M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Elsa Schalck, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois bénéficie d’une délégation au fond sur six articles du titre II bis, intitulé « Renforcer l’autonomie des adultes vulnérables en favorisant l’application du principe de subsidiarité », qui porte diverses dispositions en matière de protection juridique des majeurs.

Sans les citer toutes, je mentionnerai la création d’une fonction de tuteur ou de curateur de remplacement en cas de décès du tuteur ou du curateur en exercice, l’ajout d’une finalité d’assistance dans le cadre du mandat de protection future, ou encore la possibilité de confier une habilitation familiale aux « parents et alliés ».

La commission des lois a adopté une position de principe sur ces articles, qui repose sur une critique de la méthode employée. Elle a jugé que faire apparaître des dispositions sur la protection juridique des majeurs par voie d’amendements, sans étude d’impact ni concertation avec les professionnels concernés, au fil de la discussion législative, n’était absolument pas à la hauteur des enjeux.

Tous les rapports récents écrits sur le sujet, sous l’égide de la Chancellerie et des ministères sociaux, invitent au contraire à réfléchir de manière globale et transversale sur ces dispositifs, qui touchent près de 1 million de personnes en France.

Ainsi que l’a déjà relevé Mme Anne Caron-Déglise en 2018, cette question affecte la vie d’un nombre de plus en plus important de personnes en situation de particulière vulnérabilité, de proches, mais également de multiples intervenants. L’évolution sociodémographique que nous connaissons amplifie encore ce phénomène.

Les professionnels auditionnés ont critiqué quasi unanimement les retouches ponctuelles apportées, qu’ils ont qualifiées d’« émiettement législatif », de « logique de silos » ou encore de « fausses bonnes idées ».

Un grand nombre de ces articles nous ont par ailleurs semblé peu satisfaisants sur le fond. Les amendements déposés en séance publique l’illustrent bien – nous le verrons au cours de l’examen des articles –, eux qui visent à compléter les dispositifs sur certains aspects qui n’ont pas été pris en compte à l’origine, sans toutefois que nous ayons de garantie qu’ils soient exhaustifs.

Au-delà de la question de la cohérence d’ensemble des dispositions, il faut également penser aux familles et aux professionnels qui auront à appliquer ces textes, en particulier les mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Il est important d’éviter les retouches législatives successives, qui sont difficiles à suivre. À légiférer dans ces conditions, c’est pourtant bien le risque que l’on prend…

Forte de ce constat, la commission des lois a fait le choix de supprimer l’ensemble des articles additionnels 5 quater à 5 sexies, 5 octies et 5 nonies, qui lui ont été délégués. Qu’il y ait une nécessité à faire évoluer les mesures de protection juridique des majeurs, la commission des lois en convient parfaitement, mais pas dans ces conditions. Il faut le faire dans le cadre d’un projet de loi embrassant l’ensemble des sujets et suffisamment éclairé par une étude d’impact, mais également par un avis du Conseil d’État, ainsi que, bien évidemment, par la consultation de tous les acteurs concernés.

La commission des lois a fait échapper à la suppression un seul article : l’article 5 decies, qui crée d’ici à la fin de l’année 2026 un registre général de toutes les mesures de protection juridique, regroupant les mesures judiciaires – sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, habilitation familiale – et les mandats de protection future.

Elle a souhaité préserver ce dispositif et mettre le Gouvernement face à ses responsabilités.

En effet, ce registre est attendu par tous les professionnels, en particulier par les juges des tutelles, qui, à l’heure actuelle, ne sont pas informés des mesures de protection judiciaire prononcées en dehors de leur ressort. Il est également nécessaire pour assurer le respect du principe de subsidiarité et appliquer les dispositions protectrices du code de procédure pénale. Il est indispensable en vue du futur règlement européen.

Nous en avons rapproché la date d’entrée en vigueur d’un an – en 2025 –, considérant qu’il était déjà dans les cartons depuis de trop nombreuses années.

Parallèlement, nous avons maintenu le registre spécial des mandats de protection future. Prévu depuis 2015, ce registre n’a toujours pas été créé – nous sommes en 2024 ! –, faute de décret d’application.

