M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, nous débattions ici de l’enjeu de rénover le bâti scolaire, et d’abaisser la participation des collectivités en ce sens de 20 % à 10 %. En effet, le secteur du bâtiment représente près de 27 % des émissions de gaz à effet de serre. Partout, il y a urgence à rénover, en particulier dans les communes pour lesquelles les bâtiments représentent 76 % de leur consommation énergétique.

Toutes n’en ont pas les moyens, particulièrement les petites communes, qui doivent elles aussi faire face à la transition écologique et énergétique.

Je veux ici le souligner, il est de plus en plus difficile de boucler les budgets communaux, et les maires ont besoin de soutien de la part de l’État. C’est d’autant plus vrai pour les projets les plus coûteux, qui sont parfois le projet d’un ou de plusieurs mandats.

La proposition de loi présentée tend à abaisser la participation minimale des communes de moins de 2 000 habitants de 20 % à 5 %.

Mon groupe y souscrit pleinement. Nous y adhérons d’autant plus que, lors du débat sur le bâti scolaire, j’avais déposé un amendement en ce sens, pour permettre aux préfets, en tant que garants de l’intérêt général, d’exonérer les communes de toute participation, lorsqu’elles n’en ont pas les moyens. Et pour cause ! Si certaines communes ne peuvent pas payer 20 %, d’autres ne peuvent pas payer 10 %. Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, un compromis a été trouvé à 5 %. Mais, demain, ne faudra-t-il pas arriver à 0 % ?

À l’époque, le Gouvernement et le rapporteur m’avaient opposé qu’une telle disposition risquait de créer un précédent pour d’autres travaux et que c’était contraire à l’autonomie des collectivités. Par ailleurs, madame la ministre, vous aviez souligné que « si la collectivité ne peut investir 10 % du montant des travaux de rénovation, il faut s’inquiéter de sa capacité à faire fonctionner l’école par la suite… ». Je viens d’écouter votre intervention, et je constate que vous restez constante dans vos propos. (Mme la ministre déléguée le confirme.)

Le texte que nous examinons aujourd’hui, déposé en octobre, proposait initialement la même chose, à savoir une exonération totale. Il a été ajusté en dernière minute en commission pour relever la participation à 5 %, mais, à terme, il y aura de toute façon des exonérations complètes, qui seront inévitables, peut-être au cas par cas, pour boucler le financement de certains projets indispensables, lorsque, par exemple, des événements exceptionnels comme nous en avons connu, et notamment des catastrophes naturelles, engendrent des dépenses extraordinaires pour les communes concernées.

Quoi qu’il en soit, un problème demeure. Qui paie le reste à charge ? Souvent, les enveloppes comme le fonds vert, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ne se cumulent pas, et la quête aux subventions profite souvent aux communes les mieux dotées en ingénierie.

De nombreuses communes sont aux prises avec un effet ciseaux, avec des coûts de fonctionnement qui augmentent considérablement, notamment pour ce qui concerne l’énergie, la restauration scolaire, le prix des matières premières, et des recettes qui ne sont pas à la hauteur des besoins, à la suite d’une baisse des recettes fiscales et d’un manque de péréquation dans la redistribution.

Les collectivités ont besoin d’un grand plan de soutien non seulement pour déployer davantage de services publics de proximité, mais aussi pour faire vivre les services publics locaux qui existent encore.

Relever le défi de la transition écologique implique d’isoler les bâtiments, de décarboner les véhicules, de renaturer des espaces publics, et de mobiliser l’ingénierie nécessaire pour intégrer de nouvelles réglementations. Si nombre de collectivités se sont saisies de ces enjeux, elles n’ont pas toujours les moyens d’y faire face.

Ces difficultés de financement concernent, certes, de nombreuses communes de moins de 2 000 habitants, mais ce seuil est particulièrement bas, au regard du besoin de l’ensemble des collectivités.

Cette proposition de loi est donc un petit pas, que nous soutiendrons. Toutefois, une fois encore, elle n’engage pas véritablement le Gouvernement, et il en faudra davantage pour convaincre les élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, GEST et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas devant notre Haute Assemblée que je rappellerai l’importance de la commune dans le quotidien de nombreux concitoyens.

