Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement a souligné quelques difficultés relatives à l’application de la loi Engagement et proximité. Nous avons esquissé plusieurs propositions, notamment permettre une indemnisation, même symbolique, des conseillers municipaux sans délégation.

Les auteurs de la proposition de loi choisissent une autre voie. Nous ne nous opposerons pas à l’amendement n° 407 de la commission, mais il ne nous semble pas de nature à résoudre l’important problème soulevé par les élus locaux. Il faudra donc y revenir.

Je salue les avancées notables de la proposition de loi au sujet des conflits d’intérêts, notamment ceux entre deux intérêts publics, ou quant à la protection fonctionnelle des élus. Le Gouvernement s’est résolument engagé sur ces deux points ces derniers mois et son engagement trouve ici son aboutissement.

Nous proposerons d’aller plus loin que les auteurs de la proposition de loi en matière de prise en charge des frais de transport et des frais de garde, ainsi que pour rendre plus attractive l’allocation de fin de mandat, afin que cette dernière soit véritablement utilisée par les élus.

En ce qui concerne l’exercice des mandats des élus en situation de handicap, l’amendement du Gouvernement vise uniquement à ne pas légaliser le plafond de prise en charge actuellement fixé par voie réglementaire. Je m’engage à ce que ce plafond soit revalorisé sans attendre, afin que nous améliorions la prise en charge des frais de mandat de nos élus en situation de handicap et que nous rendions cette dernière très rapidement effective. C’est également pour cela que l’amendement n° 413 de la commission me semble recevable.

Par ailleurs, en vue de la transmission de ce texte à l’Assemblée nationale, nous travaillerons à supprimer les verrous qui empêchent les élus locaux de liquider leurs droits à la retraite au cours de leur mandat. En cohérence avec les règles de droit commun, les élus locaux pourront cumuler pension de retraite et indemnité d’élu, tout en continuant à se constituer des droits.

Enfin, ainsi que le Premier ministre l’a souhaité, nous avons déposé un amendement visant à garantir que tous les élus en situation de congé de maternité, de paternité ou d’adoption puissent bénéficier du maintien de leurs indemnités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en adoptant cette proposition de loi, vous poserez la première brique d’un travail qui sera nécessairement itératif.

S’inscrivant dans la continuité des lois adoptées sous les mandatures précédentes, ce texte nous permettra d’acter de nouvelles avancées sur le chemin de la mobilisation démocratique. C’est heureux, c’est même indispensable.

Néanmoins, je n’ignore pas le rôle qui est le mien et qui est le nôtre, au-delà de ces lois, pour rebâtir l’esprit civique dont la démocratie locale a tiré sa substance depuis 150 ans. C’est une tâche d’un autre ordre, qu’il faut poursuivre ensemble inlassablement, par tous les moyens qui se trouvent à notre disposition.

L’adoption de cette proposition de loi n’est donc pas une fin, c’est une très belle et nouvelle étape. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, oui, cette proposition de loi est attendue. De nombreux maires et élus expriment leur malaise face à la crise des vocations qui se profile à l’horizon de 2026, dans un contexte de montée des violences envers les élus locaux et, plus largement, de désengagement. En effet, dans de nombreux conseils municipaux, des démissions ont eu lieu depuis le renouvellement de 2020.

Aujourd’hui, plus que de la sécurité des élus, c’est de la crise de l’engagement qu’il est question dans cette proposition de loi. Cette crise menace les élections de 2026, tant par un renoncement à s’engager que par le découragement de ceux qui sont déjà engagés ; elle menace la vitalité de la commune, cellule de base de la République.

Cette proposition de loi est le fruit d’un travail transpartisan, qui, tel un fleuve, prend sa source dans la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, poursuit son cours grâce aux travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et, plus largement, à ceux, nombreux, de tous les groupes, pour déboucher ce soir en séance publique.

Je veux dire mon plaisir de voir consacrée la notion de statut de l’élu, que ma formation politique défend depuis plusieurs décennies. Créer un statut de l’élu, c’est tendre vers la possibilité démocratique pour tous les citoyens d’accéder à cette fonction, sans en constituer pour autant l’alpha et l’oméga.