Le Conseil d’État, dans sa décision du 27 septembre 2023, vient d’enjoindre au Gouvernement de prendre ce décret dans un délai de six mois, sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour de retard.

Il nous a semblé important de conserver le bénéfice de cette injonction, car c’est justement le manque de publicité qui freine considérablement le recours au mandat de protection future, outil d’anticipation qui mériterait d’être largement développé dans notre société.

Telle est, mes chers collègues, la position de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis des années, nombre d’entre nous ont travaillé sur la question du bien-vieillir et ont participé à la rédaction de maints rapports et propositions.

Des avancées ont été réalisées, notamment la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l’autonomie. Celle-ci est dotée d’une programmation financière, avec des dépenses pour le grand âge qui sont passées de 32 milliards d’euros en 2021 à 40 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation de 8 milliards d’euros, qu’il convient de souligner, et un excédent de 1,3 milliard d’euros cette année.

Cette remarquable augmentation s’inscrit, d’ailleurs, à mi-chemin de la trajectoire financière proposée dans le rapport de Dominique Libault en 2018. Il n’en demeure pas moins, madame la ministre, que de nombreux établissements et associations d’aide et de soins à domicile sont dans une situation difficile, pour ne pas dire catastrophique, et qu’il est urgent de les aider.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’entraînera pas de bouleversement majeur des politiques de soutien à l’autonomie, mais l’excellent travail de nos rapporteurs a permis de la recentrer sur son contenu utile, en supprimant trente et un articles.

La commission des affaires sociales a retenu des dispositifs, essentiels selon moi, visant à territorialiser le pilotage des politiques, à favoriser la coordination locale, notamment entre l’aide à domicile et les Ehpad, et à renforcer les mesures de prévention et de protection des personnes âgées.

Cette adaptabilité des dispositifs aux réalités existantes est primordiale, car il vaut mieux mettre en avant les moyens à développer à l’échelon local ou départemental que décréter d’en haut. Nous n’avons pas plus besoin de « chapeau à plumes » – pardonnez-moi l’expression – que de conférence nationale.

Madame la ministre, nous devons partir du réel et avoir un assembleur territorial pour améliorer les choses. De ce point de vue, le rôle des élus est indispensable.

Le texte de la commission permet donc de recadrer la proposition de loi sur des missions essentielles, qui concernent l’orientation et le dépistage, la gestion des droits, la qualité des services et, bien sûr, la prévention, qui doit être au cœur de la politique du grand âge, afin de permettre à nos aînés de vieillir le plus longtemps possible à domicile – vous l’avez d’ailleurs souligné, madame la ministre.

Nos débats enrichiront sans nul doute ce texte, qui, il faut l’avouer, reste léger dans ses propositions – ma collègue Anne-Sophie Romagny y reviendra au nom du groupe UC.

Nos espoirs, ainsi que ceux de tous les professionnels du secteur, se portent donc sur la future loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, que vous nous avez annoncée devant la commission des affaires sociales la semaine dernière, madame la ministre. Nous attendons avec impatience vos engagements sur la stratégie, les finances et la gouvernance de cette politique.

Cette loi est plus que jamais nécessaire, puisque, en 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans. Loin de moi l’idée d’opposer les générations ! Au contraire, l’enjeu démographique commande de maintenir l’équilibre entre elles.

C’est un autre défi que vous devez relever, madame la ministre. L’urgence est aussi là. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme la rapporteure pour avis et Mme Solanges Nadille applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord excuser ma collègue Raymonde Poncet Monge, qui ne peut être présente aujourd’hui, mais qui a réalisé l’essentiel du travail sur ce texte pour le groupe écologiste. Rendons donc à César ce qui est à César. (Sourires.)

Cinq ans après le rapport Libault, qui anticipait le besoin de 6 milliards d’euros supplémentaires en 2024 – soit aujourd’hui – pour accompagner la transition démographique, plus de six ans après que le Gouvernement a promis une loi Autonomie et alors que, depuis 2012, le ratio de huit professionnels pour dix résidents a fait l’objet d’un engagement gouvernemental, nous débattons d’une proposition de loi du parti gouvernemental, sans étude d’impact ni concertation.