Pour avoir quitté très récemment mon mandat de maire d’un village de 1 300 habitants de mon cher Lot-et-Garonne, je sais à quel point l’échelon communal demeure bien souvent le plus à même de mener des projets ambitieux sur le territoire.

Je sais également les difficultés majeures que rencontre une commune rurale lorsqu’elle souhaite investir.

Si la commune n’est pas le seul échelon territorial ayant vu ses finances fragilisées, elle est sûrement celle qui se retrouve la plus démunie face à une telle situation.

La proposition de loi examinée aujourd’hui tend à créer une dérogation à la participation minimale de 20 % des communes rurales pour assurer la maîtrise d’ouvrage de leurs projets.

Une telle initiative a l’immense mérite de mettre en lumière des situations dans lesquelles les communes ne peuvent supporter seules des investissements nécessaires. Pourtant, ces investissements concernent bien souvent la transition écologique, la qualité de vie des habitants, les services publics de proximité ou bien l’attractivité du territoire.

Toutefois, si la participation minimale des communes assurant la maîtrise d’ouvrage de leurs projets constitue souvent un frein à l’investissement, il n’est malheureusement pas le seul. Je pense notamment à la diminution des leviers fiscaux, à la hausse des dépenses de fonctionnement ou au manque d’accessibilité à l’ingénierie territoriale.

Je le sais, le Sénat continuera de porter ces problématiques, accompagné par l’État, qui saura entendre ses demandes.

Certes, ce texte n’est pas dépourvu de toute incertitude. Je pense notamment à l’articulation de cette nouvelle dérogation avec celle qui a déjà été votée par le Sénat en décembre dernier s’agissant de la rénovation du bâti scolaire.

Il demeure également des questionnements légitimes sur l’effet potentiel de vases communicants des financements, qui ferait peser un poids important sur la DETR ou la DSIL, au cas où les dotations de l’État ne seraient pas revalorisées.

Nous pouvons également déplorer un incontournable effet de seuil d’une telle règle, bien que, dans certains domaines, le préfet puisse accorder la dérogation au cas par cas.

La discussion me permet de revenir sur les modifications apportées par notre commission. Je remercie M. le rapporteur de son travail et des amendements de consensus qu’il a portés. Je me satisfais des solutions trouvées, bien qu’elles ne répondent pas tout à fait à l’ensemble des questions soulevées. Il s’agit néanmoins d’un excellent départ.

À titre personnel, je portais un regard bienveillant sur l’amendement déposé par le Gouvernement visant à maintenir la compétence du préfet pour abaisser la participation minimale à 5 %. Il est également proposé de conditionner la mesure à la disproportion des dépenses à l’aune des capacités financières des communes. Cela permettrait notamment de répondre à une inquiétude exprimée en commission sur la situation des départements dans lesquels les communes de moins de 2 000 habitants sont très nombreuses. Cela permettrait également de circonscrire le bénéfice de cette dérogation aux communes qui en ont le plus besoin.

Vous l’aurez compris, pour l’avenir et le maintien de l’ensemble de nos communes rurales, indispensables sur notre territoire, le RDSE soutiendra cette initiative. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun connaît ici l’importance de l’investissement des collectivités locales, de manière générale, et des communes rurales, en particulier.

Je veux parler de l’importance du soutien ainsi apporté à l’économie locale, mais aussi de l’importance pour la qualité de vie de nos concitoyens. En effet, nos communes rurales, pour être attractives, doivent proposer à leurs habitants des équipements correspondant aux attentes légitimes de la population.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de reposer la question du soutien apporté par l’État et les autres collectivités importantes à l’investissement des communes rurales, ou plutôt des communes de moins de 2 000 habitants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Je salue le travail réalisé par les auteurs de la proposition, ainsi que par M. le rapporteur.

