M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Rietmann, je m’adresserai à la fois au sénateur que vous êtes, à l’élu local que vous avez été, mais également à l’exploitant agricole.

Ce n’est pas à vous que je vais expliquer ce matin à quel point la question de l’eau est centrale. Et je vous parle sous la pression, presque physique, du sénateur Arnaud, qui s’est beaucoup battu pour la proposition de loi modifiant l’obligation d’intercommunalisation de la gestion de l’eau.

Je le fais aussi en pensant à mon département, le Maine-et-Loire, à ses communes, d’Angers à Beaucouzé, et en ayant pleinement conscience que si cette intercommunalisation est achevée dans certains territoires, les choses sont plus complexes ailleurs : la France est diverse, comme sa typologie.

Le Gouvernement s’est engagé à proposer un texte en 2024. Or vous conviendrez que nous n’avons pas encore atteint la fin de l’année ! Nous sommes en train de chercher le bon levier. Des initiatives parlementaires n’ont pas abouti. Nous souhaitons à présent que l’engagement pris par le Président de la République le 30 mars dernier à Savines-le-Lac soit tenu.

Une commune isolée, c’est une commune toute seule : on cesse d’être isolé dès lors que l’on est deux.

Ensuite, jusqu’où devons-nous aller ? La montagne doit-elle être le seul critère ? Les distances dans certaines intercommunalités de taille XXL peuvent-elles justifier, par exemple lorsqu’elles comptent plusieurs cours d’eau et donc plusieurs sites d’approvisionnement, qu’il n’y ait pas les mêmes solidarités naturelles, les mêmes interconnexions, que dans des territoires plus compacts ?

Nous avons deux obligations. Nous ne pouvons pas continuer à gérer l’eau avec 11 000 systèmes différents en France, surtout quand les flux diminuent et que, pour sécuriser l’approvisionnement, des interconnexions sont nécessaires. Toutefois, nous ne pouvons pas non plus nous dire que le bon système, de Paris à Vesoul, serait le même partout. Il nous faut trouver une voie de passage. Nous tâtonnons, mais nous reviendrons vite vers vous : il n’est pas question d’attendre la fin de l’année.

Nous souhaitons aussi sécuriser les compétences des départements pour accompagner les communes et leurs intercommunalités.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.

M. Olivier Rietmann. Merci, monsieur le ministre, mais vous ne répondez pas précisément à mes questions.

Dans les intercommunalités, les communes, et notamment dans les territoires ruraux, comme dans mon département de la Haute-Saône, nous attendons des réponses rapidement.

Vous n’attendrez pas la fin de 2024. Fort heureusement ! Les intercommunalités et les communes se posent des questions : doivent-elles se constituer en syndicats ? Prendre la compétence ? Ne pas la prendre ? Et 2026 arrivera très rapidement. Merci, donc, de nous soumettre un véhicule législatif le plus rapidement possible et d’apporter des réponses très précises à nos questions, car les communes et les intercommunalités vont devoir prendre des décisions très prochainement.

M. Jean-Michel Arnaud. Très bien !

hausse des tarifs des péages d’infrastructure ferroviaire par sncf réseau

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 1044, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, ma question porte sur la hausse des tarifs des péages d’infrastructure ferroviaire que les régions paient chaque année à SNCF Réseau pour faire rouler les trains, notamment du réseau express régional.

Dans la région Nouvelle-Aquitaine, ce coût s’élevait à 69 millions d’euros en 2023. En 2024, il sera de 82 millions d’euros. Cette augmentation, insuffisamment justifiée par SNCF Réseau, a été validée par l’Autorité de régulation des transports (ART) en février 2023. C’est cette décision que sept régions de France, dont la région Nouvelle-Aquitaine, ont décidé de contester devant le Conseil d’État.

Lors du débat budgétaire, fin 2023, le Gouvernement a écarté la piste d’un versement mobilité additionnel levé par les régions, alors qu’il s’agissait d’une piste intéressante de financement supplémentaire.

Aujourd’hui, certaines questions méritent d’être soulevées, d’abord sur la transparence : qui décide quoi ? Les régions n’ont aucune visibilité sur les montants réinvestis, territoire par territoire, dans le réseau ferroviaire. Demanderez-vous à SNCF Réseau de leur communiquer ces informations ?