Certes, comme lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous soutenons des mesures positives, mais celles-ci sont isolées, hétéroclites et dépourvues de portée systémique, alors que l’enjeu nécessiterait de les inscrire dans une grande loi de programmation à long terme. Malgré une nouvelle promesse pour la fin 2024, un tel texte a fait l’objet d’un nouveau report dilatoire, alors qu’il serait seul à même de répondre à l’urgence de secteurs médico-sociaux sinistrés, financièrement comme en matière d’attractivité.

Aussi les mesures positives qui préfigurent les nécessaires changements de modèles ne permettent-elles pas d’assurer la cohérence de l’action publique.

Il en va ainsi de l’expérimentation des dotations forfaitaires pour les services autonomie à domicile (SAD), qui amorce un changement de modèle et qui devrait faire l’objet d’une réforme pérenne déployée sur le même calendrier que la réforme des services autonomie aide et soins – nous défendrons un amendement en ce sens.

Il en va également ainsi du financement par le forfait soins des actions de prévention, sans inscription pertinente dans les orientations nationales de prévention à définir par la loi.

Il en va encore ainsi de l’information et de l’accord préalable aux prises de contrôle des établissements et services autorisés, avancées timides au regard de l’exigence de transparence financière de groupes internationaux privés à but lucratif.

Enfin, la loi de programmation pluriannuelle devrait inclure le champ du handicap en cohérence avec la cinquième branche autonomie, dans ses dimensions stratégiques, financières et de gouvernance.

En cela, cette proposition de loi relève d’une démarche dilatoire, alors que tous les acteurs exigent la mise en œuvre immédiate d’une véritable stratégie nationale de pilotage des politiques publiques de l’autonomie à laquelle seraient consacrés les moyens nécessaires, pour que la transition démographique ne se transforme pas en choc, à force d’avoir vu sa prise en compte différée.

Sans périmètre cohérent, cette proposition de loi courait le risque de faire l’objet de nombreux amendements, dans la vaine tentative de combler les trous dans la raquette. Aussi a-t-elle grossi, puis maigri, et va-t-elle certainement de nouveau grossir, sans contenter, par construction, les acteurs et les personnes concernées.

D’ici à la loi de programmation promise, des structures fermeront ou tourneront à bas régime, l’effectivité des plans d’aide chutera encore, les professionnels fuiront ou souffriront, l’exaspération ira grandissant.

Selon l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), plus de 90 % des structures ont ouvert des postes en 2019, dont 22 % n’ont pas été pourvus, et deux tiers des structures comptent des postes vacants depuis des années, ce qui contribue à une dégradation des conditions de travail, à une maltraitance institutionnelle, à une souffrance au travail devant la qualité empêchée et à une amplification de la crise d’attractivité.

Enfin, des mesures paraissent symboliques, comme la carte professionnelle, qui est déjà une réalité dans beaucoup d’organismes et à laquelle aucun droit n’est associé.

Aussi, le salutaire rappel des principes du droit de visite – qui est plutôt un droit de recevoir – et de la liberté d’aller et venir participe-t-il d’un changement de regard contre l’institutionnalisation et en faveur du principe d’autonomie.

Un véritable changement de regard est-il toutefois possible dans une société qui juge et hiérarchise, y compris la protection sociale et les prestations de solidarité, à l’aune de la contribution des personnes à l’activité productive ?

Ainsi, comme le souligne la chercheuse Charlotte Puiseux, un système fondé sur « la compétitivité, l’endurance à l’effort de production […] exclut d’emblée les corps handicapés de ce qui est valorisé et valorisable ». Il interdit toute déconstruction des normes induites par le productivisme, comme la valorisation des activités solidaires sur les temps hors travail. Il explique la difficulté à changer radicalement le regard sur les personnes âgées ou en situation de handicap.

Les écologistes portent un projet de reconfiguration des normes sociales et productives, où le concept d’autonomie peut se déployer. Nous en débattrons lors de l’examen de la loi à venir.