De nombreux documents ont été produits sur le sujet, ici, au Sénat – j’ai déjà eu l’occasion d’en citer. Je salue les deux rapports d’information de M. Mathieu Darnaud : dans celui de 2018 intitulé Faciliter lexercice des mandats locaux : enjeux et perspectives, il proposait des pistes sur le régime indemnitaire, la formation et la reconversion ; dans celui de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France de 2023, il souhaitait non seulement redonner les moyens de transformer l’engagement en action, mais aussi faciliter l’exercice du mandat.

Je pense aussi à de nombreuses propositions et projets de loi. Le projet de loi Engagement et proximité visait à renforcer les droits des élus locaux. Vous me permettrez d’avoir une pensée pour M. Pierre-Yves Collombat, qui siégea au sein de notre groupe à la fin de son mandat ; sa proposition de loi créant un statut de l’élu communal donna lieu, ici même, à un débat de quatre heures.

Créer un statut de l’élu, c’est reconnaître le rôle incontournable des acteurs de la République et de la démocratie locale. Poser la question d’un statut de l’élu, c’est poser celle de la place des élus dans la société ; c’est aussi leur témoigner une reconnaissance collective, leur signifier qu’il ne peut y avoir de démocratie sans eux.

J’ai toujours défendu la notion de statut de l’élu. C’est grâce à ce statut que nous pouvons garantir à chaque citoyen le continuum de l’engagement, celui-là même qui permet de devenir, d’être et de ne plus être élu. Faciliter la formation, les disponibilités et le retour à l’emploi, sécuriser juridiquement les élus, revoir les indemnités : autant de sujets à régler si nous voulons, demain, que les élus soient acteurs et initiateurs des politiques locales.

Cette proposition de loi contient plusieurs axes, ce dont nous nous félicitons. Nous défendrons aussi l’exigence qu’il y a à assimiler l’élu au salarié protégé, car, oui, être élu demande de pouvoir être protégé. Quel que soit le nombre de salariés concernés, au regard de l’enjeu démocratique, un engagement fort du monde économique doit être acté. Nous voulons poursuivre le travail sur la protection fonctionnelle, qui se doit d’être plus efficace et plus rapide, pour mieux sécuriser l’élu. Enfin, il faudra compléter, sans les complexifier, les règles pour réduire la prise illégale d’intérêts.

Je conclurai par une remarque. Une centaine d’amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, leur objet ayant été considéré comme aggravant la charge publique.

Je ne sais si la démocratie locale est une charge, mais elle a bien un coût. Certes, les dictatures coûtent moins cher, mais ce n’est pas le modèle que nous défendons. Je ne rouvre donc pas ici le débat sur l’utilité de l’article 40 et sa remise en question. Cependant, sans réelle réflexion, nous n’avancerons pas.

Oui, les élus doivent être indemnisés, doivent voir leur engagement reconnu par des droits sociaux, doivent pouvoir mener leur mandat sans engager des dépenses personnelles, sauf à ne permettre qu’à certains, les plus riches, de devenir élus.

Plus qu’une question constitutionnelle sur l’article 40, c’est bel et bien une vision politique et, surtout, démocratique qui s’impose : permettre, oui ou non, à tous de devenir élus.

Au cours de la discussion des articles, nous donnerons notre avis sur un certain nombre de sujets. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, défiance des citoyens, multiplication des agressions et violences, difficultés des élus locaux à conjuguer leur mandat et leurs activités professionnelles, lourdeur et complexité administratives, difficultés à recruter… Ce diagnostic a été établi dans le cadre de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, qu’a présidée Mme Maryse Carrère, présidente du groupe RDSE, et dont M. Mathieu Darnaud a été le rapporteur.

