désavoué cette approche punitive collective. Celle-ci ne risque-t-elle pas, en effet, de fragiliser l’ensemble du système et de mettre en difficulté les acteurs qui essaient de faire en sorte de responsabiliser les supporters ?

Une approche individuelle, assortie de sanctions individuelles, ne serait-elle pas plus appropriée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la sénatrice Harribey, je veux d’abord vous remercier pour votre implication précieuse dans les travaux de l’INS. Vous avez tout à fait raison de souligner combien l’anticipation est un enjeu majeur.

On a quelque peu progressé dans la manière dont ces moratoires se déroulent. Je pense notamment à la première interdiction de déplacement prononcée en 2024 : le décret a été pris le mardi 9 janvier pour le match Brest-Montpellier du dimanche 14 janvier suivant.

Cependant, il est bien vrai que rien ne vaut la capacité à analyser en amont les facteurs de risque et la détermination à les traiter avant d’interdire les déplacements. Ces mesures d’interdiction doivent néanmoins demeurer dans notre panoplie : il faut n’y recourir qu’en toute dernière hypothèse, privilégier le dialogue, la coconstruction et les mesures d’encadrement – celles-ci doivent être parfaitement respectées, à la lettre –, mais il est nécessaire de conserver l’interdiction de déplacement dans notre arsenal.

Le travail que nous allons mener avec la DNLH, qui est plus que jamais engagée à nos côtés sur ces enjeux, nous permettra à mon sens de bien réguler les choses à l’avenir. De la même manière, une implication plus forte des directeurs de la sûreté et de la sécurité des clubs sportifs dans le dialogue mené, en préfecture, avec les référents supporters doit permettre de construire des solutions anticipées, beaucoup plus partagées et plus collectives, qui sont en effet une alternative préférable aux interdictions de déplacement.

Enfin, je conviens avec vous de la nécessité d’individualiser le plus possible les sanctions ; vous savez que c’est tout à fait la philosophie que je porte, au cœur de l’INS, avec la LFP.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Merci pour cette réponse, madame la ministre : il faut vraiment que les interdictions deviennent l’exception plutôt que d’être systématiques.

L’enjeu du supportérisme est si important pour notre groupe que nous nous proposons d’organiser un colloque au mois de mars sur ces questions ; ce sera l’occasion de proposer un certain nombre de solutions, comme le renforcement du rôle des groupes de supporters, l’organisation des déplacements de ces derniers en train, à l’instar de l’expérience allemande, ou encore – vous avez évoqué cette piste dans votre réponse à mon collègue Ahmed Laouedj – accélérer le temps disciplinaire pour que les clubs puissent généraliser les interdictions commerciales, qui permettent de résoudre un certain nombre de problèmes.

En tout cas, nous serons à vos côtés pour progresser dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la ministre, avec 4 milliards de fans dans le monde, dont 12 millions dans notre pays, le football est, de très loin, le sport le plus populaire en France et sur le globe.

Un stade de football de 15 000 à 80 000 places est un échantillon extrêmement représentatif de notre société ; il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le football souffre des mêmes maux que celle-ci. Or, depuis longtemps déjà, à l’instar de notre vie quotidienne, les gouvernants, qu’ils soient politiques ou sportifs, sont incapables d’enrayer ces maux, que ce soit par lâcheté, par idéologie ou, tout simplement, par incompétence.

Pourtant, ce ne sont pas les rapports administratifs, diagnostics techniques et autres analyses sociologiques pertinentes qui manquent dans notre pays. Au contraire, ils foisonnent ! Ce qui manque, c’est une vision, du courage et une volonté à la hauteur des enjeux !

Aussi, plutôt que d’essayer d’attirer honteusement le siège de la Fédération internationale de football association (Fifa) à Paris à coups d’exonérations fiscales scandaleuses, plutôt que d’accuser les supporters de Liverpool au lendemain du fiasco de l’organisation de la finale de la Ligue des champions au Stade de France,…

M. François Bonhomme. Merci Gérald !

M. Jean-Raymond Hugonet. … il est selon moi urgent de méditer ce que disait déjà, avec justesse, Albert Camus en 1957, alors qu’on lui remettait le prix Nobel de littérature : « Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois. »

Si le football est aujourd’hui à l’image d’une société qui véhicule des valeurs d’individualisme et de course à l’argent facile, il reste intimement lié aux valeurs collectives et demeure un puissant vecteur intergénérationnel de nos valeurs fondamentales.

Ce n’est pas pour rien que Bill Shankly, manager emblématique du Liverpool FC, disait : « Le football, ce n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus important que cela. » Le football est une alchimie humaine qui peut produire un ciment extrêmement solide, mais aussi devenir une très puissante dynamite.