Quant au texte proposé, les écologistes espèrent que le débat en séance publique lui donnera plus de souffle et de cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi sur le bien-vieillir, certains pensaient peut-être calmer les impatiences à l’égard d’une grande loi sur l’autonomie, maintes fois annoncée, mais sans cesse repoussée. Je crois que c’est raté !

Ce texte comporte bien quelques éléments pratiques, qui ont été rappelés par nos rapporteurs, mais, comme ces derniers l’ont à juste titre indiqué, il ressemble davantage à un catalogue de mesures sans ambition. Je salue le travail qu’ils ont accompli pour lui donner une véritable colonne vertébrale et le recentrer sur ce qui relève du domaine de la loi. Nous sommes en effet bien loin de l’ambition que notre société doit nourrir en matière d’autonomie.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons que le terme « autonomie » recouvre non pas uniquement le grand âge, mais également la situation des personnes en situation de handicap.

L’exaspération suscitée par le report incessant de cette grande loi sur l’autonomie a même fait naître une sorte d’ovni législatif, puisque la promesse de ce texte est insérée dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Cependant, le doute demeure, et pas seulement sur le véhicule législatif qui sera approprié pour l’examiner. De fait, madame la ministre, vous avez confirmé votre volonté de cette grande loi, mais vous avez également annoncé une saisine du Conseil d’État. Dans ces conditions, je me demande si le Gouvernement ne va pas devenir coutumier d’une pratique consistant à s’en remettre aux institutions juridiques pour régler des problèmes politiques…

Je m’inquiète aussi de n’avoir pas entendu un seul mot sur ce thème, pourtant majeur dans notre société, dans la bouche du Premier ministre, qui vient de faire sa déclaration de politique générale.

Si elle manque d’ambition, cette proposition de loi contient aussi des orientations inquiétantes.

Je pense au financement du forfait soins, qui devrait désormais financer également des actes de prévention, vraisemblablement au détriment des uns et des autres, compte tenu des montants qui pourraient y être consacrés.

Je pourrais aussi évoquer le regroupement des établissements médico-sociaux, les mutualisations, la rationalisation que ce texte vise. Nous savons d’expérience à quoi ces derniers peuvent conduire, tout particulièrement quand près de 80 % des Ehpad publics sont aujourd’hui en déficit.

Ces mesures affecteront encore un peu plus le fonctionnement des établissements et la prise en charge des personnes âgées, accentuant les carences d’un système d’accompagnement du vieillissement en grande difficulté.

À ce titre, je regrette que les dispositifs de contrôle et les sanctions, notamment à l’égard des Ehpad privés à but lucratif, aient été assouplis. Les scandales que nous avons connus dans ce secteur méritent pourtant que l’on mette fin à un certain nombre de pratiques !

Cette proposition de loi manque donc cruellement de fond, de moyens et de véritable volonté politique.

Le travail de fond doit, à nos yeux, prendre en compte les évolutions de notre société, comme les nouveaux besoins des personnes qui vieillissent et de celles qui sont en situation de handicap, sur lesquelles cette proposition de loi fait d’ailleurs totalement l’impasse.

Il est crucial de revaloriser les personnels accompagnants et soignants dans le secteur du soin à domicile, les personnels des Ehpad, tous ces métiers du lien et du soin, qui veulent assurer le bien-vieillir de la population, mais sont souvent eux-mêmes aussi en souffrance.

Leur manque de reconnaissance, la faiblesse de leur rémunération conduisent à la pénurie que nous connaissons aujourd’hui et que le rythme de créations d’emplois que vous avez évoqué, Madame la ministre, ne permettra pas de résorber. Ni ce qui a été inscrit dans les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale ni l’objectif de 2030, dont vous venez de parler, ne sont à la hauteur, alors que, si ma mémoire est bonne, le Président de la République annonçait la création de 50 000 emplois à la fin du quinquennat !

Je crois aussi que les revalorisations de ces personnels ne peuvent être à la charge des seules collectivités – départements ou communes.