Il n’est jamais inutile de réfléchir au soutien le meilleur à apporter à l’investissement local, même si nous pouvons parfois nous interroger sur la parfaite cohérence entre nos travaux. En effet, notre assemblée a adopté, dans la niche réservée au groupe RDPI, à l’unanimité, le 14 décembre dernier – ce n’est pas très ancien ! – la proposition de loi transpartisane portée par notre collègue Nadège Havet et visant à abaisser de 20 % à 10 % la participation minimale du maître d’ouvrage pour les projets de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Il s’agissait alors de donner la priorité au bâti scolaire. Aujourd’hui, cette proposition de loi tend à abaisser le seuil que nous avons adopté, avant même que notre texte soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, à 5 % pour tous les projets d’investissement, à condition que la commune compte moins de 2 000 habitants.

Puisque nous raisonnons dans le cadre d’enveloppes financières fermées, il nous est aujourd’hui concrètement proposé de renoncer à la priorité scolaire que nous nous étions nous-mêmes fixée voilà tout juste deux mois.

La cohérence dans l’organisation de nos travaux est également questionnée. Pourquoi avoir examiné la proposition de loi Havet au mois de décembre en commission des finances et la proposition de loi Wattebled en commission des lois, alors que les deux textes portent sur le même objet, à savoir la participation financière minimale du maître d’ouvrage à l’investissement qu’il porte.

Nous pourrions également nous interroger sur l’inflation normative dont nous nous plaignons tous régulièrement. En effet, dans l’exposé des motifs, les auteurs de la proposition de loi évoquent, à juste titre, les dérogations existant déjà à la règle des 20 %, en déplorant qu’elles ne soient pas suffisamment appliquées. Pour pallier la faible application de dispositions dérogatoires par le représentant de l’État, il est proposé d’adopter une nouvelle loi !

Avouez-le, cela relève d’un raisonnement juridique un peu curieux.

Sur le fond, nous n’avons pas d’opposition à la mesure proposée, même s’il faut bien garder à l’esprit que tout investissement engendre des dépenses de fonctionnement. Il ne faudrait pas que la charge résiduelle modeste restant au maître d’ouvrage l’amène à réaliser des dépenses d’équipement dont il aurait ensuite des difficultés à financer le fonctionnement. Nous le savons, les dépenses d’équipement engendrent chaque année au moins 10 % des dépenses de fonctionnement. Or, si une commune ne peut payer au moins 10 % de l’équipement, comment pourrait-elle financer, les années suivantes, au moins 10 % des dépenses de fonctionnement engendrées par cet équipement ?

J’appelle cependant de mes vœux une réflexion plus globale et plus profonde sur le sujet de l’investissement des communes rurales.

Première observation, les communes rurales souffrent d’abord de l’existence d’un montant plancher de DETR, autour de 5 000 euros. Ce même plancher peut exister dans les conseils départementaux ou régionaux.

Or nombre de communes rurales n’ont souvent que de petits projets d’investissement à leur mesure, qui ne sont pas éligibles au dispositif existant. Ces communes ne bénéficient ainsi d’aucun soutien.

Par ailleurs, les grosses collectivités et les services de l’État se concentrent principalement sur les projets structurants pour le territoire : ces derniers sont rarement portés par une petite commune rurale.

Enfin, l’exigence d’une estimation chiffrée par un professionnel pour déposer une demande de DETR conduit la petite commune à supporter un coût certain, alors que la réalisation du projet est encore hypothétique, puisque fonction du montant de subvention qui sera finalement obtenu.

Voilà autant de freins à l’investissement des communes rurales qu’il est facile de lever, sans passer par la loi.

Ma deuxième observation concerne l’ingénierie de projet.

La petite commune qui n’arrive pas à financer 20 % du projet qu’elle porte n’a en général pas les moyens de financer l’ingénierie du projet. Entre l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et les autres dispositifs existants tels que les Villages d’avenir ou les agences départementales d’ingénierie, il n’est pas toujours possible de comprendre toutes les subtilités des dispositifs : il faudra bientôt une ingénierie pour comprendre l’ingénierie mise à la disposition des collectivités locales ! Il est donc nécessaire de simplifier les services mis à la disposition des communes.