Ensuite, le modèle de transport que nous souhaitons encourager et son financement constituent des enjeux. Comment comptez-vous sécuriser le développement de l’offre ferroviaire régionale ? Quelles assurances seront données aux régions sur l’affectation des recettes issues des péages et perçues par SNCF Réseau ? Le choc d’offre de mobilité est percuté par le mur budgétaire…

M. le président. Monsieur le ministre, nous accueillons en tribune des élèves du conseil municipal des enfants de Beaucouzé, commune située dans votre département.

Vous avez la parole.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ça alors ! La commune que j’ai citée par hasard, il y a quelques minutes ! Je les salue, en espérant que leur visite suscitera des vocations, dans le Maine-et-Loire ou ailleurs, car les Angevins ont vocation à s’exporter partout !

Monsieur le sénateur Gillé, le financement du ferroviaire constitue un enjeu crucial, nous le savons. Pour dire la vérité, que vous connaissez et que vous dites autour de vous, depuis les années 1980, notre pays a sous-investi dans son réseau ferroviaire, de façon maladroite, désastreuse. Nous avons tellement sous-investi que nous avons fini par dégrader une partie de la qualité, faute d’avoir financé la régénération de nos 29 000 kilomètres de voies.

Le Gouvernement a engagé une politique consistant à reprendre la dette de la SNCF, à voter un plan de 100 milliards d’euros, grâce auquel les crédits de régénération atteindront 3 milliards d’euros par an, bref à donner à notre ferroviaire les moyens d’avancer.

Nous avons des mécanismes de fixation des tarifs. Ils tiennent compte de la reprise de la dette, par le passé, et de la projection des investissements pour l’avenir, mais ils doivent aussi assurer chaque année un équilibre budgétaire permettant à la SNCF de continuer à développer son offre. C’est aussi une nécessité.

Pour éviter un débat au Parlement sur les augmentations annuelles des tarifs, au cours duquel les oppositions pourraient être tentées de trouver qu’elles sont trop élevées, nous avons confié à une autorité indépendante, l’Autorité de régulation des télécoms (ART), le soin de trancher. Celle-ci a donné son accord à des tarifs de péage. Les sept régions qui ont attaqué cette décision ont été déboutées, le tribunal ayant confirmé les tarifs fixés par l’ART. Je ne reviens pas sur cet épisode judiciairement clos.

Mais j’entends en creux dans votre question la préoccupation suivante : comment finançons-nous globalement nos réseaux de transports en commun ?

En matière de transition écologique, il est possible de parvenir à un équilibre économique dans certains domaines, les dépenses consenties permettant des retours sur investissements. C’est vrai pour la rénovation énergétique. Ce que nous allons dépenser nous permettra d’éviter d’autres dépenses.

En revanche, en matière de transports en commun, il n’y a pas d’équilibre. Les sommes que nous devons collectivement dépenser permettent de préserver des bienfaits globaux, le climat, la qualité de l’air, ou de réduire le stress. Nous devons donc mettre les autorités organisatrices autour d’une table et soulever la question, légitime, du versement mobilité. Nous ne pouvons pas avoir mis en place une solution pour l’Île-de-France et ne pas nous poser la question des équilibres ailleurs.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre.

J’ai l’impression que vous souhaitez que l’on aille plus loin en matière de planification financière, en parallèle de la planification des programmes pluriannuels d’investissement. C’est en effet le cœur du sujet.

Malgré le succès commercial de la ligne TGV reliant Paris à Bordeaux, la SNCF perd chaque année entre 60 et 80 millions d’euros en raison du coût trop important des péages. Le système français est déséquilibré, surtout en ce qui concerne les grandes lignes, ce qui pose question.

À cela s’ajoute le fait que les collectivités et les régions se trouvent face à un mur budgétaire, leur taux d’endettement devenant de plus en plus élevé.

Face à de tels enjeux, il nous faut apporter une réponse commune.

dispositifs d’alerte de crue en temps réel

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 857, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Anne Ventalon. À l’heure où le climat s’emballe, les phénomènes de crues gagnent en fréquence, en violence et, surtout, en soudaineté.