Les compensations du Ségur sont incomplètes. La mise en œuvre des tarifs planchers est très inégalitaire, notamment à l’égard des départements les plus vertueux. Les aides à la mobilité ou la mise en place d’une carte professionnelle, pour souhaitables qu’elles soient, ne suffiront pas.

De même, un grand effort de formation doit, à nos yeux, être engagé.

D’autres métiers doivent également être entendus, notamment au regard de la valeur ajoutée qu’ils peuvent apporter en matière de prévention ou d’accompagnement. Nous reviendrons, au travers d’amendements, sur le cas des kinésithérapeutes ou des mandataires judiciaires.

Nous défendrons aussi des propositions de recettes nouvelles, afin de mettre en place un véritable service public de l’autonomie et de procéder aux recrutements indispensables pour atteindre le taux d’encadrement d’un personnel pour un résident ou, à défaut, de huit soignants pour dix résidents, conformément à l’engagement gouvernemental.

Vous le voyez, madame la ministre, malgré notre impatience, nous allons agir pour que cette loi aille dans le bon sens et soit au rendez-vous. Je crois que c’est ce qui est attendu – tous mes collègues le disent. Vous pouvez compter sur nous pour vous aider ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Catherine Vautrin, ministre. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la prise en charge de la dépendance est l’un des grands enjeux de notre société. Nous devons donner à nos concitoyens les moyens de bien vieillir et, surtout, de mieux vieillir. C’est dans cet esprit que nous abordons l’examen de cette proposition de loi.

Je tiens, en premier lieu, au nom du groupe RDSE, à remercier les rapporteurs des commissions de leur travail sur ce texte, qui traite de sujets fondamentaux aux yeux de nos concitoyens.

En effet, la France de 2023 compte environ 26 % de personnes de plus de 60 ans, soit un habitant sur quatre. En 2040, selon les diverses estimations, ce sera près d’un habitant sur trois ! C’est un véritable changement démographique, qui entraîne d’innombrables défis.

L’élue locale que je suis mesure au quotidien bon nombre d’entre eux, bien que mon département ait été précurseur en matière d’installation de structures pour personnes âgées ou en situation de handicap. Ainsi, d’après l’Insee, en 2020, la Lozère était au premier rang des départements français pour la capacité d’accueil en Ehpad, avec 168 places pour 1 000 habitants de 75 ans ou plus, contre 97 en moyenne en France métropolitaine.

Cette offre de services étoffée permet de répondre en partie à des besoins de sociabilisation et de lutte contre l’isolement dans des territoires très peu denses.

Parallèlement, toujours en 2020, la Lozère était le deuxième département français pour la capacité en soins infirmiers à domicile rapportée à la population de 75 ans ou plus.

Néanmoins, ces données très positives liées à des territoires volontaristes ne doivent pas nous faire perdre de vue les tendances moins réjouissantes du secteur de l’autonomie.

C’est sans doute ce qui a motivé le Président de la République à annoncer, en 2018, une réforme d’ampleur sur le grand âge, visant à encadrer la perte d’autonomie des personnes âgées. Cette ambition législative, maintes fois reportée par les gouvernements successifs, arrive enfin en débat dans notre assemblée, via une proposition de loi dont la dimension est plus modeste.

Le groupe RDSE salue toutefois l’engagement, exprimé par Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités lors de son audition la semaine dernière, à ce qu’un projet de loi de programmation sur le grand âge – l’avis du Conseil d’État pourrait conduire à le qualifier autrement – soit soumis au débat avant la fin de l’année 2024.

Nous y voyons l’occasion d’élargir notre regard sur le sujet, en évoquant, en complément de la lutte contre l’isolement ou de la meilleure rémunération des aides à domicile, des pistes liées, par exemple, à la structuration d’un véritable parcours de soins, incluant les professionnels spécialisés, comme les ergothérapeutes, les kinésithérapeutes, les psychomotriciens, ainsi que les aides-soignants, les infirmiers, les animateurs et tant d’autres acteurs incontournables, qui contribuent, par leurs compétences, à un vieillissement en bonne santé.