Enfin, troisième observation, si nous poussons la réflexion un peu plus loin, la question véritablement posée est celle de la dotation globale de fonctionnement. J’ai bien noté que le Gouvernement avait proposé de réfléchir à son évolution. En la matière, un réajustement devra être opéré entre les communes rurales et les communes urbaines, entre les petites communes et les grosses communes. On le sait bien, le montant de la DGF par habitant varie souvent du simple au double. Le vrai soutien à l’investissement des communes rurales passera par la capacité à soutenir le fonctionnement de ces collectivités, ce qui leur permettra de dégager les moyens nécessaires à l’investissement.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Bitz. Le vrai soutien passera donc à mon sens par ce rééquilibrage.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, qui touche à un sujet profondément ancré dans notre gestion des territoires, doit composer avec les réalités diverses de nos communes : l’équilibre entre le développement des communes rurales au travers de leurs projets d’investissement et la nécessité de maîtriser la dépense publique locale.

Il s’agit sans nul doute d’un sujet qui a naturellement vocation à nous mobiliser, ici, à la chambre des territoires, de manière transpartisane, fait notable au sein de notre hémicycle.

Aussi, je remercie Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte de leur initiative et leurs travaux sur ce texte, ainsi que mon collègue Hussein Bourgi, rapporteur pour la commission des lois.

Les communes rurales représentent plus d’un tiers de la population et plus de 80 % des communes de France. Reconnaître les défis spécifiques auxquels elles sont confrontées, tel est l’objectif de ce texte, telle est notre responsabilité de législateur.

Ces territoires, pilier de notre cohésion nationale, se trouvent aujourd’hui dans une situation financière souvent complexe. Ils sont tiraillés entre la volonté, voire la nécessité de développer des projets d’investissement essentiels à leur dynamisme et les contraintes d’une réglementation parfois trop rigide, fait que nombre d’anciens maires ici présents connaissent.

Aujourd’hui, la règle impose aux communes un taux de participation minimale de 20 % pour les projets d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. Cette règle a été pensée dans un esprit de responsabilisation, mais elle se révèle un frein pour bon nombre de nos petites communes, qui peinent à mobiliser les fonds nécessaires pour leurs projets.

Une telle réalité nous oblige à repenser notre approche. Le dialogue et les retours du terrain nous montrent que la rigidité de cette règle ne fait qu’exacerber les inégalités entre territoires. Tout cela met en lumière la nécessité d’une réforme prenant en compte les particularismes locaux et guidée par une volonté de justice territoriale.

Initialement, l’encadrement insuffisant de la participation des collectivités aux projets d’investissement a entraîné une croissance significative du recours aux financements croisés ou aux cofinancements. Cette tendance a principalement mis en lumière l’insuffisance des ressources de certaines collectivités territoriales, notamment des petites communes rurales, incapables de financer par leurs propres moyens les équipements et aménagements nécessaires. Il faut le reconnaître, cela peut aussi être le cas de certaines communes urbaines disposant de faibles moyens au vu des immenses défis qu’elles doivent relever.

Au fil du temps, de nombreuses dérogations aux règles de participation minimale des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage ont été introduites par le législateur. Elles sont trop souvent restées inappliquées, pénalisant ainsi les investissements des communes rurales et portant largement atteinte à l’initiative locale.

Les élus municipaux ne devraient pas avoir à reporter - voire à y renoncer - le lancement de certains projets de façon presque systématique en raison d’un reste à payer qui demeure disproportionné. De nombreuses causes font obstacle à l’application des dérogations en vigueur : le défaut de publicité, la complexité du montage du dossier, la lenteur administrative, le caractère aléatoire de l’octroi des dérogations par le préfet de département, ou encore, et non des moindres, le champ d’application trop restreint de ces dérogations.

Vous l’aurez compris, ce texte est bienvenu pour nos communes. Ancien maire et nouveau sénateur, je me réjouis des travaux déployés en commission. Ils ont permis d’introduire les ajustements nécessaires pour faire de cette proposition de loi un texte adapté à la fois aux spécificités territoriales des communes rurales et au budget propre de chacune d’entre elles.