C’est ainsi que, le 3 octobre 2021, la rivière La Beaume, qui traverse la commune ardéchoise de Vernon, a connu une crue sans précédent. Ce n’est que quatre heures après les fortes précipitations tombées sur les communes situées en amont que Vernon a été touchée.

Certes, des dispositifs d’alerte existent, notamment les cartes ZIP, pour zones inondées potentielles, l’application Vigicrues ou le service Apic, pour Avertissement pluies intenses à l’échelle des communes.

Hélas, parce qu’ils sont trop imprécis, ces indicateurs se révèlent insuffisants. En effet, dans l’exemple que j’ai pris, la commune située au pied des Cévennes ardéchoises n’a reçu qu’une alerte de niveau orange, alors qu’elle s’est trouvée frappée par une crue de quatre mètres.

Pourtant, si les prévisions avaient été fondées sur les quantités de pluie réellement tombées sur le haut du bassin versant, l’intensité et l’heure de la survenue de la crue auraient pu être annoncées avec précision au moins deux heures à l’avance dans la commune de Vernon. Cela aurait conduit le maire à prendre des mesures adaptées afin de prévenir la catastrophe et d’en limiter les dégâts.

Interrogés, les services de l’État ont répondu qu’ils ne disposaient pas des moyens techniques permettant de réaliser cette évaluation en temps réel et qu’il appartenait aux élus de consulter les intensités de précipitation en amont afin d’évaluer eux-mêmes le risque encouru.

Monsieur le ministre, avec les formidables progrès en matière de calcul et l’essor de l’intelligence artificielle, serait-il possible de créer un dispositif d’alerte des crues fondées sur les précipitations tombant sur les bassins versants, ce dont les élus auront de plus en plus besoin ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Ventalon, le site Vigicrues, géré par le ministère de l’écologie, informe des risques de débordement pouvant survenir, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. En 2021, une vigilance de niveau orange, synonyme de risque de débordements très importants, a été déclenchée vingt-quatre heures après la crue spectaculaire que vous avez évoquée.

Depuis, nous avons beaucoup progressé.

En effet, depuis cette période, les données dont nous disposons sont plus nombreuses, tout comme le sont les capacités de les modéliser davantage. Bien plus, il existe depuis un nouveau dispositif, FR-Alert. Prévenir le maire, c’est une chose, prévenir les habitants d’un territoire au moyen de SMS de la survenue potentielle d’un danger en est une autre. C’est pourtant une réalité depuis quelque mois.

Pour l’illustrer, je prendrai volontairement l’exemple de la vallée de la Vésubie, où je me suis rendu. Elle aussi a été frappée par des inondations records, directement corrélées au dérèglement climatique. En effet, les précipitations qui, en hiver, tombaient jusqu’à présent pour partie sous forme de neige dans les zones de montagne et n’atteignaient pas la vallée, finissent, du fait de températures trop douces, par se déverser sous forme de pluie : la quantité d’eau qui se déverse alors dans la vallée est telle qu’elle entraîne des crues absolument spectaculaires.

Lors de ce dernier épisode, le dispositif FR-Alert d’envoi de SMS aux habitants du territoire touché a été activé, tout comme il l’a été dans le Pas-de-Calais avant la survenue de plusieurs inondations, une connexion étant désormais établie entre ce système d’alerte par messagerie et nos dispositifs de prévention.

Pour autant, je ne me satisfais pas de cette situation.

Nous continuons donc d’augmenter le nombre de stations ZIP. Je n’entre pas dans le détail de ces outils et des autres dispositifs qui, grâce à des supercalculateurs, au développement de stations et à des logiciels de modélisation, permettent d’obtenir des précisions de plus en plus fines. L’accentuation du dérèglement climatique entraînant des phénomènes qui parfois vont plus vite ou sont plus intenses que ce que nous avons modélisé, il nous faut continuer à relever notre niveau de protection au fur et à mesure que le niveau de risque augmente.

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.