Dans son rapport d’information du 5 juillet 2023 à l’intitulé sans ambages, Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires, on trouve le constat suivant : « La place du mandat municipal dans la vie civique locale semble connaître un reflux inquiétant. »

Je n’oublie pas non plus l’individualisme et les citoyens consommateurs de services publics, signes d’une véritable évolution des comportements, ainsi que le soulignent les élus de nos territoires.

Les chiffres illustrant ce phénomène ont fait la une des journaux. Au 10 mai 2023, à mi-mandat, 1 078 maires, parmi tous ceux qui avaient été élus en 2020, avaient déjà démissionné, soit plus de 3 % de l’effectif total des maires en à peine trois ans. C’est un niveau de démission sans précédent.

Corrélé aux chiffres de l’abstention grandissante, ce constat nous oblige à agir : il faut coconstruire les bases d’un statut de l’élu qui redonne une éthique aux différents mandats et qui facilite l’engagement.

En effet, pour envisager un statut de l’élu, le seul prisme des droits ne permet pas de répondre à tous les enjeux. C’est la raison pour laquelle, en 2018, avec notre ancien collègue M. Joël Labbé, j’ai déposé une proposition de loi relative au statut de l’élu et visant à renforcer les droits et les devoirs des élus et la participation à la vie démocratique.

Aujourd’hui encore, j’ai déposé un amendement ayant pour objet de faire en sorte que toute personne se portant candidate détienne obligatoirement un casier judiciaire vierge. C’est le moins que l’on puisse demander : c’est déjà obligatoire pour nos collaborateurs et pour près de 400 professions. J’espère que nous n’entrerons pas une nouvelle fois dans des débats sur l’anticonstitutionnalité d’une telle mesure… Votons-le, le Conseil constitutionnel tranchera !

Tout me semble lié : l’état de délabrement de la confiance dans la politique – la dernière enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) révèle un taux de défiance envers le Gouvernement et le Parlement de 70 % – crée un contexte agressif dont pâtissent les maires et les élus locaux, qui, dans ce même sondage, bénéficient pourtant de 60 % de confiance.

Le groupe RDSE a toujours eu à cœur d’avancer sur ce sujet. La plus récente initiative est la proposition de loi de Mme Nathalie Delattre visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression, texte définitivement adopté le 18 janvier 2023.

Éric Gold a aussi signé deux propositions de loi : un texte instaurant une majoration de trimestres pour la retraite des élus de communes de moins de 3 500 habitants, déposé le 27 janvier 2023, et un texte visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public, déposé le 1er octobre 2019.

Par ailleurs, le statut de l’élu étudiant – préconisation de ma proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne votée à l’unanimité du mois de novembre dernier – figure dans le texte examiné aujourd’hui. C’est pour moi une véritable satisfaction.

Ces dernières années, l’idée d’élaborer un statut de l’élu propre aux élus locaux est revenue comme un serpent de mer.

Rappelons que le concept de statut, en droit, vise l’ensemble des dispositions qui régissent à la fois l’entrée en fonction, l’exercice et les conditions de sortie du mandat.

Les élus locaux bénéficient déjà d’une forme de statut juridique, dans la mesure où l’ensemble des règles visées par le concept de statut existent déjà.

Les nombreuses propositions de loi reflètent bien le mal-être des élus locaux, mais surtout le fait que ce statut souffre d’un défaut : il ne rend pas compte de la spécificité de la fonction élective locale. Cette particularité serait de nature à déboucher sur la création d’un code de la fonction élective, par mimétisme avec le code de la fonction publique.

De ce point de vue, cette proposition de loi reste insuffisante. Il faut cependant remercier ses auteurs, Mme Françoise Gatel et ses collègues, qui font véritablement avancer le sujet. Loin de créer un authentique et innovant statut de l’élu local, elle offre plutôt une série de mesures qui améliorent les conditions d’exercice des mandats électifs locaux et complètent les autres textes.

Nous y retrouvons les cinq axes d’action incontournables : le régime indemnitaire, l’amélioration des conditions d’exercice du mandat, la facilitation de l’exercice d’une activité professionnelle, la sécurisation de l’exercice, enfin, la facilitation de la sortie du mandat.