Les modifications notables sont suivantes.

Tout d’abord, le champ de la dérogation aux taux de participation minimale s’appliquera aux communes de moins de 2 000 habitants, afin de cibler les communes dont le budget est le plus contraint.

Ensuite, un taux de participation minime, à hauteur de 5 %, est conservé, afin de « responsabiliser » les conseils municipaux, qui travaillent déjà avec un grand dévouement dans le cadre de nombreuses contraintes. Il s’agit uniquement, par cette mesure, de renforcer leur efficacité et la hiérarchisation du choix des investissements à réaliser.

Quant au champ des projets d’investissement concernés par cette dérogation, il mériterait certainement une réflexion, afin de valoriser et de favoriser les projets les plus structurants de nos communes.

C’est dans cet esprit, à savoir répondre au mieux aux enjeux de développement locaux et de solidarité territoriale, que nous voterons en faveur de ce texte, qui introduit une flexibilité des contributions financières de la part des communes dans leurs futurs projets d’investissement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi intervient après la loi RCT, qui a fixé une participation minimale de 80 % des apports des personnes publiques pour tout projet d’investissement local.

Il est vrai qu’une certaine rationalisation de l’architecture des financements des projets s’imposait, ne serait-ce que pour éviter une confusion, un effet de saupoudrage des investissements et une mécanique poussant au projet sans une véritable réflexion d’opportunité préalable.

Ces dispositions ont connu depuis quelques ajustements, voire des exceptions, pour des motifs qui ne sont pas toujours justifiés et en lien avec des circonstances particulières. Je pense, par exemple, à une exonération globale pour les collectivités d’outre-mer.

De son côté, le préfet s’est vu reconnaître la possibilité d’accorder des dérogations à la règle du financement minimum, en particulier pour assurer la réparation des dégâts survenus à la suite d’une calamité publique ou en cas de disproportion par rapport à la capacité financière du maître d’ouvrage.

La participation minimale peut donc être abaissée dans certaines situations. Cette question revient en discussion régulièrement tant elle est sensible et fluctuante.

Faut-il étendre le champ des dérogations à ce principe ?

Dernièrement, le Sénat a adopté d’une proposition de loi abaissant la participation minimale à 10 % pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vient élargir la liste des collectivités exemptées de participation financière minimale aux projets d’investissement en y incluant les communes rurales. Cela concerne près de 85 % des communes en France métropolitaine, qui ont une population inférieure à 2 000 habitants.

Nous connaissons tous des communes qui, faute de capacités, doivent renoncer à des projets. Je pense, ici, au problème des édifices religieux en état de dégradation avancée que les communes n’ont pas les moyens d’entretenir et encore moins de restaurer. Certaines communes de mon département, par exemple, comptent jusqu’à treize édifices religieux sur leur territoire. Je vous laisse imaginer dans quel état ces bâtiments se trouvent !

Toujours est-il que cette dérogation me paraît tout à fait opportune. Je salue le travail de notre rapporteur, qui a apporté les corrections nécessaires pour fixer une participation à 5 % et je remercie les auteurs de ce texte, qui ont fait œuvre utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le travail de mes collègues Marie-Claude Lermytte et Dany Wattebled, à qui nous devons cette proposition de loi que j’ai évidemment cosignée.

Nous examinons aujourd’hui un texte utile, qui bénéficiera de manière concrète aux collectivités territoriales rurales, lesquelles ne sont pas très riches, madame la ministre.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. C’est vrai !

M. Jean-Luc Brault. C’est une mesure urgente de justice sociale, en particulier pour les communes les plus en difficulté. De ce fait, notre groupe se félicite d’examiner ce texte dans le cadre de notre niche parlementaire.

Bien trop souvent, les 20 % de reste à charge représentent un frein insurmontable pour bon nombre de communes rurales. Dans le Loir-et-Cher, c’est près de 90 % des communes qui comptent moins de 2 000 habitants ; 140 communes ont même moins de 500 habitants. Mon ami Bernard Pillefer, ici présent, le confirmera.