Mme Anne Ventalon. Monsieur le ministre, vous avez raison de ne pas vous satisfaire des dispositifs existants : des améliorations peuvent encore être apportées pour une meilleure mise en sécurité des populations.

difficultés d’élus face à l’absence de souplesse de l’administration

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 1032, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés que rencontrent les élus de Chenillé-Champteussé pour sécuriser le pont qui traverse cette petite commune située dans un département, qui, je crois, vous est assez cher, le Maine-et-Loire. (Sourires.)

Le 15 septembre 2023, à la suite d’un diagnostic, prenant conscience des dangers et de la nécessité de réaliser des travaux visant à sécuriser le pont qui traverse leur commune, ces élus ont signé un devis. Seulement cinq jours plus tard, à savoir le 20 septembre, ils ont appris qu’un programme national Ponts avait été lancé. Dès lors, ils ont évidemment sollicité une subvention pour ce chantier auprès du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

Néanmoins, la signature de ce devis valant engagement des travaux, la subvention leur a été refusée, alors même que les travaux n’étaient absolument pas engagés.

Monsieur le ministre, vous devinez l’objet de ma demande : c’est un peu de souplesse de la part de l’administration face à des élus vertueux, qui prennent conscience des dangers auxquels sont exposés leurs concitoyens et qui, alors que les travaux n’ont pas été engagés, se voient refuser une subvention à laquelle ils pensaient avoir légitimement droit.

J’attends avec impatience votre réponse, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Quand l’ancien maire de Montreuil-Juigné interroge, devant des enfants de Beaucouzé, l’ancien maire d’Angers sur une situation concernant Chenillé-Champteussé, il faut absolument trouver une solution ! (Sourires.) C’est ce que nous allons faire.

Regardons la situation objectivement : si un conseil municipal décide de réaliser des travaux sans demander de subventions, puisque de telles aides n’existent pas à ce moment-là, c’est bien qu’il estime théoriquement possible de faire sans. Cinq jours plus tard, il se dit : c’est tout de même dommage, l’État vient de lancer un programme de plusieurs dizaines de millions d’euros, autant en profiter. Comment une commune qui ne demande pas de subventions au moment où elle lance des travaux peut-elle ensuite affirmer qu’elle ne peut s’en passer ?

Toutefois, si l’on est honnête, on sait que cette subvention a précisément été créée pour aider des communes comme Chenillé-Champteussé à faire face à de tels travaux.

C’est pourquoi, monsieur le sénateur, de façon très claire, je vous indique que je vais me tourner vers le préfet, plus largement vers les services de l’État, pour que, pour toute la phase de travaux qui n’a pas déjà démarré, la commune de Chenillé-Champteussé puisse être accompagnée.

Ce qui sera bon pour ce territoire sera bon pour l’Anjou et ce qui est bon pour l’Anjou est bon pour la France. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. À l’évidence, il y a un tropisme du Maine-et-Loire, ce matin. (Sourires.)

Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Vous savez à quel point les élus seront attentifs à votre intervention. En effet, je n’ai pas précisé que, après la signature du devis, les travaux ont aussi augmenté en volume – ce sont des cas de figure auxquels les élus doivent parfois faire face. De fait, la nature des travaux nécessite désormais une enveloppe budgétaire supplémentaire, le devis initial ne suffisant plus.

À cet égard, il apparaît bien légitime qu’ils bénéficient de cette subvention, dont le montant reste assez modeste au regard des travaux d’urgence de confortation et de sécurisation du pont qu’il faut accomplir. Nous savons tous les drames qui peuvent survenir lorsque les élus ne prennent pas le taureau par les cornes.

exonération de taxe foncière de longue durée

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 1027, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Hervé Reynaud. L’article 71 de la loi de finances pour 2024 prévoit, pour les immeubles locatifs sociaux de plus de quarante ans dont la performance énergétique est de niveau F ou G et qui nécessitent par conséquent une opération de rénovation lourde, une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans à compter de la fin des travaux.

L’effet pervers de cette mesure est clairement identifié : plus le parc de logements d’une commune est vieillissant, plus il est composé d’habitat social, plus la commune est pénalisée financièrement par ces exonérations. Il est incompréhensible de vouloir multiplier le nombre de rénovations et, dans le même temps, de priver financièrement les communes qui engagent ces programmes de rénovation. C’est le cas de la Loire, département que j’affectionne particulièrement.