Alors, madame la ministre, qu’entendez-vous faire concrètement pour manier la truelle et écarter le détonateur ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Merci pour cette interpellation constructive, monsieur le sénateur Hugonet. Je partage beaucoup des remarques que vous avez faites, bien sûr, notamment quant aux challenges que nous devons selon vous relever. Je pense que nous avons pu, que ce soit par mes réponses précédentes ou dans nos différentes allocutions, exposer la panoplie des leviers au moyen desquels nous agissons aujourd’hui et que nous sommes en train d’assembler dans cette initiative globale.

Mais je veux rebondir sur une dimension qui me paraît capitale : l’exemplarité, à laquelle vous avez appelé en invoquant les valeurs éducatives et citoyennes.

N’oublions pas que le football, c’est 2,2 millions de licenciés et plus de 13 000 clubs, partout en France. Le sport, mais plus particulièrement le football, est le troisième lieu d’éducation dans notre pays, après la famille et l’école. D’où cet enjeu d’exemplarité, d’où le caractère impératif de ne rien lâcher sur la violence dans le football, professionnel comme amateur, a fortiori si l’on veut s’inscrire dans une dynamique d’éducation et de citoyenneté. Les récents événements violents au cœur du football amateur doivent donc absolument nous faire réagir fermement ; je l’évoquais encore récemment avec le président de la ligue de Paris Île-de-France de football.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

Vous avez cinq secondes pour marquer un but, mon cher collègue… (Sourires.)

M. Jean-Raymond Hugonet. C’est plus qu’il n’en faut, monsieur le président, même si je suis plutôt défenseur ! (Nouveaux sourires.)

Je bois vos paroles, madame la ministre, car le football est beaucoup plus important dans notre pays qu’on ne le croit : il est un symbole pour notre société. Je me tiens donc à votre disposition pour y travailler.

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane.

M. Adel Ziane. Nous sommes réunis ce soir en amoureux du football, sport que certains d’entre nous ont pratiqué ; pour ma part, j’étais plutôt milieu offensif, monsieur le président !

Madame la ministre, la violence dans le monde du football n’est ni une fatalité ni un phénomène récent. Ceux qui connaissent le football savent qu’il s’agit d’une problématique récurrente, parce que ces jeux du cirque modernes peuvent être un lieu d’expression des tensions et, parfois, des haines qui traversent notre société.

Il a déjà été rappelé ce soir que d’autres nations ont été confrontées à des violences similaires, voire plus graves encore. L’Angleterre a dû faire face dans les années 1970 et 1980 à une montée de violence autour des rencontres de football ; je ne reviendrai pas sur les drames qui ont causé de nombreux morts dans plusieurs stades et qui ont mis les clubs anglais au ban des compétitions européennes pendant un certain nombre d’années.

On pourrait en revanche s’inspirer de certaines actions entreprises en Angleterre, qui a pris ce sujet à bras-le-corps, avec des approches très spécifiques : je pense notamment aux interdictions individuelles d’accès aux stades et aux places assises dans les tribunes. Vous avez évoqué un prochain déplacement dans ce pays, madame la ministre. Mais je voudrais aussi rappeler une des approches retenues par les Anglais à l’époque : des prix prohibitifs, qui avaient cassé ce football populaire, ce qui aboutit aujourd’hui à une forme de gentrification des stades anglais.

La France a besoin de trouver son cheminement, par une politique cohérente. De nombreux collègues ont souligné que les punitions collectives, les interdictions de déplacement décrétées la veille pour le lendemain, ou encore la fermeture de tribunes pour des rencontres télévisées nuisaient au spectacle dans les tribunes. Il me semble que les supporters jouent un rôle prépondérant et constituent une part essentielle du patrimoine des clubs, dont ils sont un atout spécifique et inestimable.

Dans ce contexte, on ne saurait déconnecter les violences constatées dans le football professionnel de celles qui frappent le football amateur, qui joue un rôle important dans la consolidation du lien social au sein de nos populations. Les agressions verbales comme physiques et les atteintes aux biens sont nombreuses. Les clubs amateurs sont dépassés par des violences auxquelles les clubs professionnels ont les moyens financiers de répondre.

Madame la ministre, ma question est donc très simple : comment pouvons-nous enrayer cette spirale de violence dans le monde du football amateur et restaurer le caractère amical et fair-play de celui-ci ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Ziane, merci beaucoup pour la richesse de votre question.

À mon sens, un élément de réponse se trouve dans les éducateurs, les parents et la prise de distance entre ces deux groupes : les uns ne doivent pas se mettre à la place des autres. Quand on est un éducateur, on ne doit pas avoir une emprise totale sur un enfant ; quand on est un parent, on ne doit pas s’improviser coach sportif, à moins d’en avoir réellement l’expertise et l’expérience.