Elles sont alors obligées de restreindre leurs projets d’investissement, faute de moyens. Ces projets abandonnés sont pourtant vitaux pour le territoire, mais ils ne verront jamais le jour : je pense, par exemple, à une mise aux normes de bâtiments pour les personnes à mobilité réduite ou âgées, travaux qui permettent une vie sociale, une vie humaine, pour une population vieillissante. Or la vie sociale est prioritaire dans nos petites communes. Les habitants sont les premiers pénalisés par ces abandons de projet. Je rappelle que la population dans ces départements est de plus en plus vieillissante.

J’ai aussi une pensée pour la commune de Lassay-sur-Croisne, dans mon département, qui a fait face à la fermeture de l’auberge du Prieuré. Il s’agissait de la seule activité dans ce petit village, et une activité renommée ! Grâce à la mobilisation du maire, de son équipe municipale, et à l’arrivée d’un jeune couple de repreneurs, l’auberge sera rouverte. Quatre emplois seront ainsi créés. La commune a pourtant bien failli passer à côté de l’exploit – un exploit ! - de trouver un jeune couple voulant se lancer dans l’entrepreneuriat pour reprendre un lieu de vie, dans un village de 254 habitants ! Trouver ce jeune couple souhaitant investir est déjà une véritable prouesse pour le conseil municipal ! Mais les investissements nécessaires sont tels que cette petite commune est obligée de geler tous ses autres projets pendant trois ans. Ce n’est pas tenable et ce n’est pas juste.

Nous devons redonner du pouvoir d’agir aux maires et aux conseils municipaux en simplifiant le droit actuel. Croyez-moi, madame la ministre, nos communes se sentent pleinement responsables.

En commission, un amendement du rapporteur a permis de conserver une participation minimale de la part des collectivités rurales, à hauteur de 5 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.

Comme l’a proposé le rapporteur, dont je salue le travail, il s’agit ainsi de responsabiliser les conseils municipaux dans la conduite de leurs projets d’investissement. Notre groupe y est très favorable.

La limitation de l’exonération à certains types de projets jugés plus structurants que d’autres n’est pas souhaitable ; nous regrettons donc cette évolution proposée en commission. En revanche, nous sommes favorables au ciblage des communes rurales qui ont le plus besoin d’aide.

Notre groupe soutiendra évidemment ce texte. Je vous promets, madame la ministre, que les maires des petites communes rurales de 250 habitants, voire moins, sont très précis dans leurs calculs, dans leur comptabilité et dans la gestion de leurs deniers personnels. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue la qualité du travail réalisé par les auteurs de cette proposition de loi, ainsi que par notre rapporteur Hussein Bourgi.

Les collectivités locales demeurent le moteur essentiel de l’investissement public local en France. Ce dynamisme d’investissement public local est d’autant plus salutaire que l’autonomie fiscale et financière de nos collectivités se délite, et que les emprunts souscrits dans des conditions de plus en plus contraignantes limitent leur capacité d’agir et d’investir.

Soutenir un projet d’investissement structurant, pour une commune de taille modeste, est d’une telle complexité que cela explique, en partie, le recours quasi systématique à des financements croisés.

Cette pratique de cofinancement, qui n’est pas sans inconvénient, a incité le législateur à en encadrer les modalités. La loi RCT de 2010 dispose ainsi que toute collectivité ou tout groupement de collectivités, qui est maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, doit en financer au moins 20 %. Au passage, je rappelle que ce même texte de loi supprime la clause générale de compétence des départements et des régions. Cela ne va pas sans poser des problèmes pour mobiliser au maximum les financements en faveur des collectivités les plus rurales. Certaines collectivités sont dans l’incapacité de pouvoir financer leurs projets.

En l’état du droit en vigueur, toute commune doit donc, indépendamment de sa santé financière, de sa population ou de sa localisation, appliquer cette règle des 20 %, à l’exception de certaines collectivités d’outre-mer ou hors circonstances particulières – je pense au régime de catastrophe naturelle, mais j’y reviendrai.