Sur le fond, ces mesures sont attendues et nécessaires ; sur la forme, en revanche, la promesse d’un véritable statut n’est pas tout à fait tenue. D’autres véhicules législatifs devront demain constituer un véritable statut, qui sécurise réellement l’élu local.

Comme le dit une maire du département dont je suis élu, n’oublions jamais que les maires et les élus locaux sont de véritables amortisseurs sociaux. Sans eux, la marmite aurait, sans doute, déjà explosé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun le sait au sein de cet hémicycle, beaucoup d’élus locaux, en particulier des maires, sont tout simplement au bout du rouleau.

Les causes de cette situation sont multiples.

Premièrement, les relations entre les autorités municipales et les administrés sont de plus en plus complexes. Nous assistons bien souvent à une transformation du rapport entre les citoyens et les élus en une relation entre clients et prestataires. La relation est également devenue plus distante. La perte de l’instruction et de la délivrance des documents d’identité, pour l’immense majorité de communes, en est sans doute l’illustration la plus forte. La relation est également plus juridique, avec davantage de contentieux. Enfin, l’augmentation du nombre d’agressions à l’égard des élus vient dramatiquement compléter le tableau.

Deuxièmement, la complexification croissante de l’action publique locale décourage même les meilleures volontés. Les difficultés grandissantes à s’entourer d’agents pour accompagner les élus dans la gestion de cette complexité constituent également un facteur de doute supplémentaire pour nombre de maires.

Troisièmement, quelle place avons-nous laissée aux élus municipaux dans le système public local ? Certes, la loi Engagement et proximité a essayé de rééquilibrer le rôle des communes et des maires au sein des intercommunalités, mais nous sommes encore très loin du compte ! Combien de fois entendons-nous dans nos communes, notamment dans les plus petites d’entre elles, la lassitude des maires, qui doivent concentrer une part significative de leur activité sur les conflits de voisinage ou à la recherche des animaux errants ? Les compétences valorisantes s’exercent ailleurs, souvent sans leur concours.

Quatrièmement – enfin, nous y sommes –, le statut de l’élu local ne reconnaît pas à sa juste valeur l’engagement des femmes et des hommes qui consacrent leur temps à l’intérêt général et à faire vivre la République dans nos territoires.

Oui, cette proposition de loi est la bienvenue. Elle a recueilli, de manière transpartisane, un très large consensus et nous permettra, j’en suis certain, d’améliorer concrètement la situation actuelle.

Je tiens à remercier tout particulièrement nos trois rapporteurs, mais également la délégation sénatoriale aux collectivités locales et à la décentralisation, de ce travail de grande qualité, accompli dans des délais forts contraints.

J’aurais souhaité que nous puissions aller encore plus loin, au moment où nombre de maires s’interrogent sur leur éventuelle candidature aux prochaines élections municipales de 2026. Malheureusement, l’irrecevabilité financière de l’article 40 de la Constitution a bien souvent été dégainée.

Aux élus qui ne voudront plus se représenter en 2026 pourrons-nous également opposer une irrecevabilité financière ? Si nous n’avons pas de candidat, il nous faudra bien assumer des dépenses supplémentaires, et ce de manière certaine ! En effet, le temps de l’élu local est celui qui, à l’évidence, coûte le moins cher à l’État. Alors, motivons, soutenons cet engagement dans l’intérêt même des finances publiques, avant que ce modèle d’engagement ne s’écroule complètement.

Dans cette perspective, ce texte prévoit d’améliorer la situation en matière indemnitaire. C’est une bonne chose, qui doit cependant s’accompagner d’une hausse significative de la DPEL ; cette hausse doit non seulement permettre un meilleur soutien aux communes, mais également élargir le nombre de communes éligibles. Il y aurait une forme d’hypocrisie à augmenter les montants légaux, alors que nous savons pertinemment que nombre de communes n’ont pas les moyens d’assumer seules cette nouvelle charge, y compris des communes de plus de 1 000 habitants, qui, aujourd’hui, ne sont pas éligibles à la DPEL.