Il me semble crucial de maintenir cette distinction claire des rôles et des responsabilités, mais aussi de rappeler à nos jeunes qu’il y a des étapes, que pour devenir un champion il faut d’abord se construire. En essayant de brûler les étapes, on cède parfois à l’agressivité, à l’envie et à la jalousie, mauvais accélérateurs de très court terme qui jamais ne permettent de prospérer, qui jamais n’emmènent au but. Les plus grands champions sont des cœurs nobles, des personnes très éduquées, fortifiées par leur environnement, par un entourage qui a su donner du temps au temps et prendre soin d’eux, par-dessus tout.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Madame la ministre, ma question porte sur la responsabilité disciplinaire des clubs de football dans l’organisation des rencontres sportives.

En application des règlements généraux de la Fédération française de football et du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, le club organisateur et le club invité sont soumis à une même obligation de résultat en matière de sécurité et de bon déroulement des rencontres. Qu’ils soient invités ou organisateurs, les clubs sont ainsi responsables des actions de leurs supporters. Le moindre incident engage, par principe et automatiquement, la responsabilité disciplinaire du club, peu importe les mesures mises en œuvre.

Cette obligation de résultat est intenable pour les clubs. Qui est capable de prévenir l’acte d’une personne isolée, a fortiori en matière de propos injurieux ?

Certes, dans son avis du 29 octobre 2007, le Conseil d’État a bien exigé que les mesures mises en œuvre et les démarches entreprises par le club soient prises en compte dans le choix de la sanction infligée.

Mais, en pratique, les sanctions sont lourdes, sans cohérence et difficilement contestables par des clubs dépendants de la Fédération et de la Ligue.

À l’évidence, cette obligation de résultat dédouane, de façon injustifiée, ces dernières de toute responsabilité dans l’accompagnement des clubs en matière de sécurité.

Il est essentiel d’adapter la sanction à la gravité des manquements et non pas uniquement à la gravité des faits, et ainsi d’inciter les organisateurs à consentir en amont un maximum d’efforts, sachant qu’ils seront pris en compte le cas échéant.

À l’occasion de l’examen du projet de loi visant à démocratiser le sport en France, le Gouvernement s’était montré favorable à la mise en œuvre d’une obligation de moyens à l’égard des clubs. Madame la ministre, est-ce toujours votre position ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Mandelli, en matière de préparation comme de gestion des rencontres, il faut absolument prévenir toutes les formes de dérives et d’incidents.

À cette fin, un rôle clair est assigné à chacun des acteurs : l’exploitant de l’enceinte doit assurer la sécurité du stade ; le club qui reçoit, compétent pour organiser la manifestation sportive, se voit pour sa part imposer, dans le cadre du règlement disciplinaire adopté par la LFP, une obligation de résultat en matière de sécurité et de bon déroulement de la rencontre.

Pour ma part, je souhaite en la matière – ce point a été très débattu au sein de l’INS – que notre objectif soit non pas de demander in abstracto un durcissement des sanctions disciplinaires de la Ligue, mais de faire en sorte que les sanctions disciplinaires soient en relation directe avec les éventuels manquements du club et non avec la gravité constatée in fine, y compris d’un point de vue médiatique, des violences qui se seraient produites.

Mme Laurence Harribey. Tout à fait !

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Ce que nous voulons, c’est nous donner, dans l’absolu, une obligation de moyens ; l’obligation de résultat suivra naturellement. N’exigeons pas une obligation de résultat déconnectée de l’analyse que nous ferons des manquements en matière de moyens et d’action !

Mme Laurence Harribey. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.

M. Didier Mandelli. Madame la ministre, vous avez parfaitement répondu. Pour ma part, je souhaite évidemment que l’obligation de moyens soit mise en œuvre ; l’obligation de résultat existe aujourd’hui, mais seuls certains clubs font des efforts. Il est important que la Fédération et la Ligue accompagnent ceux qui font des efforts, mais aussi et surtout ceux qui n’en font pas.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Madame la ministre, dans notre pays, trois quarts des interdictions administratives de stade (IAS) sont annulés par les tribunaux. L’application de ces arrêtés demeure aléatoire et arbitraire. Ainsi, comme vous l’avez rappelé, nous comptons aujourd’hui en France seulement 215 interdits de stade, contre cinq à six fois plus en Angleterre ou en Allemagne. En effet, les infractions commises tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des enceintes où se déroulent des événements sportifs sont parfois jugées par des magistrats manquant de connaissances sur les véritables enjeux auxquels les clubs sportifs sont confrontés.

S’ensuit une autre difficulté. Aux termes de l’article R. 332-2 du code du sport, le préfet reçoit des tribunaux les informations relatives aux personnes condamnées, puis les communique aux fédérations sportives agréées, qui elles-mêmes doivent les transmettre sans délai aux ligues professionnelles intéressées.