Nous devrons donc faire des métiers du lien notre priorité, sans tabous, en abordant notamment les questions d’effectifs, de formation, de salaire, de conditions de travail et de pénibilité, car c’est avant tout sur ces points que nos concitoyens expriment de fortes attentes. En somme, il faut absolument s’assurer du bien-être des professionnels, dans leur diversité, pour que l’accompagnement des personnes âgées soit encore plus qualitatif.

À cet égard, le sentiment d’incomplétude constitue la faiblesse principale de la proposition de loi dont nous abordons l’examen. C’est pourquoi nous avons déposé toute une série d’amendements visant à le retoucher, en attendant le texte du Gouvernement.

Mes collègues et moi-même avons d’abord souhaité insister sur la prise en compte des besoins spécifiques de toutes les personnes en situation de handicap au sein du futur service public départemental de l’autonomie, demande forte et pleinement légitime des associations représentatives.

D’autres amendements visent à élargir les droits des personnes accueillies en établissement ou service social ou médico-social, pour une meilleure inclusion et une meilleure qualité de vie.

En outre, concernant la gouvernance des politiques publiques de l’autonomie, nous sommes partisans d’un pouvoir plus élargi des conseils départementaux, aujourd’hui cantonnés à des missions de contrôle.

Nous sommes également attentifs aux réflexions sur le financement pérenne de la branche autonomie. Nous proposons des pistes en ce sens, dans le cadre d’un système de redistribution plus juste.

Pour conclure, le groupe RDSE estime que cette proposition de loi, si elle n’est pas mauvaise en soi, ne répond malheureusement pas tout à fait à la question fondamentale des moyens humains et financiers nécessaires pour garantir le bien-vieillir sur le long terme. C’est la raison pour laquelle nous resterons force de proposition tout au long des jours et mois à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 15 millions, c’est, selon l’Insee, le nombre de Français âgés de 65 ans ou plus au 1er janvier 2023. C’est 20,5 % de la population, soit une augmentation de 4,7 points en vingt ans.

La quasi-totalité de la hausse de la population des cinquante prochaines années concernera les personnes âgées de plus de 65 ans ; le nombre des 75-84 ans devrait même augmenter de 50 % d’ici à 2030, dépassant le seuil des 6 millions.

Parce que notre société vieillit, il est urgent d’anticiper ce vieillissement pour garantir une vie de qualité et un cadre de vie décent pour tous.

Comment atteindre cet objectif quand nous connaissons les difficultés structurelles de ce secteur ?

Comment coordonner les politiques publiques, pour que la question du vieillissement de la population soit toujours prise en compte dans la réflexion des décideurs publics ?

Comment piloter efficacement à l’échelon national les actions d’une politique très départementalisée ?

Comment redonner de l’attractivité à ce secteur, qui en manque cruellement depuis des années ?

C’est pour tenter de remédier à cela que le Gouvernement a décidé de créer, en 2020, une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l’autonomie, afin d’assurer une lisibilité des mesures prises sur le sujet.

Cette branche est par la suite montée en charge, avec des financements toujours plus importants.

En témoigne encore l’affectation à son financement de 0,15 point de CSG (contribution sociale généralisée), soit 2,4 milliards d’euros supplémentaires par an, pour atteindre 42 milliards d’euros de dépenses en 2026.

C’est aussi parce que nombre de questions restent en suspens que des députés de la majorité présidentielle ont décidé en 2022 de mettre leurs forces en commun afin de rédiger cette proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France que nous nous apprêtons à étudier.

Je salue cette initiative et rends hommage aux deux rapporteures du texte à l’Assemblée nationale, Laurence Cristol et Annie Vidal, pour leur mobilisation afin de faire aboutir ce texte, ainsi qu’à Astrid Panosyan-Bouvet, qui en a coordonné l’écriture.

Ce texte intervient sur trois axes essentiels.

Tout d’abord, il s’agit de renforcer la coordination nationale des politiques publiques en matière de prévention de la perte d’autonomie, grâce à la création de la conférence nationale de l’autonomie, hélas ! supprimée par la volonté des rapporteurs – nous aurons l’occasion d’y revenir –, et de lutter contre l’isolement social.