Nous connaissons déjà l’effort consenti par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, avec une augmentation de 15 millions d’euros de la DPEL. Cet effort n’est toutefois pas encore suffisant ; il est nécessaire de définir, sur plusieurs années, une trajectoire d’évolution de cette dotation, pour qu’elle permette aux maires de percevoir les indemnités auxquelles ils peuvent légitimement prétendre.

L’indemnité ne fait cependant pas tout. Il est nécessaire de prendre mieux en compte l’engagement électif dans le calcul des retraites. Le groupe RDPI y est résolument favorable, comme il est favorable à l’aménagement des frais de transport ou de garde d’enfant.

Deux points me paraissent encore devoir être soulignés.

Les dispositions proposées visant à assurer une meilleure conciliation entre mandat et vie professionnelle ou mandat et études vont dans le bon sens. Il faut cependant bien reconnaître que nous sommes collectivement en panne pour trouver des solutions afin de mieux accompagner les chefs d’entreprise, artisans, commerçants ou autoentrepreneurs dans leur prise de responsabilités électives. Les mesures proposées pour mieux concilier mandat électif et vie personnelle sont à souligner, notamment celles qui concernent le congé de maternité, de paternité ou d’adoption. L’évidence entre enfin dans le droit.

Les enjeux liés à la fin du mandat sont eux aussi fondamentaux. En effet, comment susciter des vocations si les candidats ne sont pas convaincus qu’après leur mandat ils pourront reprendre pleinement une activité professionnelle sans être pénalisés ? Les démarches de validation des acquis de l’expérience doivent être valorisées.

Madame la ministre, je pense également qu’il y a beaucoup à faire dans la fonction publique, notamment dans la fonction publique d’État, pour laquelle le Gouvernement peut très largement agir par voie de circulaire – tout ne passe pas forcément par la loi. Un élu local, qui a par exemple été placé en position de détachement ou de disponibilité pendant son ou ses mandats, se retrouve, au moment du retour dans son administration, souvent renvoyé au niveau fonctionnel qui était le sien au moment de son élection. Par voie de circulaire et dans la perspective de 2026, il me paraît important que la Gouvernement demande à son administration d’organiser de manière particulière le retour de ces agents. Il faut anticiper ces situations. L’administration ne peut ignorer, comme elle le fait encore trop souvent aujourd’hui, l’engagement pour l’intérêt général qui a été celui de ses propres agents.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi, en ayant la conviction qu’elle améliorera la situation actuelle sans pour autant épuiser le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, élaboré dans des circonstances exceptionnelles, vise à répondre à une crise démocratique, mais également à une crise de représentativité. Oui, permettre à quiconque, indépendamment de ses origines sociales, de sa profession et de son âge, de se porter candidat à une élection politique est une exigence démocratique.

Cette proposition de loi transpartisane ne peut être plus appropriée qu’à notre chambre, celle des territoires. Je tiens à saluer l’initiative préalable de nos collègues Éric Kerrouche et Didier Marie, qui ont déposé au mois de juin dernier une proposition de loi visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux.

Néanmoins, cette proposition de loi nous donne aujourd’hui l’occasion de créer enfin un vrai statut de l’élu et d’améliorer de manière générale les conditions d’exercice des mandats locaux. En cela, ce texte marque une étape dans notre quête pour renforcer la démocratie locale et reconnaître le rôle indispensable que jouent les élus territoriaux. Face au désengagement de l’État dans nos territoires, prenons des décisions allant dans le sens du républicanisme décentralisé dont nous sommes ici les héritiers.

Au 31 janvier 2024, plus de 4 % des maires élus lors des élections municipales de mars et juin 2020 avaient renoncé à leur mandat. En Indre-et-Loire, au premier semestre 2023, 115 élus avaient démissionné. Cette crise des vocations menace le cœur même de notre système démocratique, là où il est le plus vivant, le plus proche de nos concitoyens, c’est-à-dire à l’échelon territorial. Cette vocation, nous la vivons, ici, toutes et tous.