Si l’idée d’une participation minimale me paraît nécessaire, l’application d’un taux identique pour toute collectivité peut sembler inadaptée, voire incohérente, en fonction de la nature des projets et de leurs porteurs.

Notons tout de même – et le rapporteur Bourgi l’a rappelé – qu’il existe déjà un mécanisme de dérogation à la main des préfets de département. Néanmoins, cet outil reste rarement utilisé – une centaine de situations sur l’exercice 2023 – au regard notamment du champ de dérogation qui apparaît très restreint – il n’inclut pas la voirie, par exemple, qui est pourtant un sujet important et constitue l’investissement minimal pour les collectivités rurales les plus modestes.

La présente proposition de loi, qui tend à assouplir une des règles de cofinancement, va dans le bon sens, et ce d’autant plus que la commission des lois a adopté un amendement du rapporteur visant à mieux cibler les communes concernées et à responsabiliser ces dernières.

Il tend, d’une part, à préciser directement dans la loi que les bénéficiaires de cette mesure sont les communes de moins de 2 000 habitants. Nous pouvons débattre de ce critère, notamment en raison de l’effet de bord pour des communes juste au-dessous ou au-dessus de ce seuil, mais il a le mérite d’être clair.

Il tend, d’autre part, à prévoir, en lieu et place d’une exonération totale, une participation minimale de 5 %.

Au-delà de cet amendement, je partage l’avis du rapporteur, qui souhaite mieux cerner les communes et les dépenses éligibles à ce dispositif en encadrant le champ de la dérogation.

Les propositions – rappelées en début de séance – visant notamment à élargir le champ des dérogations aux projets pour la rénovation du patrimoine, en matière d’eau ou de rénovation thermique vont dans le bon sens.

Nous pourrions aussi nous appuyer sur les indicateurs économiques et financiers utilisés dans le cadre de la péréquation horizontale. Il paraissait également nécessaire d’introduire un critère relatif au potentiel financier, certaines communes rurales – même si c’est rare – pouvant être particulièrement riches. Il convenait de les distinguer des autres. À titre d’illustration, une commune contributrice au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) ne devrait pas être bénéficiaire du dispositif de participation minimale de 5 %.

La proposition qui a été formulée de rapporter le potentiel financier à la strate démographique et de ne retenir que les potentiels financiers inférieurs à deux fois cette moyenne me paraît aller dans le bon sens.

Quoi qu’il en soit, les mesures qui nous sont présentées aujourd’hui permettent de soutenir l’investissement de nos communes les plus rurales. C’est important, car, bien souvent, par défaut d’ingénierie, ces dernières n’accèdent pas aux financements classiques et ne peuvent pas bénéficier non plus des financements croisés alors qu’il s’agit de dossiers vitaux pour le bien-être et la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comme l’ont souligné tout à l’heure certains intervenants, en cas de calamité ou de catastrophe naturelles, le reste la charge peut aller jusqu’à zéro. Vous vous êtes rendue, madame la ministre, dans mon département des Hautes-Alpes à l’occasion des récentes catastrophes naturelles. Le zéro reste à charge demeure une énigme pour nos collectivités. Malgré l’affichage sur le profil des communes soumises au régime de catastrophe naturelle, les solutions ne sont pas trouvées par l’appareil d’État, les cofinanceurs et les assureurs pour parvenir à ce zéro reste à charge.

Si, demain, grâce à ce texte, nous parvenions à un autofinancement de 5 %, y compris pour les collectivités soumises au régime des catastrophes naturelles, nous ne pouvons que nous en féliciter !

Malgré les avancées proposées par M. le rapporteur et l’engagement relatif aux différents éléments de financement, une interrogation subsiste, madame la ministre, sur la capacité à mobiliser des financements complémentaires, qu’il s’agisse de la DETR, de la DSIL ou du fonds vert, pour atteindre cet objectif d’un reste à charge zéro, voire de 5 %.

Néanmoins, et malgré les difficultés que je viens de pointer, le groupe Union Centriste, toujours en soutien de nos collectivités rurales, votera en faveur de la proposition de loi, telle qu’elle a été et sera amendée par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)