Cela se traduit dans ce texte par le financement d’actions de prévention – promotion de l’activité physique adaptée (APA), lutte contre la dénutrition ou intervention de référents qualifiés –, mais également par un élargissement des missions du médecin coordinateur et l’obligation d’un cahier des charges nutritionnel spécifique.

Ce premier axe se décline enfin au travers de la généralisation de l’expérimentation du programme de prévention de la perte d’autonomie sur le repérage précoce des fragilités.

Ensuite, il s’agit de lutter de manière plus efficace contre la maltraitance. En effet, cela mérite toujours d’être rappelé : les personnes âgées, peu importe leur degré de perte d’autonomie, sont des citoyennes et des citoyens à part entière, disposant de libertés et de droits.

Cette réaffirmation passe par l’ouverture de nouveaux droits aux résidents en établissement, grâce à l’instauration d’un droit de visite et de conservation du lien social, mais aussi par la création d’une instance territoriale de signalement des actes de maltraitance et par le renforcement de la protection juridique des majeurs.

Enfin, il s’agit de permettre le maintien à domicile par un meilleur accompagnement des professionnels du secteur.

Le renforcement de l’accompagnement et de l’attractivité des professions d’aide à domicile est en effet absolument essentiel pour réussir le virage domiciliaire.

Concrètement, cela se décline dans ce texte par la création d’une carte professionnelle, par le financement d’actions de soutien à la mobilité des aides à domicile par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ou encore par le développement des alternatives à l’Ehpad, telles que l’habitat inclusif, les résidences autonomie et l’accueil familial.

Cette proposition de loi est donc une brique supplémentaire indispensable, qui devra toutefois être complétée.

À cet égard, nous nous réjouissons que vous ayez réaffirmé l’engagement de votre prédécesseur afin qu’une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge puisse être examinée avant la fin de l’année, madame la ministre. Celle-ci était attendue par tous. D’ailleurs, les parlementaires de la majorité présidentielle se sont mobilisés depuis l’origine pour qu’elle voie le jour.

Vous l’aurez compris : nous soutiendrons cette proposition de loi et saluons le travail accompli par les rapporteurs pour que ce texte retrouve un nombre d’articles décent.

Néanmoins, lors des débats à venir, nous reviendrons sur quelques points de désaccord au sujet desquels nous souhaitons discuter.

Tel est le cas de l’article 1er et de la suppression de la conférence nationale de l’autonomie.

Depuis de nombreuses années, les acteurs et les élus de toutes sensibilités déplorent l’absence d’un organe de pilotage des politiques du grand âge et de l’autonomie à l’échelon national. À ce titre, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a souvent été critiquée pour son manque d’incarnation.

Alors que cette proposition de loi tente de répondre à cette problématique par la création de cette conférence, vous décidez de supprimer ce dispositif, mes chers collègues !

Pourtant, nous avons vivement besoin de cet organe, qui n’est pas un simple outil d’habillage. Il nous faut mieux coordonner les acteurs sur l’ensemble du territoire pour avoir une politique efficace, prenant en compte les spécificités géographiques et démographiques de chaque territoire. C’est pourquoi nous défendrons un amendement de rétablissement de cette conférence.

Nous sommes aussi attachés au maintien de plusieurs articles, position que nous défendrons par le biais d’amendements, ainsi que de nombreuses avancées, telles que le développement de l’accueil familial, une meilleure formation des professionnels du secteur ou encore une pérennisation du dispositif de relayage pour les proches aidants.

Par ailleurs, intituler ce texte « proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie » est méprisant : loin de comporter « diverses mesures », ce texte constitue au contraire un ensemble cohérent pour bâtir une société du bien-vieillir.

Même si le Gouvernement a annoncé en 2021 un plan de rattrapage de l’offre pour personnes âgées dans les régions insulaires et ultramarines, il faut aller encore plus loin, tant ce sujet est urgent dans nos territoires.

Madame la ministre, nous comptons donc sur vous pour que la prochaine loi de programmation tienne compte de la prise en charge du vieillissement en outre-mer, car le bien-vieillir doit être une réalité sur l’ensemble du territoire.