Nous devons reconnaître que cette proposition de loi couvre un large périmètre : l’encouragement de l’engagement local, l’amélioration du régime indemnitaire et des conditions d’exercice du mandat, sans oublier la sortie du mandat, étape marquante dans la vie d’un élu.

Je me réjouis sincèrement des discussions relatives à l’indemnité de fonction de l’élu. La multiplication des missions attribuées aux maires et la complexification de leur action se devaient d’être mieux reconnues. Néanmoins, nous persistons : l’approche uniforme de l’augmentation de l’indemnité de fonction nous semble définitivement moins pertinente qu’une augmentation spécifique, en fonction de la strate de population de la commune.

La suppression de la délibération préalable relative aux indemnités de fonction et l’extension du principe de fixation des indemnités des maires aux adjoints et à l’exécutif des départements et des régions sont grandement bienvenues. Ces mesures vont dans le sens de la juste reconnaissance de l’engagement local. Il en est de même pour la modification du mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale.

La retraite des élus locaux est un sujet sensible, depuis de nombreuses années. La bonification d’un trimestre par mandat complet, dans la limite de huit trimestres, est une avancée notable, mais reste peu ambitieuse et se limite aux seuls membres des exécutifs locaux.

En effet, le régime de retraite des élus locaux peut être un obstacle majeur pour l’engagement local. Par exemple, cotiser à l’Ircantec (institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques) bloque l’accès à une retraite progressive et entrave l’accès au minimum contributif pour de nombreux élus. Il est crucial d’exclure le régime Ircantec des autres régimes de retraite, afin d’assurer une retraite adéquate pour les élus. Nous demandons un rapport.

Nous devons être conscients que cette revalorisation doit s’accompagner d’un soutien accru aux élus, que ce soit dans leur gestion des responsabilités comme dans la conciliation entre mandat et vie personnelle.

Au risque de me répéter, sur ce point, je réaffirme que les discussions sont allées dans le bon sens, de la prise en charge des frais de transport et des frais de représentation à la flexibilité des absences, en passant par la formation des élus.

Il va sans dire que nous regrettons que, en dépit de son titre, ce texte n’aille pas assez loin sur le statut des élus. Nous pensons au statut de salarié protégé, proposé par nos collègues MM. Éric Kerrouche et Didier Marie, qui garantissait qu’un salarié ne puisse faire l’objet d’une mesure de licenciement ou de rupture de contrat au seul motif qu’il exercerait des fonctions électives.

Enfin, nous pensons évidemment à la maire de Poitiers, qui a dû faire le choix de cesser temporairement d’exercer ses fonctions pour bénéficier pleinement de son congé de maternité et qui a ainsi vu ses revenus financiers diminuer. Cette situation n’est pas tolérable. Tout élu local qui cesse temporairement d’exercer ses fonctions pour accueillir un enfant dans le cadre d’un congé de maternité, de paternité ou d’adoption doit pouvoir continuer à percevoir ses indemnités de fonction.

Nous voterons en faveur de ce texte, mais non sans la ferme conviction que notre travail ne s’arrête pas aujourd’hui. Ce texte n’est pas un aboutissement, c’est un commencement, qui témoigne de l’engagement renouvelé du Sénat envers nos élus locaux, envers nos territoires, envers la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, naturellement, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Je n’entrerai pas dans les détails de ce texte, que tous ont appelé avant moi : il s’agit d’améliorer la situation indemnitaire, la capacité à s’engager dans la vie publique, la réinsertion post-mandat, les retraites… Finalement, avec tout le respect que j’ai pour tous ceux qui ont élaboré ce texte, je considère que tous ces éléments sont en discussion ou ont progressivement émané des rapports d’information du Sénat et d’un certain nombre de textes depuis vingt-cinq ans.

Cependant, madame la ministre, il y a un autre sujet… Si des milliers d’élus veulent mettre fin à leur mandat, ce n’est pas uniquement parce que leur indemnité n’est pas suffisante. Il y a autre chose… (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)