Le Sénat a entendu l’appel des associations d’élus en adoptant un amendement visant à remplacer le terme « exonération » par celui de « dégrèvement ». Dans le cas d’un dégrèvement d’impôts locaux en effet, le manque à gagner pour la collectivité est intégralement compensé et pris en charge par l’État. Cet amendement n’a malheureusement pas été retenu dans la version définitive du texte.

Cette situation n’est plus tenable, particulièrement pour les communes les moins favorisées. Le dispositif d’exonération confirme, une fois de plus, le désengagement de l’État en matière de logement, au détriment des finances locales.

Monsieur le ministre, l’année dernière, le Sénat a formulé une quinzaine de propositions pour rendre aux élus locaux leur pouvoir d’agir. Certaines sont un plaidoyer en faveur de l’autonomie financière des collectivités territoriales.

La mission sur la décentralisation confiée à M. Woerth travaillera-t-elle à un réexamen du droit à compensation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Reynaud, je vous remercie sincèrement de cette question, qui est précieuse, car elle porte sur un dispositif qui n’a selon moi pas été suffisamment valorisé et qui mérite quelques précisions. L’idée de départ est assez simple.

Eu égard aux fonctions que vous avez occupées dans votre ancienne vie, à la métropole de Saint-Étienne ou ailleurs, vous savez bien que la construction d’un logement neuf social entraîne une absence de taxe foncière pendant des années. Une telle mesure n’est aujourd’hui pas remise en cause, même si elle peut peser plus ou moins lourd sur les territoires en fonction de la part de logements sociaux qui les compose.

À partir d’un certain niveau, une rénovation énergétique dans l’ancien coûte tellement cher qu’il n’est pas illogique que les mêmes avantages que le neuf puissent lui être accordés – on en reprend en effet pour trente ou quarante ans quand on fait une rénovation globale. Le dispositif Seconde Vie de logements locatifs sociaux, qui consiste à faire bénéficier à une rénovation lourde des avantages dont profiterait une construction neuve, a pour objectif de démontrer qu’il n’est pas judicieux de démolir pour reconstruire, lorsque la rénovation est possible et que, d’un point de vue écologique, la démolition n’est pas la meilleure des solutions.

De surcroît, nous pensons que la rénovation du logement social permettra de massifier la filière, car il est évidemment plus simple d’obtenir l’accord d’une copropriété quand celle-ci est détenue par une seule personne, à savoir le directeur de l’office HLM ou l’élu, et non par plusieurs copropriétaires, comme c’est le cas dans les copropriétés classiques.

En revanche, vous avez tout à fait raison : on ne peut pas laisser ce dispositif à la charge des communes. C’est pourquoi je vous annonce que le manque à gagner en résultant pour les communes sera bien compensé par l’État, par la voie d’un prélèvement sur recettes qui est prévu dans la loi de finances.

Dans la mesure où votre préoccupation est légitime, je vous communiquerai très prochainement les précisions nécessaires concernant la mise en œuvre de ce dispositif. Pour que cela fonctionne, il nous faut accompagner les bailleurs et faire en sorte que les communes ne se retrouvent pas doublement lésées, d’abord parce qu’elles font le jeu de la mixité sociale, ensuite parce que, au titre de la transition écologique, elles perdraient des recettes, alors que leur action va dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.

M. Hervé Reynaud. Les perspectives que vient de tracer M. le ministre ont aussi vocation à valoriser une politique du logement favorable aux maires bâtisseurs.

M. Christophe Béchu, ministre. Exactement !

M. Hervé Reynaud. Je suis pour ma part issu d’un territoire particulièrement résilient en la matière, le département de la Loire, plus particulièrement le Sud-Loire. Des opérations lourdes de résorption de friches ont été menées dans l’agglomération stéphanoise et la ville de Saint-Chamond, notamment grâce à l’effet levier permis par les aides du fond pour le recyclage des friches.

Pour nous, il était extrêmement important d’accompagner et d’aider les élus en la matière pour reconstruire la ville sur elle-même.

immatriculation et assurance des remorques agricoles

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 1039, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Bernard Buis. Ma question porte sur la réglementation de l’immatriculation et de l’assurance des remorques agricoles.