Or, actuellement, une très grande majorité des clubs concernés disent ne pas recevoir ce fichier en temps et en heure. Cette absence de régularité dans la transmission de ces informations cruciales prive les clubs de la possibilité de prendre des mesures de sécurité adaptées lors des manifestations sportives.

Afin d’y parvenir, ne faudrait-il pas, d’une part, mettre en place une formation spécifique des magistrats, afin de leur permettre d’obtenir une compréhension plus approfondie des situations auxquelles les clubs sportifs sont confrontés ?

D’autre part, ne faudrait-il pas simplifier l’envoi par le préfet du fichier des interdictions de stades, en le destinant directement à la LFP, qui serait alors responsable de sa diffusion à l’ensemble des clubs professionnels ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Savin, vous avez absolument raison de mettre le doigt – on ne le fait pas suffisamment – sur la manière dont, en réalité, notre système judiciaire utilise toutes les précautions, préparations et modalités nécessaires pour mieux garantir la sécurité juridique des mesures qui sont prises.

J’ai sur ce sujet des discussions avec le garde des sceaux. Vous connaissez notre attachement commun au travail que nous avons entrepris il y a plusieurs mois pour constituer et animer un réseau de magistrats référents du sport, pour créer les conditions d’une culture bien mieux partagée. Nous avons aussi la volonté de développer les visites de stades par les magistrats. Travailler à cette acculturation est absolument essentiel.

Mais les textes eux-mêmes doivent nous y aider ; le garde des sceaux y est très attentif. S’agissant par exemple des interdictions administratives de stade, nous avons fait en sorte qu’elles soient mieux proportionnées et que, en parallèle au mouvement de renforcement des interdictions judiciaires de stade (IJS), on puisse modifier le régime des IAS afin de mieux préciser les critères de motivation, qui étaient auparavant trop flous.

Nous avons notamment remplacé la notion de « comportement d’ensemble » par celle d’« agissements répétés portant atteinte à la sécurité des personnes et des biens ». De même la notion de « menace », qui n’était auparavant pas qualifiée, est désormais remplacée par la notion plus précise de « menace grave pour l’ordre public ». Ce nouveau soubassement permet de valider juridiquement les IAS qui sont prises.

Je voudrais également revenir sur la proportionnalité de ces mesures. Nous avons réduit la durée maximale de ces IAS de vingt-quatre à douze mois, sauf récidive, auquel cas la durée maximale est réduite de trente-six à vingt-quatre mois. Il faut continuer en ce sens, pour la sécurité juridique et la qualité des décisions que nous prenons. Tout cela est absolument essentiel pour la crédibilité de notre dispositif.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Madame la ministre, je crois que les présidents de clubs attendent aujourd’hui une réponse claire. Quand ils déposent des plaintes pour des comportements agressifs, à l’intérieur ou à l’extérieur des stades, il faut que les tribunaux les suivent ; autrement, les présidents de clubs se retrouveront dans la situation que subissent aujourd’hui les maires qui déposent des plaintes pour des infractions sans que les tribunaux les suivent. Cela risquerait de décourager ces présidents de club de continuer à assurer la sécurité des stades.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Je suis d’accord avec vous. Je veillerai à ce que le garde des sceaux adresse aux parquets une instruction en ce sens, car ce type de dispositif est absolument nécessaire pour renforcer cette réponse.

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner.

M. Francis Szpiner. Madame la ministre, il y aurait encore beaucoup de sujets à aborder dans ce débat, mais je pense que le plus important est celui qui concerne le football amateur. Si le football professionnel existe, c’est parce qu’il y a tout ce vivier, et les valeurs du sport commencent dans les petits clubs de football amateur.

Or je dois dire que c’est là, loin des caméras, qu’il y a le plus de violence, de propos homophobes, de non-respect, d’agressions contre les arbitres et de bagarres. De fait, parce que cela n’apparaît pas dans les médias, nous en parlons moins et nous agissons moins.

Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, si vous entendez, comme l’a déjà demandé un de nos collègues, que chaque club sportif amateur soit soumis à une charte, laquelle respectera les valeurs de la République et bannira le racisme et l’homophobie ; rappelons que ceux-ci ne sont pas des opinions : ce sont des délits !

Une fois cette charte signée, j’aimerais savoir quels moyens vous entendez donner aux clubs amateurs pour faire respecter la loi. Deux conceptions s’opposent : pour ma part, au vu de la travée où je siège dans cet hémicycle, je crois à la responsabilité individuelle. À mon sens, si, à un certain âge, on ne sait pas que c’est mal de pousser des cris de singe ou de faire des saluts nazis, je doute que les commissions de prévention ou autres comités soient de quelque utilité.

Il faut prendre le mal à la racine, dans le football amateur. Je voudrais donc savoir quels moyens, financiers et juridiques, vous entendez mettre à la disposition des clubs amateurs, et quelle assistance des parquets et de la police pourra leur être offerte.