Selon l’article R. 322-1 du code de la route, les appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est supérieur à 1,5 tonne doivent être immatriculés.

Depuis 2013, la réglementation encadrant l’immatriculation des remorques est devenue de plus en plus contraignante. Elle a cependant un effet sur une tradition rurale historique : celle des corsos, des fêtes des laboureurs, des fêtes des bouviers.

Ces fêtes populaires coïncident bien souvent avec l’arrivée du printemps. Ces défilés de chars fleuris symbolisent depuis 1870 la transmission d’un véritable savoir-faire entre générations, à tel point que la tradition des corsos est désormais inscrite au patrimoine culturel immatériel de la France. À l’origine, ces chars étaient tirés par des chevaux ou des bœufs. La pratique traverse les siècles grâce aux fêtes des bouviers, encore très présentes dans mon département de la Drôme.

Aujourd’hui, les chars sont principalement tractés par des engins agricoles. C’est pour cette raison que les organisateurs bénévoles des corsos font face à des contraintes réglementaires qui s’appliqueront bientôt pleinement. En effet, les vignettes vertes en papier des assurances seront supprimées à partir du 1er avril 2024, ce qui nécessitera que les véhicules immatriculés figurent au fichier des véhicules assurés (FVA).

La fédération des festivals, carnavals et fêtes Drôme-Ardèche m’a alerté sur les difficultés financières liées à toutes ces contraintes, qui risquent d’être fatales à une tradition présentant un danger très limité.

En effet, les remorques de corsos sont tractées à une vitesse de défilé d’environ 1,5 kilomètre par heure et de 10 à 15 kilomètres par heure lors du parcours d’approche. De plus, elles circulent généralement un seul week-end par an. L’utilisation de ces remorques est donc très occasionnelle et bien différente d’un usage agricole professionnel.

Monsieur le ministre, pour que la tradition rurale et populaire des corsos puisse perdurer, la réglementation encadrant l’immatriculation et l’assurance des remorques agricoles peut-elle être aménagée ? Des autorisations préfectorales pourront-elles être délivrées en ce sens ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Buis, je vous réponds avec beaucoup d’humilité, car, à dire le vrai, en me levant ce matin, j’ignorais à peu près tout des réglementations concernant les remorques agricoles et de leurs conséquences éventuelles sur les défilés traditionnels et festifs. (Sourires.)

Voici l’état du droit sur cette question.

Les obligations d’immatriculation ont été étendues à différents types de véhicules par un décret du mois de février 2009. Cette obligation s’impose aux véhicules ou appareils agricoles rattachés à une exploitation agricole mis en circulation après le 1er janvier 2013.

Un arrêté du 19 décembre 2016 relatif à la réception des véhicules agricoles et forestiers est venu préciser les modalités de réception de ces véhicules, notamment pour en garantir la sécurité.

Conformément au code de la route, les propriétaires de véhicules soumis à immatriculation doivent en faire la demande avant la mise en circulation sur la voie publique. Un véhicule mis en service, mais ayant toujours circulé en milieu fermé, devra être immatriculé le jour où il circulera sur la voie publique.

Toutefois, les véhicules ou appareils agricoles remorqués dont le poids total en charge est supérieur à 1,5 tonne, mis en service avant le 1er janvier 2013, n’ont pas d’obligation d’immatriculation. Par conséquent, monsieur le sénateur, les véhicules anciens que vous évoquez et qui existent depuis plusieurs générations bénéficient de cette exception.

Si, dans certains territoires, les services publics locaux ont oublié que cette exception valait de manière générale pour tous les véhicules mis en service avant le 1er janvier 2013, il conviendra de nous en informer.

Je précise que cette obligation ne s’applique pas non plus à tous les véhicules dont le poids en charge est inférieur à 1,5 tonne.

Avec ces deux exceptions, j’ai le sentiment que nous préservons nos traditions et que la réglementation actuelle est équilibrée. Ainsi, nous pourrons continuer à célébrer les corsos et autres moments de convivialité.

difficultés pour les collectivités locales à s’assurer